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Les grèves révolutionnaires de 1919 en France trahies par les syndicats...

mardi 23 septembre 2025, par Robert Paris

Les grèves révolutionnaires de 1919 en France

Quand la révolution ouvrière en France aurait pu renverser l’impérialisme mondial, les syndicats l’ont sauvé...

Lorsqu’éclatent les grèves révolutionnaires en France, peu après la fin de la première guerre mondiale, la situation mondiale est révolutionnaire. La situation n’est pas stabilisée, ni au plan économique, ni social, ni politique. Les peuples en ont marre et se révoltent partout. Les soviets sont une perspective pour tous et pas seulement en Russie. La Russie, même gravement menacée militairement, n’est pas encore isolée. Rien n’est stable en Europe et pas même ses grandes puissances impérialistes, vaincues comme l’Allemagne ou vainqueur comme la France et l’Angleterre ou encore moitié-moitié comme l’Italie. Partout la révolution prolétarienne menace de rejoindre la Russie des soviets contre la domination mondiale impérialiste. La situation de l’Allemagne est déterminante mais celle de la France pèse aussi d’un grand poids. La principale force impérialiste et contre-révolutionnaire en Europe est la France. Une lutte prolétarienne révolutionnaire en France serait un très grand signal. La bourgeoisie et les forces réformistes ne s’y trompent pas et elles manoeuvrent de manière très serrée.

"Les grèves, dit le courageux syndicaliste révolutionnaire Monatte, fusent de tous côtés." Mais sa situation de faillite "ne permet pas à la C.G.T. de les conduire". Il faut un appareil nouveau. Il n’est pas possible de suspendre le mouvement jusqu’à ce qu’on ait pu bâtir l’organisation nécessaire pour le diriger. D’un autre côté, ces grèves spontanées qui tendent à se transformer en initiatives révolutionnaires ne peuvent mener à la victoire sans l’existence d’une organisation révolutionnaire authentique qui ne mente pas aux travailleurs, qui ne les trompe pas, qui ne les enlise pas dans les cloaques du parlementarisme ou de la collaboration de classes, mais les conduise, sans dévier d’un pouce, vers le but final. Une telle organisation est encore à créer.
"Où va-t-on ? où va-t-on ? De mécontentement en mécontentement, de grève en grève, de grève mi-corporative et mi-politique en grève purement politique, on va tout droit à la faillite de la bourgeoisie, c’est-à-dire à la révolution. Les masses mécontentes font de larges pas sur cette voie."
C’est ce qu’écrit la Vie ouvrière, le journal de Monatte et de Rosmer [4]. Les représentants révolutionnaires du prolétariat français, son noyau communiste - aussi bien d’origine socialiste que d’origine syndicaliste - ne sont pas très nombreux, mais ils ont une connaissance claire et complète des objectifs du mouvement prolétarien. Ils auront pour tâche d’intégrer solidement parmi eux les nouveaux dirigeants qui surgissent pendant les grèves, dans les manifestations et, de façon générale, au cours de toutes les actions du mouvement authentique des masses. Leur tache consiste à assumer dès aujourd’hui, sans crainte des difficultés, la direction de ce mouvement spontané, et à constituer sur le terrain leur propre organisation, un appareil né du soulèvement direct du prolétariat.
Pour mener à bien cette tâche, ils doivent rompre totalement avec la discipline des organisations qui sont contre-révolutionnaires, puisque opposées aux objectifs fondamentaux du mouvement, en l’occurrence, le parti de Renaudel-Longuet et le syndicat de Jouhaux-Merrheim.
Les masses, certes, n’ont que faiblement répondu à l’appel à la grève du 21 juillet pour protester contre l’intervention de l’entente dans les affaires russes [5]. Ce ne sont pas les ouvriers qui sont à blâmer. Au cours de ces dernières années, les ouvriers en général et les ouvriers français en particulier ont été trompés avec plus de méthode, plus de diabolique habileté que jamais auparavant dans l’histoire : jamais les conséquences n’en ont été aussi tragiques. La majorité de ces dirigeants qui prononçaient de mémorables discours appelant les travailleurs à lutter contre le capitalisme ont revêtu ouvertement en 1914 la livrée de l’impérialisme. Les organisations officielles du syndicat et du parti, associés dans l’esprit des travailleurs à l’idée de leur émancipation, se sont faites les instruments du capitalisme. A partir de là, la classe ouvrière a connu non seulement d’incroyables difficultés d’organisation, mais encore une véritable débâcle idéologique : les difficultés qu’elle doit surmonter pour en sortir sont en proportion du rôle que joue encore la vieille organisation dans la vie des couches ouvrières d’avant-garde.
La classe ouvrière tente héroïquement aujourd’hui. de se remettre debout, de secouer les traces de cette chute. D’où un afflux sans précédent dans les syndicats [6]. En même temps, cette classe ouvrière idéologiquement désarmée et politiquement désorientée, s’efforce, au prix de mille difficultés, de se forger une nouvelle orientation. Son effort, loin d’être facilité, serait au contraire terriblement freiné Si les dirigeants révolutionnaires devaient se confiner dans une attitude d’attentisme. Au lieu de s’enfermer dans le cadre des organisations du vieux parti et des syndicats, ils doivent, devant les masses, faire preuve d’indépendance et de la plus grande résolution.
Quels que soient les motifs invoqués pour préserver 1’"unité", les masses révolutionnaires ne comprendraient pas pourquoi les hommes qui les appellent à la révolution continueraient à s’asseoir à la même table que ceux qui les ont dupés, et en particulier que ces individus qui les ont honteusement et cyniquement trahis pendant la guerre. Les masses révolutionnaires estiment à son juste prix l’unité dans la lutte, mais elles ne comprendraient que mal le maintien de l’unité entre les combattants révolutionnaires et la clique de Jouhaux-Merrheim et Renaudel-Longuet.
Dans les conditions présentes, le mot d’ordre de sauvegarde de l’unité a sa source dans la psychologie des organisations officielles, de ces dirigeants, présidents, secrétaires, députés, journalistes, permanents de l’appareil des anciennes organisations du parti et des syndicats qui sentent le sol se dérober sous leurs pas. Le prolétariat a le choix : se morceler, s’éparpiller et hisser ainsi sur le pavois les serviteurs privilégiés de l’impérialisme, ou bien serrer étroitement les rangs pour se soulever contre l’impérialisme. La classe ouvrière a besoin de l’unité révolutionnaire ; elle a besoin de l’unité de son soulèvement de classe ; mais l’unité des organisations qui ne font que se survivre constitue précisément un obstacle de plus en plus sérieux sur la voie de l’unité du soulèvement révolutionnaire du prolétariat. Les masses ont été désorientées par la guerre. Elles ont aujourd’hui plus qu’avant besoin de clarté dans les idées, de précision dans les mots d’ordre. Elles ont besoin d’une route qui soit droite, de dirigeants qui n’hésitent pas. Chercher, pour des raisons tactiques, à préserver l’"unité", équivaudrait à chercher à pratiquer une caricature de parlementarisme - comme s’il y avait, dans le mouvement révolutionnaire, des "conseils des ministres", avec une opposition, des règlements et des statuts, des enquêtes et des votes de confiance... En demeurant dans la même organisation que les partisans de la collaboration de classes, l’opposition communiste se met du même coup sous la dépendance des "conciliateurs". Elle gaspille son énergie en efforts pour s’adapter au "parlementarisme" des syndicats et du parti. Des questions mineures et des incidents sans portée réelle prennent du coup une importance démesurée aux dépens des questions fondamentales du mouvement révolutionnaire.


