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Le Sahara a-t-il été désertifié par l’activité humaine ?

mardi 18 janvier 2022, par Robert Paris

Le Sahara et le Sahel étaient verts et possédaient quatre mers intérieures

Le désert du Sahara, autrefois vert et plein de vie, a laissé des traces humaines (inscriptions rupestres) qui démontrent qu’il y avait une humidité, des rivières, des fleuves et même des mers intérieures.

Le Lac Tchad (qui était autrefois immense et était une véritable mer intérieure s’est considérablement réduit).

L’activité humaine a-t-elle désertifié le Sahara ?

Comme chacun le sait, l’idée que l’homme et son activité économique (mais pas particulièrement le capitalisme) sont des destructeurs de la planète, son climat, sa végétation et sa faune, est très à la mode, au point qu’on estime de plus en plus devoir expliquer toute dégradation, actuelle ou ancienne, du climat et de la terre, de sa végétation et de sa faune, par cette cause unique : l’activité économique de l’homme. Il est ainsi à la mode de remettre en cause non le mode de production capitaliste mais l’agriculture et même l’élevage.

Il en est ainsi des diverses « désertifications » qui sont considérées bien souvent comme des effets de l’activité humaine destructrice de « la nature », une prétendue naturelle qui, naturellement, ne connaitrait pas de réchauffements extrêmes, de sècheresses extrêmes (une nature terrestre de ce type n’existe évidemment pas). Il y a eu plusieurs campagnes médiatiques annonçant que l’homme avait détruit le Sahel par exemple, il s’agissait bien plus souvent d’accuser des paysans que des gouvernants ou des capitalistes. On assiste maintenant à une nouvelle campagne médiatique, fondée soi-disant sur des découvertes archéologiques, selon laquelle ce sont les pasteurs nomades qui auraient détruit le Sahara il y a très longtemps !

Pourquoi pas, me direz-vous, cela peut sembler plausible même si, jusque là, on avait toujours pensé que cette désertification, se déroulant dans la zone des déserts de toute la planète, avait des causes moins locales que générales et notamment des causes liées aux variations du mouvement de la Terre autour du Soleil.

Eh bien, l’une des raisons qui peut permettre de douter de cette hypothèse, c’est que l’évolution des grands lacs et mers intérieures a suivi exactement cette « désertification ». Or on a du mal à imagine que l’activité agropastorale puisse toute seule assécher de grands lacs, des mers intérieures et des grands fleuves, alors que cela a été le cas au Sahara et dans tout le Sahel.

Un des exemples frappants de cet « assèchement » est celui du gigantesque lac Tchad (cinq fois la surface de la France autrefois) qui est devenu progressivement une flaque de boue. On voit mal comment l’activité humaine aurait pu l’assécher !

Le Ténéré lui-même, désert s’il en est, était autrefois couvert par une mer intérieure puis par d’immenses lacs et fleuves. Quelle activité humaine pastorale antique, par des petits groupes de bergers, pourrait être accusée d’avoir assécher des régions aussi immenses et aussi arrosées ?

En réalité, il est maintenant prouvé que toute cette zone a commencé à perdre ses eaux bien avant l’apparition de l’homme et encore bien plus avant son activité pastorale ou agraire. La perte de l’humidité qui a suivi n’est que la poursuite d’un mouvement amorcé de longue date, longtemps avant l’activité pastorale ou agraire puisque c’est avant l’apparition de l’homme.

Il y a même eu de façon certaine des hauts et des bas très importants de l’humidité au Sahara à des époques diverses, bien avant l’homme et bien avant ses activités pastorales ou agricoles.

Les accusations de l’homme concernant le climat, la végétation et la faune n’en continuent pas moins de polluer les discours scientifiques et politiques. Et les raisons de cela ne sont pas scientifiques mais sociales et politiques : accuser les hommes d’avoir détruit la planète évite d’en accuser le capitalisme ! Dire que l’homme a toujours détruit son environnement amène à dire que la destruction menée par le capitalisme est banale et n’a rien de nouveau…

D’ailleurs pourquoi dans le reste de l’Afrique sous d’autres latitudes, la même activité humaine n’aurait eu aucun effet de sècheresse et de désertification ?

Des scientifiques et des média font semblant de découvrir maintenant qu’il y avait des activités humaines dans le Sahara avant la chute de l’humidification de la région et en tirent argument pour prétendre à la responsabilité anthropique dans la désertification, suivant ainsi une propagande générale et mondiale actuelle pseudo scientifique et pseudo écologique qui accuse l’homme de détruire la planète.

