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Débats dans le NPA : sur le programme "Pour une extrême gauche de combat !" de la Fraction l’Etincelle du NPA (1)

dimanche 21 août 2022, par Alex

Cet article est la critique d’un programme politique, il contient des termes qui peuvent paraitre appartenir à un « jargon marxiste ». Mais tout programme politique ainsi que sa discussion passent par ce langage.

Concernant le courant politique que nous nommerons souvent, le « centrisme », intermédiaire entre marxisme révolutionnaire et réformisme bourgeois, voir des citations de Trotski ici ou cette video et ses commentaires (qui a le mérite d’être humoristique, bien que dénonçant vers la fin le trotskisme sous le terme de « marxisme ultra-orthodoxe », point de vue effectivement adopté volontairement dans le présent article, dans le but d’essayer de clarifier les débats)

Dans le cadre des débats au sein du NPA, sa Fraction l’Etincelle, qui sur son site internet se dit trotskyste, propose un programme en 15 paragraphes intitulé "Pour une extrême-gauche de combat", voir ici sur le site de la Fraction, et sur le site du NPA où le programme "Pour une extrême-gauche de combat !" est un des neufs articles présentés par le NPA dans le cadre d’une discussion "Pour une gauche de combat !"

Commentons au passage l’allusion claire de la Fraction dans le titre de son programme, qui reprend celui du NPA mais en changeant "gauche" par "extrême-gauche". La Fraction se présente donc comme la gauche du NPA, son aile révolutionnaire.

Ces termes de gauche et d’extrême gauche sont confus par rapport à l’opposition bourgeois/prolétarien qu’utilisent les marxistes. Dans son programme que nous allons discuter, la Fraction choisit de ne pas affirmer ce qu’on lit pourtant sur son site internet et qui est plus clair :

La Fraction L’Étincelle est un groupe trotskyste (...) Nous sommes pour la construction d’un parti des travailleurs communiste révolutionnaire en France et d’une Quatrième internationale dans le monde.

Le programme que nous allons commenter ne se dit donc ni marxiste, ni trotskiste, ni révolutionnaire prolétarien, mais seulement « d’extrême-gauche ».
Mais le fait que la Fraction se dise trotskiste dans d’autres déclarations publiques est une tentative de rattacher de fait ce programme au marxisme révolutionnaire, ce qu’à notre avis, malheureusement, il ne mérite pas. Nous proposons de discuter discuter, d’un point de vue trotskiste, ce programme "Pour une extrême gauche de combat !" paragraphe par paragraphe.

Rappelons aussi que le terme de « trotskiste » est en réalité synonyme de marxiste, marxiste révolutionnaire, révolutionnaire prolétarien, communiste, bolchévik ou léniniste.

Nous avons divisé ce programme de la Fraction en 15 paragraphes, commençons par le premier qui est le suivant :

L’envahissement de la résidence et du secrétariat présidentiels au Sri Lanka, la grève générale en préparation au Panama, deux événements de la seule journée du 9 juillet, viennent nous rappeler que les chocs sociaux sont loin d’avoir été étouffés sur le globe, malgré deux ans de pandémie, en particulier depuis les révolutions arabes de 2011, elles-mêmes rejetons de la crise financière globale de 2008. Quel parti et comment le construire, pour les révolutionnaires ? C’est dans l’anticipation et la préparation de tels événements que la question se pose selon nous. Celle de la construction de l’outil indispensable pour que les explosions révolutionnaires aient une chance de ne pas être dévoyées ou simplement réprimées, mais en vue du futur pouvoir des exploités.

La mention des événements du Sri Lanka est faite dans un style caractéristique de la prose centriste : pour le lecteur non averti, la Fraction est "révolutionnaire" et voit dans les "événements" du Sri Lanka un épisode de cette révolution (qui est donc internationale), en vue de laquelle la Fraction écrit son programme.

Or les militants trotskistes ne préparent pas "la révolution", mais la révolution prolétarienne, ils ne sont pas seulement des révolutionnaires, mais surtout des révolutionnaires prolétariens.

Les événements du Sri Lanka ne peuvent qu’intéresser les marxistes, les révolutionnaires prolétariens, car ils y voient, pour reprendre un concept mathématique, le « germe local » de la future révolution prolétarienne globale, socialiste, internationale, qui est la même que la nôtre, celle que nous préparons en France.

