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Francis Bacon (inventeur de la philosophie des sciences) et la religion
vendredi 26 septembre 2025, par ,
Francis Bacon alias Shakespeare (inventeur de la philosophie des sciences) et la religion
Bien des gens croient avoir résumé la philosophie de Bacon par rapport à la religion par une citation connue :
« Un peu de philosophie pousse l’esprit de l’Homme à l’athéisme, mais beaucoup de philosophie le ramène à la religion », mais ils se trompent. C’était juste une remarque pour encourager non spécialement la religion mais pour soutenir, auprès des religieux, sa nouvelle philosophie de la nature.
Francis Bacon est pour la religion, mais... pour une religion sans miracles, sans sorcellerie, sans diableries, sans considérations occultes, sans pouvoir sur les sciences, les réflexions, les expériences, les théories et les connaissances universitaires, sans mysticisme, sans magie, sans pouvoir de la tradition et de la croyance sur la vie réelle, sans domination des prêtres sur les hommes et leurs institutions civiles, sans opposition dressées entre les hommes par les oppoistions religieuses, sans soumission de la pensée, sans croyance en un pouvoir immatériel dominant la nature physique et on en passe... En fait, il défend une conception matérialiste de la science et de la philosophie de la nature, tout en essayant de ne pas trop se heurter aux religions qui dominent totalement l’université de son époque et la société.
Bacon n’est même pas pour la domination de la religion des mathématiques dans les sciences physiques.
Bacon dans « Novum Organum » :
« Les mathématiques doivent terminer la philosophie naturelle et non l’engendrer et laproduire. »
https://philo-labo.fr/fichiers/Bacon%20Francis%20-%20Novum%20OrganumOCR.pdf
« Francis Bacon est sûrement l’emblème d’une émancipation de la philosophie naturelle par rapport à toutes sortes de préjugés, d’idoles, d’influences occultes. Il revendique une certaine autonomie pour l’étude de la nature, et semble séparer, pour un temps au moins, physique et métaphysique. »
https://www.cairn.info/ex-nihilo-volume-1--9782705680145-page-351.htm
Karl Marx dans « La Sainte Famille » :
« Le véritable ancêtre du matérialisme anglais et de toute science expérimentale moderne, c’est Bacon. La science basée sur l’expérience de la nature constitue à ses yeux la vraie science, et la physique sensible en est la partie la plus noble. Il se réfère souvent à Anaxagore et ses homoioméries, ainsi qu’à Démocrite et ses atomes. D’après sa doctrine, les sens sont infaillibles et la source de toutes les connaissances. La science est la science de l’expérience et consiste dans l’application d’une méthode rationnelle au donné sensible. Induction, analyse, comparaison, observation, expérimentation, telles sont les conditions principales d’une méthode rationnelle. Parmi les propriétés innées de la matière, le mouvement est la première et la plus éminente, non seulement en tant que mouvement mécanique et mathématique, mais plus encore comme instinct, esprit vital, force expansive, tourment de la matière (pour employer l’expression de Jacob Boehme). Les formes primitives de la matière sont des forces essentielles vivantes, individualisantes, inhérentes à elle, et ce sont elles qui produisent les différences spécifiques. Chez Bacon, son fondateur, le matérialisme recèle encore, de naïve façon, les germes d’un développement multiple. La matière sourit à l’homme total dans l’éclat de sa poétique sensualité ; par contre, la doctrine aphoristique, elle, fourmille encore d’inconséquences théologiques. »
Bacon conçoit et élabore un programme grandiose. Je le cite : « Étendre plus amplement les limites de la puissance et de la grandeur de l’homme ». « Équiper l’intellect pour passer au-delà ». « Améliorer et perfectionner l’usage de la raison humaine en l’investigation des choses ». Se prévaloir des « véritables aides de l’entendement ». Telles sont ses prétentions.
À cette fin, il convient d’abord de séparer le domaine de la Religion et celui de la Science. On l’avait déjà proclamé et pratiqué à Padoue ! « La Religion », dit-il, « cesse d’être scientifiquement humble et la Science d’être métaphysiquement humble. L’humilité de chacune consiste essentiellement à rester dans sa propre sphère, et à reconnaître la valeur indépendante de l’autre ». « Il est extrêmement sage de rendre à la foi les choses qui sont de la foi ». (Nov. Org., i, lxv).