« Il y a approximativement 8200 ans – même si la chronologie et la géographie du phénomène sont encore sujettes à débat – les conditions climatiques du Sahara sont devenues de plus en plus arides, aboutissant en l’espace de 3500 ans aux paysage désertiques que nous connaissons aujourd’hui. »

Il y a 8200 ans dit cet article qui prétend que c’est en passant au pastoralisme que le climat a changé !

« Jusqu’à présent, la plupart des recherches menées sur le sujet considéraient que la désertification du Sahara avait pour cause principale un changement de l’orbite de la terre, ou des modifications naturelles de la végétation. Mais en s’appuyant sur la documentation archéologique à disposition, le Dr Wright va à l’encontre de ces idées et offre une hypothèse alternative : ce serait l’homme qui aurait provoqué la transformation progressivement de son l’environnement.
Rappelant que des théories longuement établies considèrent que les hommes du néolithique ont modifié si profondément le paysage asiatique que les moussons ont cessé de pénétrer aussi profondément qu’auparavant à l’intérieur des terres, et se fondant sur les changements climatiques provoqués par l’activité humaine et documentés par l’archéologie en Europe, en Amérique du nord ou en Nouvelle-Zélande, David Wright considère que le même type de phénomène a pu provoquer la désertification du Sahara. »

« En documentant toutes les preuves du développement du pastoralisme dans la région saharienne, et en les comparant aux traces de l’apparition et de l’extension des broussailles, qui prennent le pas sur la végétation antérieure, bien plus luxuriante, David Wright a constaté une corrélation. Il y a 8000 ans environ, dans les régions du Nil, ont commencé à se développer des sociétés pastorales, qui se sont progressivement développées et étendues vers l’ouest. Dans tous les cas, ce changement s’est accompagné par une modification de la végétation, les broussailles prenant le pas sur les autres espèces.
Pourquoi ? Car en passant à des sociétés pastorales, les humains ont nécessairement constitué et accru un cheptel. Celui-ci a consommé la végétation locale, entraînant sa diminution et augmentant de ce fait l’albedo – c’est à dire la part de la lumière du soleil qui se réfléchit sur la surface de la terre. Cela aurait eu des conséquences sur les conditions atmosphériques, affaiblissant peu à peu la mousson, instaurant dès lors un cercle vicieux : la baisse des précipitations entraînant la disparition de la végétation, qui augmente l’albedo. Peu à peu, des régions entières du Sahara se seraient désertifiées. »

Source : https://archeoblogue.com/neolithique/lhomme-responsable-de-desertification-sahara/

Il y a 8000 ans, la région saharienne connut un épisode d’aridification généralisée qui dura environ 1000 ans. »

Voilà ce que dit un article qui reprend l’accusation portée contre le pastoralisme :

« Jusqu’à présent, les hypothèses scientifiques sur les causes de la désertification à partir du néolithique ne prenaient pas en compte le facteur humain pour expliquer ce bouleversement. L’explication « classique » pointait avant tout l’influence du cycle orbital qui avait gravement compromis la présence bénéfique des moussons sur une partie du continent africain. Sans doute l’avènement de la notion d’anthropocène, un terme scientifique encore controversé désignant une ère géologique dans laquelle l’activité humaine modifie fortement la biosphère, a-t-il contribué à ouvrir une nouvelle perspective sur la désertification du Sahara. »

« Dans un article paru dans la revue Frontiers in Earth Science, Richard D. Wright est le premier à montrer que les activités humaines auraient déjà à l’époque du néolithique pu jouer un rôle déterminant dans la désertification du Sahara. Pour étayer sa théorie, l’archéologue a pris en compte l’histoire environnementale de différentes régions du monde. Ainsi l’introduction du pastoralisme parmi les populations sahariennes a été un facteur aggravant de la crise climatologique dans laquelle se trouvait le Sahara : « le pastoralisme en particulier est supposé accroître la disparition de la végétation et les dérèglements dans les écosystèmes en déséquilibre. » Pour appuyer son propos, il prend en exemple l’impact de l’introduction du bétail sur l’environnement en Nouvelle-Zélande ou en Amérique du Nord. Elle se traduit à chaque fois par « une nette réduction de la productivité primaire, une homogénéisation de la flore, une transformation du paysage en biosphère dominée par des arbustes, une prolifération globale des plantes xérophytes. »

