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Quel type de parti révolutionnaire faut-il à la classe ouvrière
samedi 29 mars 2025, par , , , , , , ,
Quel type de parti révolutionnaire faut-il à la classe ouvrière ?
Ce qui semble remarquable au premier abord c’est qu’il n’existe actuellement aucun parti au monde digne du nom de parti ouvrier ou de parti révolutionnaire au point que certains commentateurs s’imaginent qu’il n’y en aura plus. Mais c’est un peu comme certains commentateurs pensent qu’il n’y aura plus de révolution prolétarienne…
En fait, c’est très loin d’être la première période de l’histoire qui soit dans cette situation depuis que le capitalisme et le prolétariat industriel existent.
Voir ici : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1328
Le parti est, comme la révolution, « la vieille taupe » qui disparaît sous terre pour réapparaitre longtemps après, toujours aussi dynamique et active…
A la suite des grandes défaites prolétariennes, il y a eu à chaque fois de longues périodes où la classe ouvrière ne disposait plus de partis révolutionnaires, le capitalisme soit repartant pour une phase de croissance, soit l’humanité subissant un recul violent, les classes possédantes lui imposant un assassinat en masse et les masses retombaient dans le silence politique et parfois social. Il existe même des pays où les travailleurs n’ont jamais disposé d’un parti politique ouvrier. Il n’y a aucun mécanisme automatique qui définisse d’avance les progrès et les reculs de la conscience politique ni de l’organisation politique du prolétariat.
Les aléas de l’histoire sont aussi imprédictibles en la matière qu’en ce qui concerne les luttes de classes elles-mêmes. Des pays comme le Portugal, l’Italie, la France ou les USA ont connu à certains moments des explosions du nombre de gens qui voulaient militer en révolutionnaires, explosions que rien ne prédisait auparavant. Et du coup, des occasions brutales de construire des partis révolutionnaires. Mais pas forcément de véritables politiques révolutionnaires pour appuyer ces efforts…
Le combat d’idées sur le parti révolutionnaire a ses lois. Les trahir ne mène pas au succès. Les petits et les grands manipulateurs d’organisations ne conduisent pas le prolétariat révolutionnaire vers des victoires mais vers des impasses piteuses.
L’une de ces lois incontournables est celle de la connaissance des leçons du passé. Rappelons-nous que la Révolution française a été aussi loin parce qu’elle était amrée des leçons historiques des révolutions anglaises et américaines. Le prolétariat devra en être armé de cette connaissance quand il repartira à l’assaut. C’est l’une des tâches essentielles du parti révolutionnaire. Sans lui, les travailleurs ne peuvent avoir de telles connaissances.Ils n’ont aucun moyen d’emmagasiner les leçons des luttes passées et leur analyse à l’aide d’une méthode scientifique et révolutionnaire qu’ils n’ont jamais eu l’occasion d’étudier. Ils ont encore moins la possibilité de continuer à construire scientifiquement cette méthode, le marxisme. C’est la tâche numéro un des révolutionnaires : relier les lutes présentes aux leçons des luttes du passé, non seulement de celles des époques de Marx à Lénine et à Trotsky mais aussi des révolutions qui ont suivi, de la révolution vietnamienne à la hongroise et aux vagues révolutionnaires débutées en 2011 jusqu’à aujourd’hui. Leur analyse scientifique est un fondement indispensable des politiques des classes dirigeantes (c’est en tenant compte de ses leçons que celles-ci programment actuellement guerre mondiale, fascisme, dictature et guerres civiles intercommunautaires) et doit l’être aussi pour les exploités, pour contrer les pièges des exploiteurs.
La connaissance intime de tout le passé historique des luttes de classes (y compris celles des révolutions bourgeoises et même les révolutions de l’antiquité), c’est la première chose qui distingue l’avant-garde révolutionnaire de la masse du prolétariat, qu’elle soit ou pas infuencée par les réformistes politiques et syndicaux. Et il ne s’agit pas seulement de la connaissance des faits mais aussi de la liaison de ceux-ci avec une analyse scientifique de classe de toute l’Histoire, reliée de manière dynamique à une méthode scientifique et philosophique. Nous voulons bien entendu parler du marxisme, celui de Marx et Engels, enrichi par Rosa Luxemburg, Trotsky, Lénine et quelques autres.Là encore, il ne s’agit pas de faire une courbette aux anciens grands révolutionnaires, une citation par ci par là, et un compliment joliment tourné. Non, il faut que nos études actuelles prennent la suite de ces grands auteurs, même si tout le monde nous dira qu’on n’en est pas capables, qu’on n’a pas le génie de ceux-là, qu’on n’a pas leur expérience des révolutions, etc. Et c’est vrai mais necessité fait loi… La science vivante des révolutionnaires (science des révolutions mais aussi des contre-révolutions) ne peut pas se contenter de vivre d’évocations du passé et elle doit pénétrer le présent et l’avenir sous peine d’être dépassée par celle des ennemis du prolétariat. Elle doit s’emparer des meilleurs résultats des sciences et de la philosophie sous peine d’être dominée par des idées fausses (issues de l’idéalisme et de la pensée non-dialectique par exemple) qui la bloqueraient dans ses raisonnements. Les idées ne sont pas un domaine secondaire pour les révolutionnaires mais l’organisation sans la théorie révolutionnaire c’est un peu comme l’arbre sans la sève : elle est morte, tout en pouvant conserver toutes les apparences du vivant. L’organisation sans théorie révolutionnaire ne fait plus que figer des formes passées sans avoir le moindre rôle dynamique de transformation du monde.
