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Un texte inédit : la première lettre de R. Luxemburg à L. Jogiches : (avant le 18 mars 1893)

samedi 18 janvier 2025, par Alex

Ce texte est publié en libre accès, sauf erreur de notre part, pour la première fois en version originale (polonais), et traduit en français. Il provient d’une revue publiée en Russie par des marxistes (officiels) polonais dans les années 30, peu avant l’extermination du PC polonais par Staline.

Or toutes les traductions des lettres de Luxemburg semblent se baser sur un ouvrage de F. Tych publié en Pologne dans les années 60, qui omet cette lettre, pour des raisons que nous ignorons. Le fait que Warski, ouvrier camarade de toute une vie pour Rosa Luxemburg, exécuté en 1937 par Staline, apparait sur la première ligne (non censurée) de la première lettre de Rosa Luxemburg ci-dessous est-il une explication ?

Toute rectification concernant le présent article sera la bienvenue.

Les lettres de R. Luxemburg à L. Jogiches sont pour beaucoup bien connues, certaines ayant été traduites en français dans la Collection femmes chez Denoël Gonthier :

Cependant la première lettre traduite dans ce livre précise, page 65,

[Sans date. D’après la teneur : Paris, 24 mars 1884 Dimanche, 3 heures 1/2]

Rosa Luxemburg, qui venait, en 1884, de fêter ses 13 ans (née le 5 mars 1871), aurait donc déjà été la maîtresse de L. Jogiches, à qui elle écrivait des lettres politiques ? Quelle génie précoce ! Mais rassurons les associations de protection de l’Enfance, Rosa Luxemburg était en 1884 une élève sérieuse du Lycée numéro 2 de Varsovie.

Il faut sans doute lire Paris, 24 mars 1894 , ou plus exactement : dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 mars 1894 :

Sur un site qui est une référence pour la publication des oeuvres de R. Luxemburg en libre accès, sont mentionnées des lettres antérieures, de mars 1893 :

Concernant la correspondance, dans le tome 1, paru chez le même éditeur [Dietz Verlag et qui reste toujours la source la plus complète de documentation], on trouve cinq lettres, adressées à Leo Jogiches :

De Clarens, le dimanche 19 mars 1893, P 7
De Clarens, le lundi 20 mars 1893, P 7 - 8
De Genève, le jeudi 23 mars 1893, P 9
De Clarens, le 14 avril 1893, P 9 - 10
De Clarens, le samedi soir du 15 avril 1893, P 10- 13

Pour comprendre avec Rosa Luxemburg

Le lieu d’où R. Luxemburg écrivit, en 1893, ses premières lettres à L. Jogiches, est donc clairement identifié :

Mais celle que nous publions précède ces cinq lettres.

Nous donnons la version originale en polonais, puis la traduction avec les notes de l’éditeur, que nous complétons par quelques remarques précédées de la metion [M&R].

**********
[Wieś pod Clarens (1) . Przed 18. III r. ]

(...)
Wczoraj napisałam i Mitkowi (2) i Adolfowi (3) listy (...)
(...) czułam się bardzo osłabioną, tak że pisać ani uczyć się nie mogłam wcale. Potrafiłam tylko zustande bringen (4) owe 2 listy (wprawdzie obszerne), następnie przeczytać wszystkie gazety, potem 3 godziny czytałam Międzynarodówkę (5) (skończywszy Zasulicz wzięłam Meyera) (6) . To ostatnie nie mnie bardo zajęła.

(...) Jak zobaczyć z załączonego Peupla (7), izba w Belgii odrzuciła powszechne głosowanie (8) i zaczęła się ogólna grewa. (9) Czytaj teraz uważnie — będę Ci co dzień posyłać

(1) Clarens — miasteczko,nad jeziorem genewskim w Szwajcarii.
(2) Mieczysław Hartman — student politechniki , ściśle związany z pierwsza zagraniczna grupa socjaldemokratów polskich, jeden z najbliższych przyjaciół Róży L., wystrzałem z rewolweru odebrał sobie życie w Zurichu 13 czerwca 1893 r. , mając zaledwie 24 lata.
(3) Adolf Warski
(4) Zustande bringen — po niemiecku znaczy : wykonać
(5) Wiera Zasulicz : « Oczerki istorji,mieżunarodnowo obszczestwa raboczich »
(6) R. Meyer : « Der Emanzipationskampf des vierten Standes ». Berllin, 1882, Verlag von Hermann Bahr.
(7) « Peuple » — (« Ludu »), organ centralny belgijskiej partji socjalistycznej, wychodzi dotychczas
(8) W r. 1879 powstała « belgijska partia socjalistyczna », która rozpoczęła walkę o powszechne prawo głosowania, co oznaczało tryumf marksizmu nad prudonizmem
(9) Grewa — po francusku znaczy : strajk