Or ce n’est absolument pas cela qui est dit par la Fraction. Le lecteur qui trouve notre interprétation d’un seul paragraphe exagérée n’a qu’a se reporter aux éditoriaux des bulletins d’entreprise de la Fraction, comme cet éditorial du 11 juillet 2022 où on lit par exemple à propos du lien entre les luttes en Sri Lanka et en France :

Ce samedi à Colombo, dans la capitale du Sri Lanka, des centaines de manifestants ont envahi la résidence officielle du président Gotabaya Rajapaksa qui a dû prendre la fuite. (...)

L’explosion de colère qui a éclaté au Sri Lanka n’est probablement que la première d’une longue série à venir. Face à l’inflation et aux pénuries, ce sont les conditions de vie de centaines de millions de travailleurs à travers le monde qui se trouvent menacées. Et pas seulement dans les pays pauvres. Ici aussi on doit faire avec des prix qui flambent, au supermarché ou à la pompe à essence.

(...)

Ces luttes, il faut les unifier pour les rendre plus efficaces. Les syndicats Sud et CGT ont bien fixé une date nationale de mobilisation générale… mais seulement le 29 septembre, et pour défendre les retraites. Certes, il faudra riposter à Macron aussi sur ce sujet. Mais l’inflation n’attend pas et continuera de progresser tout l’été. Et c’est dès aujourd’hui qu’il faudrait coordonner les luttes et les amplifier, ce que ne font pas les confédérations syndicales. Sans un mouvement d’ensemble, nous ne pourrons que subir les attaques du patronat et du gouvernement. Il faut faire entendre et imposer nos mesures d’urgence :

augmentation uniforme de tous les salaires, des minima sociaux et des pensions d’au moins 300 euros, comme l’ont mis en avant les grévistes de Roissy ;
pas de revenus inférieurs à 1 800 euros ;
des embauches dans tous les secteurs à la hauteur des besoins ;
l’augmentation des salaires, allocations et pensions au même rythme que l’inflation.

Ainsi : a) le concept de révolution prolétarienne n’est pas utilisé, les "événements" en Sri Lanka ne sont qu’une "explosion de colère" b) le Sri Lanka est nommé « pays pauvre », alors que les marxistes mentionnent au moins une fois le fait que le Sri Lanka est un pays dominé par les impérialismes (américain, français, britanniques).

Mais surtout : c) il n’est pas question d’unifier la lutte des travailleurs du Sri Lanka et de France. Les "mesures d’urgence" qui ont prétendument pour but d’unifier les luttes ne portent que sur les revendications économiques, non politiques, concernant seulement la France. Bref la Fraction reprend le programme des confédérations syndicales aux élections professionnelles. Pas de politique étrangère, pas de politique du tout, c’est le programme que la loi de 1884 à voulu imposer aux syndicats.

Et même en restant sur le plan national : d) aucune critique de cette journée du 29 septembre, qui n’est pas une journée de "combat", mais une procession pacifique, une nouvelle journée d’inaction. Alors que la Fraction se veut une "extrême gauche de combat", le "syndicalisme de combat" ne fait pas partie du programme de la Fraction. S’il en faisait partie, on proposerait bien sûr à la Fraction d’utiliser des termes marxistes : syndicalisme révolutionnaire, ou tendance révolutionnaire dans les syndicats.

Malheureusement, nous ne sommes pas en train de faire de grands raisonnements. Nous énonçons les principes à la base d’un parti révolutionnaire prolétarien, d’un parti communiste révolutionnaire, qui peuvent être rapidement rappelés en préambule, peuvent faire l’objet de discussion, mais pas d’un congrès du parti.

Ces principes sont ceux que l’on discute dans des stages comme ceux que LO appelait "L-0" : stages de l’école élémentaire du marxisme (l’opposition fondamentale entre bourgeois et prolétaires dans l’économie et dans la politique, dont celle des syndicats.)

