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La CGT en 2002

samedi 14 novembre 2009

46ème congrès de la CGT : offres de services

août 2002

"En trois ans (...), M. Viannet aura fait en sorte que la CGT s’autonomise par rapport au PCF, amorce un virage européen, s’engage dans les négociations sur les 35 heures et se rapproche de la CFDT ; par un ultime coup de pouce, il s’est dit prêt, en novembre, à ’juger sur pièces’ un projet de fonds de pension, levant un verrou supplémentaire pour son successeur", expliquait Le Monde du 2 février.

Jusqu’à Ernest-Antoine Seillière, le dirigeant du MEDEF (ex CNPF), qui s’est félicité de "l’attitude moins systématiquement contestataire et plus ouverte" des dirigeants de la CGT.

En fait d’autonomie par rapport au PC, le projet de la direction de la CGT est parallèle à celui de la direction du Parti Communiste : c’est ce qu’a très clairement exprimé Robert Hue en relevant, à propos du dernier congrès de la CGT, "la forte concomitance" entre l’évolution de la CGT et celle du PCF, tous deux engagés dans "une démarche commune d’ouverture". Thibault prône les vertus d’un "syndicalisme de proposition" (au patronat) de la même façon que Robert Hue veut que son parti soit une "force de proposition" au sein du gouvernement. L’idylle Thibault-Notat dans une même orientation de collaboration de classe, n’est jamais que le pendant de l’alliance PC-PS dans la "gauche plurielle" gouvernementale.
Les gages donnés par la CGT

Le 46ème congrès de la CGT a été l’occasion de faire des gestes en direction du patronat. Ce n’étaient pas les premiers. Le congrès précédent avait entériné la suppression des statuts de la CGT de toute référence à la lutte de classe. Il ne s’agissait plus, il est vrai, que d’une référence toute formelle, mais les symboles servent à annoncer la couleur.

L’arrivée, inespérée, au gouvernement de la "gauche plurielle" en 1997 s’est révélée une occasion pour la CGT de tenter de rattraper le temps perdu. Qu’attendent le patronat et le gouvernement de la CGT dans la période qui vient ? Des engagements dans des directions toutes balisées : l’annualisation et la flexibilité, la mise au rancart des conventions collectives, l’extension du travail précaire dans la fonction publique après sa généralisation dans le secteur privé, les privatisations à tout va, la diminution des retraites et l’institutionnalisation des fonds de pension.

Sur l’annualisation et la flexibilité, la CGT a déjà multiplié les gages, en ayant signé à ce jour plus de 20 % des accords. Au congrès, Maryse Dumas comme Bernard Thibault ont évoqué les "propositions" de la CGT concernant la rédaction de la future loi sur les 35 heures, en se gardant de s’opposer à l’annualisation – Maryse Dumas tenant même à s’incliner devant le fait accompli.

Pour ce qui est de la Fonction publique, Christian Laroze, secrétaire de la fédération CGT du Textile, a annoncé de la tribune du congrès (cité par Le Monde du 6 février) les intentions de la CGT : "les salariés du public vont bientôt découvrir, avec les 35 heures, la flexibilité intense telle qu’on la subit, dans l’industrie, depuis dix ans. (...) Pendant qu’ils géraient les évolutions de carrière et les augmentations salariales, nous subissions, nous, les licenciements massifs et les délocalisations. Aujourd’hui, ils espèrent avoir les 35 heures sans perte de salaire et sans flexibilité. Faut pas rêver !" Voilà le gouvernement prévenu lorsqu’il décidera d’engager les batailles déjà annoncées par la publication du rapport sur le temps de travail dans la Fonction publique.

En ligne de mire, la question du mode de calcul de la retraite des fonctionnaires et le dégagement des capitaux considérables représentés par ces retraites actuellement gérées par la Caisse des dépôts et consignations. Mais, là-dessus, les déclarations de Viannet sur les fonds de pension valent pratiquement engagement de la part de la CGT.
Quelles contreparties la CGT peut-elle espérer ?

Un renforcement de l’appareil, des moyens supplémentaires mis à sa disposition, à l’exemple, rêvent les confédérations françaises, des appareils syndicaux allemands ou britanniques.

Bernard Thibault n’a pas manqué de faire valoir que l’affaiblissement des syndicats n’était pas une bonne chose pour le patronat et le gouvernement en rappelant les "coordinations" de 1986, lors de la grève des cheminots. En d’autres termes, il réclame des moyens pour pouvoir s’opposer efficacement aux explosions de colère des travailleurs et contrer sans risque les militants qui tenteraient de proposer aux travailleurs des modes d’organisation démocratiques leur permettant de contrôler leurs propres luttes, militants issus des rangs de l’extrême gauche ou de la CGT elle-même.

Au milieu des années 1980, l’espoir de supplanter l’influence du Parti Communiste dans la classe ouvrière a été caressé par quelques dirigeants socialistes aspirant à la création d’une social-démocratie française appuyée sur un grand syndicat "réformiste". Si cette tentative a échoué de l’extérieur du Parti Communiste, il n’est pas dit qu’elle soit vouée à l’échec à tout jamais. En particulier si elle vient "de l’intérieur" en quelque sorte, et c’est la question une nouvelle fois posée de la social démocratisation du Parti Communiste, entamée depuis longtemps et toujours pas achevée. En tout cas, la liste "plurielle" conduite par Robert Hue comme l’orientation adoptée au dernier congrès CGT sont des gestes dans ce sens-là.
Les jeux ne sont pas faits

Depuis 1981, les militants ouvriers du Parti Communiste, en général militants de la CGT, ont dû avaler tant de couleuvres que nombre d’entre eux s’ils n’ont pas laissé tomber le parti se sont en tout cas réfugiés dans l’activité syndicale où ils avaient le sentiment de pouvoir donner libre cours à leurs sentiments anticapitalistes. Ce sont eux que, bien souvent, on a vu s’exprimer dans les documents préparatoires du congrès. Ce sont eux que le congrès a sinon toujours bâillonnés, du moins largement filtrés.

Mais obtenir ce qu’on veut d’un congrès sur-mesure est une chose. Réussir à l’imposer à de nombreux militants chevronnés en est une autre. Cela ne se fera probablement pas sans vagues. D’autant que, dans les mois qui viennent, le patronat et le gouvernement vont venir réclamer à la direction de la CGT les compromissions que celle-ci leur a laissé entrevoir, avant même de lui donner quoi que ce soit en échange, sans même qu’il soit sûr qu’ils lui donneront jamais quoi que ce soit.

Il est à souhaiter que les vagues que les Thibault vont créer à la CGT les emportent... En tout cas, dans cette période, il sera important que les révolutionnaires trouvent un terrain commun avec tous ces militants cégétistes qui vont être en butte au "recentrage" de leur organisation. Cela peut passer par la mise en avant à l’intérieur de la CGT d’un programme de luttes à l’exact opposé des abandons de la direction de la confédération.

Jean-Jacques FRANQUIER

Fraction de LO

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