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L’impasse du mouvementisme : à propos des appels du 2 et du 14 octobre

vendredi 3 octobre 2025, par Karob

L’impasse du mouvementisme : à propos des appels du 2 et du 14 octobre

Les appels à « bloquer tout » le 2 octobre par la stratégie du « triple débordement », puis à une journée de blocage européen le 14 octobre, traduisent une colère réelle. Ils expriment une exaspération légitime face à l’inertie des directions syndicales, sociales-patriotes ou d’union sacrée, qui trahissent ouvertement la lutte du peuple travailleur. Mais leur orientation reste enfermée dans ce que nous appelons depuis longtemps l’impasse du mouvementisme.

Le mouvementisme : radicalité apparente, faiblesse réelle

Les directions syndicales, sociales-patriotes ou d’union sacrée paralysent les luttes, les canalisent vers la défaite et la résignation. Mais croire qu’il suffit de « déborder » ces directions en multipliant blocages, actions de rue, AG autoproclamées est une illusion. On remplace une direction bureaucratique par une minorité activiste. Le peuple travailleur, lui, reste spectateur.

Le mouvementisme « joue les radicaux » : il parle d’ingouvernabilité, de débordement, d’Europe des luttes… Mais il ne construit aucun organe de pouvoir réel, aucune stratégie de conquête. Il prépare en réalité le terrain à la récupération ou à l’épuisement.

Le 2 octobre : le piège du « triple débordement »

Fausse radicalité, vraie subordination

Les appels « inter-AG » n’ont aucune légitimité réelle : les AG locales réunissent à peine quelques personnes, discutent de lieux ou de tracts, mais ne votent ni revendications ni mandats. Ces « inter-AG » ne sont donc pas l’expression de la base mais la production de cercles autoproclamés qui parlent à sa place. Leur prétendue radicalité, avec le slogan du « triple débordement », masque mal qu’ils se calent en réalité sur le calendrier de l’intersyndicale et ses journées saute-mouton. Au lieu de construire l’auto-organisation, ils accompagnent les directions syndicales dont ils se disent pourtant opposants. Seules de vraies assemblées souveraines, ouvertes largement, élisant des délégués révocables et votant des revendications claires, peuvent porter une stratégie indépendante et révolutionnaire.

Les blocages isolés ne construisent pas un rapport de force durable si, et seulement si, ils ne sont pas subordonnés à l’objectif politique d’une montée commune vers l’insurrection sociale. Sans centralisation, sans organes élus, sans perspective révolutionnaire, les actions dispersées restent symboliques, vite étouffées par la répression et l’usure.

Le 14 octobre : un appel européen sans peuple travailleur organisé

La manière dont LFI, les syndicats de gauche et l’extrême gauche ont noyauté les assemblées du mouvement persiste dans son rôle négatif. L’appel du 14 octobre n’y change rien.
Toujours pas de discussion réelle dans leurs AG désertes sur les revendications. Toujours une seule méthode : tout bloquer, tout en suivant l’intersyndicale.

Cet appel du 14 octobre prétend « ne plus payer pour le 1 % », mais sans jamais s’en prendre à leur pouvoir économique et politique. Il réclame la fin des guerres et du génocide à Gaza, mais sans attaquer les marchands d’armes, les donneurs d’ordres ni l’armée française. Aucune dénonciation claire de l’impérialisme, aucun mot d’ordre en direction des soldats, aucune politique insurrectionnelle.

Les formules vagues comme « lever la tête » ou « se faire entendre » ne visent qu’à peser pour négocier et obtenir quelques miettes, exactement comme les syndicats. Derrière le ton radical, cet appel reste réformiste et se refuse à poser la seule question décisive : celle du pouvoir.

Grève : entre rituel et insurrection

Dans ce milieu, la « grève » est souvent érigée en alpha et oméga de la politique : on la sacralise, on multiplie les formules — « grève offensive », « grève générale », « montée en puissance » — pour se démarquer des directions syndicales. Mais ces dramatisations verbales restent trop souvent de la rhétorique : elles ne rompent pas avec la pratique ritualisée et encadrée par ces mêmes directions. On radicalise le vocabulaire sans rompre avec le cadre qui neutralise la lutte.

