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Répondre à Bernard Thibaut ....

mercredi 11 novembre 2009

Un candidat d’opposition - Jean-Paul Delannoy, métallurgiste du Nord - va se présenter contre le secrétaire général sortant. N’est-ce pas le signe que le mécontentement grandit ?

C’est une candidature individuelle, elle n’a pas été présentée suivant les règles statutaires, elle ne sera donc pas prise en compte. Jean-Paul Delannoy veut incarner une autre orientation pour la CGT. Ce débat sera réglé au congrès. Contrairement à lui, je suis persuadé que les salariés n’ont aucun doute sur la CGT, sa démarche, ses analyses et ses revendications. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi nous avons été les seuls à progresser aux dernières élections prud’homales (décembre 2008).

Les mots durs à votre égard du leader CGT de Continental, Xavier Mathieu, cet été, ont montré qu’il existait des impatiences, des doutes ...

Si les travailleurs doutaient de la CGT, il n’y aurait pas ce niveau d’attentes et d’exigences à notre égard. Il n’y a pas de divergence d’appréciation entre nous sur les impasses que génère le capitalisme. La question n’est pas de savoir si la CGT est ou n’est pas anticapitaliste : la CGT "combat l’exploitation capitaliste ". C’est dans l’article 1 de nos statuts et ils n’ont pas changé. Ce que veulent les salariés, c’est un syndicat utile pour améliorer leur sort ici et maintenant. Un syndicat composé d’une avant-garde éclairée serait marginalisé par la grande majorité des salariés et donc inefficace.

On vous reproche d’avoir transformé la CGT en un syndicat réformiste. Revendiquez-vous cette évolution ?

La puissance de la CGT doit être mise à profit pour accrocher des avancées sociales, même partielles. C’est cela que les salariés attendent de nous. A la création de la CGT, l’objectif était bien de modifier le rapport de forces entre salariés et employeurs, en forçant à la négociation. Parmi les critiques, nous entendons que la négociation avec le chef de l’Etat et le gouvernement serait par principe impossible. Cela signifie-t-il qu’il faut attendre un changement politique ou de société pour que les négociations soient envisageables ?

Notre objectif est d’être utile en toutes circonstances, sans ignorer que le contexte politique influe évidemment sur la possibilité d’être entendu. Parmi ceux qui critiquent les orientations actuelles de la CGT, certains sont en fait en mal de perspectives politiques et demandent au syndicat de combler ce manque. Quant au réformisme, c’est un débat philosophique vieux comme le syndicalisme. Classer les syndicats, les militants de la CGT est d’abord source de division. Ceux qui font signer une pétition ou qui occupent une entreprise ne se posent pas la question de savoir s’ils sont réformistes ou révolutionnaire : ils travaillent à la mobilisation.

Le "compromis" n’est plus un gros mot à la CGT ?

Compromis ne veut pas dire compromission. Il reflète un rapport de forces à un moment donné. Tout syndicaliste doit être à même d’apprécier, à l’issue d’une négociation, si le résultat améliore ou non la situation des salariés. Xavier Mathieu a signé un compromis dans son entreprise.

Certains de vos opposants craignent que la CGT ne devienne une CFDT bis...

Où serait l’intérêt pour la CGT à copier les méthodes, les objectifs de la CFDT qui, elle, a reculé aux élections prud’homales ? Je remarque aussi qu’un discours très vindicatif, comme celui de Force ouvrière, lorsqu’il n’est pas conforme aux actes, fait perdre en influence. La différence principale avec la CFDT tient au degré de critiques à l’encontre du système capitaliste. La CFDT, au fil des ans, a remisé au second plan son ambition de transformation de la société .Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des choses à faire ensemble comme avec l’ensemble des syndicats.

Vous aviez critiqué le NPA et Olivier Besancenot pour leur ingérence dans le débat sur la stratégie syndicale. D’autres partis, comme le PCF, se permettent aussi des commentaires. Comment réagissez-vous ?

Que des responsables politiques s’intéressent à la stratégie des syndicats, pourquoi pas. La CGT est un objet public qui fait partie de l’identité nationale. Peut-être parce que c’est elle qui donne le la au syndicalisme français. Autre chose est que des partis prétendent dicter ce qui doit être notre ligne de conduite syndicale. Depuis que l’on a eu une rencontre avec le NPA, il y a moins de déclarations de sa part sur ce sujet. Le PCF respecte l’indépendance syndicale dans le dialogue nécessaire entre syndicats et partis politiques.

Avec un peu plus de 650 000 adhérents, vous êtes loin du million, objectif fixé voici deux congrès. N’est-ce pas un échec ?

