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Guinée Conakry : dictature militaire ou politiciens bourgeois corrompus, ce n’est une fatalité que tant que les travailleurs ne prennent pas le pouvoir

mardi 6 janvier 2009, par Robert Paris

Avant d’étudier la signification du dernier coup d’Etat, il faut rappeler les événements de 2007 dans lesquels la classe ouvrière avait joué un rôle sans pour autant aller jusqu’au bout faut d’une organisation véritablement aux côtés des travailleurs

Grève générale en Guinée

À bas Conté et son gouvernement soutenu par l’impérialisme français !

Débutée le 10 janvier 2007, la grève générale des travailleurs et de la jeunesse de Guinée est suivie massivement à Conakry et dans les principales villes. Annoncée le 2 janvier par les deux principales centrales syndicales, l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG) et la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), la grève est aujourd’hui déclarée « illégale » par le pouvoir du président-colonel Lansana Conté, à la tête du pays depuis son coup d’État en 1984 et maintenu à coups d’élections frauduleuses, de massacres d’opposants et de détournement de fonds. Depuis le 17 janvier, toute manifestation sur la voie publique est attaquée par la police et l’armée qui ont fait, à ce jour, au moins 40 morts et des dizaines de blessés. Dans plusieurs villes, des responsables syndicaux et des manifestants ont été arrêtés. Contre une jeunesse révoltée par le despotisme de Conté et la misère, les forces de l’ordre tirent à balles réelles pour disperser les manifestants, toujours plus nombreux malgré la répression.

La grève générale contre le pouvoir et la misère capitalistes

Le déclenchement de la grève générale fut le résultat d’un nouvel épisode de la corruption de la classe capitaliste. Le 16 décembre 2006, c’est le président Conté lui-même qui vint ouvrir les portes de la prison centrale de Conakry où étaient enfermés deux de ses proches pour détournement de fonds de la Banque centrale du pays. Le premier, Mamadou Sylla, ancien patron des patrons de Guinée, PDG de Futurelec Holding et première fortune du pays, avait été reconnu coupable du vol de 2 millions d’euros. Le second, Fodé Soumah, ancien président de la Banque centrale de la République de Guinée, avait aidé le premier dans l’escroquerie. Depuis, Sylla est redevenu président de l’organisation patronale pendant que le colonel Conté se justifiait clairement : « La justice, c’est moi ! ».

La grève générale et politique est alors devenue inéluctable. Le feu couvait depuis un an. En février 2006, 5 jours de grève ont eu lieu à l’initiative des enseignants et des fonctionnaires afin d’obtenir des augmentations de salaires face à une inflation galopante, de l’ordre de 38 % par an. Alors que les salaires des fonctionnaires avaient été revus à la hausse de 30 % après ce premier affrontement, le gouvernement de Conté avait fait dévaluer le franc guinéen en mars. Puis il a fait annuler en mai 2006 les subventions au prix de l’essence à la pompe. L’augmentation de 30% des salaires était donc réduite à néant alors que le prix du riz (base de l’alimentation) a été multiplié par 5 depuis 2000. Début juin 2006, la misère ainsi créée déclenche de nouvelles manifestations et le boycott des examens par les enseignants. Les manifestations d’étudiants et de lycéens, au côté des travailleurs, sont réprimées très durement. Au moins 15 grévistes sont assassinés le 12 juin 2006. À partir des massacres, tout le prolétariat guinéen n’a qu’une perspective : chasser Conté, bourreau et affameur du peuple.

Depuis 20 ans et l’arrivée du colonel dictateur, la Guinée est restée l’un des pays les plus pauvres du continent, malgré des ressources agricoles et minières, notamment la bauxite (minerai d’aluminium) dont il est le deuxième producteur mondial, le diamant, l’or, le fer et les grandes réserves d’eau. Or la corruption, le marché noir (qui concernerait 60% de l’activité salariale) et la crise capitaliste saignent les plus pauvres et profitent à la clique militaire et gouvernementale qui négocie les contrats avec les multinationales impérialistes, françaises notamment. L’ancienne puissance coloniale, chassée en 1958, fait toujours de juteuses affaires en Guinée.