La pratique de cette caricature de parlementarisme à l’intérieur des organisations ouvrières a bien d’autres conséquences. Les secrétaires et les présidents, les ministres socialistes, les journalistes et les députés accusent ceux de l’opposition de vouloir prendre leurs fauteuils ou leurs portefeuilles. L’opposition doit se chercher des excuses, se justifier ; elle en vient à signet des déclarations où elle affirme son "estime" pour les dirigeants de l’autre bord et laisse entendre qu’elle lutte pour des "principes", non contre des "personnes". Et cette comédie ne fait que consolider les conciliateurs dans les postes qu’ils occupent.
La Vie ouvrière du 24 septembre affirme que le vote de confiance du congrès des métallos ne signifiait pas qu’il endossait la politique de ses dirigeants "conciliateurs", mais seulement qu’il avait ainsi exprimé confiance et sympathie à la personne des secrétaires [7]. En d’autres termes, c’était un vote sentimental, petit-bourgeois, non une courageuse politique de classe. Le camarade Carron s’attache à démontrer que les délégués qui ont émis ce vote, et surtout les masses qui les suivent, sont complètement d’accord en esprit avec les partisans de la III° Internationale. En réalité, s’ils ont voté la confiance en leurs dirigeants, c’est parce qu’ils se sont laissés abuser par les arguments fallacieux selon lesquels il faut combattre les idées et non les personnes. Finalement, en votant la confiance à Merrheim, ils maintiennent à un poste responsable un homme qui prêche l’opportunisme, la conciliation et la soumission au capitalisme.
Au congrès des travailleurs des Postes et Télégraphes, la politique "conciliatrice" de la direction a été approuvée par 197 voix contre 23 et 7 abstentions. Un membre de cette direction, l’internationaliste Victor Roux, écrit que nombre de délégués éprouvaient simplement beaucoup de sympathie pour le secrétaire du syndicat, le conciliateur Borderez dont la valeur morale, dit-il, est incontestée.
"Je reconnais, personnellement, écrit-il, qu’il a rendu de grands services à l’organisation en des temps difficiles" (La Vie ouvrière, 15 septembre 1919).
Jouhaux, Renaudel, Longuet, Merrheim et d’autres, quels que soient les "services" qu’ils aient pu rendre dans le passé, se comportent aujourd’hui comme des représentants du système bourgeois dont ils constituent le principal soutien. En fonction de ce rôle qui est le leur, c’est dans leur propre intérêt qu’ils s’efforcent de grossir aux yeux du prolétariat toutes les concessions de la bourgeoisie, puisqu’elles sont, après tout, le fruit de leur diplomatie. Tout en critiquant le capitalisme, ils s’efforcent de l’embellir et, après bien des discours, en viennent à leur conclusion, la nécessité de s’adapter - c’est-à-dire de se soumettre - à la domination du capitalisme.
Le pire crime des dirigeants du syndicalisme régnant - Rosmer l’a bien vu - consiste en ce qu’ils "ont remplacé l’action directe de la classe ouvrière par la sollicitation de faveurs auprès du gouvernement". Mais il est impossible de modifier cette tactique contre-révolutionnaire en "sollicitant" à notre tour les social-impérialistes du mouvement syndical et politique. Quand les Jouhaux, Renaudel, Merrheim et Longuet s’emploient à convaincre les députés capitalistes et bourgeois qu’ils doivent faire des concessions à la classe ouvrière, les représentants authentiques du prolétariat ne peuvent pas, eux, perdre leur temps en cherchant à convaincre Renaudel et Longuet de la nécessité d’une lutte révolutionnaire. Pour se débarrasser des députés capitalistes et bourgeois, la classe ouvrière doit chasser de ses organisations les Renaudel et les Longuet.
La lutte contre ces gens-là ne doit pas être menée comme s’il s’agissait d’une querelle de famille ou d’une discussion académique, mais de façon conforme à la gravité de l’enjeu, afin que l’abîme qui nous sépare des social-impérialistes apparaisse dans toute sa profondeur devant la conscience des masses.
Notre devoir est d’utiliser à fond les épouvantables leçons de la guerre impérialiste. Nous devons faire assimiler par les masses l’expérience de la dernière période, et leur faire comprendre qu’elles ne peuvent plus continuer à vivre sous le règne du capitalisme. Nous avons le devoir de porter à son paroxysme, au plus haut degré révolutionnaire, la haine qui s’éveille dans les masses contre le capitalisme, contre les capitalistes, contre l’Etat capitaliste et ses organes. Nous devons apprendre aux masses à haïr non seulement les capitalistes, mais tous ceux qui défendent le capitalisme, qui tentent de dissimuler ses plaies nauséabondes, qui cherchent à excuser ou à minimiser ses crimes.
Après l’échec de la manifestation du 21 juin, Monatte écrivait : "Les masses sauront qu’il n’est plus possible désormais d’hésiter et de s’abuser soi-même par de faux espoirs ; et qu’il est nécessaire d’épurer sans merci le personnel des syndicats." (La Vie ouvrière 25 juin 1919).
En politique, la lutte contre des principes faux implique une lutte contre les individus qui les personnifient. Régénérer le mouvement ouvrier signifie chasser de ses rangs tous ceux qui se sont déshonorés en trahissant, tous ceux qui ont sapé la confiance ouvrière dans les mots d’ordre révolutionnaires, qui ont sapé leur confiance en leur propre force. L’indulgence, la sentimentalité, la bienveillance sur des questions de cette nature se paient au prix des intérêts vitaux du prolétariat. Les masses qui s’éveillent exigent que tout soit dit à haute voix, qu’un chat soit appelé un chat, qu’il n’y ait pas de demi-teintes imprécises, mais une démarcation claire et précise en politique, que les traîtres soient boycottés et chassés, que leurs places soient prises par des révolutionnaires dévoués corps et âme à leur cause.
La camarade Louise Saumoneau trace le tableau suivant de la lutte pour répandre l’influence des idées de la III° Internationale au cours de la récente campagne électorale :
"Nous pouvons toujours poursuivre très facilement la propagande qu’il faut mener à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des organisations dans de larges réunions publiques pendant les élections (...). La résistance à l’Internationale révolutionnaire trouve son principal appui parmi les anciens cadres qui ont si piètrement dirigé le navire de notre parti pendant la guerre. Nos jeunes et ardents camarades, pleins de zèle révolutionnaire, doivent s’employer et employer leur volonté à acquérir certaines habitudes et connaissances pratiques indispensables au bon fonctionnement d’une organisation. Ces connaissances s’assimilent très vite et pourtant, dans les conditions actuelles de la lutte, elles servent de couverture à toutes sortes de baudruches et contribuent à accentuer la fatale influence de ces cadavres vivants desséchés au sein de nos organisations. Partout il faut que les forces de la jeunesse animent la classe révolutionnaire qui s’est dressée au combat pour la III° Internationale ; partout il faut qu’elles s’implantent, qu’elles remplacent tous ceux sur qui pèsent les quatre années pendant lesquelles ils ont renié les principes socialistes, et cela, même s’il faut les jeter dehors, tête première."
Les dirigeants faillis du socialisme et du syndicalisme, révolutionnaires de la phrase hier, dociles capitulards aujourd’hui, refusent d’endosser eux-mêmes la responsabilité de leur reniement et la rejettent sur le prolétariat.
Au Congrès de Lyon, Bidegarray, secrétaire de la Fédération des cheminots, a rejeté sur les masses ouvrières la responsabilité de tout ce qui est arrivé : "Il est sûr que les syndicats ont grandi numériquement. Mais, parmi les travailleurs organisés, il y a beaucoup trop peu de syndicalistes. Les gens s’intéressent seulement à leurs propres problèmes immédiats" "En chaque être humain, philosophe Bidegarray, sommeille un cochon."
Rouger, délégué de Limoges blâme le prolétariat pour tout. C’est de la faute du prolétariat. "Les masses ne sont pas suffisamment éclairées. Elles rejoignent les syndicats seulement pour obtenir l’augmentation des salaires."
Merrheim, secrétaire du syndicat des métallurgistes, fait des effets de tribune avec sa "bonne conscience". C’est que lui, voyez-vous, est allé à Zimmerwald - comme s’il s’était agi d’un pique-nique syndical de plus ! Il s’agissait pour lui d’une sorte de petit pèlerinage pacifiste qu’il a entrepris pour apaiser sa conscience. Car lui, Merrheim, s’est battu. Mais il n’a pas pu éveiller les masses. "Non, je n’ai pas trahi la classe ouvrière, c’est la classe ouvrière qui m’a trahi." Voilà ce qu’il a dit, textuellement !
Le syndicaliste Dumoulin, un "honnête" renégat du type Merrheim - zimmerwaldien au début de la guerre, mais compagnon d’armes fidèle de Jouhaux aujourd’hui - déclarait au congrès de Tours du syndicat de l’Enseignement que la France n’était pas prête pour une révolution, car les masses n’étaient pas "mûres". Mais cela ne lui suffit pas, il s’en prend aux enseignants internationalistes et leur reproche... l’état arriéré du prolétariat - comme si l’éducation des masses laborieuses se faisait véritablement dans la misérable école bourgeoise pour enfants de prolétaires, et non dans la puissante école de la vie, sous l’influence des patrons, du gouvernement, de l’Eglise, de la presse bourgeoise, des députés et des "malheureux bergers" du syndicalisme [8].
Les renégats, les lâches et les sceptiques désormais complètement avilis, s’en vont répétant la même phrase : "Les masses ne sont pas mûres" Que faut-il en conclure ? Seulement ceci : il faut renoncer au socialisme, et pas seulement pour un temps, mais définitivement. Car si les masses qui ont connu la longue école préparatoire de la lutte politique et syndicale, puis les quatre années de massacre, n’ont pas mûri pour la révolution, quand et comment mûriront-elles ? Merrheim et les siens supposent-ils que Clémenceau, vainqueur, va créer, dans les murs de l’Etat capitaliste, un réseau d’"académies" pour l’éducation socialiste des masses ? Si le capitalisme est réellement capable de reproduire d’une génération sur l’autre, les chaînes de l’esclavage du salariat, alors les couches profondes du prolétariat continueront à charrier, de génération en génération, l’obscurantisme et l’ignorance. Si les masses prolétariennes pouvaient atteindre sous le capitalisme un niveau élevé de développement mental et intellectuel, le capitalisme ne serait pas, après tout, si mauvais, et la révolution sociale ne serait pas nécessaire. Mais c’est précisément parce que le capitalisme le maintient dans sa servitude mentale et intellectuelle que le prolétariat doit faire la révolution. C’est sous la direction de l’avant-garde que les masses, qui ne sont pas encore assez mûres, mûriront au cours de la révolution. Si la révolution ne se produit pas, les masses tomberont dans un état de prostration et la société dans son ensemble connaîtra la décadence.
Des millions d’ouvriers nouveaux venus affluent dans les syndicats. En Angleterre, ce grand flux a doublé les effectifs syndicaux, qui atteignent aujourd’hui 5.200.000 membres. En France, le nombre de syndiqués est passé de 400.000 à la veille de la guerre à deux millions aujourd’hui [9]. Quels changements cette augmentation numérique entraîne-t-elle dans la politique du syndicalisme ?
"Les ouvriers rejoignent les syndicats dans leurs souci de gains matériels immédiats", déclarent les conciliateurs. C’est complètement faux. L’afflux des ouvriers dans les organisations syndicales ne s’explique pas par de petites questions matérielles : il s’explique par un fait colossal, la guerre mondiale. Les masses ouvrières - et pas seulement leurs couches supérieures, mais aussi les plus basses - sont transportées, secouées par cet immense bouleversement historique. Chaque prolétaire a ressenti individuellement, à un degré sans précédent, sa propre impuissance devant la puissante machine de l’impérialisme. L’impérieux besoin de nouer des liens, l’impérieux besoin d’unifier et de consolider les forces ouvrières, s’est fait sentir plus que jamais auparavant. C’est de là que provient l’afflux de millions d’ouvriers dans les syndicats et dans les soviets de députés, dans des organisations qui n’exigent pas une préparation politique spéciale, mais incarnent l’expression la plus générale et la plus directe à la fois de la lutte de la classe ouvrière.
Ayant perdu confiance dans les masses prolétariennes, les réformistes de l’espèce Merrheim-Longuet doivent aller chercher secours chez les représentants "éclairés" et "humanitaires" de la bourgeoisie. En fait, leur nullité politique ne se reflète nulle part mieux que dans leur respectueuse extase devant le" grand démocrate" Woodrow Wilson. Des gens qui prétendent pourtant représenter la classe ouvrière se révèlent capables de croire sérieusement que le capitalisme américain pourrait placer à la tête de son Etat un homme avec qui la classe ouvrière européenne pourrait marcher la main dans la main ? Ces messieurs n’ont apparemment jamais entendu parler ni des véritables raisons de l’entrée en guerre de l’Amérique, ni des répugnants marchandages de Wall Street, ni du rôle même de Wilson à qui les grands capitalistes des Etats-Unis ont donné pour mission de brandir les mots d’ordre du pacifisme philistin afin de couvrir les traces de leurs rapines et de leurs crimes ? Peut-être ont-ils imaginé que Wilson allait contrecarrer les plans de ses capitalistes et imposer son programme contre la volonté de ses milliardaires ? Peut-être ont-ils escompté que Wilson saurait, par ses litanies et ses prêches, contraindre Lloyd George et Clémenceau à s’occuper sérieusement de libérer les peuples faibles et opprimés et d’établir la paix universelle ?
Il n’y a pas très longtemps - après l’édifiante leçon des négociations dites "de paix" de Versailles -, Merrheim, au congrès de Lyon [10], s’en prit au syndicaliste Lepetit qui s’était permis - comble de l’horreur - de parler irrespectueusement de M. Wilson. "Personne n’a le droit, proclama-t-i1, d’insulter M. Wilson dans un congrès syndical." Quel prix Merrheim fait-il payer pour la tranquillité de sa conscience ? Si son léchage de bottes ne lui est pas payé en dollars - et nous accordons bien volontiers que tel n’est pas le cas - , il n’en demeure pas moins celui d’un laquais rampant devant le "démocrate" puissant par la grâce du dollar. Il faut être tombé au dernier degré de la dégradation morale pour tenter ainsi de rattacher les espoirs de la classe ouvrière aux "honnêtes gens" de la bourgeoisie. Des "chefs" capables d’une telle politique n’ont rien à voir avec le prolétariat révolutionnaire. Il faut les chasser sans. merci. "Les hommes qui ont perpétré tout cela, disait Monatte à Lyon, sont indignes de demeurer les interprètes des idées du mouvement ouvrier français."


