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Les soviets en Roumanie

dimanche 27 juillet 2025, par Robert Paris

Le Roumtcherod et la préparation de la Révolution d’Octobre

Christian Rakovsky

Source : (écrit sous le pseudonyme de Kristev) « Roumtcherod v podgatovke Oktjabrskoï-
revolioutsii » Le Roumtcherod et la préparation de la Révolution d’Octobre, Letopis’
revolioutsii, n° 1, janvier 1922, p. 171-183. Traduction et notes MIA.

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1922/01/Roumtcherod_preparation_1922.pdf

Source : « Roumtcherod v podgatovke Oktjabrskoï-revolioutsii » (écrit sous le pseudonyme de Kristev) Le Roumtcherod et la préparation de la Révolution d’Octobre, Letopis’ revolioutsii, n° 1, janvier 1922, p. 171-183. Traduction et notes MIA.

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1922/01/Roumtcherod_preparation_1922.pdf

La Grande Révolution prolétarienne russe a créé, au cours de son processus, un type particulier d’organisation – les Soviets – englobant les larges masses ouvrières et paysannes et constituant en même temps un puissant moteur de sa lutte et une puissante forme positive et créatrice de construction d’un nouvel État et d’une nouvelle économie. De plus, au cours de la révolution, cette forme d’organisation fut dominante au nord, au sud, à l’ouest et à l’est du vaste ancien empire et les masses russes, longtemps endormies, purent exprimer leur volonté, concentrer leur énergie révolutionnaire et la mettre en pratique à travers elle.

Dans le Sud, cette forme d’organisation avait pour nom le Roumtcherod – le Comité exécutif central du Front roumain, de la flotte de la mer Noire et de la région d’Odessa. L’activité du Roumtcherod, ainsi que de l’ensemble de la révolution russe, sera étudiée et clarifiée en détail par les historiens à l’avenir mais pour l’instant, je voudrais partager ici mes souvenirs sur ce Roumtcherod qui a joué un rôle si décisif dans la révolution dans le Sud du pays.

Le 10 mai 1917 (1), le premier Congrès des armées du Front roumain, de la flotte de la mer Noire et de la région d’Odessa se réunit dans cette dernière ville. L’écrasante majorité des participants étaient des soldats, suivis par des ouvriers, des marins et, enfin, un petit groupe de paysans. Les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires et le corps des généraux et officiers contre-révolutionnaires, devenu rose pâle, occupaient une place prépondérante au Congrès ; les bolcheviks, en tant que tels, étaient presque totalement absents.

La première séance du Congrès fut ouverte par le capitaine Zaroudny, qui prononça un discours ouvertement contre-révolutionnaire, saluant les « aigles de combat ». Le Présidium du Congrès était composé comme suit : le Président ; le capitaine Zaroudny (qui dès le début se retira de la direction active du Congrès lorsqu’il vit que le Congrès était bien plus à gauche que lui) ; des socialistes-révolutionnaires (le sieur Kipanidzé, qui dirigea en fait le Congrès tout du long) ; des menchéviks (Landa, Moseïenko), et le camarade Starostine, un ouvrier d’Odessa.

D’un côté, la masse des soldats extrêmement révolutionnaire, de l’autre, une intelligentsia démocratique divisée en deux pôles, les socialistes-révolutionnaires et les social-démocrates, et enfin le groupe des officiers nobles. La masse grise, à peine éveillée, des soldats-paysans, tomba naturellement tout de suite sous l’influence de la phraséologie révolutionnaire pathétique et colorée de la première fraction, mais sentit instinctivement l’inclination à droite de la fraction des officiers. Le groupe des ouvriers, dirigé par N. N. Mandelstam, était noyé dans la masse des soldats, mais il joua néanmoins un rôle énorme du point de vue idéologique, rôle qui s’est en fait révélé hégémonique, bien qu’avec des yeux qui commençaient à peine à voir clairement, tout en discernant correctement le cours ultérieur de la révolution et son essence. Les paysans étaient peu nombreux et leurs interventions se concentraient bien entendu sur la terre, ne se souciant guère d’autre chose. Les marins, qui étaient extrêmement zélés et profondément révolutionnaires, tombèrent également sous l’influence de l’intelligentsia, s’inclinant involontairement bien su&r à la fois vers la gauche « en paroles » et vers la droite incarnée par Zaroudny.

Telle était le tableau du premier parlement ouvrier et paysan du Sud et il correspondait fidèlement à la réalité d’alors, reflétant l’état d’esprit des masses de soldats-paysans, de marins et d’ouvriers nouvellement éveillées, leurs espoirs instinctifs, leurs aspirations et leurs souhaits. En un mot, le Congrès était un réservoir d’énergie révolutionnaire énorme et inexploitée, et par son ampleur, cette énergie était tout à fait à la mesure de l’immense théâtre d’Odessa, où il s’est réuni jusqu’au 28 mai. Il aura fallu 18 jours pour que l’intelligentsia socialiste en ait assez de parler et de dépenser en palabres cette énergie accumulée.

