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Quand le terrorisme des "socialistes-révolutionnaires" frappait Lénine

vendredi 28 octobre 2022, par Robert Paris

Quand le terrorisme des "socialistes-révolutionnaires" frappait Lénine

En 1918, en pleine guerre civile russe, alors que le pouvoir soviétique est contraint de céder à l’impérialisme allemand toute une partie du territoire et notamment l’Ukraine, les socialistes révolutionnaires de gauche passent directement de la participation au pouvoir soviétique à la rupture violente contre lui. Ils deviennent des adversaires armés participant à la guerre civile antibolchevique et organisent une tentative d’assassinat de Lénine le 30 août 1918 ainsi que d’autres dirigeants bolcheviks.

Le 30 août 1918, un peu moins d’un an après la Révolution bolchévique, Lénine lance un discours devant les ouvriers de l’usine de Michelson de Moscou. Alors que l’intervention du leader du prolétariat mondial prend fin et ce dernier se dirige vers son véhicule trois coups de feu résonnent. Lorsqu’il quitte le bâtiment pour regagner son véhicule, Fanny Kaplan l’interpelle. Quand Lénine se tourne vers elle, elle tire trois coups de feu. L’une des balles passe à travers le manteau de Lénine, les deux autres le touchent à l’épaule gauche et au poumon. Lénine retourne dans ses appartements au Kremlin. Il craint un autre attentat contre lui et refuse de quitter la sécurité du Kremlin pour se faire soigner. Les médecins arrivés pour le soigner se déclarent incapables de retirer les balles en dehors d’un hôpital. Cependant, il survit. Lénine est grièvement blessé : une des balles passe à travers son manteau, les deux autres le touchant à l’épaule et au poumon. En dépit de ses graves blessures, Lenine, survit et reprend son activité. Toutefois, sa santé s’en ressentira. Fanny Kaplan sera exécutée sans jugement le 3 septembre 1918.

Kaplan est arrêtée et interrogée par la Tchéka. Elle déclare : « Je m’appelle Fanny Kaplan. J’ai tiré sur Lénine aujourd’hui. Je l’ai fait volontairement. Je ne dirai pas d’où provient le revolver. J’étais résolue à tuer Lénine depuis longtemps. Je le considère comme un traître à la Révolution. J’ai été exilée à Akatui pour avoir participé à la tentative d’assassinat du tsar à Kiev. J’ai passé là-bas sept ans à travailler dur. J’ai été libérée après la Révolution. J’étais en faveur de l’assemblée constituante et je le suis toujours. »

Le soulèvement des Socialistes-révolutionnaires de gauche marque le passage de ces derniers à l’action terroriste, en plus de l’attentat échoué de F. Kaplan contre Lénine, il y a eu notamment l’assassinat de deux orateurs populaires – Volodarsky le 20 juin et Ouritsky le 30 août 1918 –.

Boris Savinkov, ancien ministre de Kérensky et dirigeant des s.r. de gauche, était l’instigateur de l’attentat commis par Fanny Kaplan contre Lénine. Il fut condamné à mort, sa peine fut commuée en peine de dix ans d’emprisonnement à la Loubianka, la prison du NKVD.

Les SR de gauche avaient un poids non négliageable dans les soviets : au Ve Congrès panrusse des soviets, il y avait 470 députés SR de gauche, sur un total de 1425 (dont 868 bolcheviks). Soit environ deux fois plus de bolcheviks que de SR de gauche et ces derniers avaient des ministres dans le gouvernement et des militants dans toutes les positions dirigeantes. Ce sont eux qui ont choisi de rompre cette entente.

Les Socialistes-révolutionnaires de gauche étaient fraction du parti petit-bourgeois à racines paysannes des socialistes-révolutionnaires, qui ayant rompu avec la droite, soutenait le pouvoir soviétique. Le gouvernement est, depuis la révolution d’Octobre, un gouvernement de coalition des bolcheviks et des socialistes-révolutionnaires de gauche. Cette coalition se maintiendra jusqu’en juillet 1918, date à laquelle les socialistes-révolutionnaires de gauche, hostiles au traité de Brest-Litovsk, qui a pourtant été ratifié par le 3ème congrès pan-russe des soviets, organisent une insurrection et des attentats contre le dirigeants bolcheviks.

A part la signature la paix calamiteuse de Brest-Litovsk avec l’impérialisme allemand, ce qui opposait bolcheviks et SR de gauche, c’est la décision des bolcheviks d’appuyer la lutte des classes dans les campagnes en favorisant les comités de paysans pauvres contre les paysans riches !