Contre cette misère et un régime répressif de plus de 20 ans, la grève générale qui a débutée le 10 janvier ne s’est pas cantonnée à des revendications salariales et économiques. Les grévistes exigent le retour en prison de Sylla et Soumah, et les travailleurs et la jeunesse veulent la tête de Conté. La grève illimitée touche les mines, secteur décisif de la classe ouvrière guinéenne :

Le secteur de la bauxite est également atteint par le mouvement de grève. Les salariés de la mine de Sangaredi, le principal site d’extraction situé au nord de Conakry, appartenant à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) ont procédé à des débrayages. Les mines de Sigiuri, qui sont exploitées par le groupe sud-africain Anglogold, ont également subi des débrayages. La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite, qui sert à la fabrication de l’aluminium. Des incidents ont été également signalés mercredi soir au centre minier de Labé, où un jeune homme de 20 ans a été tué lors de la dispersion d’une manifestation. La ville de Labé est située dans le massif du Fouta-Djalon à 250 kilomètres au nord de la capitale. L’armée y est intervenue pour protéger la résidence du préfet. (RFI, 18 janvier 2007)

L’Inter Centrale de la CNTG et de l’USTG protège la bourgeoisie guinéenne et son Etat

Avant même le déclenchement de la grève, les directions syndicales ménageaient une issue à l’État bourgeois et au capitalisme. Tout en considérant que Conté devait laisser la place, Hadja Diallo de la CNTG et Elhadj Fofana de l’USTG défendaient « l’ordre républicain » et s’en remettaient à l’armée :

Considérant que la vaillante Armée Guinéenne continuera de jouer son rôle et défendre le laborieux peuple de Guinée en détresse… Considérant que la dernière grève de juin 2006 n’est que suspendue, l’Inter Centrale CNTG-USTG, n’ayant plus d’interlocuteurs crédibles tant du coté du Gouvernement que celui du Patronat, pour l’application correcte et intégrale des accords tripartites passés le 3 mars et le 16 juin 2006 entre le Gouvernement, le Patronat et le Syndicat, décide du déclenchement d’une grève générale et illimitée, sur toute l’étendue du territoire national, à compter du mercredi 10 janvier 2007 jusqu’au rétablissement de l’ordre républicain… (Déclaration de l’Inter Centrale, 2 janvier 2007)

Comme il était prévisible, le gouvernement Conté n’a pas bougé de ses positions et son armée rétablit l’ordre dans le sang des grévistes.

De leur côté, les chefs réformistes offrent trêve, délai et négociation au pouvoir assassin. En vain. Le 12 janvier, une première rencontre entre le général Conté et l’Inter Centrale se solde par des menaces de mort proférées par le président lui-même contre les dirigeants syndicaux. Le 15 janvier, une seconde rencontre échoue, faute d’acceptation par le dictateur d’un « gouvernement d’union nationale » que demande l’Inter Centrale. Le 16 janvier, l’Inter Centrale a rencontré les mollahs du pays représentés par la Ligue islamiste au nom de l’ « intérêt national ». Le 17 janvier, les mêmes Diallo et Fofana, à la tête d’une puissante manifestation, se rendent au Parlement. Alors que l’armée tire à balles réelles sur la foule des grévistes, les chefs réformistes acceptent de discuter. Avec le soutien de 14 partis dits « d’opposition », ils se rendent de nouveau à des négociations le 20 janvier, invités par le président du Parlement et soutenus par les Églises catholiques du pays. Une fois encore rien n’en est sorti, sinon la désorientation des masses exploitées, laissées sans perspective politique qui leur soit propre.