Les leitmotivs du Congrès était naturellement : « La guerre jusqu’à la victoire ! » et « Soutien au gouvernement provisoire », c’est-à-dire au gouvernement de coalition bourgeois. Autrement dit, « de compromis », le « social-patriotisme » et des phrases ronflantes à n’en plus finir. Le Congrès atteignit son apogée, son éclat le plus théâtral qui rappelait les temps chevaleresques, dans le discours prononcé par Kerensky, qui se présenta devant lui dans la pose de Napoléon ou de Jules César, accompagné de bouquets de fleurs et d’un chœur de femmes chantant « Gloire ! » – après tout, nous étions dans un Opéra. Ce discours de Kerensky, comme tous les autres, fut crépitant, grandiloquent, fanfaron, marqué d’un pathos hystérico-dramatique et il ne parla bien su&r que d’une seule chose : la poursuite de la guerre jusqu’à sa fin victorieuse, l’accord avec la bourgeoisie et des menaces voilées contre la prétention des ouvriers à prendre le pouvoir.

Kerensky et son discours étaient évidemment destinés à faire, et firent effectivement, une énorme impression sur le Congrès. Le Congrès, qui vivait à peine l’aube de la Révolution, ses premières sensations du début à la fois fortes et douces, avec ses espoirs confus, son apparente unanimité, ses contradictions de classe encore obscurcies, ne pouvait accueillir autrement alors le « socialiste » Kerensky.

Le bolchevisme et la révolution socialiste étaient-ils représentés au Congrès ? Sans aucun doute.

Certes, ils ne l’étaient pas dans des proportions importantes, mais ils étaient là, ce qui est d’ailleurs tout à fait naturel. Én témoigne le discours prononcé au Congrès par le camarade bolchevik Voronsky, qui eut le courage de lancer aux masses révolutionnaires mais hostiles ces mots d’ordre : « Tout le pouvoir aux Soviets ! », « Armistice sur tous les fronts ! » ; puissants slogans qui furent mis en pratique par la suite. Mais comme il semblait alors « petit », je dirais même pathétique, quand il a dû au milieu des cris et du bruit, lancer avec un courage désespéré ces mots d’ordre dans l’atmosphère surchauffée du Congrès !

Outre le camarade Voronsky, il y eut aussi des discours d’anarchistes avec des mots d’ordre en faveur de la révolution sociale, mais ils étaient de nature vague, indéfinie et furent également vite oubliés par le Congrès. Il y a eu aussi des discours de la droite, qui étaient de nature extrêmement dissimulée et floue. Tel fut le discours du colonel Verkhovsky, futur ministre de la Guerre, avec des menaces voilées contre la révolution et les partis extrémistes, camouflées par une certaine phraséologie car il n’était pas encore temps de révéler dans toute leur ampleur les contradictions de classe déclenchées par la grandiose lutte révolutionnaire.

Malgré le fait que le bolchevisme et la révolution socialiste occupaient au Congrès une place encore insignifiante, modeste, à peine perceptible, le Congrès recelait en lui-même, dans sa masse de paysans et d’ouvriers, une haine de classe colossale contre les propriétaires fonciers, les capitalistes et leurs acolytes, les partis politiques et le système d’État bourgeois. D’autre part, il y avait aussi l’influence de classe du groupe des ouvriers. La combinaison de ces deux facteurs a fait du Roumtcherod élu au Congrès, en dépit de sa direction quasi-exclusivement menchevik-socialistérévolutionnaire, un véritable organe révolutionnaire dans les conditions d’alors de notre révolution.

Au congrès furent élaborées des formes d’organisation du travail du futur Comité exécutif central qui, pour la première fois dans la révolution russe, présentaient exactement les mêmes formes d’organisation des futurs Comités exécutifs bolchéviks des Soviets, qui sont à la fois le pouvoir législatif et exécutif. Les formes d’organisation et les statuts de Roumtcherod furent élaborés avec la participation active du camarade Mandelstam, menchevik-internationaliste à l’époque.

Le Comité exécutif central, le Roumtcherod, devait comporter, et comporta effectivement, les sections suivantes : ravitaillement, organisation, culture et instruction, armée, foncier, médecine et santé, transports, communications, finances et comptabilité. Ainsi, presque toutes les sections des futurs Comités exécutifs bolcheviks étaient déjà présentes au sein du Roumtcherod menchevik-S.R. ; les chefs des sections constituaient le Bureau exécutif, tandis que le présidium dirigeait les séances du Comité exécutif.

Ainsi, le Congrès menchevik-S.R. et le Roumtcherod, en raison des conditions objectives de notre révolution, ont dû construire leur travail pratique en dépit de leurs palabres et de leur propre politique, sur le modèle des Soviets bolcheviks, et cela dès le début de la révolution. Toute leur rhétorique et agitation politique se sont révélées inutiles et dépassées, balayées par la nécessité révolutionnaire impérieuse de la réalité russe.

La composition du premier Roumtcherod correspondait pleinement à celle du Congrès : la majorité était composée de socialistes-révolutionnaires [S-R], de sociaux-démocrates mencheviks et d’internationalistes, avec un petit groupe de sans parti, puis un groupe « ukrainien » incluant des sociaux-démocrates, des S.R et même un anarcho-syndicaliste (Touz) ; il n’y avait que trois bolcheviks, presque entrés en contrebande.