Les élections législatives marqueront une étape dans le développement politique en France. Elles signifient la disparition des groupements politiques intermédiaires. A travers la Chambre des députés, la bourgeoisie a remis le pouvoir à l’oligarchie financière, et cette dernière a chargé les généraux de conquérir le pays pour son compte ; leur sanglante besogne effectuée, les généraux, d’accord avec les agents de change, utilisent le système parlementaire pour mobiliser les exploiteurs et les vampires, tous ceux qui convoitent, aspirent au butin, tous ceux qu’épouvante l’éveil révolutionnaire des masses.
La Chambre est en train de devenir l’état-major général politique de la contre-révolution. La révolution, elle, est en train de sortir dans la rue et tente de constituer son propre état-major, hors du Parlement.
L’élimination dans le pays, des groupes intermédiaires du centre, radicaux et radicaux-socialistes, annonce inéluctablement un phénomène identique dans le mouvement ouvrier. Longuet et Merrheim ont pu subsister sur la base des espoirs qu’ils mettaient dans les forces réformistes "éclairées" de la société bourgeoise. La faillite de ces dernières condamne à mort la tendance Longuet-Merrheim quand l’objet disparaît, son ombre disparaît aussi.
Toutes les ombres qui sont aujourd’hui entre Renaudel et Loriot, entre Jouhaux et Monatte, disparaîtront de la circulation dans le plus bref délai. Seuls demeureront les deux camps fondamentaux : Clémenceau et ses troupes d’un côté, les communistes révolutionnaires de l’autre.
Il ne peut être seulement question de sauvegarder plus longtemps l’ "unité", même formelle, du parti et des syndicats. La révolution prolétarienne doit créer et créera son propre état-major politique central à partir des communistes et des syndicalistes, unis, de la tendance communiste révolutionnaire.
Découragé et dérouté par les révolutions russe et allemande, Kautsky avait accroché tous ses espoirs à la France et à l’Angleterre où, selon lui, l’humanitarisme accoutré des défroques de la démocratie allait enfin l’emporter. Nous pouvons en réalité constater que dans ces pays, au sommet de la société bourgeoise, le pouvoir a été conquis par la réaction de la pire espèce, bestiale, exhalant les vapeurs du chauvinisme, montrant ses crocs, l’oeil injecté de sang. Pour l’affronter, le prolétariat s’est dressé, prêt à assumer sans pitié sa revanche pour toutes les défaites passées, les humiliations, les tortures qu’il a dû subir. Il n’y aura pas de quartier : ce sera une lutte à mort. La classe ouvrière vaincra. La dictature prolétarienne balaiera alors le tas d’ordure de la démocratie bourgeoise et ouvrira la voie au système communiste de la société.


Notes
[1] Aux élections de novembre 1919, le Bloc national, coalition des droites et des nationalistes avait emporté les deux tiers des sièges : sa campagne avait été menée sur le double thème de l’union nationale et de la lutte contre le bolchevisme dont Clémenceau s’était fait le champion, notamment dans son célèbre discours de Strasbourg, le 3 novembre. De ce point de vue, il était juste de qualifier de "clémenciste" le Bloc national, même si, quelques semaines après, ses élus devaient montrer à l’adresse de l’homme la plus noire ingratitude.
[2] C’est en avril 1905 qu’avaient fusionné, pour former le parti socialiste (S.F.I.O.), le parti socialiste de France, de Jules Guesde, et le parti socialiste français de Jean Jaurès, eux-mêmes résultats de fusions antérieures entre groupes et partis longtemps rivaux. Cette unité était en fait le résultat des efforts patients de l’Internationale.
[3] Trotsky fait ici allusion au Comité pour la Troisième Internationale. Le 1° septembre 1919, il avait écrit une lettre à Loriot, Rosmer, Monatte, Péricat, montrant qu’il les tenait pour les "camarades de France" des bolcheviks russes.
[4] "La Vie ouvrière" reparaissait depuis le 1° avril 1919 comme hebdomadaire. Dans le premier numéro, Rosmer avait écrit :"La guerre a été la grande épreuve, elle a établi un nouveau classement. D’un côté les traîtres, les défaillants du socialisme, ceux qui, devant la révolution, s’aperçoivent qu’ils ne sont que de simples démocrates ; de l’autre, les révolutionnaires. Il ne peut pas, en effet, y avoir deux Internationales.
[5] Le 27 mai 1919, le C.N. de la C.G.T. avait décidé de préparer avec les syndicats britanniques et italiens une action internationale contre l’intervention alliée en Russie. Après plusieurs semaines d’hésitations et de tergiversations, la date de la grève générale fut fixée au 21 juillet. Le 20, après un rapport de Jouhaux sur - les résultats d’un sondage auprès des responsables d’Unions. Départementales., le comité confédéral, estimant que la grève serait un échec, la décommandait. Les terrassiers de Paris et les charpentiers en fer débrayèrent seuls à la date prévue.
[6] La C.G.T. comptait 213.000 membres en 1914. Le chiffre, tombé à 41.000 en 1915, remontait à 83.000 en 1916, atteignait ensuite 240.000 en 1917, 500.000 en 1918, pour dépasser 850.000 en mai 1919 et culminer à 1.136.000 au moment où Trotsky écrivait. Le record sera atteint en mai 1920, toujours selon les chiffres officiels, avec 1.634.673 cotisants fédéraux.
[7] Merrheim était précisément l’un des quatre secrétaires de la Fédération des métaux.
[8] Le congrès de la fédération de l’enseignement s’était tenu à Tours du 7 au 10 août 1919. Dumoulin, qui représentait la direction de la C.G.T., avait dû y subir - sans panache - les attaques de ses anciens amis minoritaires, au pouvoir dans la fédération dont Louis Bonet devenait secrétaire général.
[9] Ces chiffres paraissent quelque peu exagérés. Cf. ci-dessus.
[10] Il s’agit du congrès de la C.G.T., à Lyon, du 15 au 21 septembre 1919.

Léon Trotsky

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1919/11/lt19191120.htm

Les grèves

Chronologie de G. Davranche : « Un printemps d’occasions manquées »
• 23 avril Vote des huit heures.
• 24 avril Le Comité d’entente de la métallurgie parisienne maintient la revendication de la semaine anglaise avec hausse des salaires.
• 1er mai Manifestation énorme. Nombreux blessés, un mort. La CGT n’appelle pas à la grève générale.
• 27 mai La CGT décide de coorganiser avec les belges, les italiens et les britanniques une grève générale pour 1) la démobilisation rapide et totale ; 2) l’amnistie des pacifistes ; 3) la non-intervention militaire en Russie et en Hongrie. Les négociations pour trouver une date commune vont traîner des semaines. Ultimatum du Comité d’entente de la métallurgie parisienne au patronat.
• 1er juin Le Comité d’entente appelle à la grève. Raz-de-marée immédiat : 170 000 grévistes, bientôt suivis par 20 000 dans les transports publics et quelques milliers de peintres.
• 4 juin Les grévistes de Saint-Denis somment « le gouvernement de remettre le pouvoir entre les mains de la classe ouvrière ».
• 8 juin Le Comité d’entente rompt les négociations avec le patronat qui refuse l’augmentation des salaires et l’égalite hommes-femmes ; met en place des « soupes communistes » pour les grévistes ; demande à la fédération de lancer une grève nationale.
• 11 juin La fédération rejette la grève nationale par 6 voix contre 4.
• 15 juin Les transports publics reprennent le travail.
• 17 juin Premiers signes de reprise dans certaines entreprises. Au Comité d’entente, certains veulent maintenir la grève sur le terrain exclusivement corporatif ; d’autres veulent affirmer son caractère révolutionnaire. Finalement on décide de maintenir les revendications économiques, mais d’interpeler de nouveau la fédération pour une grève nationale.
• 22 juin Le Comite d’action envahit la réunion de la fédération des Métaux en exigeant l’appel a la grève nationale. La fédération refuse et renvoie la balle au Cartel interfédéral (dockers, mineurs, cheminots, métallos) pour une grève generale.
• 25 juin Le Cartel interfédéral refuse d’appeler a la grève générale. Découragement des grévistes.
• 27 juin Un meeting du Comité d’action décide la reprise du travail.
• 28 juin Le Comite d’entente appelle à la reprise. Capitulation sans conditions.
• 20 juillet La CGT annule la grève générale internationale du 21 juillet.

https://lautreterreliberee.fr/conferences/guillaume-davranche-la-greve-des-metallos-et-la-revolution

Juin 1919 : Les « manitous » de la CGT sabotent la révolution

https://www.unioncommunistelibertaire.org/Juin-1919-Les-manitous-de-la-CGT-sabotent-la-revolution

A lire sur la vague de grèves de 1919 en France :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ves_de_juin_1919

https://www.lutte-ouvriere.org/journal/article/2019-05-01-la-vague-de-greves-du-printemps-1919_119600.html

https://journal.ccas.fr/grandes-greves-de-1919-une-nouvelle-generation-militante/

https://www.revolutionpermanente.fr/1919-Premier-mai-sans-pareil

https://materialisme-dialectique.com/le-tournant-des-greves-de-1919/

https://journal.ccas.fr/grandes-greves-de-1919-demobilisation-remobilisation/

Comment l’Etat français se préparait à écraser une possible révolution prolétarienne en France

https://archives.aisne.fr/documents-du-mois/document-faire-face-a-la-menace-revolutionnaire-le-plan-secret-de-surete-et-de-protection-159/n:85

Monatte décrivait la situation en France en mars 1919

https://www.marxists.org/francais/monatte/works/1919/03/monatte_19190300.htm

La politique des syndicats et des partis face aux grèves menant à la révolution

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4831

Trotsky : « la France est devenue le rempart de la contre-révolution capitaliste… »

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1919/09/lt19190901.htm

Le contexte international

Révolution spartakiste en Allemagne

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_spartakiste_de_Berlin

La révolution en Allemagne en 1919

Révolution en Allemagne en 1919

1er janvier : fondation du Parti communiste d’Allemagne (KPD) par la Ligue Spartakus.
5-12 janvier : révolte spartakiste de Berlin.

5 janvier :
o création du Parti des travailleurs allemands (DAP), qui devient en 1920 le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).

o début de l’insurrection spartakiste menée par les dirigeants berlinois du parti social-démocrate indépendant, les délégués révolutionnaires et les spartakistes. L’insurrection est écrasée du 9 au 12 janvier par le ministre social-démocrate de la Reichswehr Gustav Noske et par les corps francs.

10 janvier : une république soviétique est proclamée à Brême. Elle dure quatre semaines.

15 janvier : Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés par des corps francs chargés par Gustav Noske, ministre SPD de la Défense, d’écraser la révolte spartakiste pendant la révolution allemande.

19 janvier : élections à l’Assemblée nationale constituante. Victoire du SPD, du Zentrum et du DDP (démocrates) qui obtiennent les 3/4 des suffrages.

6 février : la nouvelle assemblée se réunit à Weimar.
11 février : élection de Friedrich Ebert président du Reich.
13 février : Philipp Scheidemann forme un gouvernement de coalition.
21 février : assassinat du dirigeant social-démocrate des Conseils de Bavière, Kurt Eisner, à Munich.
3 mars : à l’appel du Parti communiste d’Allemagne, les conseils ouvriers de Berlin déclenchent une grève générale. Le ministre de la Reichswehr proclame l’état de siège suivi le lendemain par des affrontements entre les manifestants et l’armée.
4-13 mars : la répression de la grève générale à Berlin par la police et l’armée fait 12 000 morts. Arrestation de militants spartakistes.
7 avril : proclamation de la république des conseils de Bavière
7 avril : tentative de révolution communiste en Bavière. Proclamation de la république des conseils de Bavière.

22 avril : après être parvenus à un accord sur les réparations allemandes et sur la Sarre, les Alliés s’entendent sur l’occupation temporaire de la Rhénanie par les troupes françaises.

23 avril : l’armée et les corps francs entrent en Bavière pour écraser l’insurrection déclenchée le 7 avril.

1er-8 mai : l’armée et les corps franc prennent Munich. Fin de la république des conseils de Bavière.

7 mai : le projet de traité est soumis à la délégation allemande à Versailles.

12 mai : l’Assemblée nationale constituante allemande, réunie en session extraordinaire, rejette le projet de traité soumis à la délégation allemande à Versailles le 7 mai.

16 juin : les Alliés adressent un ultimatum à l’Allemagne. Berlin a sept jours pour accepter les conditions de paix.

20 juin : le Gouvernement Scheidemann, refusant de prendre la responsabilité de signer le traité de Versailles. Friedrich Ebert reste à son poste et le lendemain confie à un cabinet de coalition dirigé par Gustav Bauer la tâche d’accepter le « Diktat ».