Source : https://sciencepost.fr/hommes-responsables-de-desertification-sahara-y-a-milliers-dannees/

Que sait-on du Sahara :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahara

Que sait-on du lac Tchad :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Tchad

Que sait-on de la désertification :

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sertification

Que sait-on du désert du Ténéré :

https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9n%C3%A9r%C3%A9

Comment le Sahara est devenu un désert :

https://www.lefigaro.fr/sciences/2008/05/13/01008-20080513ARTFIG00576-comment-le-sahara-est-devenu-un-desert.php
L’homme est-il responsable de la désertification du Sahara il y a 8000 ans :

https://www.nouvelobs.com/sciences/20170315.OBS6618/l-homme-est-il-responsable-de-la-desertification-du-sahara-il-y-a-8-000-ans.html

Qu’est-ce que la désertification :

http://www.secheresse.info/spip.php?article5411

Sur le désert du Ténéré :

https://www.universalis.fr/encyclopedie/desert-du-tenere/

Sur le désert du Sahara :

https://www.nofi.media/2018/04/desert-du-sahara/51403

Démontrons que les scientifiques ne viennent nullement de découvrir cette activité humaine très ancienne dans ce qui est devenu un désert. On le sait depuis très longtemps.

Ainsi, le compte-rendu de Roger Frison-Roche dans « Mission Ténéré » édité en 1960, sur la croisière automobile Berliet dans le Ténéré, démontre que cela avait déjà été découvert il y a bien longtemps.

« Mission Ténéré » de Roger Frison-Roche (fin 1959-début 1960) :

« C’est à des causes diverses : physiques, économiques, politiques, que le Ténéré doit de n’avoir jamais été, comme le fut de tout temps le Tanezrouft, traversé par des caravanes. C’est pour cela qu’en 1960 on peut encore parler d’exploration et de mission au Ténéré… Quand on parle d’un désert absolu et que, roulant au travers le reg sans fin ou escaladant les interminables chaînes de dunes de sable de l’erg du sud, on découvre à chaque instant les témoignages indiscutables d’une puissante vie préhistorique, d’une grande et belle civilisation ! Qu’était donc autrefois ce Ténéré maintenant asséché, qui abrita sur ses rives, il y a peut-être 600 000 ans, les premiers hommes de la Terre ? Autre énigme plus troublante encore : si le Ténéré s’est révélé une terre extraordinaire, fertile en découvertes préhistoriques et notamment en pierres polies et taillées, en plats, coupelles, mortiers, en vases et poteries – ces poteries que l’on retrouve un peu partout au Sahara, reconnaissables à leurs dessins rappelant un tissage grossier (j’en ai découvert des dizaines de kilos de débris en 1941, à cinquante kilomètres au sud de Bidon V, en plein Tanezrouft) -, le Ténéré qui possède une culture néolithique suffisante pour qu’elle date une période : le ténéréen, le Ténéré n’a pas livré jusqu’à présent le jalon intermédiaire entre les premières manifestations du travail de l’homme, ces « pebble-tools », ces galets-outils grossièrement éclatés très rarement mis au jour et qui furent découverts dans les terrasses du Tafassasset, et l’époque des haches polies à gorge, des pointes de flèches, des poteries intactes, des meules, des plats de facture plus récente et dont certains ont été trouvés sur les mêmes emplacements. Mais citons textuellement la magnifique synthèse faite par le professeur Balout, directeur du musée du Bardo, sur les recherches de M.M. Mauny et Hugot de la mission Ténéré :

« (…) La rareté ou l’absence de tout ce qui devrait se placer entre la fin de l’acheuléen et le néolithique, pendant des dizaines de millénaires, pose un problème que de nouvelles recherches éclairciront sans doute… Le néolithique lui-même, dans les derniers millénaires précédant l’ère chrétienne, semble rare dans la vallée même du Tafassasset. Il est par contre très abondant au sud du 21e parallèle et partout associé à des témoignages d’humidité : lacs et marécages aujourd’hui asséchés, reconnaissables à la faune fossile des hippopotames, des crocodiles, des poissons, des coquillages d’eau douce, aux traces de roseaux et d’autres végétaux, aux terrasses lacustres, aux dépôts de diatomites… Il y avait là des potiers habiles à modeler et décorer des vases de grande taille, des artistes gravant ou peignant leurs troupeaux de bœufs, des artisans travaillant le silex vert, fabricant en série de minuscules microlithes géométriques, d’admirables haches à gorge. Meules dormantes, mortiers attestent que l’on pratiquait la cueillette sinon l’agriculture, là où, aujourd’hui, on lit sur les cartes désignant un point remarquable du désert : Arbre du Ténéré. »

Là est le vrai mystère du Ténéré ! Ces époques civilisées et ce vide central.