Les socialistes-révolutionnaires, dirigés par Breï-man, un avocat, et Kipanidzé, futur ministre géorgien, n’ont pas joué un rôle hégémonique et ont partagé le pouvoir avec les sociaux-démocrates, parmi lesquels les internationalistes, dirigés par le camarade Mandelstam, jouaient un grand rôle.

Parmi les socialistes-révolutionnaire, l’aile gauche était représentée par Zmojny Lissovsky et Avramenko.

Ainsi, tous les courants de la révolution russe étaient représentés dans le premier Roumtcherod, avec une forte aile droite, un centre et une aile gauche extrêmement faible.

Il pouvait sembler alors que le Roumtcherod, avec une telle composition, serait une copie des autres Soviets et Comités exécutifs mencheviks-S-R. Mais les conditions objectives de notre révolution, l’éloignement de Petrograd et les exigences de la réalité immédiate firent du Roumtcherod ce que ces mêmes conditions avaient fait du Congrès qui l’avait mis sur pieds. Le Roumtcherod devint un pouvoir de facto, tant pour le Front roumain que pour la région d’Odessa, qui comprenait trois gouvernements : Kherson, Bessarabie et Tauride. Un pouvoir doté d’une immense autorité, reconnu par le gouvernement provisoire, les généraux, les ouvriers et les paysans, et que ni Kerensky, ni les fréquents déplacements des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks locaux à Petrograd, ni les visites des leaders mencheviks et S-R venant de Petrograd ne purent détruire. Kerensky, contraint progressivement par le cours de la révolution à dévoiler ses cartes, proposa dans un télégramme secret au général Ébelov de surveiller étroitement le Roumtcherod, qualifié par lui de « nid bolchevique ». Ce même télégramme secret fut transmis au Roumtcherod par le général Marks. C’est là toute l’ironie de l’histoire et de notre révolution qui a fait que Kerensky dut qualifier le Roumtcherod S-R.-menchevik, de « nid bolchevique » !

Les sections du Roumtcherod ont mené un travail pratique colossal, exigé par le Front et Odessa, un travail similaire à celui des Comités exécutifs locaux d’aujourd’hui. Naturellement, malgré la présence des commissaires de Kerensky sur le Front et dans la région d’Odessa, et même contre eux, le Roumtcherod, faute de centre directeur, fut contraint d’agir indépendamment de Petrograd. Dans son travail, le Roumtcherod suivait les impératifs du Front et de la région. Seule la flotte de la mer Noire, en phase avec les tendances générales de notre révolution, agissait de manière autonome, mais lors des moments décisifs, elle s’alignait sur le Roumtcherod.

Le bolchevisme, au début de la révolution à Odessa et dans la région, était faiblement développé. Le Comité d’Odessa avait peu d’influence sur les événements et sur les masses de soldats et d’ouvriers.

Seul le progrès spontané de la révolution, après l’aventure de Kornilov, poussa les masses ouvrières et soldatesques vers la gauche, sur la voie du bolchevisme et de la révolution socialiste, influençant à leur tour les masses d’Odessa en les poussant elles aussi vers les bolcheviks. Le Comité d’Odessa, qui ne s’était détaché des mencheviks qu’en juin, n’eut plus qu’à insuffler conscience et organisation aux masses déjà acquises au bolchevisme.

Malgré les efforts de Mandelstam, la majorité du Roumtcherod glissa encore plus à droite dans sa ligne politique, poursuivant son travail avec moins d’ampleur et adoptant une position indécise et attentiste. Les Ukrainiens se démarquèrent également à ce moment-là en adoptant une position « pro-ukrainienne » plus prononcée et accumulant des forces à Odessa et sur le front. Le bolchevisme se développa lui aussi tout particulièrement à Odessa et sur le front et, au moment de la révolution d’octobre, le Roumtcherod incarnait une force amorphe et indéfinie. Aux premières nouvelles du coup d’État à Petrograd, il fut désorienté et ne sut comment réagir.

Des séances plénières interminables eurent lieu, parfois durant deux ou trois jours. C’est là que se manifesta avec éclat la contradiction entre le cours objectif de la révolution et la composition du Roumtcherod.

Après de longs débats, le groupe de gauche, après le rejet d’une résolution saluant le coup d’État, fit adopter une résolution où le Roumtcherod, sans condamner ni approuver le coup, refusait d’aider Kerensky avec les troupes du Front roumain. Les S-R de droite exigèrent catégoriquement le retrait de troupes du front pour les envoyer à Kerensky. Les sociaux-démocrates de droite prirent la même position, mais le centre, dirigé par le camarade Mandelstam, soutenu par le groupe de gauche, rejeta cette demande par trois voix. Le Roumtcherod ne prit donc aucune mesure pour aider Kerensky. A la question du président du comité de l’armée, le camarade Pérékrestov, demandant s’il fallait envoyer des troupes, il fut répondu : ne pas retirer de troupes des fronts, ne pas les envoyer à Petrograd et attendre les instructions du Roumtcherod.

Mais lorsque la droite vit que, malgré sa majorité, elle avait perdu sur une question aussi cruciale, elle invoqua la discipline de parti et collecta des signatures en faveur d’une résolution condamnant le coup d’État. Après l’avoir adoptée lors d’une nouvelle séance plénière, malgré l’opposition acharnée du centre et de la gauche, elle se réhabilita ainsi à ses propres yeux comme S-R et mencheviks orthodoxes.

