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Qui a assassiné Léon Sédov ? Staline !!!

mercredi 3 mars 2021, par Robert Paris

Qui a tué Léon Sédov, fils de Trotsky ?

Staline !!!

Léon Sédov, fils de Trotsky, a onze ans au début de la révolution d’Octobre. Il s’engage dès l’adolescence dans le mouvement de la jeunesse communiste (le Komsomol) n’hésitant pas à tricher sur son âge pour le faire.

Ce qui n’empêche pas les conflits de génération puisqu’il quitte le domicile familial à dix-sept ans pour vivre dans une communauté de militants aussi jeunes que lui. Il entreprend des études d’ingénieur et se révèle un étudiant brillant. Il se marie avec une jeune ouvrière en 1925, Anna Metallikova, dont il aura un fils prénommé Lev lui aussi en 1926.

Dès 1923, il commence à militer aux côtés des oppositionnels à l’orientation bureaucratique prise par la direction du Parti dans une évolution et une logique parallèles à celle de son père plutôt que dans son sillage et en 1927, il est l’un des principaux dirigeants de l’Opposition unifiée dans les rangs du Komsomol.

Au moment de la déportation de Léon Trotski en 1928, il fait le choix de le suivre et c’est à Almaty, alors Alma-Ata, qu’il devient véritablement le collaborateur de son père, prenant en charge l’organisation matérielle de la vie des déportés et surtout l’organisation des liens avec les autres militants exilés par Staline. C’est là qu’il rode de manière efficace les méthodes de clandestinité imposées par les conditions de surveillance des déportés.

Trotski banni d’URSS et exilé en Turquie en 1929, Lev le suit prenant en charge le Bulletin de l’Opposition qui pendant quelques années encore pourra franchir clandestinement les frontières et parvenir en URSS. La collaboration avec le père se poursuit malgré des difficultés relationnelles créées par le caractère très tranchant de Trotski, les pressions morales, physiques et financières qui pèsent sur les exilés et des problèmes d’ordre privé où interviennent Jeanne Martin des Pallières, la nouvelle compagne de Sedov, et Zinaïda, fille aînée de Trotski, qui commence à souffrir de graves problèmes psychologiques.

La clé de la situation internationale se trouvant alors en Allemagne, c’est à Berlin que part Sedov, assumant la direction politique de la section allemande, la rédaction et l’acheminement en URSS du Bulletin de l’Opposition et les soins à Zinaïda. Tout cela dans un contexte de montée du nazisme et d’hostilité menaçante des partisans de la direction du Parti. Ce n’est qu’une fois la victoire d’Hitler consommée qu’il se résout à quitter l’Allemagne pour Paris. Il y trouve la section française des partisans de Trotski en pleine querelle de personnes plutôt que de théorie. C’est d’ailleurs cette atmosphère délétère qui le pousse à faire confiance un peu trop facilement aux Russes et c’est à ce moment que se joint à lui, comme principal collaborateur et homme de confiance, Mark Zborowski (alias Étienne), agent des services secrets soviétiques et d’ailleurs dénoncé, ou du moins suspecté, comme tel par certains trotskystes français1.

Le dernier — et colossal — travail militant de Sedov est l’organisation d’un véritable contre-procès de Moscou ; travail synthétisé dans Le livre rouge sur le procès de Moscou2, livre qui, selon les mots de Pierre Broué, « reste le point de départ de toute critique solide du procès des Seize ». C’est à ce moment qu’il devient une cible pour les tueurs des services secrets soviétiques, désigné sous le nom du « Fiston » dans leurs rapports et qu’il échappe à une tentative, vraisemblablement d’enlèvement, du côté de Mulhouse.

À la mi-janvier 1938, il se plaint de violentes douleurs abdominales diagnostiquées comme un début d’appendicite. Le 8 février, une nouvelle crise le conduit à une hospitalisation dans une clinique parisienne tenue par des Russes blancs. Le directeur de la clinique, Boris Girmounski, est cependant un informateur du NKVD, chargé de l’anesthésier. Or, c’est le secrétaire de Sedov, Mark Zborowski (alias Étienne), agent du NKVD, qui l’oriente vers cette clinique.

Bien qu’inscrit comme ingénieur français, il sera vu discutant en russe avec des infirmières et des médecins. Alors que l’opération, une appendicectomie semble s’être déroulée normalement, il est retrouvé, quatre jours plus tard, délirant et divaguant dans les couloirs et manifestant des accès de fièvre soudains et inexpliqués. Une deuxième opération sera tentée par le docteur Thalheimer à laquelle il ne survit pas.

À l’époque, les trotskistes soupçonnent un assassinat. Le débat n’est pas entièrement clos pour savoir qui de l’incompétence du chirurgien qui l’a opéré ou des services secrets soviétiques a tué Sedov ; l’ouverture des archives soviétiques aurait montré que de nombreux agents se sont attribué le mérite de sa disparition, une autre certitude est qu’il était traqué de très près, et depuis des années, par les tueurs.