Correspond-il aux périodes de sècheresse et d’humidité, de flux et de reflux de la végétation et de l’eau dans ces régions ? En ces régions, la mission a découvert de véritables ateliers, voire même des emplacements d’habitats préhistoriques où tout avait été laissé en place comme si les populations avaient fui devant un cataclysme.

L’histoire rejoint ici la légende. Depuis des temps immémoriaux, en effet, les légendes transmises oralement à travers ces contrées de l’Afrique placent dans le Ténéré des oasis fabuleuses qui auraient disparu et que certains chercheurs voudraient bien retrouver. Mais si le Ténéré ne semble plus devoir nous réserver la surprise d’une telle découverte, le mystère qui plane sur les étranges montagnes de la partie nord-est de l’Aïr subsiste en son entier. Rien n’y est connu, rien n’y est défini, les cartes sont incomplètes, les altitudes portées souvent inexactes. Et pourquoi n’existerait-il pas dans ces régions des « koris » inconnus, abandonnés depuis des millénaires mais conservant leur galerie forestière, voire leur faune tropicale ?...

Pour essayer d’expliquer le phénomène de l’assèchement du Sahara, les savants ont défini des périodes alternativement humides et sèches. Les cours souterrains des plus grands oueds quaternaires du Sahara central ont été relevés et suivis fort loin dans les grandes dépressions où ils se perdent encore maintenant. Ainsi l’oued Tamanrasset finissant dans le Tanezrouft au sud du Bidon V ; ainsi l’oued Irrharhar remontant vers le nord pour aller se perdre dans la dépression des grands chotts du Sud-algérien.

Un troisième grand fleuve quaternaire, l’oued Tafassasset, drainait les eaux de la partie nord-est du Hoggar et sud du Tassili ; il s’enfonçait (et son lit de sable s’y perd encore) dans l’immense Ténéré du Nord, qui porte son nom, et où il s’évase de telle façon qu’il est bien difficile de dire maintenant jusqu’où il parvenait.

Selon certains, il allait se jeter dans le Tchad par la vallée fossile de Dilliz ! Un lac Tchad beaucoup plus important, s’étendant fort loin vers l’est dans la dépression du Bahr el Gazal.

Selon d’autres, le Tafassasset se serait jeté dans un immense lac qui recouvrait à une époque géologiquement récente l’actuel Ténéré. Par ses dimensions, ce grand lac aurait été une véritable mer intérieure comparable à la mer Caspienne. Quoiqu’il en soit, il y avait sur les rives une végétation abondante, des pâturages, une savane où éléphants, girafes, hippopotames, rhinocéros, autruches, antilopes, etc, étaient chassés par les hommes et par les grands fauves, savane que parcoururent également les grands nomades éleveurs de bœufs.

On a pour cela le témoignage des gravures rupestres qui subsistent un peu partout dans la lisière nord du Ténéré – dans la zone des falaises tassiliennes, de la Hamada de Djado, au Hoggar, et qui disparaissent progressivement plus au sud, mais qui disparaissent, pourrait-on dire obligatoirement, par suite du manque de roches favorables à l’exercice de l’art rupestre, exigeant de belles surfaces, un climat déjà asséché ou en voie d’assèchement.

Il y aurait donc eu migration de peuples vers des régions plus favorisées et très simplement on peut penser que les tribus inconnues qui vivaient à cette période néolithique ont rejoint la zone actuelle des savanes et de la brousse, où la chasse et l’élevage sont toujours pratiqués et vont souvent de pair. Ce n’est que bien plus tard, avec l’arrivée des grands nomades chameliers : libyco-berbères, touareg, tibbous… que se sont repeuplés ces déserts, à l’exception du Ténéré qui est resté vide, avec ses souvenirs et ses mystères et l’évocation de ses civilisations à jamais enfouies dans les sables.

(…)

In-Afaleleh !

C’est la région magique à la limite du connu et de l’inconnu.