Mais il était trop tard. A Petrograd, le prolétariat l’emporta. La première résolution avait déjà été publiée dans l’organe du Roumtcherod. Le temps passa, et la résolution de droite n’eut aucun effet pratique, si ce n’est de précipiter la décomposition du Roumtcherod.

Après cela, le Roumtcherod cessa d’exister politiquement. Les événements se développèrent sans lui, la révolution dans le Sud et sur le Front prenant son envol. Jusqu’au deuxième Congrès, le Roumtcherod se contenta d’observer les choses passivement, tout en poursuivant son travail pratique.

Quel fut le rôle du groupe de gauche dans le premier Roumtcherod ? Nous avons tenté de tirer le Roumtcherod vers la gauche et de l’empêcher de nuire à la révolution, en tirant profit des luttes entre ses factions, et nous y sommes parvenus.

Cependant, la révolution progressait. Des soulèvements spontanés des masses ouvrières et des soldats se produisirent, la rue devint un acteur central. On sentait que les forces agissant dans l’ombre devaient tôt ou tard jaillir au grand jour et régler leur différend par une lutte révolutionnaire ouverte, les armes à la main. Bref, l’« Octobre d’Odessa » approchait, bien qu’il dût survenir plus tard. Début décembre, un affrontement entre la Garde rouge et les partisans de la Rada centrale ukrainienne se solda par un match nul : les Ukrainiens étaient plus forts, mais ne purent prendre le pouvoir. Le Roumtcherod, disposant d’une unité militaire, adopta une position conciliatrice et empêcha par son autorité la prise de pouvoir par les Ukrainiens.

Il fallut convoquer un deuxième Congrès pour réélire un nouveau Roumtcherod. Une commission fut créée, dont je fis partie. Les autres membres refusèrent de travailler à l’organisation du Congrès, devinant qu’il serait majoritairement bolchevik. Je dus assumer seul l’organisation de ce Congrès, qui réunit environ 1.500 délégués (2). Le Roumtcherod ne fit rien pour me faciliter la tâche ; au contraire, il tenta de la saboter avec les autorités d’Odessa. Mais le Congrès eut lieu malgré tout, et dans un grand élan d’enthousiasme.

Au deuxième Congrès, la majorité des délégués étaient bolcheviks et S-R de gauche, mais il y avait également un fort groupe ukrainien. Les S-R de droite et les mencheviks étaient en minorité. La Rada ukrainienne (3), disposant alors d’une grande puissance militaire, aurait pu disperser le Congrès et s’emparer d’Odessa, mais elle n’osa pas agir ouvertement, sachant que le front était avec nous et que les ouvriers d’Odessa nous soutenaient. Cela nous permit d’organiser les forces révolutionnaires et d’affronter la Rada au moment opportun.

Le camarade Volodarsky, venu de Petrograd, joua un rôle décisif. Lors d’une réunion restreinte, il demanda pourquoi le pouvoir n’avait pas encore été pris à Odessa. Le camarade Youdovsky répondit qu’il n’y avait pas de « vrais bolcheviks » à Odessa. Mais ni Volodarsky ni Youdovsky n’avaient raison : les conditions objectives, tant sur le front qu’à Odessa, n’étaient jusque là pas encore mûres pour la prise du pouvoir, car Odessa avait rejoint la révolution plus tardivement, dans un contexte différent du Nord.

Nous avions face à nous un prolétariat d’Odessa et des marins qui commençant seulement à se libérer des illusions droitières, ainsi qu’un front où de vastes armées ne savaient que faire : combattre les Allemands ? Les Roumains ? Leurs propres généraux ? Ou bien les Ukrainiens (qui cherchaient une démobilisation spontanée, empêchée par les Roumains et les généraux) ? Malgré tout, la question du pouvoir fut ouvertement posée par Volodarsky au Congrès et celui-ci adopta résolument les mots d’ordre de la révolution d’Octobre en proclamant le Roumtcherod seul pouvoir sur le Front et dans la région d’Odessa. Il n’y avait en réalité à ce moment-là plus d’autre autorité aussi solide, seulement une lutte pour le pouvoir, encore indécise.

Le nouveau Roumtcherod prit immédiatement une position combative, travaillant dans deux directions : poursuivre le travail pratique du premier Roumtcherod et préparer la prise du pouvoir à Odessa en éliminant les obstacles devant lui, comme l’état-major du district et la Rada ukrainienne.

Les anciennes sections du Roumtcherod furent rapidement réactivées, cette fois avec des forces nouvelles. La révolution révéla avec une force prodigieuse les potentialités des masses paysannes et ouvrières : les soldats, membres du Roumtcherod, s’attelèrent immédiatement au nouveau travail. Le Roumtcherod bolchevik relança tout le travail abandonné par les mencheviks et les S-R, et la machine fonctionna à plein régime.

A Odessa, le processus révolutionnaire grandissait dans les masses ouvrières et chez les marins, exigeant organisation et direction. Nous n’eûmes qu’à prendre les rênes du mouvement. Un comité militaire révolutionnaire fut créé, présidé par le camarade Youdovsky, président du Roumtcherod, incluant bolcheviks et S-R de gauche. Ce comité mena d’abord une agitation parmi les Haï-damaks (4) de la Rada ukrainienne, présents à Odessa au nombre de 10.000, bien armés et formant une armée régulière.