La classe ouvrière, sans avant-garde éclairée et formée, est contrainte de retomber dans toutes les erreurs et illusions qui l’ont amené précédemment dans des impasses, de refaire les fautes déjà connues et d’en faire d’autres en plus. C’est un rôle majeur du parti révolutionnaire. Il ne dépend pas du nombre de ses militants, même si celui-ci joue un rôle dans la diffusion des idées. Encore faut-il que ces idées ne s’en tiennent pas à répéter que la société est malade du capitalisme et qu’il faudra le renverser un beau jour. Et à répéter aussi qu’il faudra alors disposer d’un grand parti révolutionnaire prolétarien. Car il y manque l’essentiel, à savoir comment le prolétariat pourra-t-il disposer de la force de réaliser ce tour de force alors que les luttes réformistes qui échouent sans cesse lui font penser qu’il ne serait même pas capable de préserver ses acquis…
Il ne suffit pas d’être révolté par la situation présente pour comprendre ce qui est extraordinaire (non magique mais seulement hors de l’ordinaire) dans les révolutions sociales dans lesquelles des masses exploitées qui se sont tues politiquement pendant des décennies se mettent à faire par elles-mêmes de la politique, à se donner les moyens et la force d’affirmer et d’imposer leur loi, des organisations de masse à la base qui pénètrent partout, se mêlent de tout et veulent décider de tout. Nous voulons parler des conseils ouvriers révolutionnaires, autrement appelés les soviets parce que c’est la révolution russe (ou plutôt les deux révolutions de février et octobre 1917) qui leur a donné la première manifestation éclatante de capacité, de courage, de force et de dynamisme.
Cette dernière remarque impose que les révolutionnaires qui souhaitent construire le parti révolutionnaire de demain soient des militants, dès aujourd’hui et même dans une phase non révolutionnaire ou pré-révolutionnaire, de l’idée soviétique, des défenseurs permanents et inébranlables de l’auto-organisation des travailleurs en masse et à la base, qui soit une organisation politique sur des bases de classe et avec des buts ouvertement révolutionnaires (lesquels nécessitent à la fois les objectifs suivants : l’organisation économique et social de toute la société au service exclusif du plus grand nombre sans aucun respect pour les intérêts des plus riches, la fin du sacro-saint droit de propriété privée sur les capitaux et les entreprises du grand capital, l’armement du prolétariat orgénisée en milices révolutionnaires et le désarmement des capitalistes et de leurs Etats, la suppression de tous les organismes d’Etat et le renvoi de tous les hauts fonctionnaires, généraux compris, la suppression des lois mises en place par le grand capital contre les travailleurs et l’union des conseils ouvriers avec tous ceux qui, au sein du peuple travailleur, sont des professions libérales qui n’exploitent personne et ne veulent pas défendre le grand capital). Quiconque ne ferait pas sans relâche de la propagande pour ces buts, en public comme au sein des organisations ouvrières syndicales et politiques ne serait nullement habilité à construire demain le parti révolutionnaire qui est si nécessaire à la classe ouvrière pour jouer son rôle historique de transformation de la société humaine, de sa phase exploiteuse à celle débarrassée des barbaries du passé.
Les organisations qui, dans la phase non révolutionnaire ou pré-révolutionnaire, montrraient de l’opportunisme envers les partis et syndicats réformistes doivent, au contraire, être marqués d’un signe de défiance aux yeux du prolétariat car ce seront les pires ennemis de la révolution, les plus sûrs moyens de la tromper !
Ceux qui répètent sans cesse que leur but unique est la construction du parti révolutionnaire ne sont pas les plus habilités à réussir cette tâche :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4923
Pour être en état de prétendre à construire le parti ouvrier révolutionnaire, un militant doit :
1°) Avoir une confiance profonde dans les capacités révolutionnaires auto-organisées de la masse du prolétariat et ne pas croire en sa seule avant-garde.
2°) Avoir une ferme conscience socialiste et ne développer la critique du monde capitaliste que d’un point de vue de l’avenir, c’est-à-dire du socialisme et jamais du démocratisme petit-bourgeois.