Malgré cette situation insurrectionnelle, les dirigeants des deux centrales syndicales (USTG et CNTG), qui ont appelé à la grève générale sur la base de revendications sociales et subi eux-mêmes la répression, s’efforcent pourtant de canaliser le soulèvement ouvrier et populaire dans le cadre du régime. Ils avaient déjà mis fin à la grève générale de janvier contre de simples promesses, alors ques les masses exigeaient le départ de Conté. Même après la nomination de Camara comme Premier ministre, véritable violation des accords du 27/01, Ibrahim Fofana, secrétaire général de l’USTG, s’est contenté de déclarer : « Nous n’avons pas de réaction, car les syndicats n’ont pas été consultés. » Et un autre responsable de cette centrale a même affirmé que Camara était « honnête », quoique trop proche du pouvoir !
Au lieu de se battre réellement pour le départ du dictateur, les dirigeants syndicaux acceptent d’aller négocier avec ses représentants : ils les ont rencontrés les 15, 20 et 21 février, alors que leur propre « préalable » à l’ouverture des discussion (la levée de l’état d’urgence) n’avait nullement été satisfait. En se rendant à la réunion du 21/02 avec les représentants du pouvoir, I. Fofana a dit : « Nous sommes venus (...) pour qu’ensemble, nous puissions contribuer à faire lever l’état de siège, mais aussi à faire en sorte que nous allions tous dans le sens de l’apaisement. » Mais de quel « apaisement » peut-il s’agir, si Conté reste au pouvoir alors que les masses exigent son départ après 23 ans de dictature corrompue et sanglante ?
Il y a donc une contradiction évidente entre le mouvement des masses et l’orientation des directions syndicales. La présidente de la CNTG, Hadja Rabiatou Serah Diallo, l’a elle-même reconnu : « C’est nous qui avons déclenché la grève. À cette phase où nous sommes arrivés, c’est elle qui nous conduit. » Dès lors, a-t-elle précisé, « si nous levons le mot d’ordre de grève, la base ne sera pas d’accord ». En d’autres termes, les directions syndicales, réformistes et légalistes, voudraient trouver une sortie de crise qui préserve le régime auquel elles ont toujours été liées, mais elles ne peuvent pour le moment trahir ouvertement les travailleurs, car ceux-ci sont déterminés à se battre et ont encore massivement confiance en elles (elles se sont montrées particulièrement revendicatives depuis un an et demi : grève générale de 48 heures en novembre 2005, deuxième grève générale en mars 2006, grève de enseignants en mai 2006, troisième grève générale pendant neuf de jours en juin 2006 — brisée par la répression, avec plusieurs dizaines de morts — et grève générale de janvier).

C’est pourquoi il faut exiger de l’USTG et de la CNTG
• qu’elles rompent toutes « négociations » avec Losana Conté et son gouvernement ;
• qu’elles exigent le départ inconditionnel du dictateur et mènent la grève générale jusqu’à la chute du régime ;
• qu’elles convoquent ensuite elles-mêmes des élections libres pour une Assemblée constituante qui aurait pour tâche de satisfaire l’ensemble des revendications sociales immédiates mises en avant dans la grève générale, en les finançant par l’abolition de la « dette » extérieure et par l’expropriation sans indemnités ni rachat des entreprises françaises et autres qui pillent les richesses du pays.

Les directions syndicales ne veulent pas d’un tel programme, mais c’est la seule issue positive possible au soulèvement de la classe ouvrière et du peuple de Guinée. Il faut donc le leur imposer en tenant compte de leur influence décisive sur les masses, au stade actuel de la lutte. Pour cela, les travailleurs et les jeunes doivent développer et renforcer leur auto-organisation. Ils n’ont pas d’autre choix que d’édifier partout des comités d’usines et de quartiers, pour renforcer la grève générale jusqu’à la chute du régime et commencer à construire eux-mêmes l’alternative conforme à leurs exigences. Et ils doivent s’armer pour résister aux exactions de l’armée comme aux Bérets rouges et aux commandos libériens.

Mais, pour gagner, les travailleurs de Guinée (pays qui ne compte que 10 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde) ont besoin de toute la solidarité des travailleurs des autres pays africains et des pays impérialistes. C’est tout particulièrement le devoir des travailleurs de France, dont une partie des acquis est financée par le pillage des pays africains par cet État impérialiste.

Que faut-il attendre du nouveau pouvoir ?