Un département frontalier fut établi à Kichinev [Chișinău] pour guider les armées du front et les soustraire aux attaques roumaines, qui bloquaient leur retour en Russie en retenant leurs armes et leurs équipements, aidés en cela par les Ukrainiens et les généraux blancs, dont Chtcherbatchev. Déjà alors on pouvait constater que les généraux blancs préféraient vendre le patrimoine national à l’étranger plutôt que de le laisser au peuple insurgé.

Dans la 4e armée, le pouvoir fut brièvement pris par les bolcheviks dirigés par Kondourachkine, avant d’être perdu après son arrestation par les Haï-damaks et les Roumains. Le comité bolchevik du Front, élu à Kichinev, tenta de prendre le pouvoir à IasTi, mais fut arrêté.

Les armées, livrées à elles-mêmes, cherchaient à quitter la Roumanie. Il fallait les évacuer avec le moins de pertes possible et sauver leur matériel, tout en les disposant sur la ligne du Danube et du Prut.

Pour tout ce travail, un département de front fut envoyé à Kichinev, qui devait bientôt devenir un véritable quartier général de campagne dans la lutte contre les Roumains en Bessarabie, qui lançaient une offensive sur toute la ligne du Prut, en direction de Kichinev et du Dniestr. Én Bessarabie, où un congrès des Soviets avait déjà adopté en septembre la résolution « Tout le pouvoir aux soviets ! », nous dûmes affronter le Sfatul Tséri5, corrompu et attentiste, jusqu’à l’arrivée des Roumains.

Des directives furent également données au département du front pour concentrer les troupes près de Kichinev et Odessa, afin de disposer d’une force militaire contre les Haï-damaks et les troupes majoritairement ukrainiennes favorables à la Rada. Dans le même temps, une force militaire était en train d’être créée à Odessa pour la lutte à venir pour le pouvoir. AM Odessa, des navires de la flotte de la mer Noire (Rostislav, Sinop, Almaz) étaient de notre côté. Le croiseur Pamyat Merkuria quant à lui arbora le drapeau jaune et bleu et rejoignit la Rada.

Les ouvriers d’Odessa reçurent 2.000 fusils par l’intermédiaire des comités d’usine. La Garde rouge, bien que peu nombreuse, attendait son heure sous la direction du camarade Tchijikov. La population d’Odessa dans son ensemble, de la bourgeoisie aux ouvriers, haï-ssait la Rada ukrainienne. Le moment de l’affrontement approchait, mais le présidium du Roumtcherod retenait les masses, attendant que le fruit mûr tombe de lui-même.

Du 23 décembre 1917 au 13 janvier 1918, le Roumtcherod bolchevik prépara à la fois l’insurrection à Odessa et l’évacuation des troupes de Roumanie. Les Bulgares du sud de la Bessarabie vinrent chercher des armes au Roumtcherod. Les Moldaves, dans leur grande majorité, étaient également pour le pouvoir des Soviets, pour les bolcheviks, contre le Sfatul-Tseri et la Roumanie, réalisant qu’ils ne pourraient obtenir les terres des propriétaires terriens que sous le régime des Soviets. Le comité bolchevik de Kichinev, constitué avant les élections à l’Assemblée constituante, travailla efficacement parmi les masses juives de cette ville, tandis que les Russes et les Ukrainiens de Bessarabie soutenaient la révolution russe. Les troupes stationnées en Bessarabie ont accompli un travail énorme de conscientisation en impliquant la population arriérée de Bessarabie dans le processus de la révolution socialiste.

Telle était la situation avant le coup d’État révolutionnaire à Odessa.

Dans la nuit du 13 janvier, le présidium du Roumtcherod autorisa le Comité militaire révolutionnaire (Revkom) à prendre le pouvoir, à l’insu du Soviet d’Odessa et du Roumtcherod lui-même. Tchekhovskoï, envoyé par la Rada, se rendit au Roumtcherod pour lui proposer de conclure un accord de partage du pouvoir. Il lui fut répondu qu’une réunion commune pourrait être organisée le lendemain, mais tant Tchekhovskoï- que la Rada savaient que les événements décisifs étaient imminents et qu’aucun accord n’était plus possible.

Dans la nuit du 14 janvier, les détachements du Revkom occupèrent sans violence les institutions, les arsenaux d’Odessa, la centrale télégraphique, etc. La Rada évacua le Club anglais qu’elle occupait et déplaça son quartier général. Le colonel Poplavko, chef militaire du district, avait déjà fui à Kiev.

Aucune goutte de sang ne fut versée lors de la prise de ces édifices. C’est ainsi que le Roumtcherod occupa le pouvoir à Odessa.

Cependant, la Rada, disposant de forces armées, refusa de céder sans combat. Le 14 janvier, elle lança un ultimatum : rendre les institutions ou combattre. Le 15 janvier, les hostilités commencèrent, confirmant que les classes possédantes n’abandonnent jamais volontairement le pouvoir et forcent les ouvriers à prendre les armes.