3°) Ne pas défendre des intérêts d’organisation, sous prétexte d’aller plus vite au parti, mais défendre seulement les intérêts du prolétariat. Ne pas se contenter de la défense des intérêts économiques immédiats mais favoriser toujours, chaque fois où c’est possible, l’intervention politique des prolétaires.
4°) Dans toute question locale, voir l’intérêt général des travailleurs et dans toute question à l’échelle nationale voir toujours l’intérêt international du prolétariat. Dans toutes les questions revendicatives, ne pas se contenter de revendications réformistes et poser toujours la question de manière à montrer comment la lutte mène à celle pour renverser le système capitaliste (revendications transitoires).
5°) Dans les interventions syndicales ou électorales, ne jamais considérer d’abord les intérêts de groupe mais les intérêts généraux des travailleurs. Toujours se préocupper d’abord de défendre la conscience socialiste des travailleurs. Ne pas craindre de critiquer publiquement et virulemment les directions réformistes politiques et syndicales et démasquer toutes leurs tromperies et trahisons, critiques qui seront précieuses quand ces organisations, lors de la montée révolutionnaires, voudront se faire passer pour radicales afin de chevaucher la montée des luttes et de détourner la révolution sociale. Ne pas craindre de dénoncer les fausses extrêmes gauches opportunistes qui peuvent, dans des circonstances révolutionnaires, jouer un rôle extrêmement négaitf.
6°) Ne jamais limiter son combat à la défense d’un peuple, d’une nation, d’une religion, d’une culture. Les travailleurs révolutionnaires n’ont pas de patrie, pas de nation, pas de religion, pas de communauté autre que la communauté humaine. Mais ils se battent contre toutes les formes d’oppression. Ne jamais craindre de se heurter aux préjugés nationalistes, racistes, corporatistes et autres qui trainent dans la classe ouvrière.
7°) Ne jamais isoler socialement et politiquement le prolétariat de toutes les couches sociales (artisans, petits commerçants, paysans, petits pêcheurs, petites professions libérales, jeunes, chômeurs, femmes, nationalités et religions opprimées) qui commencent à se révolter et qu’il est appelé à diriger pour gagner la révolution. Construire au contraire le programme du prolétariat pour que celui-ci prenne la tête de toutes ces couches et les sépare du grand capital.
8°) Ambitionner d’abord les meilleures idées pour les plus grandes avancées du prolétariat et pas seulement les meilleures avancées de son organisation.
9°) Ne pas s’adresser en priorité aux militants syndicalistes ou politiques de gauche ni à l’aristocratie ouvrière qui les fréquente et qui se croit adaptée au capitalisme.
10°) La première tâche politique du parti est de développer une analyse de la situation des classes exploiteuses et pas d’abord des souffrances des exploités ! C’est cette situation qui détermine la politique des classes dirigeantes capitalistes et, du coup, la politique qui est nécessaire au prolétariat. La base d’une telle analyse est l’étude de l’effondrement historique du système mondial initiée en 2007-2008 et dont les conséquences sont encore en plein développement (vague des révolutions, pandémie, fascismes, guerres et montée de la guerre mondiale). Sans une telle analyse, pas question de parti révolutionnaire et la classe ouvrière se bat les yeux bandés !
Diverses conceptions du parti révolutionnaire :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3919
Karl Marx et les buts de l’organisation du prolétariat (1850) dans « Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes » (1850) :
« Les ouvriers contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu’ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner - par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques - de l’organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : La révolution en permanence ! »
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7325
Rosa Luxemburg : le rôle du Parti prolétarien dans la grève de masse (1906) :
« S’il est donc vrai que c’est à la période révolutionnaire que revient la direction de la grève au sens de l’initiative de son déclenchement et de la prise en charge des frais, il n’est pas moins vrai qu’en un tout autre sens la direction dans les grèves de masse revient à la social-démocratie et à ses organismes directeurs. Au lieu de se poser le problème de la technique et du mécanisme de la grève de masse, la social-démocratie est appelée, dans une période révolutionnaire, à en prendre la direction politique. La tâche la plus importante de « direction » dans la période de la grève de masse, consiste à donner le mot d’ordre de la lutte, à l’orienter, à régler la tactique de la lutte politique de telle manière qu’à chaque phase et à chaque instant du combat, est réalisée et mise en activité la totalité de la puissance du prolétariat déjà engagé et lancé dans la bataille et que cette puissance s’exprime par la position du Parti dans la lutte ; il faut que la tactique de la social-démocratie ne se trouve jamais, quant à l’énergie et à la précision, au dessous du niveau du rapport des forces en présence, mais qu’au contraire elle dépasse ce niveau ; alors cette direction politique se transformera automatiquement en une certaine mesure en direction technique. Une tactique socialiste conséquente, résolue, allant de l’avant, provoque dans masse un sentiment de sécurité, de confiance, de combativité ; une tactique hésitante, faible, fondée sur une sous-estimation des forces du prolétariat, paralyse et désoriente la masse. Dans le premier cas les grèves de masse éclatent « spontanément » et toujours « en temps opportun » ; dans le deuxième cas la direction du Parti a beau appeler directement à la grève - c’est en vain. La révolution nous offre des exemples parlants de l’un et l’autre cas. »