21 juin : sabordage de la flotte de guerre allemande à Scapa Flow dans les îles Orcades.

22 - 23 juin : l’assemblée de Weimar s’incline à 237 voix contre 138 et approuve le traité de Versailles. Elle rejette cependant les articles sur la responsabilité et les criminels de guerre.

28 juin : le traité de Versailles est signé, y compris les articles jugés « honteux » par l’assemblée.

31 juillet : l’Assemblée nationale adopte la constitution de Weimar, proclamée le 11 août. Le chancelier du Reich et le gouvernement du Reich seront responsables devant le Reichstag, élu pour quatre ans au suffrage universel et qui peut être dissout par le président du Reich (élu pour 7 ans). Le Reichsrat, formé des représentants des différents Länder, remplace le Bundesrat mais voit sa compétence réduite (pouvoir suspensif). Le Reich comprend 17 Länder au lieu de 25, à la suite de la fusion de sept principautés en un État de Thuringe. Le pouvoir fédéral est renforcé (perception de presque tous les impôts).

14 août : la Constitution de Bamberg, adopté le 12, est promulguée par la Bavière.

16-17 août : début d’une insurrection des populations polonaises contre l’autorité allemande en Haute-Silésie. Le 19 août, l’état de siège est proclamé. Le 24 l’insurrection est définitivement réprimée par les corps francs.

2 septembre : les Alliés imposent à l’Allemagne de renoncer à l’article 61 de la constitution de Weimar qui prévoyait la possibilité d’un Anschluss (unification) entre l’Allemagne et l’Autriche.

12 septembre : dans une brasserie de Munich, Adolf Hitler prend la parole à un meeting du Parti ouvrier allemand, fondé en janvier. Le 19 octobre, il sollicite son adhésion à ce parti avec l’approbation de ses supérieurs, qui est acceptée le 1er janvier 1920.

18 novembre : devant la commission d’enquête du Reichstag, Hindenburg, qui a démissionné le 25 juin, rejette la responsabilité de la défaite sur les dissensions entre partis et sur la propagande révolutionnaire (thèse du « coup de poignard dans le dos »).

Révolution hongroise

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4761

Vague des conseils d’usine en 1919 en Italie

http://www.matierevolution.org/spip.php?article5677

Révolution égyptienne

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_%C3%A9gyptienne_de_1919

31 Janvier 1919 : “battle of George Square” en Angleterre. Charge de la police à Glasgow lors d’une grève pour la réduction du temps de travail.

https://en-m-wikipedia-org.translate.goog/wiki/Battle_of_George_Square?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc

Janvier 1919 : répression violente de la grève générale en Argentine (200 ouvriers assassinés)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Semaine_tragique_(Argentine)

Février 1919 : premier congrès panafricain à Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_panafricain

Mars 1919 : mouvement insurrectionnel en Corée contre l’occupation japonaise

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_1er_mars

Mars 1919 : révolution hongroise des soviets

21 mars 1919 : en Hongrie, après la fusion des partis communiste et social-démocrate, Béla Kun prend le pouvoir et proclame la république des conseils de Hongrie sur le modèle des Soviets russes. Cet intermède communiste dure jusqu’au 1er août. Le 26 mars, le gouvernement de Béla Kun nationalise toutes les entreprises industrielles et commerciales. Il prend des décrets sociaux pour les femmes et les enfants, des mesures de contrôle sur la presse, la culture et les professions libérales. Le 4 avril, il lance une réforme agraire, qui attribue les terres confisquées aux grands propriétaires à des coopératives, alors que les paysans et le prolétariat agraire s’attendent à leur distribution. La Hongrie connaît bientôt la pénurie, le rationnement et l’inflation (la couronne chute de 90 %).

20 avril : les Hongrois proclament la « révolution en danger ». Plus de 40 000 ouvriers s’enrôlent dans l’armée rouge en six jours à l’appel de Béla Kun.

21 avril : les troupes polonaises conduites par Józef Piłsudski entrent dans Vilnius.

Fin de la République socialiste soviétique lituano-biélorusse.
1er mai : offensive tchèque en Hongrie.
10 juin : Béla Kun refuse l’offre de règlement du conflit par Alliés et lance une nouvelle offensive.
12-13 juin : congrès du Parti des communistes de Hongrie La suprématie des communistes hongrois est consacrée au congrès du parti, suivi de l’Assemblée nationale des Conseils (14-23 juin), une sorte de Constituante qui adopte le principe de la dictature du prolétariat et le nom d’État socialiste fédératif.
24 juin : échec d’une tentative de putsch contre-révolutionnaire à Budapest

11 juillet : la Galicie orientale devient un protectorat polonais après la conférence de Paris.
20 juillet : l’armée rouge hongroise lance une offensive contre les Roumains mais est écrasée à Kisújszállás le 24 juillet.
1er août : démission du gouvernement des conseils en Hongrie. Béla Kun s’exile à Vienne[106]. Gyula Peidl, président du syndicat des imprimeurs opposé à la République des conseils de Hongrie, forme un gouvernement socialiste (fin le 6 août).
3 août : les troupes roumaines occupent Budapest après la chute de Béla Kun et y restent jusqu’en novembre. Le 6 août, István Friedrich force le cabinet de Gyula Peidl à démissionner et forme un gouvernement contre-révolutionnaire[113]. Début de la Terreur blanche en Hongrie (1919-1920).

10 avril 1919 : assassinat d’Emiliano Zapata, un tournant de la révolution mexicaine

Avril 1919 : répression violente de la révolte en Inde par les troupes anglaises

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rowlatt_Act

https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_d%27Amritsar

Mai 1919 : mouvement révolutionnaire en Chine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_4_Mai

22 mai 1919 : début de la première révolte kurde contre les Britanniques en Irak.

Juillet 1919 : mise en place de la dictature de Augusto Bernardino Leguía au Pérou contre le peuple en révolte

2 juillet 1919 : grève des cheminots au Portugal qui dure jusqu’en septembre

Juillet 1919 : début de la grève générale en Sierra Leone accompagnée d’émeutes

Révolte alaouite en Syrie

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_alaouite_de_1919

Début de la terreur blanche des impérialismes et des armées contre-révolutionnaires russes contre le pouvoir des soviets

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4309

L’armée pro-impérialiste polonaise attaque

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_sovi%C3%A9to-polonaise

22 janvier 1919 : après avoir pris Oufa le 31 décembre, l’Armée rouge prend Orenbourg. Elle vainc en 1919-1920 les troupes russes contre-révolutionnaires réfugiées dans les steppes et occupe le Kazakhstan. La Kirghizie, après avoir résisté aux bolcheviks, est rattachée à la République socialiste soviétique autonome (RSSA) du Turkestan au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) jusqu’en 1924[

5 février 1919 : Kiev est reconquise par les bolchéviks qui chassent le gouvernement du Directoire de la République populaire ukrainienne (Simon Petlioura)

19-21 avril 1919 : mutinerie des marins français de l’escadre de la mer Noire qui faisait la guerre contre la Russie des soviets

1er juillet : l’armée rouge reprend Perm, puis Iekaterinbourg le 14, franchit l’Oural et atteint Tcheliabinsk le 24.

7 juillet : l’armée tchèque met fin à la république slovaque des Conseils proclamée le 16 juin avec l’aide de l’armée rouge hongroise

26 octobre : succès de l’Armée rouge sur les troupes russes blanches en Sibérie après la bataille de Tobolsk-Petropavlovsk. Les Bolcheviks gagnent du terrain sur le front oriental ; le 14 novembre, ils prennent Omsk, la capitale de Koltchak, puis Novossibirsk (14 décembre), Tomsk (20 décembre), Krasnoïarsk (6 janvier 1920), Irkoutsk (7 mars 1920).

28 octobre : l’Armée rouge reprend Tsarskoïe Selo puis Yamburg le 15 novembre.

