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La grève chez Petrobras au Brésil est réprimée par les syndicats dirigés par le prétendu « Parti des Travailleurs »

jeudi 13 avril 2023, par Robert Paris

La grève chez Petrobras au Brésil est réprimée par les syndicats dirigés par le prétendu « Parti des Travailleurs »

Le 9 février, une grève spontanée des travailleurs de la raffinerie Petrobras Alberto Pasqualini (Refap) dans l’État du Rio Grande do Sul, dans le sud du Brésil, a été stoppée en raison de la collusion des syndicats avec les patrons et les tribunaux, empêchant sa propagation à d’autres unités à travers le Brésil.

Plus de 4.500 travailleurs se sont spontanément mis en grève le 30 janvier, dénonçant la dégradation des salaires et des avantages sociaux dans l’unité de raffinage du géant énergétique public. Des vidéos diffusées sur les médias sociaux ont montré des travailleurs arrivés pour l’équipe de nuit quittant immédiatement leurs bus pour rejoindre le débrayage. Le mouvement s’est étendu à l’ensemble de la main-d’œuvre, malgré les efforts d’intimidation des patrons, qui auraient engagé des gardes à cette fin.

Lorsque la grève a éclaté, Refap faisait l’objet de travaux d’entretien effectués par plusieurs entrepreneurs. La plupart des grévistes étaient des travailleurs de maintenance qui venaient d’autres unités du pays. La grève a touché des travailleurs des entreprises Estrutural, Estel, Engevale, Manserv et Darcy Pacheco. Les emplois externalisés dans ces entreprises ne paient pas les frais de transport et de logement ou ne les indemnisent que partiellement.

Parmi les revendications de la grève figurait un salaire égal à celui des autres installations de Petrobras dans le pays. Selon la fédération syndicale CUT, contrôlée par le Parti des travailleurs (PT), les salaires mensuels des travailleurs de maintenance externalisés à Refap peuvent être jusqu’à 1.500 réals (267 euros) inférieurs à ceux des autres raffineries.

Les travailleurs ont également demandé des primes correspondant à un travail de maintenance de 350 heures, des prestations alimentaires mensuelles de 1.300 réals (231 euros), 1.500 réals (267 euros) pour les frais d’hébergement et de transport pendant le travail de maintenance, et une augmentation de salaire de 100 pour cent pour les heures supplémentaires effectuées le week-end. Ils ont exigé que leurs droits en matière de travail soient mis par écrit par les entreprises avant la signature des contrats.

Alors que le soulèvement des travailleurs a éclaté spontanément, le syndicat local des métallurgistes STIMMMEC a rapidement formé une « commission de grève » pour parler en son nom. Se déclarant en faveur des travailleurs, la commission du syndicat a examiné leurs revendications. Le STIMMMEC n’était qu’une des nombreuses organisations syndicales qui se sont précipitées à la raffinerie pour réprimer la mobilisation spontanée, y compris le Sindipetro-RS. La STIMMMEC et le Sindipetro-RS sont tous deux affiliés à la CUT.

Les véritables intentions des syndicats ont été révélées par la suite lorsqu’ils ont proposé d’entamer des pourparlers de « médiation » avec le tribunal régional du travail (TRT4) et les entrepreneurs responsables de la maintenance de Refap. Les efforts qui visaient à réprimer la mobilisation spontanée ont été présentés comme une tentative d’« officialiser la grève ». Le 3 février, le président du STIMMMEC, Paulo Chitolina, a déclaré : « On n’a pas eu de préavis de grève 48 heures à l’avance, nous avons donc informé les entreprises le lundi, mais elles ont déposé une plainte pour abus de la part des grévistes, et on a eu une médiation hier ».

Cette manœuvre, si fréquemment employée par les syndicats pour freiner et briser l’élan des luttes ouvrières, a été immédiatement rejetée par les travailleurs. Ils ont refusé de retourner au travail pour attendre la décision du tribunal et ont voté la poursuite de la grève. Une vidéo enregistrée au cours de l’assemblée dirigée par les syndicats montre Chitolina être vivement critiqué après avoir déclaré que les demandes non satisfaites des travailleurs « seront également résolues par le tribunal ».

Pendant les huit jours suivants, le STIMMMEC a tenu des réunions presque quotidiennes avec le tribunal et les entrepreneurs de TRT4 afin de mettre fin au mouvement. Le tribunal a déclaré la grève « abusive » et a imposé des amendes individuelles de 200 réals (36 euros) pour chaque jour où les travailleurs défient sa décision de reprise du travail.

Malgré cette action punitive, le nombre de participants aux assemblées aux portes de la raffinerie a augmenté chaque jour. Désespérée de mettre fin à ce mouvement, la CUT a envoyé son président d’État, Amarildo Cenci, pour calmer les travailleurs de Refap le 8 février. Tout en donnant des gages rhétoriques de soutien aux travailleurs en grève, il a indiqué la nécessité de « discussions sur les normes salariales » avec tous les contractants de Petrobras.