• La grève des directions syndicales : c’est la grève ritualisée, légale, encadrée. Journées d’action planifiées, consignes descendantes, négociations prévisibles — au bout du compte, des gestes symboliques qui servent à négocier des miettes et à maintenir l’ordre social. Quand on réduit la grève à ce modèle, le mot « offensive » reste creux ; la « générale » se transforme en calendrier sans prise réelle sur le pouvoir économique.

• La grève du peuple travailleur auto-organisé : voilà la rupture nécessaire. Elle est décidée par des AG souveraines, pilotée par des comités de grève élus et révocables, articulée à d’autres moyens (blocages, sabotages, occupations, désobéissance) et directement liée à une stratégie d’insurrection sociale. Quand la grève est ainsi pensée et conduite, elle cesse d’être un rite syndical et devient un instrument de rupture : insurrectionnelle, révolutionnaire, expropriatrice — capable d’attaquer les centres de pouvoir et les leviers économiques des milliardaires.

Dire « grève » ne suffit pas : il faut préciser quelle grève. La seule question pertinente est celle-ci : est-ce que la grève que nous construisons sert à maintenir l’ordre ou à le renverser ? Si la réponse est la seconde, alors la grève doit être auto-organisée, insurrectionnelle et mise au service de la construction d’un pouvoir populaire via les comités.

Notre horizon est l’acte 3 : une nouvelle étape du mouvement, tirant les leçons du 10 et du 18. Pas une simple répétition de journées d’action, mais une montée en puissance vers l’insurrection sociale.

Pour ne pas être bloqués par les « gauches »

Le mouvement de base ne doit pas se laisser bloquer par les initiatives et fausses propositions des « gauches » et prétendues « extrêmes gauches ».

• Ne nous laissons pas bloquer par les gauches syndicales et politiques !

• Décidons nous-mêmes dans nos AG et élisons nos comités !

• Bloquons les banques, les institutions financières et l’État !

• Mettons en place la désobéissance civile qui va jusqu’à demander aux petits soldats et petits policiers de s’organiser et de passer dans le camp du peuple !

• Mettons en place nos comités du mouvement : des grandes entreprises aux petites, des artisans aux paysans, des hommes aux femmes, des jeunes aux vieux !

• Mettons en place nos comités de contrôle des finances publiques, des impôts, des banques, des trusts, des lobbys, des gouvernants !

• Imposons des mesures économiques qui s’en prennent aux milliardaires et contrôlons nous-mêmes leur application par notre organisation à la base !

• Allons vers le renversement du pouvoir des milliardaires et la mise en place du pouvoir du peuple via ses comités !

Ce qu’il faut : organes et moyens pour une montée insurrectionnelle

La seule voie révolutionnaire n’est ni le suivisme des directions syndicales, sociales-patriotes ou d’union sacrée, ni le contournement movementiste dépourvu d’assise. C’est l’organisation consciente du peuple travailleur lui-même, articulée autour d’un lieu-but : l’insurrection sociale — quelle que soit la forme concrète qu’elle prendra localement. Concrètement :

• Assemblées générales souveraines dans les entreprises et les quartiers, élisant des comités révocables.

• Coordination territoriale et sectorielle de ces comités, centralisation démocratique de la lutte sans bureaucratie.

• Usage combiné des moyens (grève insurrectionnelle, blocage, sabotage, occupation, désobéissance) au service d’une montée commune vers l’insurrection.

• Contrôle populaire et comités de contrôle des finances, des circuits de production, des armements.

• Politique envers les forces armées : appeler, organiser et politiser les soldats du rang pour rompre la logique de la répression d’État et faciliter le basculement des forces armées vers la protection du peuple travailleur.

Conclusion

Les appels du 2 et du 14 octobre expriment une colère réelle, mais restent prisonniers de l’impasse mouvementiste. La question décisive n’est pas le moyen isolé mais l’entrée en insurrection sociale. Qu’il y ait grève, blocage ou occupation, notre objectif est qu’ils deviennent des étapes d’une montée générale vers l’insurrection, préparée et coordonnée par des comités élus, révocables et liés à la vie matérielle du peuple travailleur.

Il ne s’agit pas de « bloquer pour bloquer ». Il s’agit de préparer et d’organiser l’acte 3, de poser la question du pouvoir et de s’y engager résolument — jusqu’au renversement du pouvoir des milliardaires et à la mise en place du pouvoir du peuple à travers ses comités.

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