LE POINT DE VUE IMPERIALISTE SUR LA VAGUE REVOLUTIONNAIRE
La vague révolutionnaire en Europe 1918-1920, vue par les dirigeants politiques de l’impérialisme
« 24 mars 1919
Président Wilson (USA) : C’est en ce moment une véritable course contre la montre entre la paix et l’anarchie et le public commence à manifester son impatience. (...)
Lloyd George (GB) : (...) Je propose donc, avec la Président Wilson, que nous nous réunissions entre chefs de gouvernements, deux fois par jour s’il le faut, pour aller plus vire, et que nous commencions dès demain. »
« 25 mars 1919
Général Alby : La question du ravitaillement d’Odessa est posé par une série de télégrammes des généraux Berthelot et Franchet d’Espérey (...) nous oblige à trouver le moyen de nourrir, à Odessa et autour de cette ville, un million de personnes. Si nous ne pouvons pas le faire, il est inutile de songer à garder Odessa.
En réponse à une question posée par M. Lloyd George sur les effectifs alliés à Odessa, le général Alby répond qu’ils s’élèvent à environ 25.000 hommes.
Clemenceau (France) : Ce matin même, le général d’Espérey a demandé qu’on lui envoie pour Odessa des troupes polonaises d’Italie. (...)
Général Alby : L’Italie est disposée à envoyer 7.000 Polonais (...) Les autorités russes d’Odessa demandent qu’on leur fournisse du pain à raison de 1.000 tonnes par semaine, (...) 15.000 tonnes de charbon par mois sont absolument nécessaires, sans quoi le danger d’une révolte de la population serait très grand. (...)
Président Wilson : Je suis frappé, dans des dépêches qu’on nous a lues, de ces mots : « La population d’Odessa nous est hostile ». S’il en est ainsi, on peut se demander à quoi sert de garder cet îlot entouré, presque submergé par le bolchevisme. (...) Cela me confirme dans ma politique, qui est de laisser la Russie aux Bolcheviks – ils cuiront dans leur jus jusqu’à ce que les circonstances aient rendu les Russes plus sages - et de nous borner à empêcher le bolchevisme d’envahir d’autres parties de l’Europe.
Lloyd George : J’ai entendu tout récemment M.Bratiano qui considère que ce qu’il y a de plus important à faire en Roumanie : 1° de nourrir la population 2° d’équiper l’armée 3° de donner la terre aux paysans. Ce sont des moyens intelligents et efficaces de préserver la Roumanie du bolchevisme. Mais devons-nous nous obstiner à garder Odessa, dont la population se soulèvera dès que les Bolcheviks feront leur apparition ? Il vaut mieux concentrer tous nos moyens de défense en Roumanie et établir là notre barrière contre le bolchevisme. (...) La population sibérienne est-elle favorable à Koltchak ou non ?
Général Thwaites : Koltchak paraît soutenu par la population ; mais un mouvement de mécontentement et une tendance au bolchevisme se produisent dans la région occupée par les Japonais.
Lloyd George : Si Odessa tombe, qu’arrivera-t-il ?
Général Thwaites : Les Bolcheviks attaqueront immédiatement la Roumanie.
Colonel Kish : (...) L’occupation d’Odessa par les Bolcheviks donnera en Russie l’impression d’une grande victoire remportée par eux sur les Alliés. L’événement serait donc important du point de vue moral. Mais c’est la seule raison sérieuse que nous ayons de garder Odessa. (...)
Clemenceau : Le péril bolcheviste s’étend en ce moment vers le sud et vers la Hongrie ; il continuera à s’étendre tant qu’il ne sera pas arrêté ; il faut l’arrêter à Odessa et à Lemberg. (...)
Maréchal Foch : Abandonner Odessa, c’est abandonner la Russie du sud, mais à vrai dire elle est déjà perdue et nous ne la perdrons pas une seconde fois…
Clemenceau : je demanderai au Maréchal Foch s’il a un nom à nous fournir pour le général qui prendrait le commandement de l’armée roumaine. »
« 26 mars 1919
Loucheur : 30 milliards minimum est (...) ce que je crois sincèrement l’Allemagne capable de payer (...)
Lloyd George : Si les dirigeants allemands arrivent à la conclusion que ce qu’ils ont de mieux à faire est d’imiter la Hongrie et de faire alliance avec les Bolcheviks, s’ils préfèrent le risque d’une anarchie de quelques années à une servitude de trente-cinq ans que ferons-nous ? (...) Si nous avions à occuper un pays très peuplé, comme la Westphalie, tandis que l’Allemagne autour de nous se relèverait ou serait agitée par un bolchevisme contagieux, quels ne seraient pas nos dépenses et nos risques ? (...) Ma conviction est que les Allemands ne signeront pas les propositions qu’on envisage (...) L’Allemagne passera au Bolchevisme. (...)
Président Wilson : Je ne puis qu’exprimer mon admiration pour l’esprit qui se manifeste dans les paroles de M.Lloyd George. Il n’y a rien de plus honorable que d’être chassé du pouvoir parce qu’on a eu raison. (...) le gouvernement de Weimar est sans crédit. S’il ne peut rester au pouvoir, il sera remplacé par un gouvernement tel qu’il sera impossible de traiter avec lui. (...) Nous devons à la paix du monde de ne pas donner à l’Allemagne la tentation de se jeter dans le Bolchevisme, nous ne savons que trop les relations des chefs bolcheviks avec l’Allemagne.
Clemenceau : J’approuve fondamentalement M.Lloyd George et M. Wilson, mais je ne crois pas qu’il y ait désaccord entre eux et M.Loucheur qui, en homme d’affaires expérimenté, se garderait bien de rien faire qui pût tuer la poule aux œufs d’or. (...) Nous avons raison de craindre le bolchevisme chez l’ennemi (les pays vaincus) et d’éviter d’en provoquer le développement, mais il ne faudrait pas le répandre chez nous-mêmes. (...) soit en France soit en Angleterre. Il est bien de vouloir ménager les vaincus, mais il ne faudrait pas perdre de vue les vainqueurs. Si un mouvement révolutionnaire devait se produire quelque part, parce que nos solutions paraîtraient injustes, que ce ne soit pas chez nous.
Lloyd George : (...) Je sais quelque chose du danger bolcheviste dans nos pays ; je le combats moi-même depuis plusieurs semaines (...) Le résultat, c’est que des syndicalistes comme Smilie, le secrétaire général des mineurs, qui auraient pu devenir un danger formidable, finissent par nous aider à éviter un conflit. Les capitalistes anglais –dieu merci ! – ont peur, et cela les rend raisonnables. Mais en ce qui concerne les conditions de paix, ce qui pourrait provoquer une explosion du bolchevisme en Angleterre, ce ne serait pas le reproche d’avoir demandé trop peu à l’ennemi, mais celui de lui avoir demandé trop. L’ouvrier anglais ne veut pas accabler le peuple allemand par des exigences excessives. (...) De toutes manières, nous allons imposer à l’Allemagne une paix très dure : elle n’aura plus de colonies, plus de flotte, elle perdra 6 ou 7 millions d’habitants, une grande partie de ses richesses naturelles : presque tout son fer, une grande partie de son charbon. Militairement, nous la réduisons à l’état de la Grèce, et au point de vue naval, à celui de la République Argentine. Et sur tous ces points nous sommes entièrement d’accord. (...) Si vous ajoutez à cela des conditions secondaires qui puissent être considérées comme injustes, ce sera peut-être la goutte d’eau qui fera déborder le vase. »
« 27 mars 1919
Président Wilson : Je ne crains pas dans l’avenir les guerres préparées par les complots secrets des gouvernements mais plutôt les conflits créés par le mécontentement des populations. (...)
Maréchal Foch : Pour arrêter l’infiltration bolcheviste il faut créer une barrière en Pologne et en Roumanie, fermant la brèche de Lemberg, et assainir les points de l’arrière qui peuvent être infectés, comme la Hongrie, en assurant le maintien des communications par Vienne. En ce qui concerne particulièrement la Roumanie, les mesures nécessaires sont prévues en détail pour envoyer à son armée les effets et équipements qui lui manquent. Cette armée sera placée sous le commandement d’un général français. Vienne sera occupée par des troupes alliées sous un commandement américain. (...) Nous sommes d’accord sur l’aide à donner à l’armée roumaine et sur l’évacuation d’Odessa, qui est liée à notre action en Roumanie. (...) Quant à l’idée d’opérer la jonction entre les forces polonaises et roumaines pour faire face à l’est, c’est le prélude d’une marche vers et cela nous conduit à la question d’une intervention militaire en Russie. Nous avons examiné cette question plus d’une fois et nous sommes chaque fois arrivés à la conclusion qu’il ne fallait pas penser à une intervention militaire. (...) L’évacuation d’Odessa est considérée comme le moyen de reporter des ressources, dont l’emploi à Odessa ne pouvait conduire à aucun résultat satisfaisant, sur la Roumanie pour compléter ses moyens de défense. (...)
Maréchal Foch (chef des armées alliées) : Pour arrêter l’infiltration bolcheviste il faut créer une barrière en Pologne et en Roumanie, fermant la brèche de Lemberg, et assainir les points de l’arrière qui peuvent être infectés, comme la Hongrie, en assurant le maintien des communications par Vienne. (...) Contre une maladie épidémique, on fait un cordon sanitaire : on place un douanier tous les deux cent mètres et on empêche les gens de passer.
Orlando (Italie) : Je demande la permission de lire deux télégrammes que nous recevons de notre commissaire italien à Vienne sur la situation. Le premier nous informe qu’on a reçu à Vienne une dépêche du gouvernement révolutionnaire de Budapest, invitant le prolétariat viennois à suivre l’exemple des Hongrois. Il a été décidé par les révolutionnaires viennois de former un conseil de travailleurs, de manière à les mettre en état de prendre le pouvoir (...) Le second télégramme (...) considère l’infiltration bolcheviste comme probable si la garde populaire n’est pas désarmée. Le gouvernement est faible, mais il suffirait, pour rétablir la situation, d’envoyer à Vienne deux régiments américains qui seraient reçus avec soulagement par la majorité de la population. Une déclaration des Alliés au sujet des approvisionnements produirait un effet utile mais ne servirait à rien si elle venait après le triomphe des bolchevistes.
Général Diaz : Le bolchevisme est un mouvement populaire qui se manifeste partout où les vivres manquent et où l’autorité centrale est faible. (...) Son succès paraît lié aux succès du mouvement bolcheviste russe.. (...) la fermentation qui se produit actuellement n’a pas lieu seulement à Vienne, mais jusque dans les pays slovènes, partout en un mot où la population souffre de l’insuffisance du ravitaillement. En occupant Vienne fortement, on tient les voies de communication et on arrête ce progrès menaçant. Ce qu’il faut c’est donner aux populations l’impression que nous apportons des vivres, l’ordre et la sécurité. Sans cela elles se jetteront instinctivement du côté du désordre.
Général Bliss : Le mot « bolcheviste » revient si souvent dans nos débats qu’évidemment il donne le ton à tout ce qui vient d’être dit. Si nous remplacions par le mot « révolutionnaire », ce serait peut-être plus clair. Le bolchevisme est la forme prise par le mouvement révolutionnaire dans les pays arriérés qui ont particulièrement souffert. D’ailleurs nous entendons dire, tantôt que le bolchevisme russe est un produit allemand, tantôt que c’est un mouvement essentiellement russe et qui, de l’est, vient envahir l’Europe. S’il était certain qu’il vient de Russie, c’est là évidemment qu’il faudrait le tuer. Mais le problème est plus difficile. Un cordon sanitaire pourrait arrêter les bolchevistes, mais non le bolchevisme, et pour en faire une barrière véritable, il faudrait déployer des forces très considérables depuis la Baltique jusqu’à la mer Noire. (...)
Président Wilson : La question n’est-elle pas de savoir s’il est possible d’organiser une résistance armée contre le bolchevisme, ce qui veut dire : avons-nous, non seulement les troupes qu’il faut, mais les moyens matériels, et le sentiment public qui nous soutiendrait ? A mon avis, essayer d’arrêter un mouvement révolutionnaire par des armées en ligne, c’est employer un balai pour arrêter une grande marée. Les armées, d’ailleurs, peuvent s’imprégner du bolchevisme qu’elles seraient chargées de combattre. Un germe de sympathie existe entre les forces qu’on voudrait opposer. Le seul moyen d’agir contre le bolchevisme, c’est d’en faire disparaître les causes. (...) Une de ces causes est l’incertitude des populations au sujet de leurs frontières de demain, des gouvernements auxquels elles devront obéir, et, en même temps, leur détresse parce qu’elles manquent de vivres, de moyens de transport et de moyens de travail. (...) »
