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Août 2008 : révolte des indiens du Pérou

vendredi 22 août 2008, par Robert Paris

Pérou

Etat d’urgence face à une révolte indienne

par Jean-Pierre Boris

Article publié le 19/08/2008

Le gouvernement péruvien du président Alan Garcia a décrété lundi l’état d’urgence pour une période de trente jours dans les régions amazoniennes secouées depuis une semaine par la révolte des populations indiennes.

65 « ethnies » rassemblent 12 000 personnes qui vivent dans la forêt amazonienne péruvienne sont en révolte.

Peintures de guerre sur le visage, portant arcs et flèches, plusieurs milliers d’Indiens de la forêt amazonienne péruvienne sont sur le pied de guerre. Ils demandent l’abrogation d’une série de lois et de décrets permettant la vente de terres, qu’ils considèrent comme leur appartenant, à des entreprises péruviennes ou étrangères, qui exploiteraient les ressources forestières ou pétrolières qui s’y trouvent. Selon les estimations d’économistes péruviens, les seules richesses forestières se monteraient à trois milliards cinq cents millions de dollars. Sur le plan économique, l’enjeu est d’importance. Mais les Indiens ne voient pas les choses de la même manière. Pour eux, les terres sont un héritage historique doté d’une dimension divine. La terre est la « mère nourricière ». Elle ne peut être divisée et vendue. Elle est inaliénable. Selon les traditions indiennes, le gouvernement péruvien est donc hors-la-loi. Et le soulèvement de ces derniers jours est donc parfaitement légitime.
Ce faisant, les Indiens renouent avec une vieille tradition péruvienne. Dans les années 1960-1970, de très importants soulèvements avaient eu lieu dans les Andes. De nombreuses communautés indigènes s’étaient emparées des terres sur lesquelles vivaient leurs familles depuis des siècles. Sur un plan chronologique, ce conflit était la suite, après de très nombreux épisodes, de la conquête de l’empire Inca par les conquistadores espagnols.
Flambée des cours des matières premières
L’actuel affrontement oppose toujours le pouvoir centralisateur - le gouvernement de Lima - à des Indiens, mais ce ne sont pas les mêmes. Cette fois-ci, il s’agit des tribus amazoniennes. Ce sont des groupes beaucoup moins nombreux que les indiens des Andes. Les 65 « ethnies » pour reprendre la terminologie qu’emploient eux-mêmes ces groupes, rassemblent environ 12 000 personnes qui vivent dans la forêt amazonienne, rassemblées dans de petites bourgades.
L’entrée en conflit de ces groupes est donc la conséquence directe de la flambée des cours des matières premières sur les marchés mondiaux, en particulier le bois et le pétrole. Des gisements encore inexploités, des zones forestières pas encore concédées, sont désormais rentables, malgré leur éloignement relatif des zones de consommation. Logiquement, le gouvernement péruvien s’emploie à attirer de grandes entreprises à même d’exporter ces matières premières et de lui verser des royalties. Grand producteur de métaux précieux et non-ferreux, le Pérou a réussi à profiter de cette manne au cours des dernières années, amenant une croissance économique forte, même si les inégalités sociales persistent.
Cette opposition entre deux visions du monde explique la difficulté du dialogue entre les deux camps. D’un côté, les groupes indiens qui ont occupé l’une des principales routes du pays reliant les zones andines aux zones amazoniennes, des stations de pompage pétrolier et deux dépendances d’une entreprise argentine exploitant le gisement de gaz géant de Camisea. Ces Indiens ont interrompu les négociations avec les représentants du gouvernement. Ils exigent d’avoir face à eux, non pas un modeste ministre de l’Environnement, mais le président Alan Garcia lui-même, son premier ministre Jorge del Castillo et le président du Congrès. Côté gouvernemental, on ne raisonne évidemment pas de la même manière. La raison d’Etat prime. Il faut exploiter ces régions et assurer l’ordre public. C’est pourquoi, face à la radicalisation des mouvements indiens, le président Garcia a convoqué dimanche un conseil des ministres et pourquoi depuis lundi, l’état d’urgence a été décrété dans les régions qui s’agitent, près de Cuzco, au sud-ouest du pays, et bien plus au nord encore.
« Complot contre le pays »
Cependant, loin de calmer la situation, la décision d’imposer l’état d’urgence n’a fait que l’exacerber. Selon Alberto Pizango, qui préside l’Association interethnique de développement de la forêt amazonienne, « nous sommes prêts à mourir pour nos terres. Ce serait un honneur. Nous ne reculerons pas. Si le gouvernement veut nous tuer, qu’il le fasse mais nous lutterons pour faire savoir au monde que le gouvernement viole les droits de l’homme. »
Le discours d’Alberto Pizango et des dirigeants indiens est pour les autorités péruviennes cousu de fil blanc. Il s’agit d’un « complot contre le pays », a estimé le Premier ministre Jorge del Castillo qui s’explique ainsi la cohérence du mouvement. L’hostilité gouvernementale s’explique aussi par l’implication de partis politiques d’opposition dans ce mouvement. Ainsi, le parti nationaliste de l’ancien candidat populiste à la présidence, Ollanta Humala, estime les manifestations indiennes « légitimes ». Et coïncidence ou pas, le mouvement des Indiens de l’Amazonie péruvienne a démarré au lendemain de la réunion à Lima de la Coordination andine des peuples indigènes. Cette Coordination avait protesté contre la « criminalisation du mouvement de contestation sociale » au Pérou et l’avait attribuée à « la politique discriminatoire et répressive déclenchée contre ceux qui refusent la globalisation néolibérale en Amérique latine. »