Un combat inégal opposa les marins et les ouvriers du Revkom face aux 10.000 Haï-damaks de la Rada, bien équipés en artillerie et en autos blindées. Odessa fut bombardée par l’artillerie des navires de guerre. Mais les masses ouvrières, bien plus motivées que leurs adversaires par la justesse de leur cause, l’emportèrent après trois jours de combat. Les Haï-damaks capitulèrent, la Rada s’évanouit. C’est bien le prolétariat d’Odessa qui décida du sort de la bataille et non l’artillerie navale ou la petite force militaire des marins et du détachement de soldats qui ne dépassait pas les 500 hommes. C’est lui qui conquit le pouvoir et son « Octobre » par le sang.

Le prolétariat d’Odessa, malgré ses hésitations avant et après ces événements, s’est montré digne et capable de commencer sa dure révolution qui se déroulait dans des conditions infiniment difficiles. A plusieurs reprises par la suite, le prolétariat d’Odessa, sous l’influence de ces conditions des plus dures, a hésité d’un parti à l’autre, a vu différentes autorités au pouvoir, mais au cours des batailles de janvier 1918, il a révélé son véritable visage prolétarien. La victoire de janvier 1918 fut véritablement l’œuvre du prolétariat d’Odessa, et non celle d’un parti ou de tel ou tel groupe particulier.

Après la victoire des ouvriers, le pouvoir passa entièrement au Roumtcherod à Odessa et dans sa région. La population de Bessarabie le soutint, combattant aux côtés des armées et reculant pied à pied avec elles sous la pression des Roumains et des Haï-damaks vers le Dniestr. Des villages entiers résistèrent par les armes jusqu’à leur complète destruction par l’artillerie roumaine.

Nos troupes de Kichinev, attaquées par les Roumains et les bandes Haï-damaks dirigées par des généraux russes, les repoussèrent à plusieurs reprises avec la participation de la toute la population, mais notre département du front et nos troupes durent finalement se retirer vers le Dniestr à la mi-janvier. Les 10e et 8e armées évacuèrent la Roumanie sans trop de pertes, tandis que les 4e et 6e abandonnèrent presque tout leur matériel.

La prise du pouvoir et le repli sur le Dniestr, marquèrent le début d’une nouvelle période dans l’activité du Roumtcherod. Un Sovnarkom (Conseil des commissaires du peuple) régional fut créé. Les sections du Roumtcherod devinrent des commissariats de la région d’Odessa. Le camarade Youdovsky présida à la fois le Roumtcherod et le Sovnarkom. Le Roumtcherod devint un Comité exécutif régional, structuré comme les actuels Comités exécutifs. Le Soviet d’Odessa, qui n’avait pas joué un rôle majeur auparavant, continua à occuper une place marginale, bien qu’il y ait eu des tentatives, à chaque fois infructueuses, d’unifier le travail de son présidium avec celui du Roumtcherod.

Parmi les premières mesures du Roumtcherod après la prise du pouvoir figurait la lutte contre les pogroms et les exécutions de bourgeois. Des éléments obscurs tentaient d’éveiller la soif de sang et de semer l’anarchie parmi les marins, mais le Roumtcherod empêcha les massacres. L’ordre régnait à Odessa de manière exemplaire, grandement facilité par l’état de siège et l’élimination des voleurs et des bandits par le camarade Gouriev. Les usines passèrent sous contrôle ouvrier, le transport, les banques, les communications et le ravitaillement furent réorganisés. Le travail administratif, hérité du premier Roumtcherod, se poursuivit sans heurts entre les mains du second Roumtcherod, puis du Sovnarkom et de ses différents commissariats de la région.

Pourquoi un Sovnarkom à Odessa ? Tout simplement parce que Petrograd était loin, les liaisons irrégulières, Kiev était sous la Rada, Kharkov sous le Comité exécutif central (TsIK) des Soviets ukrainiens avec lequel il n’y avait pas non plus de liaison régulière, et enfin, parce qu’Odessa se considérait comme faisant partie de la Russie et non de l’Ukraine : par sa composition cosmopolite, elle était moins encline au chauvinisme ukrainien. Naturellement, dans de telles conditions, il était nécessaire d’organiser un gouvernement régional, comme cela fut le cas dans d’autres régions. Comme ailleurs, le cours même de la révolution l’exigeait à l’époque.

Mais l’attention principale du Roumtcherod ne pouvait se concentrer sur le travail créatif et économique. Les événements se déroulaient à une vitesse vertigineuse, il n’y avait pas de temps pour penser à la créativité, il fallait défendre la révolution par des moyens purement militaires, et les principaux efforts de Roumtcherod et du Conseil des commissaires du peuple furent dirigés vers l’organisation de la défense militaire et sur la politique étrangère, étroitement liée à la première tâche.

Tel est le sort de notre révolution qu’elle ne peut faire un seul pas sans se heurter à la politique étrangère.

Ces deux questions occupèrent toute l’attention en février et mars 1918 et lorsque le camarade Youdovsky resta président du Roumtcherod et que le camarade Starostine devint président du Sovnarkom, le Roumtcherod se sépara alors de ce dernier, lui transférant tout le travail pratique et ne se réservant que la gestion générale, la politique militaire et la politique étrangère.