C’est un échec. On atteindra peut-être les 45 000 adhésions pour cette année lors du congrès. Mais ce rythme n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pour améliorer leurs conditions, les salariés doivent être organisés, il n’y a pas d’alternative. La question des libertés syndicales reste récurrente : le patronat ne veut pas que le syndicalisme se développe dans les entreprises. La CGT a aussi une responsabilité. Nous sommes implantés dans les secteurs où l’emploi recule et absents des secteurs où l’emploi se développe. J’espère que ce constat occupera une place centrale au congrès pour faire évoluer nos structures.

Les suicides sur le lieu de travail se sont multipliés. N’est-ce pas un constat d’échec pour le syndicalisme ?

On ne peut pas tout mettre sur le dos du syndicalisme. La longue dégradation des conditions au travail est d’abord la conséquence d’une course à la productivité et d’une dévalorisation du travail et des travailleurs. Mais il faut probablement mieux articuler revendications collectives et prise en charge des situations individuelles.

Pourquoi refusez vous de participer au débat sur l’emprunt ?

On va faire payer aux contribuables le fait que les entreprises ont accumulé un retard d’investissement parce qu’elles ont privilégié leurs actionnaires . Il faut savoir ne pas perdre son temps . En plus, Nicolas Sarkozy a déjà tout décidé.
Propos recueillis par Rémi Barroux

Messages

  • En 2009, avec ses journées de protestation si bien étalées dans le temps a réussi, avec les autres syndicalistes responsables, à épuiser la combattivité ouvrière que la crise avait ravivée. Cette façon de combattre l’exploitation ne peut que ravir les patrons. Or tout le monde sait que les patrons donnent du travail : quel beau cadeau ! gratos, en plus ! ils ne nous font pas payer pour travailler ! ils sont le sel de la terre ! Merci patrons ! Merci Bernard !

  • Il n’est pas possible de changer l’orientation de fond d’un syndicat juste en changeant un dirigeant. les groupes d’extrême gauche qui font croire cela ne font pas avancer la conscience ouvrière.

    Cette politique ne date pas d’hier. Ce que nous écrivions déjà en 2004 sur la politique de Bernard Thibaut, ce qui n’a rien à voir avec sa personne dont nous ne nous préoccupons nullement.

    En voulant « contourner l’influence de la CGT », la direction de Perrier « a échoué », explique Bernard Thibault dans les colonnes de L’Humanité du 4 octobre. « Notre attitude a contraint la direction de l’entreprise à s’engager sur des investissements et à revoir le niveau d’embauche pour compenser partiellement les départs ». Façon de faire de pauvreté vertu et d’un recul une subtile tactique.

    Car la direction de Nestlé Waters France, qui possède Perrier, Vittel et Contrex, a malheureusement bel et bien réussi son chantage à la mise en vente des usines, voire à la fermeture totale de celle des eaux Perrier à Vergèze, dans le Gard. Elle a fini par obtenir ce qu’elle voulait : l’acceptation ou la résignation des syndicats à son plan de suppressions d’emplois : 1047 départs en préretraite, sur les 4100 salariés du groupe pour seulement 276 embauches promises. Les salariés restants n’ont aucune garantie sur la suite : une partie des activités sera sous-traitée, quant aux investissements promis par Nestlé, notamment pour moderniser le site de Vergèze, ils sont, explique la direction, conditionnés par « l’amélioration des performances et de la compétitivité industrielle » que devrait permettre la réduction d’effectifs prévue. De nouveaux chantages en perspective pour exiger des ouvriers restants l’accroissement du rendement.

    Les syndicats CFDT et CGC s’étaient empressés de céder, en donnant dès juillet leur accord au plan de la direction. Mais la CGT avait refusé de jouer le jeu. Syndicat majoritaire, elle faisait usage de son « droit d’opposition » pour bloquer la mise en application de l’accord signé entre la direction et les autres syndicats. Nestlé a alors multiplié les pressions sur elle et continué à menacer de fermeture, tablant, avec l’appui des organisations syndicales signataires, sur les craintes d’une partie des salariés de tout perdre et l’espoir, pour ceux qui en avaient l’âge, de pouvoir partir en préretraite avant qu’il ne soit trop tard.

    Lorsque Bernard Thibault a fait sa rentrée sociale à Arles, le 13 septembre dans l’entreprise Lustucru occupée, les syndicalistes CGT des autres entreprises de la région menacées de plans de licenciements, Nestlé à Marseille, Thé l’Éléphant en banlieue marseillaise et bien entendu Perrier, s’étaient déplacés. « Sur un ton plus ou moins dur », écrit Le Monde, « les délégations présentes demandaient toutes à Bernard Thibault la préparation de luttes interprofessionnelles ». En guise de réponse, le secrétaire de la CGT s’est contenté d’évoquer les inquiétudes des salariés, les difficultés de mobilisation, promettant de consulter les militants.