Messages

  • Extrait d’un livre qui se nomme La Bolivie sous le couperet : Partie 1

    Les quetchuaymaras ont des chefs qu’ils appellent Wilkas. Ce nom permet aux chefs des indiens de rester dans le clandestinité. A la tête de leurs troupes, ils harcèlent l’ennemi blanc : cette guérilla ne ralentit nullement pendant l’époque républicaine.La répression créole est aussi féroce que la coloniale.

    "L’histoire officielle, avec une pudibonderie explicable, jette un voile discret sur des évènements aussi terribles que le massacre de 600 paysans le 28 juin 1869 à San Pedro, qu’une autre tuerie, celle de Guaycho, du 2 au 5 Janvier 1870, ou l’on fit couper la langue à un homme et l’on tortura et assassina la mère et la parenté de l’héroique Wilka, le leader de l’insurrection Aymara, que celle d’Ancoraimes, ou le 7 Aout 1871 on massacra 600 Aymaras. Avec la chute de Melgarejo, la vague répressive, au lieu de s’arrêter, s’amplifia. L’onde sanglante envahit quasi tout le pays. En 1887 on étouffa dans le sang et le feu le soulèvement des paysans du Beni ; en 1891, Gonzalez, le ’général exterminateur’ écrasa sauvagement l’insurection des Chiriguanos.

    Pablo Zarate est le plus connu et le plus craint des Wilkas. Sous sa conduite, une nouvelle fois , les Indiens s’insurgent dans de vastes régions à la fin du 19ème siècle. Sur cet affrontement séculaire entre blanc et Indiens se greffe une querelle entre Sucre et La Paz, qui à la fin du 19ème siècle se disputent la capital. Chuquisaca était le siège de l’Audience de Charcas au temps de la colonie. Tout naturellement, elle devient la capitale du Haut- Pérou lorsque celui ci proclama son indépendance, prenant le nom de Bolivie en l’honneur de Bolivar.