https://www.marxists.org/francais/luxembur/gr_p_s/greve4.htm
Lénine écrit dans La Maladie infantile du communisme (1920) :
« Qu’est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat ? » , « Qu’est-ce qui la contrôle ? Qu’est-ce qui l’étaye ? C’est d’abord, la conscience de l’avant garde prolétarienne et son dévouement à la révolution, sa fermeté, son esprit de sacrifice, son héroïsme. C’est, ensuite, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous voulez, à se fondre jusqu’à un certain point avec la masse la plus large des travailleurs, au premier chef avec la masse prolétarienne, mais aussi la masse des travailleurs non prolétarienne. Troisièmement, c’est la justesse de sa stratégie et de sa tactique politiques, à condition que les grandes masses se convainquent de cette justesse par leur propre expérience. A défaut de ces conditions, dans un parti révolutionnaire réellement capable d’être le parti de la classe d’avant-garde appelé à renverser la bourgeoisie et à transformer la société, la discipline est irréalisable. Ces conditions faisant défaut, toute tentative de créer cette discipline se réduit inéluctablement à des phrases creuses, à des mots, à des simagrées. Mais, d’autre part, ces conditions ne peuvent pas surgir d’emblée. Elles ne s’élaborent qu’au prix d’un long travail, d’une dure expérience ; leur élaboration est facilitée par une théorie révolutionnaire juste qui n’est pas un dogme, et qui ne se forme définitivement qu’en liaison étroite avec la pratique d’un mouvement réellement massif et réellement révolutionnaire ».
« L’histoire en général, et plus particulièrement l’histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, "plus ingénieuse" que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées. Et cela se conçoit, puisque les meilleures avant-gardes expriment la conscience, la volonté, la passion, l’imagination de dizaines de mille hommes, tandis que la révolution est, - en des moments d’exaltation et de tension particulières de toutes les facultés humaines, - l’œuvre de la conscience, de la volonté, de la passion, de l’imagination de dizaines de millions d’hommes aiguillonnés par la plus âpre lutte des classes. De là deux conclusions pratiques d’une grande importance : la première, c’est que la classe révolutionnaire, pour remplir sa tâche, doit savoir prendre possession de toutes les formes et de tous les côtés, sans la moindre exception, de l’activité sociale (quitte à compléter, après la conquête du pouvoir politique et parfois au prix d’un grand risque et d’un danger énorme, ce qu’elle n’aura pas terminé avant cette conquête) ; la seconde, c’est que la classe révolutionnaire doit se tenir prête à remplacer vite et brusquement une forme par une autre. »
Lénine dans « Le matérialisme militant » (1922) :
« Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste. »
Trotsky sur l’organisation révolutionnaire en 1923 :
« Si nous prenons maintenant notre Parti bolchevik dans son passé révolutionnaire et dans la période qui suit octobre, on reconnaîtra que sa qualité tactique fondamentale la plus précieuse est sa capacité inégalée à s’orienter rapidement, à changer rapidement de tactique, à renouveler son armement et à appliquer de nouvelles méthodes, en un mot, pour effectuer des virages brusques. Des conditions historiques orageuses ont rendu cette tactique nécessaire. Le génie de Lénine lui a donné une forme supérieure. Cela ne veut pas dire, naturellement, que notre parti est complètement libéré d’un certain traditionalisme conservateur : un parti de masse ne peut pas être idéalement libre. Mais sa force et sa puissance se sont manifestées dans le fait que l’inertie, le traditionalisme, la routine, ont été réduits au minimum par une initiative tactique clairvoyante, profondément révolutionnaire, à la fois audacieuse et réaliste.
C’est en cela que consiste et doit consister la véritable tradition du parti. La bureaucratisation relativement forte de l’appareil du parti s’accompagne inévitablement du développement du traditionalisme conservateur avec tous ses effets. Il vaut mieux exagérer ce danger que le sous-estimer. Le fait indéniable que les éléments les plus conservateurs de l’appareil sont enclins à identifier leurs opinions, leurs méthodes et leurs erreurs avec le « vieux bolchevisme », et cherchent à identifier la critique du bureaucratisme avec la destruction de la tradition, ce fait, dis-je. , est déjà à lui seul l’expression incontestable d’une certaine pétrification idéologique.
