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La grève générale de 1934 en France ou comment la classe ouvrière peut donner un coup d’arrêt à la montée fasciste

lundi 11 novembre 2024, par Robert Paris

La grève générale de 1934 en France ou comment la classe ouvrière peut donner un coup d’arrêt à la montée fasciste

La situation en Europe en 1934 caractérisée par Trotsky : bonapartisme et fascisme

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/07/lt19340715.htm

Trotsky :

A toutes les organisations ouvrières, nous offrons un programme concret d’action sur la base du Front unique prolétarien. Nous posons au centre des tâches d’aujourd’hui L’AUTO-DEFENSE ACTIVE DU PROLETARIAT. La force contre la force ! La milice ouvrière est la seule arme pour lutter contre les bandes fascistes auxquelles la – police officielle viendra inévitablement en aide.

Or la milice ouvrière n’est pas faite pour les parades et les représentations de théâtre du type Amsterdam ou Pleyel, mais pour une lutte impitoyable. La milice ouvrière est le poing armé du prolétariat. Pour un œil, les deux yeux. Mener la guerre jusqu’à épuisement et jusqu’à l’extermination. Ne pas permettre à l’ennemi fasciste de lever la tête. Le talonner jusqu’au bout.

En France, un début d’organisation du Front unique entre les partis et les syndicats ouvriers permettra, grâce à l’initiative prolétarienne, de s’engager dans cette voie.

La grève générale du 12 février en France a été un avertissement impressionnant, mais rien de plus. Ayant senti le danger, l’ennemi a doublé, triplé, décuplé ses efforts. Maintenir leurs positions et en conquérir de nouvelles, les ouvriers de France, comme ceux du monde entier, ne pourront y parvenir que par des combats héroïques.

La défense révolutionnaire doit devenir la grande école de l’offensive. Les ouvriers de France ont montré que brûle encore dans leur sang la flamme des révolutions que couronna la Commune de Paris. Mais il ne suffit pas d’être seulement prêts à se battre, comme le montre l’exemple de l’Autriche. Il faut de la technique, il faut de l’organisation, il faut un plan, il faut un état-major !

Le 12 février, le jour de la grève générale et des manifestations monstres, les ouvriers de France ont imposé pour 24 heures le Front unique aux deux appareils bureaucratiques. Mais ce fut de l’improvisation et, pour vaincre, il faut de l’organisation.

L’appareil naturel du Front unique dans les jours de combat, c’est la représentation prolétarienne, les députés des usines et des ateliers, des quartiers ouvriers et des syndicats : les soviets. Avant de devenir les organes du pouvoir, les soviets sont les appareils révolutionnaires du Front unique. Dans les soviets honnêtement élus, la minorité se soumet à la majorité. C’est dans ce sens que conduit la logique impérieuse de la lutte. C’est dans ce sens qu’il faut diriger consciemment les efforts.

Dans l’arène de l’histoire, c’est maintenant le tour de la France prolétarienne. En France se décide de nouveau le sort, non seulement de la France, mais aussi de l’Europe, et, en fin de compte, du monde entier . Si le fascisme réussissait à abattre le prolétariat français, toute l’Europe se teindrait en noir. Et, au contraire, la victoire du prolétariat français, dans les conditions actuelles, laisserait loin derrière elle, par son importance historique, même la victoire d’Octobre remportée par le prolétariat en Russie !

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/03/lt19340300.htm

Où va la France ?

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf2.htm

Ligue communiste (trotskyste) :

Le fascisme et la guerre menacent

Dirigée par la grande bourgeoisie, la France sombre dans la décomposition du monde capitaliste. Dans les couches dirigeantes de la société, dans toutes les institutions du régime, les scandales pullulent, la corruption des riches s’étale.

Pour les ouvriers, c’est le chômage grandissant ; pour les petits paysans, c’est la ruine ; pour tous les exploités, c’est la misère accrue.

Le capitalisme agonisant a fait faillite. Et pour essayer d’échapper à cette banqueroute historique, les classes dirigeantes n’ont qu’un plan : encore plus de misère pour les masses laborieuses ! Suppression de toutes les réformes, même les plus minimes ! Suppression du régime démocratique !

Le talon de fer du fascisme devient dans le monde entier l’argument suprême du capitalisme aux abois.

