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Les travailleurs, les révolutionnaires, devraient-ils soutenir le bureaucrate néo-stalinien JP Mercier (CGT-Lutte Ouvrière) face aux "bureaucrates de Montreuil" (CGT-PCF ou CGT-Insoumis ou autres) ? (1)

samedi 24 septembre 2022, par Alex

Les travailleurs, les révolutionnaires, devraient-ils soutenir le bureaucrate néo-stalinien JP Mercier (CGT-Lutte Ouvrière) face aux "bureaucrates de Montreuil" (CGT-PCF ou CGT-Insoumis ou autres) ? (1)

Pour nous, la réponse à cette question est indiquée dans le titre : notre réponse est clairement non.

La campagne de LO pour la défense de JP Mercier, dé-mandaté par la Fédération CGT métallurgie de son poste de délégué syndical central (DSC) de PSA est menée au nom de la "démocratie syndicale", qui serait équivalente à la "démocratie ouvrière". Cette lutte pour la démocratie opposerait la « base » aux « sommets », phraséologie pseudo-anarchiste derrière laquelle se cachèrent maints bureaucrates dans l’histoire.

Tous ces slogans de LO n’ont rien à voir avec la politique défendue par Lénine, Trotsky et Rosa Luxemburg dans la question syndicale. Or LO prétend s’en réclamer.

Cette exclusion de JP Mercier est l’occasion de discuter de ce qu’est la politique des marxistes dans les syndicats, ainsi que de ce qu’elle n’est pas.

Nous n’avons pas la prétention de décrire précisément ce que les révolutionnaires peuvent faire dans les syndicats aujourd’hui, c’est une question très complexe. Mais repérer ce qui est contraire aux enseignements de Lénine et Trotsky, LO nous en donne l’occasion. Une discussion sur les politiques de la Fraction l’Etincelle du NPA, du groupe Révolution Permanente dans les syndicats aboutirait aux mêmes arguments et conclusions.

Un résumé de l’affaire donné par JP Mercier et N. Arthaud est cette video

Bourgeois et prolétaires

Le principe politique fondamental à la base du marxisme est que premièrement le moteur principal de l’histoire est la lutte des classes (Marx a repris cette théorie des historiens bourgeois de l’époque de la Restauration, il ne l’a pas inventée). Deuxièmement que les deux classes fondamentales sont aujourd’hui la bourgeoisie et le prolétariat et que la lutte des classes doit aboutir à la dictature du prolétariat.

La question fondamentale sur la nature des organisation syndicales est donc pour les marxistes : au service de quelle classe sociale est cette organisation, le prolétariat ou la bourgeoisie ? Or LO ne pose pas cette question à propos de la CGT. Opposer la "base" des organisations syndicales à leurs "sommets", opposer la CGT à la CFDT, le "syndicalisme de combat" aux autres types de syndicats sont des fausses alternatives à cette opposition fondamentale entre bourgeoisie et prolétariat. Nous nous référerons souvent à ce principe dans le cours de la discussion.

La démocratie bafouée à la CGT : l’exemple de PSA

C’est par ce titre que commence la video de Lutte ouvrière. Ce titre fait sourire, pour les connaisseurs de LO, et sa discussion, à elle seule permet de donner une réponse « non » à l’appel lancé par Mercier pour le soutenir dans la conservation de son poste de DSC.

LO prétend dénoncer un problème général, et l’ "illustrer" par un "exemple". Mais le problème général n’existe en fait pas du tout pour LO. Le cas Mercier n’est pas pour LO un cas particulier d’un problème général. Mercier est le seul cas que LO souhaite citer pour le défendre. Et LO en parle en ayant caché dans son hebdomadaire pendant des mois l’affaire Mercier ! La perte par JP Mercier de son mandat de DSC est en fait la seule critique de LO contre la CGT ! Aucun autre cas concret de "démocratie bafouée" n’est mis en avant par LO. Jamais, depuis des années, LO n’a par les interventions publiques de N. Arthaud ou JP Mercier lui-même fait part d’un quelconque problème de « démocratie bafouée » à la CGT. A la fin de sa video, JP Mercier lance un appel pour le défendre, lui seul , pas pour défendre d’autres syndiqués CGT victimes comme lui des "bureaucrates de Montreuil". Il n’existe aucun appel plus général de LO pour défendre la « démocratie bafouée » !

Formidable la CGT, d’après LO, car il n’y a qu’un seul cas de « démocratie bafouée » dans la CGT ! C’est bien une apologie de la CGT par LO que cache en fait la video.

Permettons nous un a parte destiné aux camarades amateurs de mathématiques. Un cas célèbre où une théorie mathématique est fumeuse, inexistante, tout comme la théorie de "LO contre la démocratie bafouée à la CGT" est lorsqu’en fait un seul exemple de cette théorie existe, démontrant que la théorie générale n’existe pas, qu’elle est inutile tant qu’un seul exemple concret est connu. C’est le cas des corps archimédiens complets, exposée de manière brillante dans un manuel célèbre, mais où à la fin de l’exposé un "exemple", celui des nombres réels, est cité comme le seul cas existant !