Moussa Dadis Camara, le nouveau « président » par la force, de ces pauvres « guinéens » dit détenir le pouvoir par Dieu, sa religion. Disant comme un enfant « je suis incorruptible » comme si lui seul, en doutait. Quelle imprudence doublée d’une certaine innocence. Le temps nous édifiera.
Le second constat, de ce malaise guinéen, vient encore du fait qu’on ne fera jamais le deuil et le bilan du très long règne de Lansana Conté. D’avril 1984 à décembre 2008, se sont écoulés, quelque 24 ans. Une génération y est née et n’aura connu que ce président là, lui-même arrivée au pouvoir par la force quelques jours seulement après la mort de Sékou Touré, remplacé par son ancien premier ministre Lansana Béavogui.
Ce dernier n’aura fait qu’effleurer la chaise présidentielle. Conté contre toute attente, s’empare du pouvoir avec un groupe colonels et de lieutenant dont Diarra Traoré, lui-même trahi quelque temps après par le même Lansana Conté. Après Touré et Conté voilà donc l’heure des Camara. Parce qu’en Guinée, ces noms signifient beaucoup de choses. Ils marquent les limites entre ethnies (Soussou, Malinké, Peul, Nalou etc.) Dès que le nom du nouveau putschiste est connu, tout un groupe issu de sa communauté se rallie à lui et se dit que son heure est arrivée.
Dans ce contexte, le jeu d’une ethnie comme l’autre semble « normer » la démocratie guinéenne, si on peut l’appeler ainsi. Pendant le règne de Lansana Conté, les Soussou ont reproduit le vieux schéma comme l’éternel « complot peul » pour éliminer tous les leaders et cadres de ce groupe. Ainsi à l’usure, des leaders comme Diallo Telly, Siradiou Diallo sont morts sans voir la Guinée dont ils rêvaient. Sous le règne de Lansana Conté, c’est aussi à l’usure que des leaders comme Ba Mamadou, Alpha Condé ont fini par se résigner et presque abandonner la lutte pour le pouvoir.
Conséquence de tout cela, la mort d’une certaine idée de la nation et de l’indépendance. Les Guinéens ont aujourd’hui avec le Nigeria, le Cameroun, le Maroc et le Sénégal une des diasporas les plus riches et les plus éparpillées dans le monde. Dans les pays d’Afrique de l’ouest, aux Etats-Unis, en France, Au Canada comme en Belgique, ils sont des milliers de guinéens qui ont décidé de ne plus se reconnaître comme tel tant que les régimes politiques ne changent pas dans le pays.
Et en la matière, si on a pensé qu’à la mort de Sékou Touré qualifié par certains de dictateur sanguinaire, que nombre de ses immigrants allaient revenir, ils semblent qu’avec l’arrivée de Conté, ils ont été encore plus nombreux à vouloir partir. Pour preuve, nombre des jeunes garçons et filles qui se tuaient dans l’immigration clandestine par les pirogues étaient des ressortissants de la République de Guinée. L’autre chose perdu par ce peuple, c’est la fierté. Au début des années d’indépendance jusqu’à la mort de Sékou Touré, le Guinéen était quelqu’un d’intéressant qui suscitait un peu la curiosité chaque fois qu’il parlait de son pays. Avec la résistance de Samory Touré comme l’expansion coloniale française, ce pays avait donné beaucoup de fierté aux premiers chercheurs, enseignants et cadres ouest-africains qui avaient choisi de se joindre au combat pour l’indépendance totale de l’Afrique, du président Sékou Touré. Aujourd’hui tout cela ne veut plus rien dire. De fierté, le guinéen n’en a que faire. Pour preuve, l’armée qui tire sur les populations et s’empare du pouvoir comme elle veut, est une des plus moribondes en Afrique. Lorsqu’au milieu des années 1990, la Guinée Bissau est au bord de l’implosion, l’armée guinéenne a été appelée à la rescousse pour bloquer la partie sud-est avec les forces de la Cedeao , principalement dominées par les militaires sénégalaises. Devant l’avancée des forces fidèles au Général Ansoumana Mané, les soldats guinéens n’ont pas hésité à prendre la poudre d’escampette, laissant dans leur folle fuite armes et bagages, et se mêlant à la population des villages limitrophes comme de vulgaires malpropres. Qui peut parler de fierté ? L’histoire ne s’arrête d’ailleurs pas là.