L’Impérialisme frappé à mort par la révolution russe d’octobre 1917, est parvenu à maintenir sa domination sur l’humanité par suite de l’échec des partis prolétariens dans les différentes périodes de l’après guerre : trahison générale de la social démocratie, et dégénérescence de l’I.C. consécutive à ces défaites. L’échec de la révolution allemande en 1923, de la révolution chinoise en 1927, du prolétariat allemand et autrichien en 1933 et 34 marquent les moments décisifs où le capitalisme est parvenu à se maintenir.

Cependant, ces victoires précaires, obtenues sans qu’en Russie Soviétique les anciennes classes dirigeantes aient pu se rétablir, n’ont fait elles-mêmes qu’exaspérer la crise universelle. Plus violemment et anarchiquement crue jamais les exigences des monopoles sur le marché mondial se heurtent aux limites nationales et au principe de la propriété privée.

Profitant des revers du prolétariat dans sa marche révolutionnaire vers le socialisme, la bourgeoisie mondiale utilise une dernière arme, le fascisme, au moyen duquel elle fait un effort désespéré pour écarter de sa route la classe ouvrière organisée.

Telle est la situation internationale qui pousse la bourgeoisie française vers le fascisme.

Mais le fascisme lui même n’est pas encore le dernier mot du capitalisme en décomposition. Lorsqu’il a battu son ennemi à l’intérieur, chaque impérialisme veut s’étendre à l’extérieur. Telle est la source d’une nouvelle guerre mondiale . Cinquante millions d’hommes ont péri dans les atroces souffrances de la dernière guerre et de ses suites. C’est par centaines de millions que les travailleurs de l’humanité entière se verraient massacrer dans une prochaine guerre. La France, dont la population est stagnante, y échapperait moins que tout autre pays.

À ces plans criminels de la bourgeoisie, les travailleurs doivent s’opposer de toutes leurs forces !

https://www.marxists.org/francais/4int/prewar/1934/prog34.htm#N10904

Union Communiste de Barta :

POURQUOI LES OUVRIERS ONT-ILS FAIT LA GREVE GENERALE DU 12 FEVRIER 1934 ?
Nous reproduisons une affiche publiée le 11 février 1934 par l’union départementale des syndicats du Haut-Rhin, le P.S. et le P.C. (à l’époque S.F.I.C.), et qui rappellera aux ouvriers la signification de leur mouvement :

GREVE GENERALE
La réaction se lance au choc décisif contre la classe ouvrière. Les amis et les protecteurs des Staviski et autres voleurs, les Chiappe et Tardieu, royalistes, fascistes de toutes sortes, fils d’une bourgeoisie engraissée de la peine des ouvriers, veulent rétablir le régime de la dictature, de la poigne, pour anéantir avec la démocratie et la république toutes les libertés péniblement arrachées par la classe ouvrière.
Pour détourner l’attention de sa responsabilité dans la crise, le chômage et la misère générale, la féodalité des banques et de l’industrie excite les masses contre le régime.
On est sur le point d’établir un Directoire composé d’une poignée de politiciens et généraux aveuglément soumis aux banques et au capitalisme.
Les traitements et salaires de tous les travailleurs seront encore réduits et des lois d’exception étoufferont dans l’oeuf toute résistance. La dictature fasciste veut sauver une société capitaliste complètement pourrie.
Mais le peuple français ne veut pas de dictature à la Hitler.
La classe ouvrière saura défendre les libertés publiques.
Elle n’ajoutera pas foi à la campagne mensongère d’une presse à la solde des capitalistes et des fascistes.
A la meute déchaînée de la dictature doit s’opposer l’unanime refus de tous les travailleurs.
La classe ouvrière en a assez.
Assez de scandales, assez de ces fourberies et escroqueries qui ne seront pas arrêtées par une dictature, mais simplement tenues secrètes. Assez de l’exploitation, du refus des possédants de prendre les mesures réclamées par le peuple pour lutter contre le chômage.
Tous les travailleurs, employés et fonctionnaires doivent, par une grève générale de 24 heures, donner un premier avertissement aux puissants.
Cheminots, postiers, fonctionnaires, ouvriers et employés des services publics, tramways, gaz, électricité, employés de banques, ouvriers des ateliers, usines et mines, vous cesserez le travail le 12 février pour 24 heures !
Montrez au fascisme prêt à prendre le pouvoir que vous vous opposerez à sa domination, par tous les moyens.

Chronologie

• 3 février :

o le préfet de police Jean Chiappe, soupçonné de sympathie pour les ligues Monarchiste est destitué ;

o manifestation antiparlementaires des ligues d’extrême droite (Croix-de-Feu, Action française, Camelots du roi, Solidarité française, Jeunesses patriotes).