« 28 mars 1919
Président Wilson : Je crains beaucoup la transformation de l’enthousiasme en désespoir aussi violent que le bolchevisme qui dit : « il n’y a pas de justice dans le monde, tout ce qu’on peut faire c’est se venger par la force des injustices commises auparavant par la force. » (...)
« 29 mars 1919
Président Wilson : L’armistice nous autorise à envoyer des troupes en Pologne pour le maintien de l’ordre. Il faut bien faire comprendre aux Allemands que c’est dans ce but et pour protéger la Pologne des bolcheviks russes que les troupes du général Haller sont envoyées à Varsovie.
Lloyd George : Il n’est pas de l’intérêt du gouvernement allemand de nous empêcher de former une barrière contre le bolchevisme. (...) Sachons prendre une décision ; ne faisons pas avec la Hongrie comme avec la Russie ; une Russie nous suffit. »
« 31 mars 1919
Pichon : Que s’est-il passé (en Hongrie) ? (...) Le départ du comte Karoliyi et (. .) la chute du gouvernement (...). Une république des soviets a été proclamée. Nos missions ont été chassées et le premier acte du nouveau gouvernement a été de s’adresser à Lénine et de lui dire qu’on était prêts à marcher avec lui. (...)
Président Wilson : Il faut avant tout éclaircir la situation. Le gouvernement de Budapest (...) est un gouvernement de soviets parce que c’est la forme de gouvernement à la mode et il peut y avoir bien des espèces de soviets.
Pichon : La Hongrie nous répond par la révolution, par l’expulsion de nos missions. Nous sommes liés à la Roumanie, à qui nous avons promis de libérer les populations transylvaines.
Président Wilson : Il faut éviter, par une attitude trop dure, de pousser un pays après l’autre dans le bolchevisme. Le même danger existe à Vienne. Si nous avions à jeter là une ligne de démarcation, Vienne pourrait se jeter le lendemain dans le bolchevisme. Si de pareils événements se répètent, nous n’aurons pas de paix, parce que nous ne trouverons plus personne pour le conclure. En ce qui concerne la Hongrie (...) il ne servirait à rien de lui dire « Nous ne voulons rien avoir à faire avec vous (...) nous n’avons jamais rien eu à faire, ni les uns ni les autres, avec des gouvernements révolutionnaires. » Quant à moi, je suis prêt à entrer en conversation avec n’importe quel coquin (...)
Lloyd George : Le comte Karolyi est un homme fatigué, qui a jeté le manche après la cognée, et le bolchevisme n’a eu qu’à prendre une place vide. »
« 8 avril 1919
Orlando : Nous avons reçu un télégramme de notre légation en Suisse nous annonçant que la proclamation de la république des soviets à Vienne est probable pour le 14 de ce mois, à moins que Vienne ne soit occupée par les Alliés.
Lloyd George : Qui propose-t-on d’envoyer occuper Vienne ? pourquoi, si nous suivions ces suggestions, n’occuperions-nous pas l’Europe entière ? Nos représentants à Berlin nous tiennent le même langage ; il n’y aurait plus de raison de s’arrêter. (...) J’ai reçu un télégramme du War Office me faisant connaître que la situation en Allemagne s’aggrave et que l’on craint une catastrophe. (...) Aujourd’hui, nous apprenons la proclamation de la république des soviets en Bavière. Le danger est que, quand nous demanderons aux délégués allemands : « qui représentez-vous ? », ils ne sachent que répondre. (...) Nous sommes d’accord pour examiner ce que nous aurons à faire non seulement si l’Allemagne tombe en décomposition, mais aussi si la situation s’aggrave en Autriche et dans les pays voisins. (...) »
« 16 avril 1919
Balfour : Il y a, sur la côte de la Baltique, des troupes allemandes qui luttent contre les Bolcheviks et qui nous demandent de les aider en leur fournissant du charbon et des vivres et même en leur permettant de recevoir des renforts d’Allemagne. Nous avons consenti (...) »
« 18 avril 1919
Le Président Wilson donne lecture du texte sur la Pologne.
Lloyd George : Un article que je n’aime pas est celui qui demande la dissolution des conseils d’ouvriers et de soldats. L’exécution n’en est pas facile.
Clemenceau : C’est ce que nous avons fait sur les territoires que nous occupons.
Lloyd George : Sans doute, mais nous nous désirons précisément éviter d’avoir à occuper cette région éloignée.
« 21 avril 1919
Orlando : Quant à moi, j’ai toujours eu le souci de calmer l’opinion. (...) Si je revenais en Italie en apportant une paix qui provoquerait un soulèvement de la population, je rendrai un mauvais service au monde entier. Si l’opinion du président Wilson prévaut, il y aura une révolution en Italie, n’en doutez pas. Récemment des échauffourées se sont produites à Rome et à Milan entre les bolchevistes et les patriotes. Ce sont les bolchevistes qui ont été battus. A Milan, deux d’entre eux ont été tués. Or cet élément nationaliste qui est si excité en ce moment ferait la révolution si la paix lui paraissait mauvaise (...) Une Italie déçue et mécontente, ce sera la révolution et un danger pour le monde entier.
Balfour : Mais supposez que l’Italie se brouille avec les Etats-Unis, je ne vois pas comment la vie économique pourra continuer, et, dans ce cas, comment éviterez vous la révolution sociale ?
Orlando : J’ai encore espoir d éviter la révolution sociale si je reste avec mon pays. »
« 22 avril 1919
Lloyd George : J’ai peur d’une crise que nous ne puissions plus maîtriser (...) Notre pauvre Europe est comme un terrain semé de grenades ; si on y met le pied, tout saute. »
« 23 avril 1919
Président Wilson : Il n’est pas possible de faire quoi que ce soit dans ce pays (l’Allemagne) avant que la population ait les vivres et les moyens de travail indispensables. La disette, au sens le plus général du mot, est le terrain sur lequel croît le bolchevisme. (...) Je ne peux pas consentir à donner à donner à l’Italie ce qui serait la cause d’une séparation dangereuse entre le monde slave et l’Europe occidentale. Nous sommes devant une alternative : ou nous attirerons les slaves du sud vers l’Europe occidentale et vers la Société des Nations, ou nous les rejetterons vers la Russie et le bolchevisme. »
« 24 avril 1919
Président Wilson : Dans les villes (allemandes) il y a du bolchevisme. »
« 29 avril 1919
Vandervelde : Nous avons, à l’heure présente, 800.000 chômeurs survivent avec une allocation de 777 à 14 francs par semaine. La vie, en Belgique, est trois fois plus chère qu’en 1914. Cependant l’ordre et le calme n’ont cessé d’y régner. Ce qui les a maintenus, c’est d’abord l’organisation très forte de notre parti ouvrier dont je suis fier de dire qu’elle est la plus puissante garantie d’ordre qui existe dans notre pays (...). Je ne suis pas suspect de vues extrêmes (...) Dans le discours que j’ai prononcé en séance plénière sur les conditions de travail, j’ai dit que les ouvriers belges, ayant à choisir entre la méthode anglaise et la méthode russe, avaient choisi la méthode anglaise. Mr Lloyd George m’a dit qu’il était fier de voir que les ouvriers belges reconnaissaient l’excellence de la méthode britannique. Mais pour que cela dure, il est indispensable que vous nous aidiez : il y va de l’avenir de nos travailleurs et de notre pays même. ».
« 30 avril 1919
Lloyd George : Pour l’emploi du temps, il a été proposé d’étudier la semaine prochaine les questions relatives à la paix en Autriche. (...)
Ce qui me rallie à la proposition de M. Lloyd George, c’est l’effet moral que la convocation aura en Autriche. Les dépêches que nous recevons de Vienne indiquent l’urgence de soutenir le gouvernement actuel. La disette, le sentiment que la paix n’est pas en vue, créent un état d’esprit dangereux (...)
Lloyd George : Je propose d’entendre M. Tchaïkovsky le chef du gouvernement d’Arkhangel (...) Les renseignements que nous recevons indiquent que Koltchak avance et pourra sans doute rejoindre Arkhangel (...) et, d’autre part, que le gouvernement de Lénine est encore puissant, mais incline peu à peu vers une politique plus modérée.
Clemenceau : Nos informations tendent à montrer que la puissance des Bolcheviks décline.
Lloyd George : Ici nos informations diffèrent. (...)
Président Wilson : Un des éléments qui troublent la paix du monde est la persécution des Juifs. Vous savez qu’ils sont particulièrement mal traités en Pologne et qu’ils sont privés des droits de citoyen en Roumanie. (...) Rappelez-vous que, quand les Juifs étaient traités en hors la loi en Angleterre, ils agissaient comme des gens hors la loi. Notre désir est de les ramener partout dans la loi commune. (...) (Suite le 3 mai) Nos gouvernements, du moins les gouvernements britannique et américain, ont pris, vis-à-vis des Juifs, l’engagement d’établir en Palestine quelque chose qui ressemble à un Etat israélite, et les Arabes y sont très opposés.
(Suite le 17 mai) Ce n’est pas seulement un sentiment de bienveillance à l’égard des Juifs, mais par l’incertitude du danger que le traitement injuste des Juifs crée dans différentes parties de l’Europe. Le rôle des Juifs dans le mouvement bolcheviste est dû sans aucun doute à l’oppression que leur race a subi pendant si longtemps. Les persécutions empêchent le sentiment patriotique de naître et provoquent l’esprit de révolte. A moins que nous ne portions remède à la situation des Juifs, elle restera un danger pour le monde.
(Suite 6 juin) France, Italie, Grande Bretagne, Etats-Unis, ce n’est pas sur leurs territoires que l’on trouve cet élément juif qui peut devenir un danger pour la paix en Europe, mais en Russie, en Roumanie, en Pologne, partout où les Juifs sont persécutés.
Lloyd George : Cette difficulté subsistera jusqu’à ce que les Polonais deviennent assez intelligents pour savoir tirer parti de leurs Juifs, comme le font les Allemands.
(Suite 23 juin) Président Wilson Le plus important est d’apaiser les inquiétudes des Juifs. Je crains toujours de laisser subsister de ce côté un ferment dangereux. »
« 2 mai 1919
Lloyd George : On me fait savoir que, dans plusieurs villes d’Italie, des soldats anglais ont été insultés dans les rues. (...)
Président Wilson : En jetant un cristal dans un liquide, on le fait parfois cristalliser tout entier.
Lloyd George : Quelquefois aussi, on provoque une explosion.
Président Wilson : L’explosion s’est déjà produite. (...) l’attitude de l’Italie est indubitablement agressive. (...) »
« 7 mai 1919
Lloyd George : Je voudrai vous parler de la Russie La situation s’y transforme de la façon la plus remarquable : nous assistons à un véritable effondrement du bolchevisme, à tel point que le cabinet britannique sollicite de nous une décision immédiate sur notre politique en Russie. D’après nos renseignements, Koltchak est sur le point de joindre ses forces à celles d’Arkhangel ; il est possible aussi qu’il arrive à bref délai à Moscou et y établisse un nouveau gouvernement. (...)
Président Wilson : Que fournissez-vous à Koltchak et à Dénikine ?
Lloyd George : Des armes et des munitions. »
« 8 mai 1919
Président Wilson : Rien n’a été décidé sur les frontières de la Russie ou celles qu’il a lieu d’établir à l’intérieur de l’ancien empire russe. »
« 9 mai 1919
Président Wilson : Quand nous essayâmes pour la première fois d’envoyer des vivres aux populations russes (...) des troupes américaines ont assuré la police du chemin de fer entre le Pacifique et Irkoutsk. Notre gouvernement n’a pas confiance dans l’amiral Koltchak qui est soutenu par la France et l’Angleterre. (...) Dans ces conditions, nous devons ou prendre le parti de soutenir Koltchak et de renforcer notre armée d’occupation, ou nous retirer totalement. Mais si nous augmentons nos effectifs, le Japon fera de même. Quand nous sommes allés en Sibérie, nous nous étions entendus avec le Japon pour envoyer là-bas des forces équivalentes. En fait, nous avons envoyé 9000 hommes et le japon 12000. Mais, peu à peu, il a augmenté ses effectifs et les a portés à 70.000 hommes. (...) Si, d’autre part, nous renforçons les troupes qui gardent le chemin de fer, je crains une coalition entre les Cosaques et les Japonais contre nous. Pour moi j’ai toujours été d’avis de nous retirer de Russie (...)