Le marxisme est une méthode d’analyse historique, d’orientation politique, et non une masse de décisions préparées d’avance. Le léninisme est l’application de cette méthode dans les conditions d’une époque historique exceptionnelle. C’est précisément cette union des particularités de l’époque et de la méthode qui détermine cette politique courageuse et assurée de virages brusques dont Lénine nous a donné les plus beaux modèles, et qu’il a plus d’une fois éclairé théoriquement et généralisé. »
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6309
Trotsky dans « Leçons d’octobre » (1924) :
« Considérée à la lumière de notre propre expérience, l’expé¬rience des batailles des dernières années en Europe et principa¬lement en Allemagne, nous montre qu’il y a deux catégories de chefs enclins à tirer le Parti en arrière au moment où il lui faut accomplir le plus grand saut en avant. Les uns sont portés à voir principalement les difficultés, les obstacles et à apprécier chaque situation avec le parti pris, inconscient parfois, de se dérober à l’action. Chez eux, le marxisme devient une méthode servant à motiver l’impossibilité de l’action révolutionnaire. Les menche¬viks russes représentaient les spécimens les plus caractéris¬tiques de ce type de chefs. Mais ce type ne se limite pas au menchevisme et, au moment le plus critique, se révèle dans le parti le plus révolutionnaire, chez les militants occupant les plus hauts postes. Les représentants de l’autre catégorie sont des agitateurs superficiels. Ils ne voient pas les obstacles tant qu’ils ne s’y heurtent pas de front. Leur coutume d’éluder les difficultés réelles en jonglant sur les mots, leurs optimisme extrême dans toutes les questions se transforment inévitablement en impuis¬sance et en pessimisme quand vient le moment de l’action déci¬sive. Pour le premier type, pour le révolutionnaire mesquin, gagne-petit, les difficultés de la prise du pouvoir ne sont que l’accumulation et la multiplication de toutes les difficultés qu’il est habitué à voir sur son chemin. Pour le second type, pour l’optimiste superficiel, les difficultés de l’action révolutionnaire surgissent toujours soudainement. Dans la période de prépara¬tion, ces deux hommes ont une conduite différente l’un apparaît comme un sceptique sur lequel il est impossible de compter fermement au point de vue révolutionnaire ; l’autre, par contre, peut sembler un révolutionnaire ardent. Mais, au moment décisif, tous deux marchent la main dans la main, s’élèvent contre l’insurrection. Pourtant, tout le travail de préparation n’a de valeur que dans la mesure où il rend le Parti, et surtout ses organes dirigeants, capables de déterminer le moment de l’insur¬rection et de la diriger. Car la tâche du Parti communiste est de s’emparer du pouvoir afin de procéder à la refonte de la société. »
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1461
Trotsky dans « Les questions du régime intérieur du parti » (1928) :
« Lénine et nous avec lui, nous redoutions, avant tout, que le Parti communiste russe, disposant des puissantes ressources d’un État, n’exerçât une influence excessive, écrasante, sur les jeunes partis d’Occident qui venaient de s’organiser. Lénine, sans se lasser, multipliait les mises en garde contre un accroissement prématuré du centralisme, contre toute avance exagérée du Comité exécutif et du Présidium dans cette voie, et surtout contre des formes et méthodes d’assistance qui se transformeraient en commandement direct, n’admettant aucun recours en appel.
La rupture se produisit en 1924, sous le nom de " bolchevisation ". Si l’on entend, par bolchevisation, l’épuration du parti par l’élimination d’éléments et d’habitudes hétérogènes, celle des fonctionnaires sociaux-démocrates accrochés à leurs postes, des francs-maçons, des démocrates-pacifistes, des confusionnistes spiritualistes, etc., alors cette besogne s’accomplit dès le premier jour de l’existence de l’Internationale communiste ; lors du IVe Congrès, elle prit des formes très actives à l’égard du Parti communiste français. Mais cette bolchevisation véritable se liait indissolublement, autrefois, à l’expérience propre des sections nationales de l’Internationale communiste et s’étendait à partir de cette expérience ; elle avait comme pierre de touche les questions de politique nationale, qui s’élevaient jusqu’à devenir des problèmes internationaux. La " bolchevisation " de 1924 ne fut qu’une caricature ; on mit le revolver sur la tempe des organisations dirigeantes des partis communistes, en exigeant d’elles que, sans informations ni débats, elles prissent immédiatement et définitivement position sur les divergences internes du Parti communiste de l’U.R.S.S. ; elles savaient d’avance que les positions prises détermineraient leur maintien dans l’Internationale communiste ou leur rejet hors de ses rangs.
Pourtant, en 1924, les partis communistes européens n’avaient pas les moyens de résoudre les problèmes qui étaient posés dans la discussion russe, où s’ébauchaient à peine dans la nouvelle étape de la dictature du prolétariat deux tendances de principe. Il est évident qu’après 1924, le travail d’épuration demeurait indispensable, et, dans de nombreuses sections, des éléments hétérogènes furent éliminés à juste titre. Mais, considérée dans son ensemble, la " bolchevisation " consistait chaque fois à désorganiser les directions qui se formaient dans les partis communistes occidentaux, en utilisant comme un coin les différends russes que l’appareil d’État enfonçait à coups de marteau. Tout cela se dissimulait sous l’étendard de la lutte contre l’esprit de fraction.