    La ville de Chuquisaca reçut le nom de Sucre pour honorer José Antonio Sucre, lieutennt de Bolivar et commandant des armées libératrices qui donnèrent le coup de grâce à l’armée espagnole du Haut Pérou. Traditionnelement, Sucre est la ville des grands propriétaires terriens, tournée vers son passé colonial dont elle a gardé le cachet et, en partie, la mentalité. La paz était plutôt la ville de l’industrie naissante, la métropole des mineurs, la cité qui monte. Elle revendiquait la capitale. Pour arriver à ses fins, elle se déclara fédéraliste et leva une armée.

    Le général Pando, dirigeant les troupes ’fédéralistes’ de la Paz, fait des promesses au prestigieux chef Pablo Zarate willka : "Tu m’aides avec les Indiens dans cette guerre civile. Les blancs du sud, les k’aras (injure Quechua) de Chuquisaca, sont tes ennemis et sont mes ennemis ; nous lutterons contre eux ; et aprés la victoire je serai le Premier Président et tu seras le Second Président de Bolivie ; et nous restituerons aux indiens les terres que Melgarejo leur a arrachées".

    Pando nomme Willka Général de Division de l’armée Bolivienne et Commandant en chef de la direction Suprême des Armées Indiennes, lui fait d’autres promesses fallacieuses : libération des indiens esclaves, participation des masses quechuaymaras au gouvernement. Evidemment, aucune ne sera tenue. Lorsque les fédéraux de la Paz, grâce à l’aide déterminante des indiens, ont battu ceux de Sucre. Ceux de La paz oublient leurs promesses à Wilka. Ils organisent les troupes républicaines de Sucre et des fédéraux pour la guerre frontale de génocide contre l’Indien. La société créole nationale massacre les communautés Quechuas et Aymars sous l’enseigne ’Bolivianiser la bolivie’.

  • Bolivie sous le couperet parti 2

    L’attitude de ceux de la paz face à ceux de Sucre n’est pas faire play non plus : une fois qu’ils ont gagné la confrontation avec les ’républicains’, en évitant le plus posible de verser le sang ’blanc’, ils deviennent plus centralistes et unitaires que ceux de Sucre. En 1899, la capitale du pays est transférée de Sucre à La paz, qui devient la capitale de facto, même si les gens de Sucre, vivant de leur passé, continuent d’intituler leur ville "capitale de la République".

    Ayant été trahis une nouvelle fois et se sentant menacés d’extermination, le 10 Avril 1899, les Indiens s’organisent de manière indépendante et proclament à Oruro le gouvernement du peuple. Ils se fixent 3 objectifs :

    1. Destruction par le feu des haciendas et restitution des terres usurpées aux communautés.

    2. Jugement des assassins et des spoliateurs des terres.

    3. Châtiment des coupables des innombrables injustices commises à l’encontre des indiens.

    Les propriétaires des mines et des haciendas, de La Paz et Sucre, forment le gouvernement minoritaire de la Bolivie. Ils sont incapables de songer à une solution démocratique. Tout autour d’Oruro, les terres communales arrachées aux indiens sont à nouveau occupées par ceux ci. Le mouvement fait tâche d’huile, menaçant tous les propriétaires terriens du pays. C’est l’affrontement violent. Les campagnes de Bolivie se vident des propriétaires créoles. Ceux qui ne sont pas arrêtés et remis à la justice populaire fuient vers les villes : La Paz, Potosi, Cochabamba, Sucre. D’autres quittent les Andes. Ils ne reviendront jamais. Ils sefixent dans les villes créoles de la côte, Buenos aires, Santiago, Lima ou se réfugient en Europe.

    Dans une région du nord de potosi, les femmes et les filles des propriétaires de haciendas sont punies selon leur cruauté envers leur domestiques. Les plus coupable sont violées par leur serfs. La société créole exige le pire châtiment pour les auteurs. Elle oublie le droit de cuissage, qui permet au patron de la Hacienda sous la république comme dans la colonie de déflorer les jeunes filles Quechuas et Aymaras la veille de leur mariage.

