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Notes sur la dialectique
samedi 27 juillet 2024, par
C.L.R. James - Notes sur la dialectique
« Chacune des trois sphères de l’idée logique s’avère être un ensemble systématique de termes de pensée et une phase de l’Absolu. C’est le cas de l’Être, contenant les trois degrés de qualité, quantité et mesure.
La qualité est d’abord le caractère identique à l’être : si identique qu’une chose cesse d’être ce qu’elle est, si elle perd sa qualité. La quantité, au contraire, est le caractère extérieur à l’être, et n’affecte pas du tout l’être. Ainsi, par ex. une maison reste ce qu’elle est, qu’elle soit plus ou moins grande ; et le rouge reste rouge, qu’il soit plus clair ou plus foncé.
La mesure, le troisième degré de l’être, qui est l’unité des deux premiers, est une quantité qualitative. Toutes choses ont leur mesure : c’est-à-dire que les termes quantitatifs de leur existence, qu’ils soient si ou si grands, n’ont pas d’importance dans certaines limites ; mais quand ces limites sont dépassées d’un plus ou de moins, les choses cessent d’être ce qu’elles étaient. De la mesure suit l’avancée vers la seconde subdivision de l’idée, l’Essence.
Les trois formes d’être ici évoquées, justement parce qu’elles sont les premières, sont aussi les plus pauvres, c’est-à-dire les plus abstraites. La conscience immédiate (sensible), en tant qu’elle comprend simultanément un élément intellectuel, est surtout restreinte aux catégories abstraites de la qualité et de la quantité.
La conscience sensible est en général la plus concrète et donc aussi la plus riche ; mais cela n’est vrai qu’en ce qui concerne les matériaux, alors que, par rapport à la pensée qu’il contient, c’est vraiment le plus pauvre et le plus abstrait…
Le processus de mesure, au lieu d’être seulement le faux infini d’une progression sans fin, sous la forme d’un recul toujours récurrent de qualité en quantité et de quantité en qualité, est aussi un véritable infini de coïncidence avec soi dans l’autre. Dans la mesure, qualité et quantité s’affrontent originellement, comme les uns et les autres. Mais la qualité est implicitement la quantité et inversement la quantité est implicitement la qualité. Dans le processus de mesure, donc, ces deux éléments passent l’un dans l’autre : chacun d’eux devient ce qu’il était déjà implicitement : et ainsi nous obtenons l’Être mis en suspens et absorbé, avec ses plusieurs caractéristiques négatives. Un tel Être est l’Essence. La mesure est implicitement l’Essence ; et son processus consiste à réaliser ce qu’il est implicitement. La conscience ordinaire conçoit les choses comme étant et les étudie en qualité, quantité et mesure. Ces caractères immédiats, cependant, se montrent bientôt non pas fixes, mais passagers ; et l’Essence est le résultat de leur dialectique.
Dans la sphère de l’Essence, une catégorie ne passe pas dans une autre, mais renvoie simplement à une autre. Dans l’Etre, la forme de référence est purement due à notre réflexion sur ce qui se passe : mais c’est la caractéristique spéciale et propre de l’Essence. Dans la sphère de l’être, quand le quelque peu devient un autre, le quelque peu s’évanouit. Il n’en est pas de même dans Essence : ici il n’y a pas de véritable autre, mais seulement la diversité, référence de l’un à son autre. Le passage de l’Essence n’est donc pas en même temps passage : car dans le passage du différent au différent, le différent ne s’évanouit pas : les différents termes restent dans leur rapport. Quand on parle d’être et de néant, l’être est indépendant, le néant aussi. Il en est autrement du Positif et du Négatif. Sans doute ceux-ci possèdent-ils le caractère de l’être et du néant. Mais le Positif par lui-même n’a pas de sens ; il est tout entier en référence au négatif. Et c’est la même chose avec le négatif.
Dans la sphère de l’être, la référence d’un terme à un autre n’est qu’implicite ; dans Essence au contraire elle est explicite. Et c’est en général la distinction entre les formes de l’Être et de l’Essence : dans l’Être tout est immédiat, dans l’Essence tout est relatif. »
G. W. F. Hegel, Encyclopédie des Sciences Philosophiques
Lire la suite -> https://www-marxists-org.translate.goog/archive/james-clr/works/dialecti/index.htm?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc]
Lire aussi :
Hegel et la matière : le philosophe allemand a-t-il encore quelque chose à nous dire ?
https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2006-4-page-537.htm#re9no9
La dialectique de Hegel, peu connue en France, est-elle toujours d’actualité pour la pensée scientifique ?