Quand, au sein du parti de l’avant-garde prolétarienne, des fractions viennent à se cristalliser, menaçant de le rendre pour longtemps inapte au combat, il est évident que le parti est dans la nécessité de prendre une décision : faut-il laisser au temps la possibilité d’opérer une vérification supplémentaire, ou bien faut-il reconnaître immédiatement que la scission est inévitable ? Un parti de combat ne peut être une somme de fractions tirant à hue et à dia. Sous sa forme générale cette idée est incontestable. Mais user de la scission comme d’un moyen préventif contre les divergences de vues, amputer tout groupe ou groupement qui fait entendre la voix de la critique, c’est transformer la vie intérieure du parti en une succession d’avortements dans l’organisation. De telles, méthodes, loin de contribuer à la perpétuation et au développement de l’espèce, ne font qu’épuiser l’organisme générateur, c’est-à-dire le parti. La lutte contre l’esprit de fraction devient plus dangereuse que cet esprit lui-même.
A l’heure actuelle, les premiers fondateurs de presque tous les partis communistes du monde ont été mis en dehors de l’Internationale, sans excepter son ex-président. Dans presque tous les partis, les groupes qui en guidèrent le développement pendant deux périodes consécutives sont exclus ou mis à l’écart. En Allemagne, le groupe Brandler n’a maintenant qu’un pied dans le parti ; le groupe Maslow n’a pas franchi son seuil. En France, les anciens groupes de Rosmer-Monatte, Loriot, Souvarine, ont été exclus ; il en va de même pour le groupe Girault-Treint, qui occupa la direction pendant la période suivante. En Belgique, on a exclu le groupe de Van Overstraeten. Si le groupe de Bordiga, qui donna naissance au Parti communiste italien, n’est qu’à moitié exclu, cela s’explique par les conditions du régime fasciste. En Tchécoslovaquie, en Suède, en Norvège, aux États-Unis, en un mot dans presque tous les partis du monde, des événements plus ou moins analogues se sont produits depuis la mort de Lénine. »
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6671
Le parti révolutionnaire, vu par Trotsky en 1931 :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1461
Trotsky dans "Réponse à des questions concernant les Etats Unis" (1940) :
« Avant tout, qu’est ce qui caractérise un parti prolétarien ? Personne n’est obligé de militer dans un parti révolutionnaire, mais, s’il le fait, il prend son parti au sérieux. Quand on ose appeler le peuple à un changement révolutionnaire de société, on porte une énorme responsabilité qu’il faut prendre très au sérieux. Et qu’est-ce que notre théorie, sinon, simplement l’outil de notre action ? Cet outil, c’est la théorie, marxiste, parce que, jusqu’à présent, nous n’en avons pas trouvé de meilleur. Un ouvrier ne se livre à aucune fantaisie avec ses outils : si ce sont les meilleurs outils qu’il puisse avoir, il en prend grand soin ; il ne les abandonne pas et n’exige pas des outils fantaisistes, qui n’existent pas »
Nombre de militants révolutionnaires croient résumer la pensée de Lénine en disant : il nous faut un parti révolutionnaire et la pensée de Trotsky en disant que la crise de la société se résume à l’absence d’une direction révolutionnaire.
Bien entendu, le parti est une question cruciale. Mais quel cuisinier dirait que la question de la gastronomie se résume à mettre beaucoup de sel ?
Bien entendu, nous sommes ici victimes de la version stalinienne de la révolution d’octobre et du bolchevisme.
Nous allons ici essayer de montrer que nos glorieux prédécesseurs ne voyaient pas les choses ainsi. Ils étaient pour que la classe ouvrière intervienne sur le terrain politique, contrairement aux anarchistes, brigue le pouvoir politique par la révolution. Mais ils n’isolaient pas cette question du parti d’une autre question cruciale : le lien avec l’action autonome des masses.
Bien des militants révolutionnaires oublient que les révolutionnaires communistes voyaient dans le prolétariat la classe révolutionnaire et non dans ses organisations, qu’elles soient révolutionnaires ou syndicales.
Le parti ou le syndicat ne remplacent pas la classe. Les militant du parti ou du syndicat qui estime que son organisation doit décider ... en lieu et place des travailleurs n’est pas révolutionnaire, même si honnêtement il ne le sait pas ...
Nous ne voulons pas développer une thèse selon laquelle la spontanéité des masses suffirait à régler tous les problèmes. Nous sommes partisans de la construction d’un parti révolutionnaire mais nous estimons que la signification de celui-ci est complètement perdue lorsque les militants estiment que l’organisationrévolutionnaire est un but en soi.