    Mais les mitrailleuses et l’artillerie des créoles finissent par avoir raison des pierres, bâtons, frondes, couteaux et quelques vieux mousquetons des indiens : le siège du gouvernement à Oruro est investi, son président, Juan Lero, est arrêté le 23 Avril 1899. Il mourra en 1901, à 60 ans , des tortures qu’on lui a infligées en prison. Pablo Zarate Willka aussi est arrêté. On fait son procés à Oruro. Mais rapidement celui ci se retourne en jugemnt des atrocités commises par les blancs : Willka est acquitté. Onfeint alors de transférer à La paz le "redoutable willka", comme il a été surnommé. Les soldats de l’escorte l’assassinent en route, en même temps que 30 chefs indiens.

    De 1868 à 1900 s’écoulent 33 années de guerre ininterrompue. La nation Quechuaymara résiste les armes à la main à l’attaque de l’armée régulière.

  • La Bolivie sous le couperet Partie 3

    La République pire que la Colonie
    A l’indépendance de la Colombie, du Chili, du Pérou, et de la Bolivie, les créoles encensent d’abord Bolivar, Sucre, San Martin et les nomment présidents à vie, ou protecteurs de leurs nouvelles républiques. Bientôt, cependant, ils déchanteront en voyant que les idéaux prônés par les libertadores entrent en conflit avec leurs propres intérêts.
    "Bolivar conscient de la douloureuse réalité laissée par la Colonie, chercha à transformer la société coloniale en une véritable société démocratique. Il dicta les décrets de Trujillo, Cusco et Pucan. Ces mesures révolutionnaires à l’époque éliminaient le travail gratuit à la campagne et obligeaient à rémunérer les services du paysan".

    Leur application aurait signifié la fin du système féodal. Les propriétaires terriens, maîtres du gouvernement du nouvel Etat, n’en tinrent aucun compte : il fallut attendre 127 ans... Voyant que les chefs d’armées libératrices ont l’intention d’émanciper les Indiens, les créoles les accusent d’êtres dictatoriaux et arment des Caudillos de caserne contre eux. Ils seront reniés, maltraités, Sucre sera même assassiné. Bolivar commentera amèrement : " J’ai labouré la mer". Les Caudillos se défont des restes des armées libératrices ; surtout, ils massacrent les noyaux Quechuas et Aymaras qui résistent.

    "Bientôt, la violence sera incontrôlable. Les premières décennies des républiques sont une guerre chaotique et effrénée. La seule chose permanente et intangible, c’est la domination de la minorité blanche sur la majorité indienne. Chaque Caudillo croit qu’il est né pour être dictateur. Coup d’état, mutinerie de caserne, tentatives de subversion, conspirations, assassinats, trahisons se succèdent rapidement. Sans trace de différence politique. Aucune histoire ne peut les classer en courants. A peine si l’on peut les affubler d’un "isme" ajouté au nom du traîneur de sabre en question. Les Caudillos combattent tout président de service et se combattent les uns les autres. Ils sont assassinés même par leur parenté. Le butin, c’est le pouvoir. En 150 ans, la Bolivie subit 187 coups d’état, la plupart sanglants et victorieux.

  • La Bolivie sous le couperet parti 4

    Bolivar, Sucre et San Martin, grâce ou plutôt à cause de la présence des armées Quechuas et Aymaras victorieuses, décrètent l’abolition de l’esclavage, des repartimientos, de la mita, du yanaconaje, du pongueaje et de tout travail obligatoire et gratuit. Le maréchal Andres de Santa Cruz, un autre de ces présidents boliviens issus des armées du roi, restaure par décret, le 15 Octobre 1829, la mita ( corvée dans la mine), l’impot colonial pour l’Indien, la servitude agraire ou yanaconaje et la servitude domestique ou pongueaje.