Francis Bacon écrit notamment :
« Cependant il ne faut pas s’étonner si les progrès de la philosophie naturelle ont été arrêtés, lorsque la religion, qui a tant de pouvoir sur l’esprit des hommes, a été tournée et emportée contre elle par le zéle ignorant et maladroit
de quelques-uns. »
« Rien n’a été refusé à la curiosité de l’homme et à son invention. »
« La faiblesse et la crédulité des hommes sont telles qu’ils préfèrent souvent un charlatan ou une sorcière à un médecin savant. »
« Tout ce qui a le moindre rapport avec la religion est sujet à caution. »
« Dieu n’a jamais provoqué le miracle pour convaincre l’athéisme, parce que ses œuvres ordinaires convainquent. C’est vrai qu’un peu de philosophie pousse l’esprit de l’homme à l’athéisme ; Mais la profondeur dans la philosophie délivra les esprits à propos de la religion. Car tandis que l’esprit de l’homme se concentre sur des causes dispersées et sans aucuns sens, il peut parfois se reposer sur ces dernières et ne pas aller plus loin ; mais quand il observe avec dédain la chaîne de ces causes et événements, confédérés et liés ensembles, il doit voler vers la Providence et la Déité. »
« Rien n’est plus beau que le mot religion, à la condition qu’il signifie relier les peuples et non lier les hommes, à la condition qu’il signifie fraternité et non domination. »
Francis Bacon, alias William Shakespeare
« Je croirais à toutes les fables des légendes, et au Talmud, et au Coran, plutôt que de croire qu’il n’y a pas d’intelligence derrière cet ordre universel. »
« L’athéisme laisse l’homme à son bon sens, à la philosophie, à la piété naturelle, aux lois, à la réputation, à tout ce qui peut guider la vertu morale, même si la religion disparaît, mais la superstition démonte tout ceci et érige une monarchie absolue dans l’âme de des hommes. »
Bacon sur l’athéisme :
« La fable, après avoir décrit l’état de l’homme, par rapport aux arts et aux facultés intellectuelles, passe à la religion ; car la culture des arts a presque toujours marché de front avec le culte divin, qui a été ensuite envahi et souillé par l’hypocrisie… Il en a été des religions comme de l’orviétan, de la lanterne magique et d’une infinité d’autres drogues ou machines, inventées par des hommes de génie, et promenées ensuite par des charlatans. Ces doctrines mystérieuses, qui, dans leur première institution, étoient aussi simples que les hommes auxquels elles étoient destinées, furent d’abord un puissant instrument que les premiers sages employèrent pour contenir des hommes aussi féroces qu’ignorants, en attendant qu’ils pussent les instruire, et pour leur faire accroire des vérités de pratique qu’ils ne pouvoient encore leur faire comprendre : puis, d’hypocrites fainéants s’emparèrent de ces doctrines, et jugeant que la crédulité du peuple seroit plus fructueuse pour eux que son instruction, défendirent, sous peine de mort, de lui faire comprendre ce qu’ils vouloient absolument continuer de lui faire accroire ; ajustèrent au corps de la religion une alonge aussi lucrative que mensongère ; condamnèrent le genre humain à une enfance éternelle, et convertirent ainsi le remède en poison. »
https://fr.wikisource.org/wiki/De_la_sagesse_des_Anciens_(Bacon)/23
Bacon dans « Novum Organum », première partie :
« Vous trouverez, dit-il, que l’ineptie de certains théologiens est allée à ce point, qu’ils interdisent à peu près toute philosophie, quelque châtiée qu’elle soit. Les uns craignent tout simplement qu’une étude de la nature trop approfondie n’entraîne l’homme au delà des limites de modération qui lui sont prescrites, et ils torturent les paroles de la sainte Ecriture, prononcées contre ceux qui veulent pénétrer dans les mystères divins, et qu’ils appliquent aux secrets de la nature, dont la recherche n’est nullement interdite. D’autres pensent avec plus de finesse que si les lois de la nature sont ignorées, il sera bien plus facile do rapporter chacun des événements à la puissance et à la verge de Dieu ce qui, selon eux, est du plus grand intérêt pour la religion. Ce n’est là rien autre chose que vouloir servir Dieu par le mensonge. D’autres craignent que, par la contagion de l’exemple, les mouvements et les révolutions philosophiques ne se communiquent à la religion, et n’y déterminent, par contre-coup, des bouleversements. D’autres semblent redouter que par l’étude de la nature, on n’arrive à