Revenons à notre discussion et justifions notre affirmation (que LO ne dénonce aucun problème général de démocratie dans la CGT, à part la perte de son poste par JP Mercier). Jetons un coup d’oeil sur les éditoriaux des bulletins d’entreprise. Pour une organisation trotskiste, c’est à dire bolchévique-léniniste, la presse diffusée parmi les travailleurs est le critère de son implantation dans la classe ouvrière. Selon ce critère LO existe indiscutablement, mais en diffusant dans la classe ouvrière une propagande réformiste :

12/09/2022 : Les bastilles qui restent à prendre. Le siège des « bureaucrates de Montreuil » (expression de JP Mercier) est-il une bastille à prendre ? Non.

5/09/2022 :Crise énergétique : payer encore et toujours, c’est non ! Y est-il question de la démocratie bafouée à la CGT ? ou simplement de la CGT ? Non !

29/08/2022 : Comme les travailleurs britanniques, refusons les sacrifices ! Aucune critique ni de la CGT ni des syndicats britanniques qui allaient arrêter la grève quelques jours plus tard sous prétexte de deuil royal. Rappelons qu’en 1929 Trotsky fonda le "trotskysme" international en faisant de la critique des syndicats anglais qui sabotèrent la grève générale de 1926 (et de tous les syndicats réformistes comme la CGT) comme un des trois points non négociables de son programme (les deux autres portant sur l’URSS et la Chine).

22/08/2022 : Ne pas accepter de se sacrifier pour un système de plus en plus fou Idem

Bien sûr, ces éditoriaux sont destinés à "la base" que Mercier et LO font semblant d’exalter face aux "bureaucrates de Montreuil", mais à qui le parti ne dit rien, alors que les militants du parti ont, eux, le droit à la vérité, dans un des articles de la revue Lutte des classes de LO :

Pour la CFDT, passer à la fabrication des voitures électriques demande au groupe une rupture technologique qui exigera un projet social stratégique. Quant à FO, si elle demande des garanties pour les salariés, elle encourage à participer à cette «  aventure collective  »  !

La CGT – et les autres syndicats raisonnent de même – ne conçoit pas que les travailleurs s’opposent au plan de la direction. Encourager les travailleurs à décider eux-mêmes des réponses à apporter aux attaques du patronat est contraire aux idées de tous les appareils syndicaux, jaloux de leur autorité et de leur place dans la société.

Ces appareils syndicaux étaient déjà dénoncés par Trotsky en août 1940 dans son texte Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste. Il y décrivait comment les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois.

Lutte de Classe 226

Bref pour les militants de LO, « les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois », mais pour la base ces mêmes militants répètent : votez CGT !

Le caractère dégénéré de la prose de LO est cependant caché dans la formule citée plus haut : « Ces appareils syndicaux étaient déjà dénoncés par Trotsky en août 1940 dans son texte Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste. Il y décrivait comment les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois. »
Car LO ne fait que citer Trotsky concernant les syndicats, sans ajouter : Trotsky avait bien raison à son époque et sa formule reste valable aujourd’hui, nous LO, la reprenons à notre compte. LO ne se réclame pas de Trotsky, ne fait que le citer ! LO en fait n’affirme pas en son nom que « les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois ». Les "bureaucrates de Montreuil" ne pourront pas répéter : « JP Mercier nous présente comme des agents de la bourgeoisie, pourquoi vient-il chez nous ? ».

Ce procédé stylistique est systématique dans la revue LdC : citer Trotsky ou Rosa Luxembourg, sans ajouter : cette position encore valable est la notre.

Cette formule correcte de Trotsky : « les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois » n’est pas rappelée par Arthaud ou Mercier à la fête de l’Huma, ni dans la brochure "caravanes 2022" signée N. Arthaud (le mot syndicat n’y apparait même pas !!), ni dans aucun éditorial de LO.

A la fête de l’huma dans son intervention, Mercier ne met même pas la CGT et la CFDT dans le même panier, la CGT incarnant selon lui le « syndicalisme de combat » alors que la Fédération Metallurgie serait justement de type CFDT.
On voit bien que LO n’est pas dans ligne de Trotsky, qui comme Lénine mettait tous les appareils syndicaux dans la même catégorie.

Quelle sous-propagande LO donne-t-elle aux travailleurs au lieu d’un point de vue Trotskiste ?