    En Bolivie, le Pongueaje est une institution légale jusqu’au 2 Aout 1953. Le Pongo, en plus du travail gratuit sur la terre du patron, sert celui ci, gratuitement encore, dans sa maison en ville, en alternant avec d’autres pongos. Il y amène sa nourriture, dort sur le sol, à côté de la porte qui donne sur la rue. Le myte raciste a encore de grandes répercussions sur la conscience et l’attitude des classes dominantes de la société bolivienne métisse, la thèse de l’infériorité des indiens étant devenue une catégorie de l’histoire. Cette attitude se reflète dans le principepaternaliste, contenu dans la législation républicaine, de "défense" des indigènes considérs comme citoyens de "seconde classe", sans droits politiques ni civils, asservis à une condition civile de minorité permanente et inextinguible.

    La classe créole conquiert le pouvoir politique et s’attribue la représentation de toutes les autres classes sociales : c’est ce qu’on a appellé l’Etat Féodal-Créole. Jusqu’en 1899, le féodalisme fut le système social de la nouvelle République : la nouvelle entité hérita toutes les institutions et tous les services de la Colonie. La seule chose qu’elle élimina fut la bureaucratie hispanique. Comme il s’était agi d’une transformation éminemment politique, les bases sociales restèrent les mêmes : le lois espagnoles réglementent les relations entre les particuliers et l’Etat ; le système d’appropriation de la terre reste le même que durant le pouvoir colonial ; la situation des indiens est identique à l’odieuse servitude imposée par le Conquistador ; l’économie est basée sur l’exploitation des minerais. Le peuple ignorant et analphabète à 90%, fut condamné au même sort que celui imposé par le colonisateur.

  • Appropriation du pétrole et massacre des Indiens

    Yvan Le Bot, Jean Patrick Razon *

    Des affrontements entre des Indiens amazoniens et les forces armées ont fait une trentaine de morts et de nombreux blessés vendredi 5 juin dans le nord du Pérou. Les Indiens, qui bloquaient la route transamazonienne, ont retenu des policiers en otage. Les forces de l’ordre ont tiré sur les manifestants, utilisant même pour cela, selon certaines sources, des hélicoptères.

    Ces affrontements sont l’aboutissement d’un conflit opposant les Indiens de la forêt au gouvernement Alan García à propos de l’exploitation des richesses pétrolières. D’immenses réserves ont été découvertes ces dernières années dans la région. Un « miracle » selon le président García qui multiplie les initiatives favorables à leur exploitation par les entreprises étrangères, dont la Perenco, groupe franco-britannique. Avec des conséquences tragiques pour des communautés de chasseurs-cueilleurs qui tirent leurs ressources de la forêt et des cours d’eau.

    Les Indiens regroupés dans l’Association interethnique pour le développement de la forêt péruvienne, AIDESEP, se sont mobilisés contre la destruction et la pollution de leur cadre de vie et, depuis plusieurs semaines, la tension ne cesse de monter. Ils ont reçu l’appui de nombreux secteurs de la population à travers le pays. Dès avant les événements de ces derniers jours, une mobilisation générale a été programmée pour le jeudi 11 juin.

    Révolte des populations autochtones contre la dévastation de l’environnement

    Le gouvernement manifeste sa volonté de passer coûte que coûte, d’ouvrir la voie aux compagnies en bafouant les droits reconnus aux communautés depuis les années 1970 (par le gouvernement militaire progressiste de Velasco Alvarado) et protégés par des conventions des Nations unies.

    Ce qui se passe au Pérou est une illustration dramatique d’un problème devenu crucial dans l’ensemble de l’Amérique latine : l’exploitation du sous-sol et la dévastation de l’environnement au détriment des populations autochtones et de la biodiversité. Au Brésil, au Chili, en Colombie, au Guatemala… des groupes indiens s’opposent à des entreprises d’exploitation des ressources pétrolières, minières ou forestières. En Equateur, des communautés amazoniennes ont intenté un procès « historique » à la Texaco qui a provoqué un véritable désastre écologique dans une vaste région. On n’avait jamais vu des communautés amazoniennes intenter un procès à une grande multinationale et encore moins des tribunaux se montrer sensibles à leurs arguments (une décision finale est attendue prochainement).