L’appel de la CUT en faveur de « normes salariales » dans l’ensemble de l’entreprise promeut le mensonge selon lequel les travailleurs des autres raffineries s’en sortent bien. En réalité, l’écrasante majorité des travailleurs du pétrole de Petrobras sont confrontés à un régime de salaires et d’avantages sociaux inférieurs à la norme et à des conditions de travail dangereuses, et tentent de survivre dans un contexte d’inflation croissante.

Le STIMMMEC a réussi à mettre fin à la grève le 9 février, seulement après avoir menacé de laisser les travailleurs à la merci du tribunal et de ses amendes punitives. Quand les participants ont sorti des entretiens avec des représentants de l’entreprise et des fonctionnaires du tribunal, Chitolina s’est rendue à l’assemblée des travailleurs aux portes de Refap et a déclaré : « Si nous continuons, nous n’avons plus d’accord avec les entreprises et le tribunal. Si nous reprenons le travail, nous avons un accord ».

La bureaucratie syndicale a montré sa totale indifférence à l’égard de la situation des travailleurs en célébrant cyniquement la défaite de leur mouvement comme une « victoire ». L’accord comprenait quelques concessions, comme une augmentation des prestations alimentaires, une compensation pour le transport et le logement et une rémunération supplémentaire pour le week-end. Cependant, ces concessions étaient bien en deçà des demandes des travailleurs et ne compensent même pas des années d’érosion des salaires.

La répression du soulèvement des travailleurs du pétrole était une question cruciale pour le Parti des travailleurs et sa bureaucratie syndicale associée. Dans des conditions sociales explosives dans tout le Brésil, le mouvement à Refap menaçait de déclencher une grève majeure dans un secteur économique clé, et cela, dès les premiers mois du nouveau gouvernement du président du PT, Luiz Inácio Lula da Silva.

Dévoilant l’anxiété de la bureaucratie face à cette possibilité, le président de Sindipetro-RS a déclaré un jour après l’arrêt du mouvement : « C’est inacceptable que le gouvernement oblige les gens à travailler alors que nous, les travailleurs du pétrole, continuons à vivre comme si rien ne se passait ». Censé représenter les travailleurs à temps plein, le Sindipetro-RS a tout fait pour empêcher leur mobilisation au cours des 11 jours précédents. Au cours de la même période, la Fédération unie des travailleurs du pétrole (FUP), liée à la CUT, a occulté les informations relatives à la grève, tandis que ses responsables rencontraient des membres du gouvernement fédéral.

L’importance des enjeux a été soulignée dans l’avertissement du juge du tribunal du travail le jour où les travailleurs ont rejeté la première proposition des entreprises concernant « les pertes qui peuvent survenir pour la communauté en cas de pénurie de carburant si les activités de maintenance de Refap ne reprennent pas ».

Il y a exactement trois ans, la plus grande grève nationale des travailleurs du pétrole depuis 1995 a eu lieu au Brésil, impliquant 191 unités de Petrobras à son apogée, des raffineries aux centres de distribution et aux plateformes en haute-mer. Les travailleurs s’étaient opposé aux suppressions d’emplois et à la poussée de privatisation de l’entreprise, y compris de Refap, sous le gouvernement de l’ancien président fasciste Jair Bolsonaro. Les autorités avaient réagi à la grève par des amendes considérables et une répression de masse.

La récente grève à Refap montre que la lutte des travailleurs continuera à recevoir le même traitement brutal sous le gouvernement du PT, malgré les promesses faites par les syndicats à chaque accord de trahison qu’ils ont conclu selon lesquelles l’élection de Lula résoudrait tous les problèmes sociaux et politiques majeurs rencontrés sous Bolsonaro. En fait, la bureaucratie se montre encore plus désireuse de réprimer les grèves.

La classe dirigeante brésilienne, qui a le PT et les syndicats à sa solde, craint que le développement d’un mouvement de grève des travailleurs de l’industrie pétrolière et d’autres secteurs ne compromette les accords qu’elle a conclus dans un contexte mondial de plus en plus explosif. Dans le cadre de la campagne actuelle des États-Unis et des puissances européennes contre la Chine pour des plateformes de travail et des ressources alternatives en Amérique latine, une lutte majeure de la classe ouvrière devient une question de « sécurité nationale ».

Malgré ces efforts pour réprimer les grèves, l’éruption de la lutte des classes au Brésil ne peut être contenue. Les infirmières se préparent à une grève nationale le 10 mars pour exiger l’application du salaire minimum légal pour le secteur. Dans les dernières semaines, des manifestations d’enseignants ont pris place dans le Rio Grande do Sul et des grèves de 24 heures des travailleurs du métro ont éclaté dans le Minas Gerais et à São Paulo.

Ces luttes s’inscrivent dans le cadre d’un mouvement international montant de la classe ouvrière contre les attaques des classes dirigeantes contre les salaires et les conditions de travail, alors qu’elles tentent de faire porter aux travailleurs de tous les pays l’intégralité du fardeau du sauvetage des grandes banques et entreprises et des coûts de la guerre impérialiste. Pour que ce puissant mouvement se développe, les travailleurs doivent comprendre que leurs intérêts résident dans une lutte internationale commune pour renverser le système capitaliste.

https://www.wsws.org/fr/articles/2023/03/01/zpjd-m01.html

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