Au nord, au sud, le désert est intégral, et juste à ce point on note quelques traces de végétation. Bien modestes, puisque M. Naeglé le botaniste n’y relèvera que quatre espèces de plantes.

M. Mauny, spécialiste de la protohistoire saharienne décide de compléter sa documentation par l’étude des tombes pré-islamiques de la région en explorant les environs d’in-Afaleleh en hélicoptère.

Se doutait-il alors de ce qui l’attendait ! Que l’examen de ces tombeaux récents et des pierres qui les composaient allait lui faire découvrir un des plus anciens habitats humains !

Sur l’immensité du reg qu’il survole, Mauny aperçoit une tombe préislamique et se propose de l’inventorier ; le pilote descend, fait du rase-mottes et le savant constate que de nombreux cailloux jonchent anormalement le sol là où, logiquement, il ne devrait pas y en avoir. Voirin pose son héli ; le professeur bondit, ramasse un caillou, le palpe, hoche la tête, en prend un second, l’examine attentivement, se trouble, en ramasse un troisième, un quatrième, des dizaines ! Il n’ose encore formuler ce qu’il devine, ce qu’il croit. Des pierres comme celles-ci, on n’en a trouvé qu’en quatre endroits seulement dans le monde entier : trois gisements an Sahara, certains dus à la sagacité de son collègue M. Hugot qui accompagne la mission ; un autre gisement en Afrique du sud.

Il explique au pilote qu’il croit se trouver en présence d’un nouveau gisement de « galets-outils », connus dans le langage scientifique sous le nom de « pebble-tools ». Du quarz grossièrement éclaté présentant deux faces et un tranchant.

On revient en hâte au campement. A la lueur des brasiers, Mauny commente sa découverte. Hugot et Henri Lhote confirment. Il s’agit bien de « pebble-tools » ! In-Afaleh, célèbre dans la protohistoire et le Moyen-Age saharien, entre dans la légende humaine. La nouvelle court les ondes. Au deuxième jour de son voyage, la mission Ténéré apporte déjà une indiscutable découverte.

Le lendemain tous les spécialistes se rendent sur place… Fait très important, l’examen des tombes préislamiques dispersées sur le site montre que les cailloux qui le composent sont eux aussi des « pebble-tools » ! La preuve est désormais faite que, depuis les temps les plus anciens, l’homme a vécu presque, peut-être sans interruption, sur les rives du Tafassasset, fleuve puissant et fort…

Le 20, la mission perd le lit du Tafassasset qu’elle a suivi sur cent cinquante kilomètres et entre définitivement dans les solitudes totales du Ténéré. En cette matinée, sur les dernières banquettes du Tafassasset, les préhistoriens découvrent, selon la formule de M. Hugot, « un nouveau haut lieu de l’histoire de l’homme », rempli de « pebble-tools » ; par contre, aucune pierre taillée postérieurement ne s’y trouve. Mais plus tard, dans le Ténéré, à chaque arrêt on recueillera dans le sable en nombre incalculable des pointes de flèches, des haches à gorge, des débris de poteries d’époque néolithique ; l’examen des paléosols, c’est-à-dire des couches anciennes, établira dans celles-ci la présence de diatomites, de coquillages d’eau douce qui attestent que notre mission campe vraisemblablement sur les rives d’un ancien lac.

Un point reste mystérieux : la provenance des silex dans lesquels sont taillés les outils et les armes. Les géologues constateront par la suite que ce silex provient de l’Aïr, massif montagneux distant de 300 kilomètres.

Le 21 novembre sera pour les chercheurs une journée bénéfique. Je m’en voudrais de déflorer le message téléphoné par radio le soir même à Alger, message rédigé par Vidal de la Blache, et diffusé par Blaise, chef des liaisons radio : Alger-Rouiba-Ténéré.

Le voici dans son émouvante simplicité :

« Une poterie intacte datant de la préhistoire saharienne vient d’être découverte par la mission Berliet-Ténéré.

« Samedi 21 novembre, la mission cheminait dans le Ténéré. Elle s’était engagée dans ce désert à la demande des préhistoriens. Ils voulaient, en s’enfonçant au large, chercher s’il existe des preuves que l’homme s’est concrétivement installé sur le sol qu’abandonnaient les eaux…

« On préparait le repas. Quelqu’un plaisantait, affirmant que les membres de la mission étaient certainement les premiers à manger quelque chose en cet endroit. Une pierre gisait, fichée dans le sable. Tirant dessus, l’un de nous amena une de ces meules à moudre le grain qu’utilisaient les grand-mères d’il y a cinq mille ans.