Les s.-r. de gauche, soucieux de maintenir leur influence sur les masses paysannes, se mirent d’accord avec les bolcheviks et furent introduits dans toute une série de collèges des Commissariats du Peuple. Les s.-r. de gauche s’engagèrent dans la voie de la coopération avec les bolcheviks, mais divergèrent avec eux sur les questions fondamentales de la construction du socialisme ; les s.-r. de gauche se prononcèrent notamment contre la dictature du prolétariat. En janvier-février 1918, le Comité central du parti des s.-r. de gauche commença la lutte contre la conclusion du traité de paix de Brest-Litovsk et, après sa signature et sa ratification en mars 1918, les s.-r. de gauche sortirent du Conseil des Commissaires du Peuple, tout en restant, pourtant, dans les collèges des Commissariats du Peuple et dans les organes locaux du pouvoir. En juillet 1918, le Comité central des s-r. de gauche organisa l’assassinat de l’ambassadeur allemand à Moscou, dans l’idée de provoquer la guerre entre la Russie des Soviets et l’Allemagne et une émeute contre le pouvoir des Soviets. Une fois l’émeute réduite, le Ve Congrès des Soviets de Russie prit la décision d’exclure des Soviets ceux des s.-r. de gauche qui partageaient les vues de leur groupe dirigeant.

Rappelons, ce que dit Anweiler dans « Les soviets en Russie » : « En guise de protestation contre la signature du Traité de Brest-Litovsk, les dirigeants SR de gauche avaient en effet démissionné du Conseil des commissaires du peuple, tout en continuant à siéger au CEC. » Et les bolcheviks ne les avaient pas fait partir de cette instance dirigeante des soviets, même s’ils menaient déjà une propagande intense pour saboter les décisions du pouvoir ouvrier !

Cc’est seulement après les premiers attentats SR de gauche et la tentative de putsch SR de gauche que les députés SR de gauche sont arrêtés.

Lénine et Trotsky ont-ils toujours voulu, comme on les en accuse souvent, le pouvoir exclusif d’un seul parti ? Voulaient-ils gouverner seuls au pouvoir ! Mais leurs actes disent exactement le contraire. Ils ont par exemple gouverné avec le parti socialiste-révolutionnaire et c’est ce dernier qui est parti, enclenchant une guerre civile terroriste violente par laquelle il tentait d’assassiner tous les dirigeants bolcheviques et en a assassiné quelques uns. Ils les ont tous visé et en ont tué plusieurs. Juste avant, ils étaient ministres du même gouvernement ! Ils ne sont pas sortis parce qu’ils dénonçaient le manque de démocratie. Ils ne sont pas sortis parce qu’ils dénonçaient la misère ouvrière. Ils ne sont pas sortis parce qu’ils affirmaient qu’on vidait les soviets de leur contenu. Ils ne sont pas sortis parce qu’on favorisait les syndicats (question sur laquelle nous reviendrons). Non, ils sont sortis parce qu’ils prônaient la guerre révolutionnaire contre l’Allemagne, à un moment où la Russie révolutionnaire n’avait plus aucun moyen matériel de mener une guerre ! Ils sont sortis parce qu’ils refusaient la capitulation russe de Brest-Litovsk et ne voulaient pas accepter que l’Ukraine soit sous domination allemande ! Ils sont également sortis parce que les bolcheviks entendaient radicaliser la lutte des classes dans les campagnes en favorisant les comités de paysans pauvres contre les paysans riches ! Quand ils ont quitté le gouvernement, la direction des Soviets, la direction de l’Etat, toutes leurs responsabilités nationales, régionales et locales, ils n’ont pas prétendu avoir été poussés dehors, avoir été obligés à partir par des manœuvres des bolcheviks recherchant le pouvoir pour eux seuls !!!

Discours de Léon Trotsky à la séance du Comité exécutif central panrusse, le 2 septembre 1918.

Camarades, les fraternelles acclamations que j’entends, je les interprète ainsi : aujourd’hui, en ces pénibles heures et ces dures journées, nous éprouvons tous, comme des frères assemblés, un profond besoin de nous resserrer, de nous rattacher de plus près à nos organisations soviétiques, de nous grouper plus étroitement sous notre drapeau communiste. En ces jours et ces heures pleins d’alarmes, alors que le porte-drapeau du prolétariat, le nôtre et l’on peut dire celui du monde entier, est étendu, luttant sur sa couche de douleur contre le terrible spectre de la mort, nous sommes plus proches les uns des autres qu’aux heures de victoire...