Én collaboration avec le Sovnarkom et le Collège autonome suprême pour les affaires russo-roumaines (présidé par le camarade Rakovsky 6), le Roumtcherod organisa la défense militaire du Dniestr contre les Roumains et négocia avec ces derniers par l’entremise des représentants des Puissances occidentales.

Én ce qui concerne la défense du Dniestr, les mesures suivantes furent prises : ouverture de l’enrôlement de volontaires dans l’Armée rouge ; envoi au front de détachements armés, bien que non entraînés et insuffisamment disciplinés ; formation de détachements armés à Odessa ou transférés depuis Sébastopol ; à Tiraspol, un état-major de campagne fut organisé à partir du département du front de Roumtcherod tandis qu’à Odessa, l’état-major du district fut occupé par Mouraviev. Ce dernier se présenta en saveur avec les « armées » avec lesquelles, comme il s’en vantait, il avait pris Kiev.

Mouraviev fit beaucoup de bruit à Odessa, jouant le rôle de Napoléon, de sauveur de Saint-Pétersbourg face à Kerensky, menaçant de détruire la ville plutôt que de la rendre, jouant sur les bas instincts des masses de marins. Il partit finalement pour le Dniestr pour organiser une offensive contre les Roumains. Én général, il tenait compte du Roumtcherod, exécutait ses ordres et ne s’opposait pas à lui, mais il ne fit rien du tout avec ses armées car elles n’existaient que sur le papier et il ne sauva donc pas Odessa de l’offensive allemande.

Le Roumtcherod organisa cependant tant bien que mal une force militaire qui, bien que médiocre, tint réellement en respect les Roumains sur le Dniestr, puis tenta de lutter contre les Allemands. Cette même armée permit de mener une politique extérieure active, dirigée par le camarade Rakovsky en parfaite coordination actions avec le Roumtcherod.

Les relations avec les représentants étrangers commencèrent en raison de l’arrestation de sujets roumains et de la confiscation des biens roumains se trouvant à Odessa. Lorsque la politique agressive de la Roumanie à l’égard de nos armées, la saisie des équipements colossaux du Front roumain et, enfin, l’occupation militaire de la Bessarabie devinrent évidentes, nous fûmes contraints de déclarer la guerre à la Roumanie, d’arrêter le consul roumain et de nombreux représentants de la bourgeoisie roumaine vivant à Odessa, de confisquer les dépôts roumains d’Odessa et, enfin, de protester auprès de tous les pays d’Éurope occidentale contre le comportement insolent de la Roumanie.

Les consuls des Puissances occidentales, dirigés par le consul italien, se rendirent au Roumtcherod avec une demande de libération des citoyens roumains détenus sur le navire Almaz. On leur répondit que nous étions en état de guerre avec la Roumanie, qui avait occupé la Bessarabie, arrêté beaucoup de nos camarades à Iasi et au front, et brutalement exécuté le camarade Roshal, et que par conséquent nous étions obligés d’arrêter des citoyens roumains. Mais nous garantissions leur sécurité totale, et autorisâmes les consuls à leur fournir de la nourriture. Les marins de l’Almaz traitèrent les Roumains très correctement et aucun d’entre eux ne fut blessé.

Il y eut des tentatives de réconciliation entre nous et la Roumanie – une délégation fut envoyée à Jassy avec Terziev et Brashevan, qui se révélèrent plus tard être des espions du gouvernement roumain, mais cette délégation, qui eut une audience avec Bratiano, n’aboutit à rien car elle constituait une pure manœuvre de la part du gouvernement roumain qui voulait gagner du temps et craignait beaucoup notre offensive et le soulèvement en Bessarabie qui y était lié, ainsi qu’à l’intérieur du pays.

Il y eut plusieurs fois des accords de trêve, des officiers roumains vinrent au Roumtcherod, qui, avec l’aide des mêmes représentants occidentaux et avec la participation d’un capitaine français, (dont je ne me souviens pas du nom), élaborèrent diverses propositions et conditions, mais toutes ces actions se réduisaient à une seule chose : gagner du temps et retarder le moment de notre attaque.

A la suite de toutes ces négociations, un traité de paix fut pourtant conclu mais jamais respecté, selon lequel la Roumanie s’engageait à évacuer la Bessarabie dans un délai de trois mois.

Puis commença l’offensive allemande sur Petrograd, puis arriva un télégramme du camarade Trotsky avec la formule « ni paix, ni guerre », et ensuite un télégramme du camarade Lénine demandant de ne pas n’exécuter l’ordre du camarade Trotsky et de conclure la paix. (7)

A Odessa, nous sentions que le sort de la ville était scellé, qu’elle ne pourrait pas résister aux Allemands, qu’elle devrait se rendre et prendre des mesures énergiques pour évacuer les énormes équipements qui s’y trouvaient. Des détachements armés furent bien envoyés en direction de Zhmerinka-Birzula, mais il était clair qu’il était impossible de résister aux Allemands.

Un quartier général fut organisé, censé entourer Odessa de barbelés et de fortifications, mais sa composition était douteuse et il n’organisa pratiquement aucune défense.