    Mais ce n’est pas vers la lutte que la direction confédérale s’est orientée : elle n’a pas fait de la riposte contre le chantage à l’emploi brandi par Nestlé pour imposer ses licenciements, après Bosch et Doux pour imposer l’augmentation des horaires, un objectif de mobilisation pour l’ensemble de la CGT. Certes, les mobilisations sociales ne sont pas faciles. (La politique des directions syndicales, notamment face aux attaques contre les retraites et la Sécurité sociale, n’est pas pour rien dans une certaine démoralisation de la classe ouvrière et d’une partie de ses militants). Mais ce n’est pas une raison.

    C’est du côté de Bercy, par-dessus la tête des militants de Perrier, et même contre les dirigeants de la Fédération CGT de l’Agroalimentaire, selon Le Monde, que Thibault a cherché une issue à la crise, en réalité la reddition de la CGT. Cela s’est négocié entre lui, la direction de Nestlé Waters France et le ministre des finances et de l’industrie Sarkozy, qui s’est fait le malin plaisir de jouer l’arbitre.

    À peine la CGT avait-elle annoncé, le 27 septembre, qu’elle allait retirer son veto, que la direction de Nestlé montait les enchères. Ce n’était pas suffisant, il fallait que la CGT signe le plan. Les gros yeux de Sarkozy à la direction de Nestlé ont suffit à faire rentrer les choses dans l’ordre. Dans l’ordre patronal. Car Nestlé ne s’engage à rien.

    Mais explique Thibault, le conflit Perrier « a eu le mérite de révéler au grand jour l’inefficacité des règles de la négociation sociale. Dès lors que le législateur a conçu le dialogue autour du droit de s’opposer et non autour du droit de négocier ».

    Le droit d’opposition des organisations syndicales majoritaires, instauré par la loi Fillon du 4 mai 2004 (Loi sur la formation professionnelle et le dialogue social), n’existait pas sous le gouvernement Jospin. Ce qui avait bien arrangé patronat et gouvernement pour l’application de la loi Aubry, où la signature d’un seul syndicat suffisait à donner à un accord force de loi. Le nouveau droit devait au moins, affirmait la CGT dans une fiche destinée à ses militants, permettre « aux organisations ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections professionnelles d’anéantir un mauvais accord ». Ce droit, elle l’avait réclamé à cors et à cris, considérant comme inacceptable que la CGT puisse être contournée par des accords minoritaires. Et voilà qu’à sa première application, c’est elle-même qui y renonce !

    À l’heure où le patronat multiplie les chantages aux fermetures et délocalisations pour imposer licenciements, augmentations d’horaires, blocages, voire baisses de salaires, ce qui se passait à Perrier, une entreprise où la CGT est très largement majoritaire et manifestait depuis le début de l’été une certaine fermeté, attirait l’attention de bien des militants syndicaux du pays et de salariés des autres entreprises (particulièrement celles de la région) en butte à des « restructurations ». Et de la part de la confédération CGT, le renoncement décidé après marchandage sous l’égide de Sarkozy est un exemple déplorable.

    Cela n’empêchera pas les travailleurs en butte aux attaques et aux chantages patronaux de se battre. Mais avec un Thibault comme avec un Chérèque, ils savent sur qui ils ne pourront pas compter.

  • je suis de ceux qui critiquent la direction de la CGT , et de ce fait Thibault également . et cela depuis quelques congrès , car quand même la dérive réformiste de la CGT ne date pas d’aujourd’hui . c’est la raison pour laquelle pour ma part je ne personnalise pas , car THibault et l’ensemble de la direction syndicale de la CGT , ne sont que les reflets de l’abandon de la position de classe voulu par les congrès successifs , avec bien entendu toutes les conséquences qui en découlent . nous allons rentrer dans la préparation du congrès , c’est l’occasion pour la base d’éxiger que la CGT redevienne dans ses orientations un syndicat sur des positions de lutte des classes . et puis il faut sortir de la CES , qui est une organisation de collaboration de classe , qui met tout en œuvre avec l’impérialisme européen pour sauvegarder idéologiquement le système capitaliste . ce qui n’empêche pas d’avoir des contacts et des relations de luttes avec certains syndicats d’autres pays européens . ce sont des batailles idéologiques qui devraient être engagées par la base . dans tous les cas ça ne peut relever du spontanéisme , mais d’une organisation sur des bases idéologiques , et là ce n’est pas gagné , tout en considérant que le contexte politique actuel est quand même un bon point d’appuis . sam 82 .

    • Bonjour Sam82,

      tu parle de 2 choses qui me questionnent à propos des syndicats :
      1)les positions lutte de classe et 2)la collaboration de classe.

      Si tu as lu quelques articles sur notre site à propos de ce sujet, tu as pu voir qu’il y avait une multitude d’opinion quand on parle précisément de la lutte de classes et des organisations ouvrières.

      Peux tu développer ce que tu veux dire pour les points 1) et 2) ?

      Max

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