« En un quart d’heure une dizaine de ces meules émergèrent ainsi de la nuit des temps. Notre confrère Georges Menant de « Paris-Match », croyant ramasser, lui, le col d’une poterie cassée traînant sur le sable, se pencha, tira, et sentant une résistance commença de déblayer. La poterie suivit son col, comme un gros potiron rougeâtre de 50 centimètres environ de hauteur et de diamètre, fendue mais complète. »

Fendue mais complète !

« Attention ! » hurla Hugot. Il n’existe en effet qu’un seul exemplaire connu, celui de Zouzou-Dinga, actuellement au musée du Bardo. Encore avait-il été imparfaitement étudié.

Fier de sa trouvaille mais tremblant devant ses responsabilités, Menant céda le soin de continuer l’exhumation amorcée au groupe scientifique. Mauny et Hugot creusèrent délicatement le sable de leurs mains, recueillant des échantillons de celui-ci dans des sachets, découvrant la forme intacte du vase, l’extirpant de son linceul minéral, et le déposant enfin, intact, sur le reg…

Il y eut le soir même grande discussion scientifique, à l’heure du bivouac. Le fait que le vase était posé sur le sable et non jeté parut d’un intérêt capital. Il confirmait en effet ce que les préhistoriens ont observé un peu partout, qu’à une date déterminée, sur un « sauve-qui-peut » général, les habitants du Ténéré avaient déserté les lieux. Et depuis cette panique mystérieuse aucune autre humanité n’est venue peupler ces lieux sauvages…

La mission abandonnant le camp de Tazolé bivouaque à l’entrée de l’erg du Ténéré, ou erg de Termit, dans lequel aucun véhicule ne s’est jamais aventuré…

Les découvertes continuent.

Henri Lhote découvre le 4 décembre au matin à l’entrée de l’erg le squelette d’un homme, gisant au milieu des débris de poteries et de squelettes de bêtes dont il devait se nourrir. C’est une découverte rare au Sahara, un squelette fossile ! L’examen en laboratoire permettra de dater à trois siècles près l’époque à laquelle vivait cet inconnu du Ténéré. On parle de 6000 ans ! (…)

Le 6 décembre au matin, M.M. Mauny et Hugot découvrent un atelier néolithique important, juste à la sortie de l’erg du Ténéré.

Ici se fabriquaient l’armement et les ustensiles usuels servant à la vie de l’homme néolithique ou à sa défense : grattoirs, pointes de flèches, etc. Mais le matériau dans lequel sont taillés ces instruments est un grès quartzité qui ne se trouve pas dans la région. Cela confirmerait l’hypothèse selon laquelle existaient, dès la préhistoire, des courants d’échange non seulement de produits finis mais aussi de matières premières…

Autrefois, des villes prospères ont été bâties autour de l’immense Ténéré, ce désert dans lequel les préhistoriens ne veulent voir qu’un grand lac asséché, prouvant qu’une grande civilisation a fleuri sur cette région actuellement l’une des plus désolées de la terre. Ces villes mortes, on les situe assez aisément sur la rive est du Ténéré : Djado, Chirfa, Seguedine, Aneye, Bilma, Zo-Baba, Agadem. Beaucoup plus difficilement sur la rive ouest, bordée de montagnes inconnues, où l’on relève pourtant dans la région de Tazolé d’étranges alignements de tombeaux, sur les plateaux au faîte de Djado, témoignant d’une forte densité de population à une époque donnée…

Djado, la ville morte aux murs bâtis de boue, de sel et d’excréments d’animaux, d’apparence friable, résiste pourtant avec une étonnante solidité à l’assaut du vent et des éléments ; Djado, ruinée il y a deux siècles par un rezzou de Tibbous de la montagne, Djado qui devait être à l’époque la cité reine, celle dont on parle à plusieurs milliers de kilomètres à la ronde ; Djado ville-forteresse dressée sur un rocher, entourée de marigots aux eaux natronées bordés par un inextricable fouillis de palmiers doums, de papyrus, de roseaux, d’épineux ; aux plages couvertes d’efflorescences salines ; Djado, ville fantôme habitée par les hiboux et les chouettes, ne porte plus, dans le labyrinthe des rues enfouies sous les décombres, la marque des pas humains mais la volute brisée des reptiles…

Le site est extraordinaire et sans doute a-t-il été peuplé depuis les temps les plus anciens. Sur d’énormes rochers de grès, à quelque distance de l’ancienne ville morte, on découvre des gravures rupestres d’éléphants, de girafes et même le signe stylisé des chars garamantiques.