Lloyd George : (...) Il devient nécessaire de nous entendre sur une politique commune en Russie. D’après nos renseignements, l’amiral Koltchak avance rapidement à l’ouest de l’Oural et cela semble démontrer que les Bolcheviks n’ont plus la force de résister, ou que les moyens de transport leur manquent complètement. Quelles sont les dernières nouvelles ?
Sir Maurice Hankey : Les derniers télégrammes montrent que l’amiral Koltchak envoie des forces à la fois dans la direction d’Arkhangel et vers le sud-ouest.
Président Wilson : Nous avons certainement le droit de demander à Koltchak quelles sont ses intentions.
Lloyd George : D’abord sur la question agraire, il faut lui demander s’il est bien résolu à ne pas reprendre la terre aux paysans.
Président Wilson : D’après les informations que j’ai reçues d’un homme qui connaît très bien la Russie et sa situation présente, les paysans se sont emparés de la terre irrégulièrement et au hasard. (...)
Lloyd George : Il faut se résigner à des irrégularités de ce genre dans une révolution : le fait s’est produit lors de la révolution française. (...)
Lloyd George : Si l’amiral Koltchak peut nous rejoindre, c’est la fin du bolchevisme. ( ..)
Président Wilson : Les troupes américaines d’Arkhangel ne sont pas bien sures. (...) Il est toujours dangereux de se mêler de révolutions étrangères. (...)
Lloyd George : Ici ce sont des Russes qui agissent et nous ne ferons que les seconder. (...)
Lord Robert Cecil : Le grand problème que nous avons à résoudre est de remettre l’Europe au travail. Partout, le chômage se développe, surtout dans les Etats nouveaux. Se borner à nourrir cette population de chômeurs serait presque sans effet au point de vue politique : s’ils sont nourris et sans travail, ils seront encore plus disposés à se révolter que dans la plus extrême détresse. (...) Ce qui est certain, c’est que si rien n’est fait, nous nous trouverons en présence du chaos et de l’anarchie. »
« 10 mai 1919
Président Wilson : Une intransigeance de notre part aurait pour résultat une révolution en Pologne. et, pour commencer, la chute de son gouvernement. (...)
Lloyd George : J’ai reçu ce matin un autre rapport qui me dit qu’à mesure que Koltchak avance, il se produit des désordres derrière lui. Les Bolcheviks ont quelques succès en Sibérie orientale. Cela ne veut-il pas dire que l’on croit que si Koltchak réussissait, le but final de son entourage serait le retour au passé ? Ne croit-on pas que c’est à cela que les Alliés veulent l’aider ? (...) »
« 17 mai 1919
Maharadjah de Bikaner : Nous ne pouvons que déconseiller de la manière la plus formelle tout partage de la Turquie (...) C’est avec tout le sentiment de ma responsabilité que j’appelle votre attention sur le danger de désordre et de haine que cette question contient, non seulement pour l’Inde mais pour le monde entier.
Montagu : Il y a un danger véritable chez les peuples musulmans. (...) Un Américain qui avait été prisonnier des Bolcheviks à Tachkent (...) a été frappé par l’attitude des Musulmans à l’égard des Alliés : le sentiment parmi eux était que la Conférence prenait position contre l’Islam. Je n’ai pas besoin de rappeler les événements récents qui se sont produits en Egypte et dans l’Afghanistan. Dans le Pendjab, des agitateurs hindous, excités par les Bolcheviks, provoquaient les populations à la révolte. (...) Il est sans exemple que l’on ait ainsi ouvert les mosquées à des prédicateurs ou à des orateurs qui n’appartenaient pas eux-mêmes à la religion musulmane. »
« 19 mai 1919
Président Wilson : La situation à Varsovie est certainement dangereuse. L’opinion est très montée et aux excitations nationalistes se mêlent des menaces de grève générale des postes et des chemins de fer. (...) Paderewski nous avertit qu’une intransigeance complète de notre part aurait pour résultat une révolution en Pologne et, pour commencer, la chute de son gouvernement. (...) Le seul moyen de régler la question hongroise est une intervention militaire. Il n’y aurait pas de résistance. (...) On nous conseille d’envoyer à Budapest une mission politique ayant à sa tête un homme comme le général Smuts pour assurer l’établissement d’un gouvernement stable. (...)
Lloyd George : Nous sommes au milieu des sables mouvants. (...) Avez-vous vu le télégramme de Lénine qui accuse les troupes de Denikine d’atrocités. J’ai bien peur qu’en fait les atrocités n’aient lieu des deux côtés. Que penser des victoires de Koltchak ? (...)
Président Wilson : Même incertitude au sujet de la Hongrie. Nous recevons des rapports sur l’impopularité de la dictature du prolétariat. (...) La conclusion de mon représentant est que le seul moyen de régler la question hongroise est une intervention militaire. (...)
Clemenceau : Il me paraît bien difficile d’occuper Budapest. Que nous demandera-t-on d’occuper ensuite ? Ce n’est pas la première fois qu’on nous invite à occuper telle ou telle partie de l’Europe. (...)
Président Wilson : J’ai donné au Département d’Etat l’instruction d’entrer directement en communication avec l’amiral Koltchak et de lui poser un certain nombre de questions, notamment sur ses intentions en ce qui concerne l’Assemblée Constituante et le régime agraire. »
« 20 mai 1919
Lord Robert Cecil : Lénine ne veut pas accepter la condition de suspension des hostilités. Après consultation avec le Conseil suprême économique, je conseille aux gouvernements de choisir entre deux politiques : il faut ou écraser les Bolcheviks ou imposer aux différents groupes belligérants de la Russie (...) qu’une Constituante soit immédiatement convoquée. En tout cas, il ne faut pas essayer de mêler les deux systèmes. (...)
Clemenceau : Si nous cessons d’envoyer des armes à Koltchak et à Denikine, ce n’est pas cela qui arrêtera Lénine. (...)
Lloyd George : D’un côté, nous avons des révolutionnaires violents et sans scrupules, de l’autre des gens qui prétendent agir dans l’intérêt de l’ordre, mais dont les intentions nous sont suspectes. Toutefois, nous avons le devoir de ne pas abandonner ceux dont nous avons eu besoin (...)
Lloyd George : Nous aurons aussi à examiner la question des provinces baltiques. (. ;) Comment faire fond sur ces populations ? Nous avons à un moment donné cherché à leur distribuer des armes pour combattre contre les Bolcheviks, mais nous y avons renoncé, parce que nous trouvions trop peu de gens en qui on pût avoir confiance. »
« 21 mai 1919
Lloyd George : Le monde musulman s’agite, vous savez nos difficultés en Egypte, l’Afghanistan est en état de guerre avec nous. Pendant la guerre nous avons levé dans les Indes plus d’un million d’hommes, presque tous musulmans, ce sont eux qui ont supporté presque tout le poids de la lutte contre la Turquie, quoique encadrés par des troupes blanches. Le monde musulman n’oublie pas cela. La division de la partie proprement turque de l’Asie Mineure serait injuste et impolitique (...)
Général Le Rond : Les Ukrainiens n’ont que médiocrement résisté aux Bolchevistes. (...) Les Polonais sont beaucoup plus capables qu’eux d’arrêter la marche en avant du bolchevisme.
Général Botha : Les Polonais, avec des munitions qu’ils reçoivent de nous, attaquent des gens qui ne sont pas nos ennemis (Ukraine). S’ils ont besoin de ce que nous leur donnons pour combattre les Bolchevistes, nous sommes prêts à continuer à le leur donner. (...) Si nous tolérons ce que la Pologne fait aujourd’hui, nous jetterons nous-mêmes le peuple ukrainien dans les bras des Bolcheviks.
Président Wilson : Si Paderewski tombe et que nous coupions les vivres à la Pologne, la Pologne elle-même ne deviendra-t-elle pas bolcheviste ? Le gouvernement de Paderewski est comme une digue contre le désordre, et peut-être la seule possible.
Lloyd George : Les Polonais estiment que le moyen de combattre les Bolchevistes n’est pas de s’unir avec les Ukrainiens contre eux, mais de supprimer les Ukrainiens. Quarante millions d’Ukrainiens, s’ils sont foulés aux pieds, se soulèveraient contre nous et pourraient créer un nouveau bolchevisme quand l’ancien se serait effondré. »
« 23 mai 1919
Orlando : Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir nier que l’état d’esprit en Italie est fort préoccupant. C’est un aveu qui me coûte beaucoup. L’exaspération de l’opinion italienne vient en partie de la fatigue de la guerre, en partie de la sensation d’anxiété provenant du fait que l’Italie ne voit pas les questions qui l’intéressent recevoir leur solution. (...) Il en est résulté une tension qui va, je le reconnais, jusqu’à la folie de la persécution ; et cela se tourne contre le gouvernement italien lui-même.
Président Wilson : N’est-ce pas l’Angleterre qui a fourni la plus grande partie des armes et des munitions à Koltchak et à Denikine ? Les Etats-Unis n’ont rien fourni, sauf aux Tchécoslovaques.
Lloyd George : C’est en effet la Grande-Bretagne qui a fait la plus grande partie de ces fournitures.
Clemenceau : Nous en avons fait aussi mais moins que vous.
Président Wilson : Notre rôle est différent. Nous n’avons fait que venir en aide aux Tchécoslovaques et assurer en partie la garde du chemin de fer transsibérien. (...)
Lloyd George : Il faut reprendre la question de l’armement des petits Etats de l’Europe centrale. (...)
Nous laisserons des troupes à la Pologne à cause du voisinage de la Russie. Nous laisserons des troupes à la Roumanie pour la même raison. »
« 24 mai 1919
Président Wilson : Nous craignons que l’amiral Koltchak, le général Denikine et le gouvernement d’Arkhangel ne soient soumis à des influences contre-révolutionnaires et que, s’ils n’ont pris aucun engagement vis-à-vis de nous, leur victoire n’aboutisse à une réaction qui conduirait sans doute à de nouveaux désordres et à une nouvelle révolution. (...)
Lloyd George : En Angleterre, le sentiment contre l’action de toute troupe britannique en Russie est de plus en plus fort. En revanche, nous pouvons laisser tous les individus qui, de leur propre gré, s’engageront au service d’un des gouvernements russes (Koltchak ou Denikine), leur fournir cette sorte d’assistance individuelle. En fait, lorsque nous avons demandé des volontaires pour notre corps d’occupation d’Arkhangel, nous en avons trouvé beaucoup. (...) D’ailleurs, ce qu’il faut en Russie, ce sont avant tout des spécialistes, artilleurs, aviateurs, etc… (…) Il est peut-être mieux de ne même pas mentionner ces volontaires dans notre dépêche (...).
Président Wilson : Ce n’est pas moi qu’il faut persuader mais le Congrès des Etats-Unis qui s’est montré jusqu’à présent hostile à l’idée de toute intervention en Russie. Je crois que cette attitude pourra changer si l’amiral Koltchak réponde d’une manière satisfaisante aux questions que nous allons lui poser. (...) Mais, pour aider l’amiral Koltchak dans sa marche vers l’ouest, nous ne lui fournissons que des moyens matériels, en laissant aux individus le droit de s’engager volontairement dans les armées russes. (...) Notre ambassadeur à Tokyo est en route pour Omsk ; il doit voir l’amiral Koltchak et se former une opinion sur lui et son entourage.
Lloyd George : Il serait bon d’envoyer quelqu’un faire la même enquête chez le général Denikine. (...) Denikine est entouré de bons officiers mais dont les méthodes sont brutales : ils ont fusillé quinze mille bolchevistes après les avoir fait prisonniers. »
« 26 mai 1919
Président Wilson : Le traité de Londres a été conclu dans des circonstances qu,i depuis, se sont modifiées. (...) L’opinion du monde elle-même s’est modifiée. (...) le monde n’avait pas encore compris qu’il y avait là une question qui le regardait (l’oppression des peuples colonisés menaçant de se joindre à la révolution russe et européenne) et dans laquelle son avenir même était en jeu, c’est ce qui n’a été compris que graduellement aux Etats-Unis et dans d’autres pays. (...) C’est alors que j’ai fait au Congrès mon discours sur nos buts de guerre (. ;) mes quatorze points (...). Le traité de Londres est fondé sur l’idée de l’ancienne politique européenne que la puissance la plus forte a le droit de régler le sort de la plus faible. (...) Si aujourd’hui cette idée était maintenue, elle provoquerait des réactions fatales à la paix du monde. »
« 28 mai 1919