Le bilan de Lansana Conté est encore plus dur à avaler par ce peuple qui semble maudit, quand on sait que depuis 1984, la Guinée est restée un pays coupé même de l’ensemble Cedeao. A ce jour, il est difficile d’importer de ce pays, tous ces produits phares qui ont fait sa renommée en Afrique de l’ouest. On interdit systématiquement la sortie de la banane plantin, de la banane et tous autres fruits. Le plus grave est encore dans le retard accumulé dans la mise sur pied du processus d’intégration de la sous-région au sein de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs). La Guinée qui a le privilège d’abriter les sources des fleuves Sénégal, Gambie et Niger ne compte aucun barrage de nom après plus de 50 ans d’indépendance. Ses entrées et sorties de l’Omvs ont plus compliqué les choses. Au sein de l’autorité du Niger et de l’Organisation pour la mise en valeur de la Gambie , le constat est le même. Peu d’avancées pour ce pays. La construction annoncée des barrages et Kaléta, devrait lui permettre de sortir de sa longue torpeur et de permettre aux nouveaux dirigeants, de faire jouer enfin au pays, le rôle qui est le sien en matière d’intégration. Mais, la Guinée peut-elle aujourd’hui s’intégrer au wagon ouest-africain du fait de son retard énorme ?
Hier, une période coloniale en or
Au bout ses efforts, la population a vu passer depuis les années 40, son rêve de devenir l’une des nations phares de l’Afrique de l’ouest. Mais, l’histoire de ce pays n’a pas commencé le 28 septembre 1958, mais bien avant. Il suffit de consulter les documents de l’époque coloniale et de l’intervention des militaires, des entreprises françaises à la fin du 19 ème siècle, pour s’en convaincre.
Avant de s’attaquer à la Côte d’Ivoire et à la zone Ashanti, pour développer ses activités de commerce, la conquête française à travers sa société-phare de l’époque, la Compagnie française d’Afrique occidentale (Cfao), qui a engagé nombre des premiers cadres africains, a accordé une place de choix à la Guinée. Surtout avec la culture du caoutchouc, d’arachide, les plantations de palmiers à huile, l’exploitation des produits forestiers et des mines…
Grand connaisseur de cette partie du soudan occidental, le colonel Joseph Galliéni avait fortement déconseillé, au début des années 1890, aux autorités françaises de l’époque de construire le chemin de fer de Kayes vers le nord-est du Soudan. Galliéni, disait sa préférence pour une prospection vers la Guinée et les territoires du golfe. Ainsi disait-il : « Pour moi, l’avenir du Soudan français, est pour le moment dans le sud et vers les riches et fertiles plateaux du Fouta Djallon et Kong ». In Galliéni, le Pacificateur, 1949, page 100. »
A partir des années 1895, au moment où s’achève la « pacification » de l’Afrique, la Compagnie française d’Afrique occidentale (Cfao), satisfait de son désir d’obtenir une « chaîne » continue de points de vente au Sénégal et en Sierra Leone, note qu’il lui reste une dernière lacune à corriger dans cet ensemble ouest-africain : le pays neuf qu’est encore la Guinée. Frédéric Bohn, en sa qualité d’administrateur de la Cfao, au bureau de Marseille, conseiller du Patron de la Compagnie, Julien Le Cesne, décide alors de partir à la conquête de ce pays. Sûr de son choix, il ajoute que, « C’est un pays dont la richesse agricole est jugée considérable par rapport au potentiel soudanais. Le port de Conakry détourne une partie des flux commerciaux qui se dirigeaient vers la Sierra Leone et surtout vers les « Rivières du sud », comme le Dubréka. La création du port de Conakry, dit Bohn, de la route joignant Conakry et le Fouta Djallon et encore le lancement du chemin de fer de la Guinée en direction du Niger, sont autant d’incitations qui vont permettre à ce pays de s’accrocher au monde nouveau… » (Hubert Bonin, « La Cfao, 100 ans de compétition », Economica, Paris 1987).
Ce mouvement a eu le don a eu comme conséquence de faire exploser le commerce guinéen, dès le début du 20 ème siècle : surtout les exportations de caoutchouc, dont le tonnage exploité double de 1896 à 1899. Et au même moment, les importations doublent aussi de cinq millions à près de 10 millions de francs. La Guinée devient donc dès le début des années 1900, le paradis des traitants noirs, et des libano-syriens qui s’y installent en masse. Dans ce contexte, la construction du chemin de fer reliant Conakry, Kouroussa, Kankan et Mamou va servir de déclic. Et avec lui, le commerce de demi-gros prend son envol.
Ce qui a aussi comme conséquence, de poser un premier choc au commerce français en Afrique de l’ouest parce qu’avant de s’attaquer au reste de l’Afrique de l’ouest, il fallait conquérir la Guinée. Les espoirs suscités par la Guinée ne vont pas s’arrêter là. Déjà, en écrivant à son boss, Julien Le Cesne au cours de l’année 1898, Frédéric Bohn, administrateur de la Cfao, jubile sur la Guinée qui met d’accord les entrepreneurs français de cette époque autant la Côte d’Ivoire et ses promesses liées au café. Elle met aussi quelque peu en veilleuse, l’exception sénégalaise, avec son arachide. Bohn de faire remarquer que, « Le mouvement commercial actuel de la Côte d’Ivoire n’est pas très important, si l’on considère l’étendue de la colonie et le nombre de points exploités. Mais, je suis persuadé qu’il en sera là comme il en a été en Casamance et à Conakry. Nous verrons avant longtemps se développer cette colonie, et surgir des richesses naturelles à peine insoupçonnées. » Pour dire qu’avant de s’attaquer au pays ashanti et au golfe de guinée, le pays, tout de suite, après la capture de Samory Touré, a servi de point de jonction et de modèle à la conquête française des fois devant Dakar et Abidjan.