Nous sommes ici au cœur même des légendes du Ténéré et la visite que nous allons faire au gisement rupestre découvert par le lieutenant Moreau dans l’enneri Blaka ne fera que confirmer l’existence, il y a quelque huit à dix mille ans, d’une florissante civilisation saharienne. Entre les gravures de l’enneri Blaka, celles du Tassili et celles de Tiout comme celles du Fezzan et les peintures de Mertoutek, un lien subtil et ténu se profile : les archéologues et les préhistoriens tissent depuis près de trente ans la trame invisible de leurs rets pour rétablir l’histoire de ces grands courants humains qui ont précédé les premières dynasties d’Egypte…

Le site rupestre de l’oued Blaka, dit du « sous-marin », a été découvert le 24 août 1956 par deux officiers méharistes de l’infanterie de marine du groupe nomade de Dao-Timni, en reconnaissance dans le plateau de Djado. Ce jour-là, le lieutenant Lamothe et son compagnon Moreau s’arrêtent dans le lit de l’enneri Blaka, au pied d’un étrange rocher.

Bien qu’il n’y ait alentour ni pâturages pour les chameaux, ni bois, ils décident, séduits par l’étrangeté du site, de camper en cet endroit. Un vaste abri sous roche sur le versant nord offre un coin idéal. Cependant que les méharistes forment le carré, les officiers font le tour du rocher et bientôt découvrent, au-dessus de l’abri sous lequel ils s’étaient arrêtés et dans une niche dominant d’une quinzaine de mètres le niveau de l’oued, une peinture représentant une « biche-robert » ou antilope damas, peinte en bicolore ocre rouge et blanc et dessinée avec un réalisme frappant. Alertés par cette découverte, ils fouillent alors les autres abris et le versant sud du rocher.

Sur celui-ci et à hauteur du premier épaulement du « sous-marin », ils aperçoivent une série de personnage peints de 10 à 25 centimètres de hauteur, s’allongeant en fresque sur trois mètres cinquante de largeur ; la peinture est monocolore ocre violacée. Toute l’attention des officiers sembla avoir été attirée par ces peintures ; cependant, en fouillant hâtivement le site, ils trouvent alors diverses gravures de rhinocéros, d’éléphants, d’antilopes, de girafes, des traces d’ « aiguisage » et de nombreuses gravures de « samaras ».

Bien que cette découverte – la première de ce genre dans cette partie du Sahara – soit importante, elle ne s’étend pas au-delà des relations immédiates des deux officiers. Il faut le passage de la mission à N’guigmi, la rencontre avec le lieutenant Le Goff, compagnon de Moreau, pour que nous décidions d’aller prospecter le site…

Montangerand et moi commençons notre travail. Tout d’abord nous confirmons qu’il n’existe que deux groupes de fresques : la grande fresque aux petits personnages représente sans doute une scène d’offrande et d’hommage à deux seigneurs dessinés à une échelle beaucoup plus grande. Des bergers mènent des bœufs au sacrifice, des danseurs et des rabatteurs entourent du gibier ; les allégories sont vagues, très primitives, sauf pour une chasse au mouflon bien conservée et qui parle d’elle-même ; le second groupe comprend la fameuse « biche-robert » en deux couleurs, magistralement peinte, et en ce même lieu mais plus effacée une autre peinture de même facture représente en plus petit une autre antilope.

Quant aux gravures, elles sont très nombreuses et se répartissent sur deux et même trois étages de la paroi nord du « sous-marin ». Elles appartiennent à plusieurs époques, allant de l’incision néolithique en V, très profonde, très vagues rupestres libyco-berbères datant tout au plus d’une dizaine de siècles en passant par la période dite du « martelage », déjà dégénérée…

Le rocher « sous-marin » peut être considéré comme un prodigieux musée naturel ; isolé dans son berceau de sable, il contient à lui seul des œuvres s’étageant sans doute sur une dizaine de millénaires…

Que cet abri eût été habité dans les temps les plus reculés de l’humanité, voici qui était certain, comme le prouvait cette sorte de vasque creusée dans le sol rocheux par le pilonnage ménager d’une graminée que nous ignorons, comme le prouvaient aussi ces stries régulières provenant de l’aàiguisage des outils, sur un grès très tendre. Après les hommes, les mouflons avaient occupé l’abri et aussi des rongeurs ; sans doute ces curieux damans, faune de la préhistoire venue jusqu’à nous et présentant encore certaines caractéristiques du rhinocéros à narines cloisonnées…

Le temps presse, mais pouvons-nous repartir sans aller prospecter plus au nord un troisième éperon sur lequel Legal nous a signalé une gravure qu’il décrit avec beaucoup d’humour ?