Clemenceau : Nous allons discuter (...) pour tous les petits Etats (...) la question de la limitation de leurs armements (...)
Président Wilson : Il y a, dans cette partie du monde, un facteur inconnu : c’est la Russie. Ne pouvons-nous pas dire que, là où ce facteur peut se faire sentir, des forces militaires pourront être maintenues suffisantes pour parer à toute éventualité ?
Clemenceau : ce qu’il faut surtout, c’est ne pas trop hâter le désarmement des Etats d’Europe centrale.
Lloyd George : Je crains ce qui peut arriver si ces Etats ont des armées très supérieures à celle de l’Autriche. Je n’ai pas grande confiance dans la Roumanie, dans la Serbie.
Président Wilson : Il vaut mieux établir un régime provisoire tant que la période d’incertitude et de désordre continue. Il est impossible aujourd’hui, quand l’est de l’Europe est dans un état si critique, de militer définitivement les forces de chaque Etat. »
« 29 mai 1919
Lloyd George : En Russie, rien n’a plus contribué à rendre les Bolcheviks populaires que l’occupation étrangère. (En Europe centrale) il faut éviter que l’occupation irrite la population, accumule les haines et crée un danger pour l’Europe entière. »
« 2 juin 1919
Lloyd George : J’estime qu’il est de mon devoir de vous indiquer la situation de la délégation britannique en ce qui concerne le traité de paix. Elle est difficile. Notre opinion publique désire avant tout la paix (...) elle ne soutiendrait pas un gouvernement qui reprendrait la guerre. »
« 3 juin 1919
Lloyd George : Je crains que Koltchak n’ait subi un échec sérieux. » « 6 juin 1919
Le président Wilson donne lecture du télégramme de l’amiral Koltchak en réponse à la demande de garanties des Alliés : (...) « Il paraît impossible de rappeler l’assemblée de 1917 élue sous un régime de violence bolcheviste et dont les membres sont maintenant en majorité dans les rangs des Soviets. »
« 9 juin1919
Président Wilson : Je prie les membres du Conseil militaire interallié de nous faire connaître la situation militaire en Hongrie. (...)
Lloyd George : J’ai des informations récentes d’un Anglais, venu de Budapest, et d’ailleurs très hostile à Bela Kun. Il rejette toute la faute de ce qui est arrivé sur les Roumains. (...) Bela Kun, à ce moment, était perdu. Il était isolé dans Budapest. Sa situation pouvait se comparer à celle de la Commune de Paris immédiatement avant sa chute. L’avance des Roumains a soulevé le sentiment national hongrois et donné à Bela Kun une armée (...) J’ai reçu deux télégrammes de notre représentant militaire à Prague. Le premier dit que la situation est très grave, que les Tchèques manquent de munitions, que Presbourg est menacé et que le bolchevisme se développe en Slovaquie. Le second annonce qu’à la requête du Président Masaryk, le général Pellé a été placé à la tête de l’armée tchécoslovaque et la loi martiale proclamée à Presbourg. (...) Le général Franchet d’Esperey, qui nous représente tous, a donné une première fois aux Roumains ordre de s’arrêter. Cet ordre n’a pas été obéi. (...) Je propose d’arrêter tout envoi de matériel à la Roumanie jusqu’à ce qu’elle ait obéi à notre ordre. (...) La plus grande partie de nos difficultés vient de ce que les Etats qui sont nos amis refusent de suivre nos instructions. (...)
Président Wilson : Je n’aime pas jouer les dépôts de munitions. Cela peut produire des explosions. (...)
Lloyd George : Les Allemands ne savent plus où ils en sont. Ils ressemblent à un homme pris dans un cyclone, à qui l’on demanderait tout à coup : « à quel prix vendez-vous votre cheval ? » D’ailleurs nous sommes un peu dans la même situation. (...) Il faut aboutir. Nous ne pourrons tenir aucune des autres nations tant que nous n’aurons pas fait la paix avec l’Allemagne. »
« 10 juin 1919
Président Wilson : Nous vous avons convoqués, Messieurs, parce que nous sommes très préoccupés de la situation militaire en Hongrie et autour de la Hongrie. (...) Cette seconde offensive (roumaine) a eu comme conséquence la chute de Karolyi, dont l’attitude envers l’Entente était plus amicale que celle d’aucun autre homme d’Etat hongrois .C’est alors que Bela Kun s’empara du pouvoir. Son gouvernement n’était pas de nature à être accepté par les classes les plus établies de la population. Mais quand les Tchèques, à leur tour, attaquèrent le territoire hongrois. On nous rapporte que les officiers de l’ancienne armée hongroise eux-mêmes vinrent se ranger autour du gouvernement de Bela Kun. Celui-ci donc arrivé au pouvoir en conséquence de l’offensive roumaine y a été consolidé par l’offensive tchèque. Rien ne peut être plus fatal à notre politique. (...) Nous devons éviter de créer nous-mêmes le bolchevisme en donnant aux populations des pays ennemis de justes raisons de mécontentement. »
« 12 juin 1919
Lloyd George : En réponse à l’amiral Koltchak, nous ne pouvons faire plus que lui promettre notre appui. Il est impossible de reconnaître son gouvernement comme celui de toute la Russie. (...)
Orlando : Il y a en Italie une grève qui me préoccupe (...)
Lloyd George : J’ai eu quelques renseignements sur ce qui s’est passé à Rome pendant la visite de Ramsay MacDonald. Les socialistes italiens étaient d’avis de faire un coup, d’accord avec les groupes ouvriers de France et d’Angleterre. (...)
Orlando : L’agitation qui a lieu en Italie en ce moment est surtout dirigée contre la hausse des prix. Il y a eu quelques incidents sérieux à La Spezia : une personne a été tuée et deux blessées.
Lloyd George : Cette question des prix me préoccupe beaucoup et je crois que nous devrons bientôt faire un effort pour la résoudre en commun. A mon avis, il faudra établir un système d’achats interalliés. Autrement nous courrons à une révolution dans toute l’Europe. »
« 13 juin 1919
Lloyd George : Les moyens militaires à employer si les Allemands refusent de signer (la paix) ont été étudiés. Mais, à mon avis, le meilleur moyen d’obtenir la signature, c’est d’annoncer dès maintenant que nous nous préparons, en cas de refus, à reprendre le blocus. (...) Ce que je veux, c’est hâter la conclusion de la paix. Si la paix ne vient pas promptement, je crains un chaos qui serait bien pire que tout ce qu’ont pu faire des années de blocus (...) J’ai peur de trouver à Berlin un autre Moscou (...)
Président Wilson : La famine a produit ailleurs le chaos et je crains qu’elle ne le produise aussi en Allemagne.
Clemenceau : Lloyd George n’a pas envie d’aller à Berlin, moi non plus. »
« 17 juin 1919
Lloyd George : Le Conseil économique nous demande s’il n’y a pas lieu de lever le blocus de la Russie bolcheviste et de la Hongrie dès la signature du traité avec l’Allemagne. La question, en réalité, se borne à savoir si les allemands seront les seuls à avoir le droit de commercer avec la Russie. (...) Si je croyais que nous puissions écraser les Bolcheviks cette année, je serai d’avis de faire un grand effort auquel participeraient les flottes anglaise et française. Mais l’amiral Koltchak vient d’être repoussé à trois cent kilomètres en arrière. Une des ses armées est détruite. (...) Pour moi, l’amiral Koltchak ne battra pas Lénine. Il arrivera plutôt un moment où les adversaires se rapprocheront pour mettre fin à l’anarchie. Il semble que les affaires militaires des Bolcheviks soient bien conduites. Mais les observateurs qui nous renseignent disent que la pure doctrine bolcheviste est de plus en plus abandonnée et que ce qui se constitue là-bas, c’est un Etat qui ne diffère pas sensiblement d’un Etat bourgeois.
Clemenceau : Etes-vous sûr du fait ?
Président Wilson : Il est peut-être encore trop tôt pour le croire. (...)
Clemenceau : Il faut, en tout cas, tenir l’engagement que nous venons de prendre vis-à-vis de l’amiral Koltchak.
Lloyd George : Certainement. (...)
Président Wilson : Nous ne nous sommes engagés d’ailleurs qu’à l’aider en lui fournissant du matériel. (...) La question est celle-ci : sommes-nous en guerre avec la Russie bolcheviste ?
Lloyd George : Des troupes britanniques sont à Arkhangel. (...)
Président Wilson : Je vous signale que le Conseil interallié des transports maritimes a donné hier l’ordre d’arrêter les navires chargés de vivres à destination des ports de la Baltique (...) Je rappelle que j’ai beaucoup insisté pour que nous commencions par l’action militaire et que nous n’ayons recours au blocus qu’en dernier lieu. (...) Je ne suis pas d’avis de réduire à la famine la population d’un grand pays, sauf si c’est le dernier moyen d’action qui nous reste (...) »
« 23 juin 1919
Balfour : Une dépêche interceptée du gouvernement de Weimar à la délégation allemande de Versailles (...) : le gouvernement allemand se déclare prêt à signer. (...)
Lloyd George : M. Winston Churchill viendra sous peu vous parler du rapatriement des Tchèques par Arkhangel. On réclame instamment en Bohême le retour des troupes tchèques de Russie. M. Winston Churchill est surtout préoccupé d’établir, si cela est possible, des communications entre l’amiral Koltchak et Arkhangel, et les troupes tchèques sur le retour pourraient y aider. Mais il faut pour cela qu’elles soient remplacées le long du Transsibérien par des troupes japonaises et américaines. »
« 25 juin 1919
Clemenceau : Si nous prenons l’attitude qu’il faut, je crois qu’il y aura en Pologne des troubles locaux, mais pas de lutte armée. En tout cas, il ne faut pas laisser grandir le mouvement. (...) Le président Wilson nous prie de ne pas recommencer la guerre. Je le crois bien ! Mon pays a souffert plus que tout autre. Il s’élève en France un cri universel pour la démobilisation. (...) Toutefois, il y a un intérêt suprême qui s’élève au dessus du désir légitime d’en finir avec la guerre : il ne faut pas que les résultats de la guerre nous échappent par notre faiblesse. (...)
Lecture d’un rapport de la commission des affaires baltiques sur l’avance allemande qui se poursuit systématiquement. Le danger du côté des Bolcheviks n’est pas moins sérieux. (...) Un rapport annexe provenant des agents des Puissances alliées et associées dans la Baltique demande l’envoi d’une mission militaire interalliée sous le commandement d’un général anglais. Il demande également l’envoi d’instructeurs et d’armes. (...)
Lloyd George : Voilà des gens qui se battent pour leur liberté, et qui ne pourront pas continuer si nous ne leur envoyons pas d’argent. Pour ce qui est de les approvisionner en vivres et en munitions j’y suis prêt et je sui d’avis de leur envoyer la mission demandée. (...) Vous vous souvenez de l’échec et du recul de l’amiral Koltchak : il a perdu trois cent kilomètres de terrain. Mais en même temps Dénikine avance du côté du sud et les cosaques du Don se sont levés pour l’aider. (...) D’après un rapport, même si le front bolchevik était percé, les tchécoslovaques n’arriveraient pas à Arkhangel en temps voulu pour y être embarqués avant l’hiver. Nous pouvons leur proposer de faire un effort pour hâter leur libération mais nous courrons quelque risque si l’effort ne réussit pas. »
« 26 juin 1919
Clemenceau : J’ai reçu un télégramme de Bela Kun il y a quelques jours. Il demandait des garanties dont la première était la reconnaissance de la république des soviets. Je n’ai pas répondu. (...)
Lloyd George : Nous ne pouvons pas dire que nous ne reconnaîtrons jamais un gouvernement de soviets. Si défectueux que soit ce genre de gouvernement, il est, somme toute, plus représentatif que l’était celui du tsar.
Clemenceau : Cette reconnaissance présenterait ici des dangers réels. » « 28 juin 1919 (dernière réunion du Conseil des Quatre)
Président Wilson : Je ferai observer que nos délibérations ont eu le caractère de conversations privées.
Clemenceau : Assurément, publier ces comptes-rendus serait tout ce qu’il pourrait y avoir de plus dangereux.
Président Wilson : (...) Si j’avais pensé que cette question se poserait, je n’aurai jamais consenti à ce qu’on prît des notes. »
« Les délibérations du Conseil des Quatre »
Compte-rendu officiel des chefs d’Etat des grandes puissances
(Wilson président des Etats-Unis, Lloyd George chef du gouvernement anglais, Clemenceau chef du gouvernement français, Orlando chef du gouvernement italien, Paderewski chef du gouvernement polonais, Montagu secrétaire d’Etat pour l’Inde)
Edition du CNRS 1955

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