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Les animaux, de Jacques Prévert

dimanche 2 octobre 2022, par Robert Paris

Les animaux, de Jacques Prévert

Les animaux ont des ennuis

Le pauvre crocodile n’a pas de
C cédille on a mouillé les
L de la pauvre grenouille le poisson scie a des soucis le poisson sole ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes même le vieil oiseau bleu même la grenouille verte elle a deux
L avant 1"E

Laissez les oiseaux à leur mère

laissez les ruisseaux dans leur lit

laissez les étoiles de mer

sortir si ça leur plaît la nuit

laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande

et la vache bretonne

sont parties dans la lande en riant comme deux folles

les petits veaux abandonnés

pleurent comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

comme le vieil oiseau bleu

ils ne possèdent à eux deux

que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère

laissez les ruisseaux dans leur lit

laissez les étoiles de mer

sortir si ça leur plaît la nuit

laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

laissez les hirondelles aller et revenir.

Prévert dans « Histoires »

Le dromadaire mécontent

Un jour, il y avait un jeune dromadaire qui n’était pas content du tout.

La veille, il avait dit a ses amis : "Demain, je sors avec mon père et ma mère, nous allons entendre une conférence, voilà
comme je suis moi !"

Et les autres avaient dit : "Oh, oh, il va entendre une conférence, c’est merveilleux", et lui n’avait pas dormi de la nuit
tellement il était impatient, et voilà qu’il n’était pas content parce que la conférence n’était pas du tout ce qu’il avait
imaginé : il n’y avait pas de musique et il était déçu, il s’ennuyait beaucoup, il avait envie de pleurer.

Depuis une heure trois quarts un gros monsieur parlait. Devant le gros monsieur il y avait un pot à eau et un verre à dents
sans la brosse et, de temps en temps, le monsieur versait de l’eau dans le verre, mais il ne se lavait jamais les dents et
visiblement irrité il parlait d’autre chose, c‘est-à-dire des dromadaires et des chameaux.

Le jeune dromadaire souffrait de la chaleur, et puis sa bosse le gênait beaucoup ; elle frottait contre le dossier du fauteuil,
il était très mal assis il remuait.

Alors sa mère lui disait : "Tiens-toi tranquille, laisse parler le monsieur", et elle lui pinçait la bosse ; le jeune dromadaire
avait de plus en plus envie de pleurer, de s’en aller...

Toutes les cinq minutes, le conférencier répétait : "Il ne faut surtout pas confondre les dromadaires avec les chameaux,
j’attire, mesdames, messieurs et chers dromadaires votre attention sur ce fait : le chameau a deux bosses mais le
dromadaire n’en a qu’une !" Tous les gens, de la salle disaient : "Oh, oh, très intéressant", et les chameaux, les
dromadaires, les hommes les femmes et les enfants prenaient des notes sur leur petit calepin.

Et puis le conférencier recommençait : "Ce qui différencie les deux animaux c’est que le dromadaire n’a qu’une bosse,
tandis que, chose étrange et utile à savoir, le chameau en a deux ... "

A la fin le jeune dromadaire en eut assez et, se précipitant sur l’estrade, il mordit le conférencier :

"Chameau ! " dit le conférencier furieux.

Et tout le monde dans la salle criait : "Chameau, sale chameau, sale chameau !"

Pourtant c’était un dromadaire, et il était très propre

La grenouille aux souliers percés

’’Destinée arbitraire’’

La grenouille aux souliers percés

A demandé la charité

Les arbres lui ont donné

Des feuilles mortes et tombées.

Les champignons lui ont donné

Le duvet de leur grand chapeau.

L’écureuil lui a donné

Quatre poils de son manteau

L’herbe lui a donné

Trois petites graines.

Le ciel lui a donné

Sa plus douce haleine.

Mais la grenouille demande toujours,

Demande encore la charité

Car ses souliers sont toujours,

Sont encore percés.

Le zèbre Dans « ’Chantefables »

Le zèbre, cheval des ténèbres,

Lève le pied, ferme les yeux

Et fait résonner ses vertèbres

En hennissant d’un air joyeux.

Au clair soleil de Barbarie,

Il sort alors de l’écurie

Et va brouter dans la prairie

Les herbes de sorcellerie.

Mais la prison sur son pelage,

A laissé l’ombre du grillage.

Un oiseau chante

dans ‘’Calligrammes’’

Un oiseau chante ne sais où

C’est je crois ton âme qui veille

Parmi tous les soldats d’un sou

Et l’oiseau charme mon oreille

Écoute il chante tendrement

Je ne sais pas sur quelle branche

Et partout il va me charmant

Nuit et jour semaine et dimanche

Mais que dire de cet oiseau

Que dire des métamorphoses

De l’âme en chant dans l’arbrisseau

Du cœur en ciel du ciel en roses

L’oiseau des soldats c’est l’amour

Et mon amour c’est une fille

La rose est moins parfaite et pour

Moi seul l’oiseau bleu s’égosille

Oiseau bleu comme le cœur bleu

De mon amour au cœur céleste

Ton chant si doux répète-le

À la mitrailleuse funeste

Qui chaque à l’horizon et puis

Sont-ce les astres que l’on sème

Ainsi vont les jours et les nuits

Amour bleu comme est le cœur même

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