La nouvelle de l’attentat commis contre le camarade Lénine nous a atteints, d’autres camarades et moi, à Sviajsk, sur le front de Kazan. Là-bas, des coups nous étaient portés, les uns venaient de droite, les autres de gauche, d’autres en pleine face. Mais ce nouveau coup, venant du lointain arrière-front, nous frappait dans le dos. Ce coup de traîtrise a ouvert un nouveau front – le plus douloureux, le plus alarmant à l’heure actuelle : le front sur lequel Vladimir Ilitch défend sa vie contre la mort. Et quels que soient les échecs qui peuvent encore nous attendre sur tel ou tel point de la grande bataille – je crois fermement à la prochaine victoire que nous remporterons ensemble –, pour la classe ouvrière de Russie et du monde entier, aucun échec partiel ne serait aussi pénible, aussi tragique que celui dont nous serions menacés si la bataille engagée au chevet de notre conducteur devait se terminer par une défaite.

Il n’est pas difficile d’imaginer toute la violence de la haine concentrée que cette grande figure a suscitée et suscitera chez tous les ennemis de la classe ouvrière. Car la nature a bien fait les choses quand elle a placé dans un seul homme l’image incarnée de la pensée révolutionnaire et de l’indomptable énergie du prolétariat. Cette figure – c’est Vladimir Ilitch Lénine.

La galerie des chefs ouvriers, des militants révolutionnaires est très nombreuse et très diverse ; beaucoup d’entre nous qui travaillent depuis bientôt trente ans pour la révolution ont eu l’occasion de rencontrer, dans divers pays, des types très différents du leader ouvrier, du représentant révolutionnaire de la classe ouvrière. Mais ce n’est qu’en notre camarade Lénine que nous reconnaissons l’homme fait pour notre époque de sang et de fer.

Derrière nous est restée l’époque du développement appelé pacifique de la société bourgeoise, lorsque les oppositions d’intérêts se multipliaient graduellement ; c’était alors pour l’Europe la période dite de la paix armée et le sang ne coulait guère que dans les colonies où le capital rapace torturait les peuples les plus arriérés. L’Europe jouissait de la paix sous le régime du militarisme capitaliste.

Alors se formaient, se définissaient les chefs les plus représentatifs du mouvement ouvrier européen. Parmi eux, nous avons connu le merveilleux leader que fut August Bebel, le grand défunt. Mais il reflétait le temps d’un développement progressif et lent de la classe ouvrière. Très courageux, doué d’une énergie de fer, il se distinguait en même temps par une extrême prudence dans ses mouvements ; il tâtait la terrain, il pratiquait une stratégie de temporisation et de préparation. En lui s’exprimaient une croissance graduelle, une accumulation moléculaire des forces du peuple ouvrier ; sa pensée avançait, mais elle marchait pas à pas, de même que la classe ouvrière allemande, à l’époque de la réaction mondiale, ne s’élevait que peu à peu, se débarrassant de ses ténèbres et de ses préjugés. La nature spirituelle du grand Allemand croissait, se développait, devenait plus forte et plus haute, mais toujours sur le même terrain d’attente et de préparation. Tel était Auguste Bebel dans ses pensées et ses méthodes, la plus belle figure d’une époque qui s’éloigne déjà dans l’éternité du passé.

Notre époque est faite d’une autre matière. Toutes oppositions d’intérêts qui jadis se manifestaient de plus en plus fréquemment ont amené une explosion formidable ; elles ont déchiré la surface de la société bourgeoise ; toutes les bases du capitalisme mondial ont été ébranlées par l’épouvantable carnage des peuples européens. Cette époque est celle qui nous a dévoilé tous les antagonismes des classes, qui a placé les masses populaires devant une terrible réalité, en leur montrant que des millions d’hommes devaient périr pour les intérêts de cyniques profiteurs. Or, pour ce temps, l’histoire de l’Europe occidentale a oublié, ou n’a pas eu l’idée, ou a été incapable de se donner un chef, et c’est fort compréhensible : car tous ceux qui, à la veille de la guerre, jouissaient particulièrement de la confiance des ouvriers d’Europe, étaient les représentants d’hier et non ceux d’aujourd’hui...

Et lorsque s’ouvrit la nouvelle époque, les anciens chefs furent incapables de se mesurer avec elle : ce fut le temps de terribles ébranlements et de sanglantes batailles.

L’histoire voulut alors, et non par hasard, créer en Russie une figure d’un seul bloc, une figure qui représentât bien toute la rudesse et la grandeur de notre temps. Je le répète, ce n’était pas par hasard.