    Plusieurs gouvernements latino-américains ont pris la mesure du problème et s’efforcent d’avancer vers des solutions négociées. C’est le cas, en Bolivie, du président indien Evo Morales qui a renationalisé les réserves d’hydrocarbures et renégocié avec les entreprises étrangères les conditions de leur exploitation, afin d’assurer une redistribution plus équitable des bénéfices, à travers notamment des programmes de développement, d’éducation et de santé pour les populations concernées.

    Le président équatorien Rafael Correa a, quant à lui, proposé de geler l’exploitation d’une région entière en Amazonie pour des raisons écologiques et en échange de contreparties financières de la part de la communauté internationale.

    Au Brésil, une décision récente de la Cour Suprême est venue confirmer un arrêté du président Lula reconnaissant un immense territoire à des groupes indiens dans le nord de l’Amazonie et freinant ainsi la pénétration des chercheurs d’or ou des trafiquants de bois (au total, ce sont 13% de la superficie du Brésil qui sont aujourd’hui constitués en « territoires indiens »).

    Les mouvements indiens qui se sont développés dans l’ensemble de l’Amérique latine dans les dernières décennies ont obtenu des avancées importantes dans nombre de pays, y compris la reconnaissance de droits territoriaux. Le sous-sol cependant reste propriété de la nation et le plus souvent son exploitation est confiée à des compagnies nationales ou multinationales qui pillent et saccagent sans considération ni pour les occupants ni pour l’environnement.

    * Yvan Le Bot est directeur de recherche au CNRS. Jean Partick Zazon est un des animateur de l’organisation Survival de défense des populations autochtones. Yvan Le Bot a publié, entre autres, La Grande révolte indienne, R. Laffont, 2009.

  • Les conflits sociaux autour de projets miniers et pétroliers s’intensifient au Pérou, provoquant l’inquiétude du gouvernement et des secteurs industriels qui craignent pour les investissements dans ce secteur-clé de l’économie du pays.

    Le mouvement de grève générale dirigé contre le projet minier Tia Maria dans la région d’Arequipa (sud) est entré dans sa troisième semaine, avec des signes de durcissement, notamment la mise en place de barrages routiers.

    Ce projet d’1,4 milliard de dollars, mené par la compagnie minière Southern Peru, filiale de la mexicaine Southern Copper, doit voir le jour en 2016 mais fait l’objet depuis plusieurs mois de manifestations récurrentes de la part de la population qui estime qu’il nuirait à l’agriculture locale.

    Plus de 200 conflits sociaux ont été enregistrés ces derniers mois au Pérou, essentiellement autour des conséquences environnementales de l’activité minière et pétrolière.

    Le pays latino-américain, qui possède d’importantes richesses naturelles dans son sous-sol, est le cinquième producteur d’or de la planète. Son secteur minier est considéré comme le plus important de son économie et l’un des plus dynamiques.

    Le président Ollanta Humala, dans la dernière ligne droite de son mandat qui se termine l’an prochain, doit se rendre dans les prochains jours à Tia Maria, où ont déjà défilé plusieurs ministres cette semaine.

    Le mouvement, jusqu’ici cantonné à la vallée de Tambo où se trouve la mine de cuivre, s’est étendu à Arequipa, deuxième ville du Pérou.

    La population s’oppose à ce projet depuis 2009 et, en 2011, trois personnes ont été tuées lors d’une manifestation.