Le 6 mars, je quittai Odessa par bateau pour Sébastopol afin de me rendre au Congrès pan-russe des Soviets à Moscou et obtenir des fonds. AM Sébastopol, je trouvai le camarade Spiro, un S.R. de gauche, chef de la flotte de la mer Noire, qui réprimanda avec aigreur le Roumtcherod pour sa prétendue reddition d’Odessa, menaçant de faire sauter la ville avec l’artillerie de la flotte plutôt que de la livrer volontairement aux Allemands. Il affirmait qu’il organiserait la défense de l’isthme de Perekop, se retrancherait en Crimée et ne laisserait pas entrer les Allemands. Toutes ces belles paroles ne l’empêchèrent pas de rendre la Crimée et Sébastopol car, naturellement, face aux Allemands à l’époque, nous ne pouvions pas résister, même à l’échelle de toute la Russie.

Odessa devait fatalement tomber, aucun Roumtcherod ne pouvait la sauver et tel bien fut son sort.

Le 13 mars, les Allemands occupèrent Odessa et le Roumtcherod dut évacuer la ville en abandonnant une grande partie du matériel.

Après avoir erré quelque temps (8), le Roumtcherod se déclara dissous et, réduit à un petit groupe qui, pratiquement, ne fit plus rien, il fut finalement convoqué à Moscou par le camarade Sverdlov, apportant avec lui une partie de ses archives.

KRISTÉV.

1. Il s’agit de la date du calendrier julien (ou « ancien style ») alors en cours en Russie, en décalage de 13 jours par rapport au calendrier grégorien occidental qui sera adopté en février 1918 (« nouveau style »). Le 1er Congrès s’est donc tenu du 23 mai au 9 juin 1917 selon le calendrier occidental.

2. Le IIe Congrès s’est tenu du 10 au 23 décembre 1917 (23 décembre 1917 – 5 janvier 1918). Il a élu un nouveau Roumtcherod composé de 180 membres : 70 bolcheviks, 55 socialistes-révolutionnaires de gauche, 23 représentants d’organisations paysannes et 32 représentants d’autres fractions.

3. Nom donné au régime en place en Ukraine entre avril 1917 et avril 1918. A la suite de la Révolution de Février 1917 et la chute du tsarisme, une « Rada (parlement) centrale » fut élue en avril 1917 en Ukraine, majoritairement socialistérévolutionnaire de droite et menchevique. Elle négocia une large autonomie avec le Gouvernement provisoire russe mais, après la révolution d’Octobre, elle déclara unilatéralement l’indépendance de l’Ukraine et s’opposa à la Russie soviétique en favorisant les forces contrérévolutionnaires et en se subordonnant à l’impérialisme allemand. La Rada centrale fut renversée par un coup d’État fomenté par les occupants allemands en avril 1918 qui mirent au pouvoir leur fantoche, l’hetman Skoropadsky. Le chassé-croisé des divers pouvoirs (Kiev changera de main plus de 6 fois) durera jusqu’en octobre 1920 lorsque la République socialiste soviétique d’Ukraine fut proclamée, avec Christian Rakovsky comme président du Conseil des Commissaires du peuple.

4. Milices cosaques du XVIIIe siècle et surnom donné aux troupes nationalistes de la Rada centrale ukrainienne puis du Directoire, et plus généralement à toutes les forces ukrainiennes anti-bolcheviques.

5. « Conseil du Territoire » ou « Conseil du Pays » ; assemblée nationale autonome constituée à Kishinev le 21 novembre 1917 et 1918. Cet organe n’était pas élu mais constitué de représentants des partis politiques, des organisations culturelles, éducatives et autres. La majorité des sièges furent attribués au Parti national moldave, un parti bourgeois. À la suite de la disparition de l’empire tsariste, proclama l’indépendance de la République démocratique de Bessarabie, puis sous la pression des autorités militaires roumaines, le rattachement à la Roumanie le 27 mars 1918. Le 26 novembre 1918, le Sfatul Tséri décida de renoncer à l’autonomie de la Bessarabie prévue par l’acte du 27 mars et de se dissoudre.

6. Le « Collège autonome suprême russo-roumain sur les affaires de Roumanie et de Bessarabie » a été constitué à Odessa en janvier 1918 par décision du Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR et Rakovsky en fut nommé président. Son but premier était de favoriser le déclenchement d’une révolution enRoumanie.

7. Rakovsky veut sans doute illustrer ici la désorganisation totale des communications et le chaos ambiant puisque l’ordre chronologique réel de ces événements n’est pas respecté : c’est le 10 février 1918 que Trotsky quitta Brest-Litovsk en proclamant la formule « ni paix, ni guerre » et en demandant la démobilisation des restes de l’armée russe. C’est sur ce dernier point que Lénine envoya à la suite un contréordre qui n’eut aucun effet. L’offensive allemande ne survint qu’une semaine plus tard, le 18 février et le traité de paix fut signé le 3 mars après bien des péripéties et des divisions au sein du Parti bolchevique.

8. Le Roumtcherod fut d’abord évacué à Nikolaev, puis à Rostov-sur-léDon et en avril à Yeisk. C’est en mai 1918 que ses activités cessèrent.

Lire aussi : Le mouvement communiste en Roumanie en 1920

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1920/09/communiste_roumanie.pdf

Lire encore :

Comment wikipedia raconte le Roumtcherod et la république soviétique d’Odessa

https://fr.wikipedia.org/wiki/Roumtcherod

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_sovi%C3%A9tique_d%27Odessa

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