• 4 février : les émeutes fragilisent le gouvernement.

• 6 février : les ligues d’extrême droite appellent à défiler. Les affrontements avec les forces de l’ordre près du Palais Bourbon font 16 morts et 2 300 blessés place de la Concorde (Paris).

• 7 février : chute du président du Conseil Édouard Daladier.

• 9 février :
Gaston Doumergue nouveau président du Conseil, forme un gouvernement d’union nationale. Il va mener une politique d’austérité et de répression. La politique souhaitée par les ligues se met en place.

• 12 février : grève générale et manifestations antifascistes. À l’appel des syndicats et des partis de gauche, des manifestations unitaires contre le fascisme et pour la défense de la république sont organisées.

Face à une tentative de coup d’État fasciste en France, la classe ouvrière a fait front très rapidement, prémices d’une réunification syndicale qui allait permettre la victoire du Front populaire deux ans plus tard.

Début 1934 le contexte politique est particulièrement tendu, tant en France qu’en Europe. La crise de 1929 a laissé des traces. Les dictatures se sont installées en Italie, au Portugal et en Allemagne. En URSS, Staline, désormais maître du Kremlin, a organisé la famine ukrainienne, faisant deux à trois millions de morts.

En France la IIIe République est secouée par l’affaire Stavisky. Il s’agit d’une escroquerie de 200 millions de francs montée avec le Crédit municipal de Bayonne. Des politiciens locaux et nationaux sont impliqués. La police découvre le pot aux roses en décembre 1933. L’escroc est un certain Serge Alexandre Stavisky (1886-1934), juif ukrainien. Bref, du pain béni pour l’extrême droite française antisémite et antirépublicaine. Dans des circonstances fort étranges, l’homme sera déclaré suicidé à Chamonix le 8 janvier 1934. Les doutes planent sur un acte délibéré.

À l’époque les différents partis d’extrême droite peuvent compter sur 200.000 militants. Il y a l’Action Française de Charles Maurras (1868-1952) et les Camelots du roi, deux groupes royalistes vomissant 1789. Il y a aussi les Jeunesses patriotes (proto-fasciste) et les Croix de feu du Colonel de la Rocque (1885-1946), issus des anciens combattants de 14-18, patriotes-réactionnaires. La plupart de ces hommes formeront l’ossature du régime de Vichy et de sa milice.

Le 6 février 1934, les Ligues appellent à manifester devant la Chambre des représentants (le parlement) avec l’idée d’y entrer. Ils sont plus de 30.000 à crier « à bas les voleurs », « mort à la gueuse » (la République), « dehors les métèques ». Ils sont armés de révolvers, mais aussi de cannes avec des lames de rasoirs pour couper les pattes des chevaux des gendarmes, ainsi que des billes de plomb. Le soir même, le PCF, via l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants) appelle à la contre-manifestation avec comme slogan : « aux usines, aux chantiers, aux gares, manifestez contre les bandes fascistes ». Bilan : 15 morts dont un policier et 655 blessés.

La contre-offensive ouvrière

Le radical Daladier, président du conseil (ce qui équivaudrait aujourd’hui au poste de Premier ministre) depuis le 30 janvier, démissionne le lendemain. Léon Blum, dirigeant de la SFIO, parle de « manifestation fasciste et royaliste » et dira : « La République n’est pas une prostituée qu’on ramasse dans le caniveau ».

Le 9 février, le PCF et la CGT-U appellent à manifester, mais sans unité d’action. En effet, depuis plusieurs années, sur ordre de Moscou, les PC appliquent la politique de « classe contre classe », attaquant autant les socialistes que la droite. Cette stratégie a grandement facilité l’arrivée d’Hitler au pouvoir ! Mais en province plusieurs manifestations sont unitaires.

Quant à la CGT, elle appelle à la grève générale le 12 février. Elle sera suivie par 4 millions de grévistes. Du jamais vu en France. À Paris, deux manifestations sont organisées, l’une par le PC/CGT-U et l’autre par la CGT et la SFIO. Elles doivent converger place de la Nation et sur le cours de Vincennes. Là les militants se rejoignent aux cris d’ « Unité, unité » et fusionnent. En effet, la scission n’a qu’une dizaine d’année (1920-1921) et à la base, les militants sont parfois restés proches.

En tête de manif à Paris une grande banderole : « Nous faisons serment solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses. Pour défendre et développer les libertés démocratiques et pour assurer la paix humaine ». Ce jour-là dans toute la France, ils seront plus d’un million à battre le pavé.