    "Depuis ses débuts il près de six ans, le projet Tia Maria a généré des craintes et l’opposition de la population. Le fait est qu’aujourd’hui il n’existe pas ce que les sociétés minières elles-mêmes appellent le +climat social+ nécessaire pour leurs opérations", souligne l’ancien vice-ministre de l’Environnement José de Echave, dans une étude pour l’ONG CooperAccion.

    "Le souci de la protection de l’environnement est légitime, mais exige un équilibre", relève Carlos Herrera Descalzi, ex-ministre de l’Énergie et des Mines : "Le soin extrême de la nature signifie une stagnation économique, ce qui a des conséquences graves. Le gouvernement doit donner un message d’équilibre, ce qu’il n’a pas fait".

    En outre, à un an des élections, "les mouvements anti-miniers utilisent les préoccupations légitimes de la population à des fins politiques".

  • Au Pérou, territoire d’Amérique du sud, il y a 212 conflits sociaux qui sont actuellement répertoriés, dont 155 sont actifs et 57 autres considérés comme « endormis », tous sont liés à des problèmes socio-environnementaux. Les conflits sociaux les plus importants se situent à Áncash et dans la zone de l’Apurimac (suivi de Cajamarca), les cas sociaux et environnementaux sont les plus nombreux (66,9%). Parmi ceux-ci, l’activité minière (exploitation du cuivre, de l’argent, du zinc, de l’étain…) engendre les tensions les plus grandes.

    Depuis des siècles, les hauts plateaux des Andes péruviennes suscitent les convoitises en raison de ses richesses naturelles, les conquistadores espagnols ont exploité l’or, l’argent, mais aussi la main-d’oeuvre indigène au bénéfice de la Couronne d’Espagne, et encore aujourd’hui de grandes sociétés minières se disputent la part du gâteau en exploitant les ressources abondantes dissimulées dans les entrailles de la Terre.

    Au cours des 20 dernières années, Yanacocha, la deuxième plus grande mine d’or du monde, a opéré sur les hauteurs vertigineuses de la montagne en laissant sur son passage de terribles cicatrices.

    Si l’on prend l’exemple du conflit minier de Las Bambas, il a été à l’origine l’automne dernier, d’une violente confrontation entre les habitants de la région et la police, des affrontements qui ont coûté la vie à une personne dans la communauté rurale de Choquecca appartenant à la ville de Tambobamba. En février dernier, l’exécutif et les autorités de la province de Cotabambas ont convenu de mettre en œuvre des projets et des activités prévues par le plan de développement Cotabambas, une proposition élaborée par les deux parties et qui a pour objectif de mettre fin au conflit social sur la mine Las Bambas. Bien que le document fasse mention de 291 projets prioritaires en matière de santé, d’éducation et d’agriculture, aucune mention n’a été faite en ce qui concerne l’impact environnemental de la mine, raison pour laquelle une partie de la population de Cotabambas continue d’exprimer son inquiétude.

    Par ailleurs, la principale voie d’accès à la mine MMG Las Bambas a été rouverte en ce mois d’avril après avoir été bloquée par des villageois de la région depuis octobre 2016, une annonce faite par le ministère des Transports et des Communications (MTC), après qu’il ait signé une série d’accords avec les dirigeants des sociétés minières et des représentants des communautés Quehuira, Pumamarca, Allahua et Choquecca-Antuyo situées dans la province de Cotabambas, Apurimac.

    Cette route était bloquée, après que Quintino Cereceda, un habitant du village de Choquecca, ait été tué d’une balle dans la tête lors de ce virulent affrontement avec la police. Les habitants s’opposaient à ce que cette route principale passant par la communauté de Quehuira, soit déclarée « publique » par le décret suprême 011-2016-MTC ; alors qu’ils n’avaient pas été consultés sur ce point.

    A la fin de l’année 2016, 78 conflits environnementaux actifs impliquant le secteur minier étaient encore enregistrés, la société minière Antamina réunissait le plus grand nombre de conflits, avec sept districts impactés, la plupart d’entre eux concernent la région d’Ancash.

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