Aujourd’hui, un beau pays en ruines
Pour les 10,5 millions de guinéens qui vivent aujourd’hui dans les principales villes de ce pays, Mamou et Labé sur les collines du Fouta Djallon, Nzérékoré, dans les montagnes ferrugineuses de la zone de Nimba en pleine Guinée forestières, jusqu’à Conakry, le rêve de vaincre les périls du sous-développement, en dépit des énormes richesses d’un pays qui couvre quelque 245.857 km2, est passé de mode. L’heure est à la résignation, aux vaines querelles ethniques entre politiciens souvent mal intentionnés.
Dans ce contexte, que peut dire d’autres Moussa Dadis Camara, « l’innocent » président installé à la tête d’une junte que nul ne connaît. Que penser de cette manière de faire de politique et de gérer l’Etat comme un bien personnel au nom de la religion, de la famille et d’un groupe ? Voilà autant de questions auxquelles cette junte devrait apporter des réponses en parler d’abord de la vie, de la santé, de la nourriture des Guinéens avant de penser pouvoir. « Oui ! M. Camara, si vous êtes incorruptible, voilà un chantier qui est le vrai aujourd’hui dans votre pays. Si le peuple de Guinée, mangent bien, s’alimentent en nourriture suffisante, ce dont le pays a les moyens, se soigne, accède à l’eau et à l’électricité convenablement, oui, vous pourrez dire « personne n’a pu me corrompre ».
Mais, à peine installé dans un pays exsangue, quand on commence par parler de corruption, avec la manière dont le pouvoir été pris par un groupe d’enfants et d’innocents, on peut avoir peur qu’il y ait une sorte de revanche sur le peuple qui a fini de « vomir »une armée qui n’a pas hésité de tirer sui lui pour sauver le régime de Conté. Aussi, revanche sur les anciens officiers proches de Conté, les ethnies qui ne sont pas proches de ce régime pour ne citer que ces exemples. Toutes choses d’ailleurs qui ne sauraient manquer dans ce contexte économique et de crise alimentaire où il sera difficile de répondre aux exigences des bailleurs de fonds si la compétence n’y est pas.
Le peuple n’attendra pas pour l’éternité
Assoiffées de rigueur inutile, de sabotage politique et de chantage, le peuple de Guinée, qui a vu s’installer dans les années 50, l’un des hôpitaux les plus modernes d’Afrique à Conakry, ne peuvent plus attendre des discours d’un farfelu. Il veut des actes. Comme ceux qui ont été posés par les colons dès le début du siècle quand les autorités coloniales dans le cadre de la colonisation agricole, ont implanté dans cette zone, les premiers essais de plantations de caoutchouc, d’arachide, de thé et de tabac, avec l’entremise de la Compagnie française d’Afrique occidentale (Cfao).
La Cfao qui à une certaine période avait décidé de mettre sérieusement le paquet dans cette partie des rivières du sud, du Dubréka, pour se lancer dans l’exploitation de nouvelles cultures et d’un commerce nouveau avec la culture du coton et la vente de tissus aux grands ports de France et d’Angleterre. Finalement, la Guinée, de tout cela, n’aura vu qu’une sorte de mirage, passé l’époque colonial et le NON de Sékou Touré au Général de Gaulle, pour la constitution de 1958. Le pays ne se remettra jamais de ce NON. Même si le président Ahmed Sékou Touré, dans ce « royaume du mal », aura donné au guinéen sa fierté, aura conservé des pans importants d’une économie sans moyens, mais, qui fait nourrir les quelques millions de Guinéens de manière correcte. Ce qui peut faire penser que s’il a été qualifié de dictateur, « le nationaliste » Sékou Touré, un des membres fondateurs de l’organisation de l’unité africaine (Oua), avec Nkrumah, Senghor, Houphouët-Boigny, n’aura pas fait que du tort à son pays. Il lui avait donné un nom dans le monde. Mais, depuis sa mort, il semble que même ce nom n’existe plus.
Et en guise de préambule, voilà autant de défis qui attendent les nouveaux hommes de Conakry. Devant un tel contexte, le peuple attend des actes du pouvoir militaire et du nouveau Premier ministre Kabiné Kamara, qui a été nommé hier, pour sortir de la survie. Il veut de la démocratie, mais ça peut attendre. L’urgence, pour le futur proche, est maintenant de changer d’histoire et de rattacher ce pays, enfin à la marche du monde.
Mame Aly KONTE