quelque découverte qui renverse, ou au moins ébranlent la religion surtout dans l’esprit des ignorants. Mais ces deux dernières craintes nous semblent témoigner d’une sagesse bien terrestre, comme si ceux qui les ont conçues se défiaient au fond de leur esprit et dans leurs secrètes pensées, de la solidité de la religion et de l’empire de la foi sur la raison, et redoutaient, en conséquence, quelque péril pour elle de la recherche de la vérité dans l’ordre naturel. Mais, à bien voir, la philosophie de la nature est, après la parole de Dieu, le remède le plus certain contre la superstition, et, en même temps, le plus ferme soutien de la foi. C’est à bon droit qu’on la donne à la religion comme la plus fidèle des servantes, puisque l’une manifeste la volonté de Dieu et l’autre sa puissance. C’est un mot excellent que celui-ci Vous errez en méconnaissant, soit les écritures, soit la puissance de Dieu dans ce mot, sont jointes et unies, par un lien indissoluble, l’information de la volonté et la méditation sur la puissance. Cependant, il ne faut pas s’étonner si les progrès de la philosophie ont été arrêtés, lorsque la religion, qui a tant de pouvoir sur l’esprit des hommes, a été tournée et emportée contre elle par le zèle ignorant et maladroit de quelques-uns. (Novum Organum, liv. I.) »
Bacon dans la première partie de sa préface :
« Nous souhaitons que tous les hommes ensemble soient avertis de ne point perdre de vue la fin véritable de la science, et sachent une fois qu’il ne faut point la chercher comme une sorte de passe-temps ou comme un sujet propre à la dispute ou pour mépriser les autres, ou en vue de son propre intérêt, ou pour se faire une réputation, on pour augmenter sa propre puissance, ou pour tout autre motif de cette espèce, mais pour se rendre utile à tous et pour l’appliquer aux usages de la vie humaine. Nous souhaitons, enfin qu’ils la perfectionnent et la dirigent par l’esprit de charité ; car e’est la soif de la puissance qui a causé la chute des anges, et la soif de la science qui a causé celle des hommes. Mais la charité ne peut pécher par excès, et jamais par elle ange ou homme ne fut en danger. »
Bacon dans le livre III du « De Augmentis » :
« S’il s’agit de définir la théologie naturelle, disons que c’est une science, ou plutôt une étincelle de science, telle tout au plus qu’on peut l’acquérir sur Dieu par la lumière naturelle et la contemplation des choses, science qui peut être regardée comme divine quant à son objet, et comme naturelle quant à la manière dont elle est acquise. Actuellement, si nous voulons marquer les vraies limites de cette science, nous dirons qu’elle est destinée à réfuter l’athéisme, à le convaincre de faux, à faire connaltre la loi naturelle, qu’elle ne s’étend que jusque-là, et qu’elle ne va point jus-, qu’à établir la religion. Aussi voyons-nous que Dieu ne fit jamais de miracle pour convertir un athée, attendu que la lumière naturelle suffisait à cet athée pour le conduire à la connaissance de Dieu ; mais les miracles ont eu pour but manifeste la conversion des idolâtres et des hommes superstitieux qui, à la vérité, reconnaissaient la divinité, mais qui s’abusaient par rapport au culte qui lui est dû. La seule lumière naturelle ne suffit pas pour manifester la volonté de Dieu et pour faire connaître son culte légitime car, de mémo que les œuvres montrent bien la puissance et l’habileté de l’ouvrier, et ne montrent point son image, de même aussi les œuvres de l)ieu peignent, il est vrai, la sagesse et la puissance de l’auteur de toutes choses, mais ne retracent nullement son image, et c’est en quoi l’opinion des païens s’éloigne de la vérité sacrée ; selon eux, le monde est l’image de Dieu, et l’homme l’image du monde. Mais la sainte Ecriture ne fait point au monde cet honneur de le qualifier, en quelque lieu que ce soit, d’image de Dieu, mais seulement d’ouvrage de ses mains c’est l’homme qu’elle qualifie d’image de Dieu, le plaçant immédiatement après lui. Et quant à la manière de traiter ce sujet, que Dieu existe, qu soit souverainement puissant, sage, prévoyant et bon, qu’il soit le rémunérateur et le vengeur suprême, qu’il mérite notre adoration, c’est ce qu’il est facile d’établir et de démontrer, même par ses œuvres. On peut aussi, soos la condition d’une certaine réserve, tirer de la même source et dévoiler une infinité de vérités admirables et