À Moscou, virage à 180°. Staline abandonne sa doctrine de « classe contre classe » pour appeler à la création de Fronts populaires réunissant communistes, socialistes, radicaux et autres centristes de gauche. Trois pays vont mettre en place ces Fronts populaires (France, Espagne, Grèce), dont deux arriveront au pouvoir aux élections de 1936.

Au niveau syndical, la réunification est décidée en septembre 1935 et officialisée au congrès de Toulouse en mars 1936. Les Confédérés disposent d’une majorité des deux-tiers, Jouhaux reste Secrétaire général, avec quatre adjoints (les 4B : Belin, Bothereau, Bouyer, Buisson), face à deux Unitaires (Frachon, Racamond).

Trois mois plus tard, le Front populaire gagne les élections. La grève générale du 12 février 1934 aura donc été décisive dans le mouvement de mai-juin 1936.

Arrêté par les organisations réformistes politiques et syndicales, le mouvement prolétarien ne remettra pas en cause le pouvoir et n’empêchera pas la marche à la guerre et au fascisme…

Un exemple de lutte contre le fascisme en 1934

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/03/lt19340302.htm

Messages

  • .

    La grève générale du 12 février a été manigancée,
    le 7 au matin, par le ministre de l’Intérieur de Daladier,
    Eugène Frot, avec Léon Jouhaux et Léon Blum. A l’ori-
    gine, ses objectifs sont limités et nullement révolution-
    naires : elle vise à faire contrepoids à la pression exercée
    par les ligues factieuses sur un gouvernement qui n’est
    pas encore démissionnaire. Mais, à l’insu, ou au-delà
    de l’attente, de ses initiateurs, elle va prendre figure
    de formidable démonstration de masses. A travers la
    France, quelque cinq millions de travailleurs se croisent
    les bras. A Paris, ni journaux, ni spectacles, ni moyens
    de transport. J’ai passé, pour ma part, toute la journée
    du 11 à rouler dans les rames du métro, avec en ban-
    doulière une grosse gibecière de cuir, qui servait à mon
    grand-père pour la chasse, et que j’ai bourrée de tracts
    de la C.G.T. L’accueil des voyageurs, leur chaude sym-
    pathie, leurs encouragements fraternels m’ont déjà per-
    mis de prendre la température des masses ; le triomphe
    de la journée du lendemain ne me surprendra pas.
    L’après-midi du 12, en pleine grève, les socialistes ont
    organisé une manifestation au cours de Vincennes. Les
    communistes, tempérant, enfin, leur hargne sectaire,
    ont décidé de s’y rallier. Une marée humaine déferle
    sur la place de la Nation. C’est le premier des rassem-
    blements gigantesques qui marqueront l’âge dit du
    Front Populaire. Le cortège communiste tourne autour
    du rond-point dans un sens, le cortège socialiste dans
    le sens contraire. Puis, quand ils se rencontrent, leurs
    flots se rejoignent, se fondent, au cri de « Unité !
    Unité ! ». Leur masse avance maintenant, en rangs
    serrés, sur toute la largeur du cours de Vincennes, chan-
    tant 1’Internationale.
    Quant à chacun de nous, fétus de paille au milieu de
    cet océan, la confiance nous gonfle la poitrine.
    our la première fois, nous agissons ensemble. Ce dont
    le mouvement ouvrier allemand s’est révélé incapable,
    jusqu’à la dernière minute, contre Hitler, nous venons
    de le faire, nous. Les fascistes et leurs complices poli-
    ciers peuvent s’amuser à allumer des incendies sur nos
    places publiques : ce sont là jeux de gamins. Nous,
    nous venons de prouver que nous sommes capables
    de paralyser toute la vie du pays. Nous voilà déli-
    vrés, enfin, des complexes d’infériorité qui, depuis si
    longtemps, nous inhibaient : nous découvrons que nous
    sommes forts.
    Mais nous ne le serons que si nous ne nous bornons
    pas à rester sur la défensive. Nous ne vaincrons le
    fascisme que si nous sommes plus offensifs que lui.
    La défense des libertés n’est qu’un point de départ,
    un minimum. Les occupations d’usine italiennes, en
    1920, l’ont démontré : la grève générale peut être une
    arme à double tranchant. Il faut pousser plus loin. Ou
    le fascisme prendra le pouvoir, ou ce sera nous. Ou
    nous exorciserons la guerre, ou nous subirons la guerre.

    Daniel Guérin

    https://www.marxists.org/francais/guerin/works/1963/00/revolution_manquee_1963.pdf

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