« En me promenant ce matin, dit-il, j’ai découvert l’enseigne du boucher ! Un bœuf classique quadrillé comme on le représente dans les livres de cuisine au chapitre des morceaux de choix ! »

Persuadés qu’une gravure trouvée en fera surgir d’autres, nous bondissons d’un coup de voiture jusqu’à l’éperon nord qui deviendra pour les préhistoriens le site n°3 de Blaka.

Au sommet de l’éperon, voici la gravure martelée du bœuf indiqué par Legal. Mais s’il ne s’agissait que de cela ! De très grandes dalles lisses se dressent au-dessus de nos têtes. On y découvre rapidement d’autres gravures de bovidés, de girafes !

(…)

Voici une gravure digne de l’Adrar Ibharen dans le Fezzan, ou de la Rocaba d’Aflou ! Et que dire de cette concordance avec une époque relevée à mille kilomètres plus haut au nord ? Nous sommes ici à peu près à la limite en latitude sud des grands ensembles rupestres… Il y a certainement une indication à tirer de ce fait, qui correspond d’ailleurs à la limite sud des massifs montagneux sahariens… »

« La faune du Ténéré » par Roland Heu

« (…) Il y a quelques millénaires, le Sahara était beaucoup plus humide que de nos jours ; ce n’était pas le paysage verdoyant que l’on a tendance à se figurer, mais une savane arborée, telle qu’on la voit encore vers la rive nord du lac Tchad. Ce pays, relativement fertile, était alors parcouru par de larges cours d’eau dont les eaux, abondantes à la saison des pluies, s’étalaient sur de vastes espaces, comme dans la basse vallée du Nil, encore actuellement.

L’une de ces grandes rivières, dont nous retrouvons aujourd’hui le lit asséché, était l’oued Tafassasset, qui coulait à travers le Ténéré, du nord vers le sud, jusqu’au lac Tchad alors beaucoup plus étendu que maintenant. Sur les berges de cet oued, des hommes primitifs construisaient leurs villages et taillaient les pierres dures pour en faire des outils ou des armes – nous retrouvons de nos jours les restes abondants de cette activité ; dans les eaux de ce fleuve, des pêcheurs, pour leurs besoins alimentaires, capturaient des poissons dont on voit sur le sable les reliefs blanchis…

Mais peu à peu, les pluies se firent moins abondantes, et chez les peuples chasseurs la famine s’installa, à mesure que les cours d’eau tarissaient ; les espèces erratiques comme les ruminants et les grands carnivores suivirent le recul de la végétation, tandis que d’autres, comme les hippopotames, les crocodiles ou les poissons périssaient sur place.

L’exode humain eut lieu simultanément ; les peuples se mirent en marche vers la périphérie des zones arides qui s’étendaient chaque année davantage et confluaient lentement. Pour des raisons que l’on ignore, certaines tribus partirent précipitamment, laissant sur place leurs outils, leurs poteries de terre cuite décorées avec recherche, et par endroits des caches remplies de lances, de haches, de disques de pierre, et aménagées comme en vue d’un retour probable. Ce retour n’eut pas lieu, et le vent de sable, en recouvrant les restes des campements, ensevelit leurs vestiges pour des siècles et acheva de donner à l’oued Tafassasset, et au Ténéré en général, cet aspect désolé qui le caractérise. »

On peut lire dans ce qui suit qu’en ce qui concerne l’Afrique le débat est bien plus ancien et que les conceptions d’une dégradation anthropique de l’Afrique Sahélienne, accusant les hommes du changement, est souvent un présupposé menteur.
Comment un discours d’experts sur la désertification du Sahel peut être trompeur :
« Le « dessèchement » de l’Afrique sahélienne : un leitmotiv du discours d’expert revisité », article qui souligne l’instrumentalisation du discours sur la désertification :

https://www.cairn.info/revue-autrepart-2013-2-page-47.htm

Lire aussi :

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01250719/document

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