cachées, sur ses attributs, et beaucoup plus encore sur la manière dont il régit et dispense toute chose dans l’univers ; c’est un sujet que quelques écrivains ont traité dans des ouvrages vraiment utiles ; mais vouloir, d’après la seule contemplation des choses naturelles, et les seuls principes de la raison humaine, raisonner sur les mystères de la foi, ou même les persuader avec plus de force, ou encore les analyser dans un certain détail et les éplucher. C’est, à mon sentiment, une entreprise dangereuse. « Donnez à la foi ce qui appartient à la foi ; » car les païens eux-mêmes, dans cette fable si connue et vraiment divine de la chaîne d’or, accordent eux-mêmes « que ni les dieux ni les » hommes ne furent assez forts pour tirer Jupiter des cieux v sur la terre, mais que Jupiter le fut assez pour tirer de la n terre dans les cieux et les hommes et les dieux. » Ainsi, ce serait faire d’inutiles efforts que de vouloir adapter à la raison humaine les célestes mystères de la religion. Il conviendrait plutôt d’élever notre esprit jusqu’au trône de la céleste vérité, afin de l’adorer. Ainsi, tant s’en faut que dans cette partie de la théologie naturelle je trouve quelque chose à supplier, qu’elle pèche plutôt par excès, et c’est pour noter cet excès que je me suis jeté dans cette courte digression, attendu les inconvénients et les dangers qui en résultent, tant pour la religion que pour la philosophie ; car c’est précisément cet excès qui a enfanté l’hérésie, ainsi que la philosophie fantastique et superstitieuse. (Bacon dans "De Augmentis" livre III, chap 2.)
Bacon dans « Novum Organum » :
« Une cause (pour nuire au développement des sciences et de la philosophie de la nature) qui certainement a entre toutes une gravité extrême, à savoir que pendant
ces époques mêmes où fleurirent avec plus ou moins d’éclat les intelligences et les lettres, la philosophie naturelle ait toujours occupé le moindre rang parmi les occupations des hommes.
Et cependant on doit la regarder comme la mére commune de toutes les sciences.
Tous les arts et les sciences, arrachés de cette souche commune, peuvent être
raffinés et recevoir quelques.applications utiles, mais ils ne prennent aucune croissance.
Cependant il est manifeste qu’aprés l’établissement et le développement de la religion
chrétienne, l’immense majorité des esprits éminents se tourna vers la théologie, que cette étude obtint dés lors les plus magnifiques encouragements et les secours les
plus abondants, et qu’elle remplit presque seule cette troisieme période de histoire intellectuelle dans l’Europe occidentale ; d’autant plus qu’à peu près à la même époque,
les lettres commencèrent à fleurir, et les controverses religieuses à se produire en foule…
Quant à la magie surnaturelle (si toutefois elle mérite qu’on en parle), ce que nous devons surtout remarquer en elle, c’est qu’il n’y a qu’un cercle d’objets bien
déterminé dans lequel les arts surnaturels et superstitieux dans tous les temps et
chez tous les peuples, et les religions elles-mêmes, aient pu s’exercer et déployer
leurs prestiges.
Nous pouvons donc n’en point tenir compte.
Remarquons cependant qu’il n’y a rien d’étonnant que l’opinion d’une richesse imaginaire ait été la cause d’une misére réelle…
Nous devons dire aussi que la philosophie naturelle a rencontré dans tous les temps un adversaire terrible dans la superstition et dans un zéle religieux, aveugle et immodéré.
Nous voyons chez les Grecs ceux qui dévoilérent les premiers aux hommes étonnés les causes naturelles de la foudre et des tempêtes, accusés, pour cette révélation, d’impiété envers les dieux et plus tard excommuniés, sans beaucoup plus de raison par quelques-uns des anciens Péres de |’Eglise, ceux qui prouvaient, par des démonstrations évidentes , qu’aucun homme de bon sens ne voudrait aujourd’hui révoquer en doute, que la terre est ronde, et que, par conséquent, il existe des antipodes.
Bien plus, au point où en sont maintenant les choses, les théologiens scolastiques, par leurs sommes et leurs méthodes, ont rendu très difficile et périlleux de parler de la nature ; car, en rédigeant en corps de doctrine et sous forme de traités complets
toute la théologie, ce qui était certainement de leur ressort, ils ont fait plus, et ont mélé au corps de la religion, beaucoup plus qu’il ne convenait, la philosophie épineuse et contentieuse d’Aristote.