En 1847, l’Allemagne arriérée fit surgir de son sein Marx, le plus grand des militants de la pensée, qui a prévu et indiqué les voies de la nouvelle histoire. Oui, l’Allemagne était alors un pays arriéré, mais il était dans le dessein de l’histoire de pousser les intellectuels d’Allemagne vers une période de développement révolutionnaire ; et le plus grand des représentants de l’intelligence, riche de toute la science qu’elle avait acquise, rompit avec la société bourgeoise, se dressa sur le terrain du prolétariat révolutionnaire, élabora un programme de mouvement ouvrier et une théorie du développement de la classe ouvrière. Ce que Marx avait prédit, notre époque était appelée à l’accomplir. Et pour cela, elle avait besoin de nouveaux chefs animés du grand esprit de notre temps ; la classe ouvrière, en effet, s’élevant enfin à la hauteur de sa tâche, apercevait clairement la haute cime qu’il lui fallait franchir si elle voulait sauver l’humanité et non la laisser pourrir, comme une charogne, sur la grande voie de l’histoire.

Pour cette époque-ci, c’est la Russie qui a donné un nouveau chef. Tout ce qu’il y avait de meilleur dans les intellectuels révolutionnaires d’autrefois, leur esprit d’abnégation, leur audace, leur haine de l’oppression, tout cela s’est concentré dans cette figure qui, pourtant, dès sa jeunesse, a rompu sans retour avec le monde des intellectuels dont elle voyait bien la liaison avec la bourgeoisie, et qui assume en elle tout le sens et l’essence du mouvement ouvrier. S’appuyant sur le jeune prolétariat révolutionnaire de Russie, utilisant la riche expérience du mouvement ouvrier mondial, se servant de son idéologie comme d’un levier pour l’action, cette figure s’est dressée de toute sa taille sur le firmament politique. C’est la figure de Lénine, du plus grand homme de notre époque révolutionnaire. (Applaudissements.)

Je sais, et vous savez également, camarades, que le sort de la classe ouvrière ne dépend pas des individus ; mais cela ne signifie pas que les personnalités soient indifférentes à l’histoire de notre mouvement et au développement de la classe ouvrière. L’individu ne peut modeler la classe ouvrière à son image, et ne peut indiquer au prolétariat, selon son gré, telle ou telle route à suivre ; mais il peut contribuer à l’accomplissement des tâches indispensables, il peut accélérer le mouvement vers le but final.

Les critiques de Karl Marx faisaient observer qu’il avait prévu la révolution comme beaucoup plus proche qu’elle ne l’a été en réalité. A quoi l’on répondait, avec pleine raison, qu’il s’était placé sur une haute montagne et que, par conséquent, les distances lui avaient semblé plus courtes.

Vladimir Ilitch a été critiqué plus d’une fois, par bien des militants, moi entre autres, parce qu’il avait l’air d’ignorer certaines causes secondaires, certaines circonstances accessoires. Je dois dire que pour une époque de développement “ normal ”, c’est-à-dire lent, c’eût peut-être été un défaut pour un homme politique ; mais ce fut le plus grand privilège du camarade Lénine, en tant que chef d’une nouvelle époque, que de voir tout l’accessoire, tout l’extérieur, tout le secondaire reculer et tomber devant lui, tandis que ne subsistait à ses yeux que l’antagonisme essentiel, irréductible, des classes, sous le terrible aspect de la guerre civile. Lançant en avant son regard de révolutionnaire, Lénine avait au plus haut degré le don d’apercevoir et d’indiquer le principal, l’essentiel, l’indispensable. Et ceux qui comme moi ont dû observer de près, dans cette période, le travail de Vladimir Ilitch, l’activité de sa pensée, ceux-là ont nécessairement éprouvé une admiration sans bornes – je dirais : des transports d’admiration –, devant cette perspicace, cette pénétrante pensée qui rejette tout l’extérieur, le fortuit, le superficiel, et marque les voies principales et les moyens d’action.

La classe ouvrière n’apprend à apprécier que ceux d’entre les chefs qui, ayant frayé le chemin de son développement, marchent d’un pas sûr et persévérant, quand bien même les préjugés du prolétariat seraient parfois pour eux des obstacles. Aux puissants dons de penseur de Vladimir Ilitch s’ajoute une inébranlable volonté ; et ces qualités constituent, quand elles sont réunies, le véritable chef révolutionnaire, courageux, irrésistible par la pensée, inébranlable dans sa volonté.

Quel bonheur pour nous que tout ce que nous disons, entendons et lisons dans les résolutions sur Lénine ne soit pas pour déplorer sa perte ! Et pourtant, le danger a été très grand... Nous sommes certains que sur ce nouveau front de la bataille, si proche, qui se trouve dans une chambre du Kremlin, la vie l’emportera et que Vladimir Ilitch reviendra bientôt dans nos rangs.