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article843
Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (mars 1936) :
« Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. »
Léon Trotsky dans « L’étape décisive » (juin 1936) :
« Le mot d’ordre de comités ne peut être abordé que par une véritable organisation révolutionnaire, absolument dévouée aux masses, à leur cause, à leur lutte. Les ouvriers français viennent de montrer de nouveau qu’ils sont dignes de leur réputation historique. Il faut leur faire confiance. Les soviets sont toujours nés des grèves. La grève de masse est l’élément naturel de la révolution prolétarienne. D’atelier en atelier, d’usine en usine, de quartier en quartier, de ville en ville, les comités d’action doivent établir entre eux une liaison étroite, se réunir en conférences par villes, par branches de production, par arrondissements, afin de couronner le tout par un congrès de tous les comités d’action de France. »
Un point à ne jamais oublier : ni le parti communiste révolutionnaire ni l’Etat ouvrier ne peuvent se substituer au prolétariat révolutionnaire
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4731
Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936)
"L’émancipation des ouvriers ne peut être l’oeuvre que des ouvriers eux-mêmes. Il n’y a donc pas de plus grand crime que de tromper les masses, de faire passer des défaites pour des victoires, des amis pour des ennemis, d’acheter des chefs, de fabriquer des légendes, de monter des procès d’imposture, — de faire en un mot ce que font les staliniens. Ces moyens ne peuvent servir qu’à une fin : prolonger la domination d’une coterie déjà condamnée par l’histoire. Ils ne peuvent pas servir à l’émancipation des masses. Voilà pourquoi la IVe Internationale soutient contre le stalinisme une lutte à mort.
Il va sans dire que les masses ne sont pas sans péché. Nous ne sommes pas enclins à les idéaliser. Nous les avons vues en des circonstances variées, à diverses étapes, au milieu des plus grands bouleversements. Nous avons observé leurs faiblesses et leurs qualités. Leurs qualités : la décision, l’abnégation, l’héroïsme trouvaient toujours leur plus haute expression dans les périodes d’essor de la révolution. A ces moments, les bolcheviks furent à la tête des masses. Un autre chapitre de l’histoire s’ouvrit ensuite, quand se révélèrent les faiblesses des opprimés : hétérogénéité, insuffisance de culture, manque d’horizon. Fatiguées, déçues, les masses s’affaissèrent, perdirent la foi en elles-mêmes et cédèrent la place à une nouvelle aristocratie. Dans cette période les bolcheviks (les "trotskistes") se trouvèrent isolés des masses. Nous avons pratiquement parcouru deux cycles semblables : 1897-1905, années de flux ; 1907-1913, années de reflux ; 1917-1923, années marquées par un essor sans précédent dans l’histoire ; puis une nouvelle période de réaction qui n’est pas encore finie. Grâce à ces événements, les "trotskistes" ont appris à connaître le rythme de l’histoire, en d’autres termes la dialectique de la lutte des classes. Ils ont appris et, me semble-t-il, réussi à subordonner à ce rythme objectif leurs desseins subjectifs et leurs programmes. Ils ont appris à ne point désespérer parce que les lois de l’histoire ne dépendent pas de nos goûts individuels ou de nos critériums moraux. Ils ont appris à subordonner leurs goûts individuels à ces lois. Ils ont appris à ne point craindre les ennemis les plus puissants, si la puissance de ces ennemis est en contradiction avec les exigences du développement historique. Ils savent remonter le courant avec la conviction profonde que l’afflux historique d’une puissance nouvelle les portera jusqu’à l’autre rive. Pas tous ; beaucoup se noieront en chemin. Mais participer au mouvement les yeux ouverts, avec une volonté tendue, telle est bien la satisfaction morale par excellence qui puisse être donnée à un être pensant !"
Léon Trotsky dans "Leur morale et la nôtre"
"Lénine expliquait aux amateurs de "problèmes politiques concrets" que notre politique n’est pas de caractère conjoncturel mais principiel ; que la tactique est subordonnée à la stratégie ; que, pour nous, le sens fondamental de chaque campagne politique est de mener les travailleurs des questions particulières aux problèmes généraux, c’est-à-dire de les amener à la compréhension de la société moderne et du caractère de ses forces fondamentales."
Léon Trotsky dans "Défense du marxisme" dans le paragraphe "contre le pseudo "réalisme" politique"
"Les époques réactionnaires comme la nôtre non seulement désagrègent et affaiblissent la classe ouvrière en isolant son avant-garde, mais aussi abaissent le niveau idéologique général du mouvement en rejetant la pensée politique loin en arrière, à des étapes dépassées depuis longtemps. Dans ces conditions, la tâche de l’avant-garde est avant tout de ne pas se laisser entraîner par le reflux général. Il faut aller contre le courant. Si le rapport défavorable des forces ne permet pas de conserver les positions politiques précédemment occupées, il faut se maintenir au moins sur les positions idéologiques, car c’est en elles qu’est concentrée l’expérience chèrement payée du passé. Une telle politique apparaît aux yeux des sots comme du "sectarisme". En réalité elle ne fait que préparer un nouveau bond gigantesque en avant, avec la vague de la prochaine montée historique."