A la même fin reviennent, quoique d’une autre façon, les travaux de ceux qui n’ont pas craint de déduire la vérité chrétienne des principes, et de la confirmer par l’autorité des philosophes, célébrant avec beaucoup de pompe et de solennité, comme légitime, ce mariage de la foi et de la raison, et flattant les esprits par cette agréable variété, mais aussi mêlant les choses divines aux choses humaines, sans qu’il y ait la moindre parité entre leurs valeurs. Mais dans ces sortes de combinaisons de la philosophie avec la théologie, ne sont compris que les dogmes philosophiques actuellement admis ; quant aux nouvelles théories, quelque supériorité qu’elles puissent présenter, leur arrêt est prononcé à l’avance…
Enfin, vous trouverez l’ineptie de certains théologiens aller à ce point qu’ils interdisent à peu prés toute philosophie, quelque châtiée qu’elle soit. Les uns craignent tout simplement qu’une étude de la nature trop approfondie n’entraine l’homme au delà des limites de modération qui lui sont prescrites, torturant les paroles de la sainte Ecriture, prononcées contre ceux qui veulent pénétrer dans les mystères divins, pour les appliquer aux secrets de la nature, dont la recherche n’est nullement interdite. D’autres pensent, avec plus de finesse, que si les lois de la nature sont ignorées, il sera bien plus facile de rapporter chacun des événements à la puissance et à la verge de Dieu, ce qui, selon eux est du plus grand intérêt pour la religion ; et ce n’est là pas autre Chose que de vouloir servir Dieu par le mensonge. D’autres craignent que, par la contagion de l’exemple, les mouvements et les révolutions philosophiques ne se communiquent à la religion, et n’y déterminent, par contre-coup , des bouleversements. D’autres semblent redouter que par l’étude de la nature on n’arrive à quelque découverte qui renverse ou au moins ébranle la religion, surtout dans l’esprit des ignorants.
Mais ces deux dernières craintes nous semblent témoigner d’une sagesse bien terrestre, comme si ceux qui les ont conçues se défiaient, au fond de leur esprit et dans leurs secrètes pensées, de la solidité de la religion et de l’empire de la foi sur la raison et redoutaient en conséquence quelque péril pour elles de la recherche de la vérité dans l’ordre naturel. Mais, à bien voir, la philosophie naturelle est, après la parole de Dieu, le reméde le plus certain contre la superstition, et en méme temps le plus
ferme soutien de la foi. C’est à bon droit qu’on la donne à la religion comme la plus fidèle des servantes, puisque l’une manifeste la volonté de Diéu, et l’autre sa puissance. C’est un mot excellent que celui-ci : Vous errez, en ne connaissant ni les Ecritures ni la puissance de Dieu, où sont jointes et liées, par un lien indispensable, la volonté et la méditation sur la puissance. Cependant il ne faut pas s’étonner si les progrès de la philosophie naturelle ont été arrêtés, lorsque la religion, qui a tant de pouvoir sur l’esprit des hommes, a été tournée et emportée contre elle par le zéle ignorant et maladroit de quelques-uns…
Si l’on saisit une fois la nature dans une de ses variations, et si l’on en comprend
bien la marche, on pourra, sans beaucoup de peine, conduire la nature par art ou
elle s’est engagée par aberration fortuite ; et non seulement en cette fagon,
mais en beaucoup d’autres ; car une seule erreur montre et ouvre la voie à une foule
d’erreurs et de déviations.
Ici il n’est pas besoin de citer d’exemples, tant ils sont nombreux. Il faut faire un
recueil et une histoire naturelle particuliére de tous les “monstres" et enfantements
prodigieux de la nature, en un mot, de toutes les nouveautés, raretés et
bizarreries de la nature.
Mais il faut faire ce recueil avec un choix scrupuleux, pour qu’il ait de l’autorité. On
doit surtout se défier de tous les prodiges qui ont rapport la religion, comme ceux
que rapporte Tite Live, et tout autant, de ceux qu’on trouve dans les livres de
magie naturelle, d’alchimie et autres semblables ; car ceux qui les font sont comme
les amants des fables. On doit recueillir ces faits dans des histoires graves et dignes
de foi, et dans des rapports authentiques….
https://philo-labo.fr/fichiers/Bacon%20Francis%20-%20Novum%20OrganumOCR.pdf