Pour donner une idée de la place qu’occupent ces principes (caractère prolétarien du parti et de la révolution qu’il prépare), relisons l’en-tête du numéro 1 du journal Voix Ouvrière (ancêtre de l’hebdomadaire Lutte ouvrière de Nathalie Arthaud) :

Certains des militants de la Fraction ont commencé leur carrière militante en diffusant ce journal VO et en défendant les principes inscrits à son fronton. Leur signature au bas de l’ersatz de programme révolutionnaire qu’est "Pour une extrême gauche de combat !" est un pas vers la droite relativement au programme de LO de 1962 (même si pour des militants plus jeunes de la Fraction, ce programme « de combat » que nous commentons est un sans doute un grand pas à gauche).

Pire qu’un pas « franc du collier » vers la droite, c’est un pas dans le marais du centrisme. Car on peut faire un pas vers la droite et mener une discussion de haut niveau en énonçant clairement ce à quoi on renonce, permettant à tous les militants de discuter de toutes les alternatives. Mais le rôle des centristes est justement de former un gaz lacrymogène, de la fumée, de la confusion, des doutes, pour empêcher les militants d’avoir à choisir entre des alternatives clairement définies, qui correspondent aux deux pôles fondamentaux de l’économie et de la politique : bourgeoisie et prolétariat, dictature mondiale de l’impérialisme ou dictature du prolétariat sous la forme d’une fédération mondiale de républiques soviétiques.

Par exemple l’appel propagandiste du numéro 1 du journal LO d’appeler à la formation d’une direction révolutionnaire des syndicats est-il d’actualité ? La réponse politique peut-être oui ou non. Mais avec les textes centristes de la Fraction, le concept de syndicalisme révolutionnaire n’existe pas, les confédération syndicales ne sont pas caractérisées politiquement « contre-révolutionnaires », « bourgeoises », comme « jaunes » mais dénoncées moralement ou tactiquement comme non-combatives, ayant tendance à négocier.

Autre exemple : revenons au premier paragraphe du programme de la Fraction où l’on lit que l’objectif est de préparer

le futur pouvoir des exploités.

Les termes de « dictature du prolétariat », de « république mondiale des soviets », « pouvoir ouvrier », n’apparaissent pas. Encore une fois le prolétariat disparait. Or pour les marxiste le rôle dirigeant de la classe ouvrière est une question fondamentale. Seul le pouvoir du prolétariat peut être un pouvoir au service de tous les exploités. Les paysans exploités ne peuvent jouer le même rôle que la classe ouvrière des usines. C’est l’ABC du marxisme. Laisser dans le flou le lien entre les nombreuses classes sociales qui composent la population des exploités est typique de la machine à créer du flou qu’est le langage centriste.

Un programme politique qui mentionne « explosions révolutionnaires » et « pouvoir des exploités » et s’arrête là sans annoncer clairement et dès le début que c’est : appuyer et faire naître les germes du pouvoir prolétarien pour amener la révolution prolétarienne à son terme qui est l’objectif du parti révolutionnaire à construire, c’est renoncer à construire un parti communiste révolutionnaire.

Rester dans le vague, sans mentionner brièvement tous les acquis des 4 internationales, c’est effacer tous les acquis du mouvement ouvrier, que les exploités ont écrit avec leur sang. Là encore nous retrouvons le refus de la Fraction de mettre en avant le caractère prolétarien du parti à construire. La raison en est sans doute la nature essentiellement petite-bourgeoise du NPA, qui refuse de reconnaître le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la lutte pour une société socialiste, ainsi que dans son parti.

Conclusion

« La critique est aisée mais l’art est difficile » lançait l’écrivain monarchiste Boileau, sous couvert de critique littéraire, à ceux qui critiquaient Louis XIV mais n’avaient pas encore de programme achevé pour la révolution bourgeoise. Alors que proposerions nous comme préambule à un programme pour remplacer le préambule centriste de la Fraction ?

Nous sommes « bolchéviks-Léninistes », dans la lignée des partisans de Léon Trotsky qui formèrent la fraction du même nom dans la SFIO, au lendemain du 6 février 1934, à la veille des Fronts populaires et de la marche à la seconde guerre mondiale.

Ce préambule serait sans doute tout à fait discutable, mais n’oublions que comme le disait le religieux précurseur des Lumières Bernard de Chartres : « Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants ». Le parti révolutionnaire communiste est en grande partie l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier. S’appuyer sur cet héritage est une condition nécessaire pour proposer un programme, non pas « pour les révolutionnaires » comme propose la Fraction, mais pour la classe ouvrière prenant la tête de tous les exploités.

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