Concernant la prochaine journée d’action, l’article du journal La journée du 29 septembre ne contient pas du tout la phrase juste de Trotsky « les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État bourgeois. » D’ailleurs à la fin de leur video Mercier et Arthaud appellent sans réserve à participer à cette journée, pourtant organisée par « les bureaucrates de Montreuil ». L’article sur la journée du 29 contredit les certitudes de Mercier concernant ces bureaucrates, ou la citation de Trotsky de la LdC que les organisations syndicales font le jeu du patronat. Dans l’hebdomadaire LO on « s’interroge » seulement :

on se demande quelle est la détermination de la principale centrale syndicale, la CGT, pour la réussite de cette journée, même avec ces objectifs limités et pourquoi, par exemple, la santé est appelée à se mobiliser, seule, le 22 septembre.

L’auteur de l’article pourrait faire le bilan de toutes les journées d’(in)action syndicale qui ont précédé et répondre à la question qu’il a posée. Mais il n’est pas matérialiste et ne s’appuie pas sur l’expérience accumulée !
L’article ne parle pas du problème de la démocratie à la CGT, qui compromet forcément la nature des journées d’action appelées par la CGT. LO ne mentionne pas ce problème dans ses éditos.

Conclusion : LO ne dénonce absolument pas les problèmes de la démocratie dans la CGT. LO ne fait que défendre un cas individuel : le poste de DSC de JP Mercier !

Lors du grand meeting de campagne au Zénith (voir ici), les six intervenants précédant N. Arthaud sont tous de la CGT. Aucun, même JP Mercier qui en fait partie, ne dénonce un quelconque problème de démocratie dans la CGT !

Dans la brochure caravane-été-2022.pdf que l’on peut télécharger sur le site de LO, où N. Arthaud explique le monde aux travailleurs, les mots « syndicat », « CGT », « démocratie » n’apparaissent pas. N. Arthaud et Mercier qui passent une heure à la fête de l’Huma à nous expliquer que la « démocratie ouvrière » et la « démocratie syndicale » sont vitales, ne semblent pas avoir ni écrit ni lu cette brochure que N. Arthaud a pourtant signée, et où Mercier pose en photo, mais qui n’aborde aucun des ces « problèmes vitaux » : syndicat et démocratie. Saluons l’exploit théorique de LO qui dans cette brochure parle de 1936 sans citer la CGT !

La conversion de Mercier et Arthaud à la « démocratie syndicale », de ces deux militants "vus à la télé" que LO met en avant constamment, n’est pas crédible !

Voulons nous voir une organisation Trotskiste qui pose la question syndicale non pas parce qu’un bureaucrate comme Mercier perd son poste, mais pose la question de manière permanente et générale ? Il suffit de lire le premier numéro du journal de LO (à l’époque Voix ouvrière) qui parut en 1962. En sous-titre de cette publication on lit : pour une direction révolutionnaire des syndicats. LO ne défendait pas la "démocratie" syndicale, mais une politique révolutionnaire dans les syndicats. LO de 2022 n’a plus rien à voir avec cela.

Le choix de LO est d’ailleurs de ne pas mener une lutte en s’adressant à l’ensemble de la CGT. Mercier met en avant le fait que le syndicat CGT dont il défend l’existence est celui créé en 1962 dans l’usine automobile de Poissy. Il ne se réclame pas d’un courant, d’une tendance syndicale, mais d’un morceau de l’appareil, d’une continuité « historique » au niveau de l’appareil. Il ne menace pas la CGT d’une lutte généralisée.

En conclusion de ce premier article, il est frappant de voir l’analogie avec la Fraction l’Etincelle du NPA qui veut seulement exister comme "fraction", mais rassure le reste du parti que les fractions réformistes restent les bienvenues au NPA, vivons "tous ensemble" ! De même Révolution Permanente vit dans SUD et la CGT sans les menacer de vouloir en prendre la direction en tant que révolutionnaires. LO en 1962 faisait aspirer les travailleurs à prendre la direction des syndicats dans une perspective révolutionnaire, LO, la Fraction et RP demandent seulement refuge dans les syndicats : donnez nous une botte de paille dans la grange, nous ne vous embêterons pas !

LO ne mène aucune lutte pour la démocratie ouvrière dans la CGT, ni dans ses éditoriaux ni dans ses interventions dans les medias bourgeois.

Dans le prochain article, nous verrons que de toute façon, vouloir un fonctionnement démocratique n’a aucun sens, même pour un syndicat idéal dirigé par des révolutionnaires élus par les syndiqués, et qu’opposer la base aux sommets n’est valable que parfois pour l’agitation, pas pour la propagande.

En 1906, les sommets de la CGT étaient au moins aussi radicaux que sa base, et menèrent la grande lutte pour la journée de 8 heures, un des trois grands mouvements que P. Monatte mentionne, avec 1919 et 1936. Monatte, Rosmer, James Connolly, ces syndicalistes révolutionnaires n’existent ni pour JP Mercier, ni pour N. Arthaud.

A suivre ...

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