Léon Trotsky dans "Bolchevisme contre stalinisme"
"La situation politique mondiale dans son ensemble se caractérise avant tout par la crise historique de la direction du prolétariat."
Léon Trotsky
dans "Le programme de transition"
"Engels a écrit un jour que Marx et lui-même étaient restés toute leur vie en minorité et qu’ils s’en étaient toujours " bien trouvés ". Les périodes où le mouvement des classes opprimées s’élève au niveau des tâches générales de la révolution représentent les très rares exceptions de l’histoire."
Léon Trotsky dans "Moralistes et sycophantes
contre le Marxisme" (1939)
"Le parti révolutionnaire du fait qu’il représente les intérêts permanents de la classe ouvrière est obligé, pendant la plus longue période de son existence peut-être, de lutter contre le courant, contre les conceptions petite-bourgeoises. Il y a des moments plus courts dans l’existence du parti où le groupement qui a su lutter contre le courant va avec le courant, les évènements viennent donner une confirmation éclatante à ses conceptions antérieures."
Barta dans un texte de début août 1944
Le parti, ce n’est pas d’abord un appareil de militants ni une masse d’adhérents, ce n’est pas d’abord des structures organisationnelles. Ce n’est pas seulement une direction mais surtout une orientation, des analyses, des perspectives et une politique. Ces dernières ne doivent pas avoir comme critère la sauvegarde du groupe, mais d’abord les intérêts de classe. Les communistes n’ont pas d’intérêts particuliers de leur groupe à défendre, disait Marx dans « Le Manifeste Communiste ». Etre communiste, ce n’est s’isoler du reste du mouvement ouvrier mais ce n’est pas non plus mettre son drapeau dans sa poche dès qu’il y a des affrontements entre perspectives opposées. La perspective communiste est celle qui n’oublie jamais la perspective du renversement total, mondial et définitif du capitalisme, même dans une période où ce changement pourrait sembler très éloigné, même si les travailleurs eux-mêmes semblent loin d’être sensibles à cette perspective. Les communistes révolutionnaires ne se servent pas de leur particularité pour se détourner du mouvement ouvrier réel et se mettre en retrait. Mais ils ne pratiquent pas non plus l’opportunisme consistant à s’adapter pour avoir plus de succès. En somme, ni sectarisme, ni opportunisme : le chemin est étroit. La confiance en l’avenir communiste ne résulte pas de la confiance dans des leaders suprêmes mais dans les capacités que les prolétaires ont déjà montré dans l’Histoire et dans la connaissance des lois de la lutte des classes.
Dans le passé, ce sont les groupes et partis révolutionnaires qui se sont souvent fait bien plus de mal que la bourgeoisie ne leur en a fait. Ce n’est pas dans les prisons, dans les tortures, face aux pelotons d’exécutions que des groupes révolutionnaires ont théorisé leurs reculs, leurs capitulations, leurs dérives ou leurs renoncements. Au contraire, c’est au plus haut sommet de leurs succès qu’ils ont cédé à la pression de la réussite. Même le parti bolchevique. C’est lorsqu’ils étaient en situation de jouer un rôle important et même décisif que les groupes communistes révolutionnaires (en tout cas qui se revendiquaient de cette perspective) ont reculé politiquement. Il ne suffit pas de dénoncer ces renonciations. Il faut aussi les analyser. Elles ne concernent pas que leurs auteurs mais tous les militants révolutionnaires. Sur ce terrain aussi, qui ne tire pas des leçons du passé sera rattrapé par lui. La première des leçons est que le sectarisme et l’opportunisme sont des frères jumeaux. La deuxième est que ceux qui placent l’organisation (ou sa direction) au dessus des perspectives, ceux qui renoncent à l’analyse théorique, se préparent des lendemains difficiles. Il ne suffit pas de prétendre faire d’un groupe un corps homogène, prétendument imperméable aux influences extérieures (surtout celle des autres groupes révolutionnaires) pour bâtir une cohésion politique. Il faut étudier, d’abord étudier et encore étudier… Etudier les luttes passées, les conditions des révolutions, les modes de fonctionnement de la société et de la nature. Celui qui continue à apprendre du monde en changement permanent n’est pas sujet à la maladie de l’auto-centrage. Le monde ne tourne pas autour de notre nombril. Le fixer avec admiration ou avec fascination ne peut pas être une politique. Se gargariser du mot de construction du parti n’est en rien une recette pour le construire. S’approprier la conscience des fonctionnements du monde y rapproche bien plus et permet bien plus aussi de rejoindre un jour un autre mouvement de la conscience : celui d’un prolétariat qui tirera les leçons de ses propres expériences. Les autres raccourcis ou prétendus tels mènent dans le mur…