Si, comme je l’ai dit, camarades, Lénine incarne la courageuse pensée et la volonté révolutionnaire de la classe ouvrière, on peut voir une sorte de symbole, de conscient dessein de l’histoire dans ce fait qu’en ces pénibles heures où la classe ouvrière de Russie, tendant toutes ses forces, combat sur les fronts extérieurs les Tchécoslovaques, les gardes blancs, les mercenaires de l’Angleterre et de la France, notre chef résiste aux blessures, se défende contre la mort voulaient lui infliger les agents de ces mêmes blancs, de ces Tchécoslovaques, de ces mercenaires de l’Angleterre et de la France. Il y a entre ces circonstances un lien intérieur. Il y a dans ces événements une profonde correspondance historique. Certes, nous sentons, nous voyons tous, dans notre lutte sur le front Tchécoslovaque, anglo-français, sur le front des gardes blancs, nous sentons avec certitude nos forces s’accroître de jour en jour et d’heure en heure (Applaudissements) – je puis l’affirmer en témoin oculaire, j’arrive du théâtre des opérations –, oui, nous nous affermissons tous les jours, nous serons plus forts demain que nous ne l’étions hier et après-demain plus que demain – et, je n’en doute pas, le jour est proche où nous pourrons vous dire que Kazan, Simbirsk, Samara, Oufa et d’autres villes momentanément occupées par l’ennemi, rentreront dans notre famille des Soviets. De même nous espérons que le rétablissement de Lénine ne se fera plus attendre.

En ce moment même, la belle image du chef blessé, hors de combat pour quelque temps, s’élève devant nous, s’impose à nos regards. Nous savons qu’il ne nous a pas abandonnés une minute car, même fauché par les balles des traîtres, il nous exhorte, il nous appelle, il nous pousse en avant. Je n’ai pas vu un seul camarade, pas un seul ouvrier honnête dont les bras soient tombés de découragement à la nouvelle du perfide attentat ; mais j’en ai vu des dizaines qui serraient les poings, qui cherchaient des armes à saisir ; j’ai entendu des centaines et des milliers d’hommes jurer une vengeance implacable aux ennemis de classe du prolétariat. Inutile de vous raconter quels furent les sentiments des militants conscients sur le front quand ils apprirent que Lénine gisait, avec deux balles dans le corps. Nul n’oserait dire que Lénine, par son caractère, n’avait pas la résistance du métal ; l’ennemi a voulu qu’il y eût du métal jusque dans sa chair ; il n’en sera que plus aimé de la classe ouvrière de Russie.

Je ne sais si nos paroles et si les battements de nos cœurs seront entendus depuis le chevet du camarade Lénine, mais, je n’en doute pas, il sent bien que nous sommes avec lui. En proie à la fièvre, il sait que nos cœurs, comme le sien, battent doublement, triplement plus fort. Tous nous comprenons plus clairement que jamais que nous sommes les membres d’une seule famille communiste soviétique. Jamais la vie individuelle de tel ou tel d’entre nous ne nous a semblé si secondaire qu’à un moment où l’existence du plus grand homme de notre temps est en danger. N’importe quel imbécile peut tirer sur Lénine et lui perforer le crâne ; mais il serait bien difficile de retrouver une si belle tête et la nature elle-même ne pourrait si aisément reconstituer son œuvre.

Mais non, il se lèvera bientôt, pour penser, pour créer, pour combattre à nos côtés. Quant à nous, nous promettons à notre chef bien-aimé de rester fidèles, tant que la pensée vivra en nous, tant que le sang fera battre nos cœurs, fidèles au drapeau de la révolution communiste. Nous lutterons contre les ennemis de la classe ouvrière jusqu’à notre dernière goutte de sang, jusqu’à notre dernier souffle. (Salves prolongées d’applaudissements).

Isaac Deutscher, Le prophète désarmé :

“ Kroupskaïa écrivait [dans une lettre adressée à Trotsky peu après la mort de Lénine] que, peu de temps avant sa mort, Lénine avait relu le portrait que Trotsky avait fait de lui et s’en était montré visiblement ému, tout particulièrement par le parallèle entre Marx et lui ; elle voulait que Trotsky sache bien que Lénine lui avait conservé jusqu’à la fin la même amitié que lors de leur première rencontre à Londres ”.
La trahison de la révolution russe a-t-elle commencé avec la signature par les bolcheviks des accords de Brest-Litovsk

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