suite à venir ...

Messages

  • La manifestation contre le pouvoir a bloqué la capitale malgré les tirs à balles des forces de l’ordre qui ont fait de nombreux blessés.

    Des barricades ont été érigées tôt le matin sur plusieurs axes reliant le centre-ville des quartiers-dortoirs de la banlieue de Conakry, obligeant de nombreux automobilistes à faire demi-tour. Les forces de l’ordre, massivement déployées sur les grands axes et les points stratégiques de la capitale, ont utilisé la manière forte pour empêcher les militants de l’opposition de se rassembler aux différents points dits de ralliement, notamment aux ronds-points de Bambéto, Hamdallaye, Cosa, aéroport et Matoto d’où ils devraient rallier les communes de Ratoma, Matam et Matoto dans la banlieue de Conakry.

    Selon des témoins, des soldats casqués et munis de matraques se sont jetés sur un manifestant qu’ils ont terrassé, le rouant de coups de poings, de matraques et de coups de pieds, avant de le jeter dans une camionnette garée non loin de là qui a pris une destination inconnue. Au moins neuf personnes ont été blessées par balle, des dizaines d’autres blessées par les soldats qui ont également investi le siège de l’Union des forces républicaines (UFR) de l’ancien Premier ministre Sidya Touré à Matam, dispersant les militants en réunion et procédant à l’arrestation de deux responsables du parti.

  • Dans une interview accordée à nos confrères de ‘’lavoixdelamerique’’, le président guinéen en séjour au pays de l’oncle Sam a nié l’usage des balles réelles par les forces de l’ordre sur les manifestants lors de la marche de l’opposition des 13 et 14 avril courant.

    « Ce n’est pas vrai. L’armée est casernée. La gendarmerie et la police n’ont que des armes non-létales, du gaz lacrymogène », s’est défendu Alpha condé.

    Par contre, il accuse les civils d’avoir tiré sur les forces de l’ordre avec des calibres 12. « Des civils tirent sur les gendarmes avec des fusils de chasse. Je ne sais pas d’où viennent ces informations. Il n’y a pas un seul mort dans les hôpitaux. Nous faisons du maintien de l’ordre civilisé », martèle le président guinéen.

    A en croire Alpha Condé, le gouvernement a tout fait pour que les gens dialoguent et qu’on se préoccupe à mettre fin à la maladie afin qu’il yait des élections transparentes.

    « Nous avons lancé un appel à tout le monde pour qu’on fasse l’union sacrée. Au moment de l’urgence sanitaire, il ne devrait pas y avoir de manifestations ou de mouvements de foule », a-t-il précisé.

    Cette sortie médiatique intervient au moment où son gouvernement fait un bilan qui s’élève à 2 morts et de plusieurs blessés par balles. L’opposition quant à elle parle de trois morts, une cinquantaine de blessés dont une douzaine par balles et près de cent interpellations. Une dizaine parmi les interpellés ont été jugés et condamnés par des tribunaux de première instance de Conakry.

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