*****

Traduction

D’un village près de Clarens (1) . Avant 18 III 1893

Hier, j’ai écrit des lettres à Mitek (2) et à Adolf (3) (...)
(...) je me sentais très faible, de sorte que je ne pouvais ni écrire ni étudier. Je n’ai pu que zustande bringen (4) ces 2 lettres (certes volumineuses), puis lire tous les journaux, puis lire l’Internationale (5) pendant 3 heures (ayant fini Zassoulitch, j’ai pris Meyer) (6) . Ce dernier ne m’a pas pris beaucoup de temps.

(...) Comme vous pouvez le voir sur Le Peuple ci-joint (7), la chambre en Belgique a rejeté le suffrage universel (8) et la grewa générale a commencé. (9) Lis maintenant attentivement — je t’enverrai chaque jour.

(1) Clarens — ville située sur le lac Léman en Suisse.

(2) Mieczysław Hartman, étudiant à l’École polytechnique (de Zurich) , étroitement associé au premier groupe étranger de sociaux-démocrates polonais, l’un des amis les plus proches de Rosa L., se donne la mort à Zurich le 13 juin 1893 d’un coup de revolver. Il n’avait que 24 ans.

[M&R] : voir, seulement quatre mois après cette lettre, en juillet 1893, la nécrologie de Mieczysław Hartman dans le numéro 1 de Sprawa Robotnicza.

(3) Adolf Warski

[M&R] : né en 1868 à Varsovie, mort en Russie en 1937, assassiné par Staline. Il fut réhabilité après-guerre en Pologne, mais on voit sur la couverture de ce livre que le lieu de sa mort restait prétendument "inconnu" :

Trotsky le décrit ainsi dans Ma Vie :

  • Des événements non moins notables avaient lieu, à la même époque, en Pologne. La petite bourgeoisie, cherchant avec effarement une issue, s’était engagée dans la voie de l’insurrection et avait élevé sur le pavois Pilsudski. Le leader du parti communiste, Warski, décida que, sous ses yeux, se développait « la dictature démocratique du prolétariat et des paysans », et il appela le parti communiste à l’aide de Pilsudski. Je connaissais Warski depuis longtemps. Du vivant de Rosa Luxembourg, il pouvait encore occuper sa place dans les rangs de la révolution. Par lui-même, il n’avait jamais été qu’une place vide. En 1924, Warski, après de grandes hésitations, déclara qu’il avait enfin compris combien le « trotskysme » était nuisible, comme sous-estimant la classe paysanne dans l’affaire de la dictature démocratique. Comme récompense pour sa docilité, il obtint le rôle de leader et il attendait avec impatience l’occasion d’étrenner les galons qu’il avait reçus si tard. En mai 1926, Warski ne manqua pas de profiter d’une occasion si exceptionnelle pour se flétrir lui-même et souiller le drapeau du parti. Bien entendu, il n’en fut pas châtié : l’appareil de Staline le protégea contre l’indignation des ouvriers polonais.

Trotsky connaissait en effet Warski au moins depuis le 2ème congrès du POSDR en 1903, car Warski y était délégué de la SDKPiL, en contact quotidien étroit avec R. Luxemburg. Voir cette dépêche, cette lettre, qui montrent que Staline pourra facilement, 30 ans plus tard, rappeler que Warski s’était opposé aux bolchéviks lors de ce congrès fondateur.

(4) en allemand, signifie : exécuter
(5) Очерк истории международного общества рабочих (Esquisse de l’histoire de l’Association internationale des travailleurs) par Véra Zassoulitch
(6) R. Meyer : « La lutte pour l’émancipation du quatrième état ». Berllin, 1882, maison d’édition de Hermann Bahr.

(7) « Le Peuple » organe central du parti socialiste belge, publié jusqu’à nos jours.
(8) En 1879, le « Parti socialiste belge » est fondé et entame la lutte pour le suffrage universel, cequi marque le triomphe du marxisme sur le proudhonisme.
(9) grewa - en français : la grève.
[M&R] : Rosa Luxemburg retranscrit phonétiquement le mot français grève, ce qui donne grew, puis lui ajoute le suffixe féminin -a, forgeant ainsi le mot polonais grewa, la grève. Les Polonais assimilent facilement des mots étrangers, les modifiant avec les divers suffixes des déclinaisons .

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