SÉDOV Léon [SÉDOV Lev Lvovitch dit]. Pseudonymes : SCHWARTZ, MARKINE, DURAND, GIL, ALEX, DIX

Né le 24 février 1906 à Saint-Pétersbourg (Russie), mort le 16 février 1938 à Paris ; fils et principal collaborateur de Léon Trotsky, militant communiste de l’Opposition « bolchevik-léniniste » puis du mouvement pour la IVe Internationale.

La mère de Sédov Lev Lvovitch, en France Léon Sédov, Natalia Ivanovna Sedova, de petite noblesse, étudiante social-démocrate, avait dû quitter la Russie et étudiait l’histoire de l’art à Paris quand elle connut l’homme de sa vie. Son père, Lev Davidovitch Bronstein, que l’univers socialiste commençait à connaître sous le nom de Trotsky préparait alors son procès avec celui du soviet de Saint-Pétersbourg dans une cellule de la forteresse Pierre-et-Paul.

Le père et le fils ne cohabitèrent vraiment qu’après la deuxième évasion de Trotsky de Sibérie et son retour en mars 1907. La famille, accrue d’un autre garçon, Sergéi, s’établit à Vienne. Lev, qu’on appelait Liova, parla russe et viennois et connut une jeunesse libre, ouverte sur le monde, avec des parents soucieux d’« élever » leurs enfants.

La guerre les chassa en Suisse, puis en France au début de 1915. Ils habitèrent rue de l’Amiral-Mouchez (XIVe arr.) puis à Sèvres dans une villa, rue Oudry (XIIIe arr.) enfin. Liova et son petit frère fréquentaient une école russe boulevard Blanqui. Le père, très occupé, s’arrangeait pour être à la maison à l’heure des devoirs qu’il contrôlait. Liova, qui parla vite français, jouait avec des enfants de Paris et rencontrait les amis de son père qu’il respectait profondément, Marcel Martinet*, Alfred Rosmer* notamment.

Fin 1916, ce fut le choc — arrestation et expulsion du père, angoisse sur son sort, séparation dont on ignorait la durée — et le début des « grandes vacances ». Retrouvailles à Barcelone, traversée de l’Atlantique à bord du Montserrat, arrivée à New York et découverte en Amérique d’une technique qui l’éblouit. Avril 1917, ce fut le retour avec l’embuscade des autorités britanniques, l’internement du père à Amherst. Liova, partie prenante, boxa un officier qui maintenait son père.

La révolution dans laquelle ils plongèrent à leur arrivée, c’était l’enthousiasme, mais aussi la peur, c’était l’espérance, mais aussi la haine et la violence. Liova se battit souvent à l’époque de « la grande calomnie » sur les bolcheviks « agents de l’Allemagne ». Il se fit un ami du marin Nikolaï Markine. C’est ce dernier qui calma des voisins un peu trop agressifs. Il fut tué au combat et ce fut le premier vrai chagrin de Liova.

L’enfant ne voulait pas être qu’un simple spectateur, il enrageait que son bulletin de naissance le tienne à l’écart des combats et lui interdise les sacrifices les plus héroïques. Il frauda sur son âge pour entrer au Komsomol, participa en acharné aux « samedis communistes », milita avec les ouvriers boulangers. Il poursuivait ses études, se faisant souvent répétiteur. Plus tard, étudiant à l’Institut des sciences et techniques de Moscou, Léon Sedov alla vivre dans une « commune ». Il admirait et adorait son père mais ne lui demanda jamais que le privilège de l’accompagner parfois au front. Il redoutait par-dessus tout de bénéficier des possibilités dont il jouissait normalement mais qui, pour lui, eussent été des privilèges.

Communiste convaincu, identifiant la cause du communisme à celle du père, il se lança à corps perdu dans la bataille de l’Opposition avec ses amies d’enfance, Nadejda Joffe, Nina Vorovskaia dont il fut amoureux mais qui lui préféra son ami Tcheslav Kozlovsky, de deux ans plus âgé. Il était à la fois sentimental et coureur, vrai « cœur d’artichaut ». Il n’avait pas vingt ans quand il se maria avec Anna Metallikova, belle ouvrière blonde qui lui donna un fils, Lev Lvovitch Sédov, qu’on appela Lioulik. En 1927, avec l’ancien forçat et chef d’armée S. V. Mratchkovsky, il effectua pour l’Opposition unifiée une tournée dans l’Oural qui l’enthousiasma.

L’exil du père exigeait un choix. Léon Sedov renonça à sa vie personnelle, laissa à Moscou Anna et Lioulik et partit en exil volontaire ; à Alma Ata puis, dans les premières années du séjour en Turquie, il fut l’homme indispensable, à tout faire, secrétaire et adjoint, homme de confiance, technicien, intendant. Il avait avec le père de violents conflits et songea sérieusement en 1929 à rentrer au pays.
C’est avec une Française qu’il connut en Turquie sa grande passion. Jeanne Martin des Pallières était venue à Prinkipo avec son mari Raymond Molinier et elle était restée pour aider Trotsky comme secrétaire et Natalia comme aide-ménagère. Bientôt commença entre eux une liaison orageuse, marquée au début par l’angoisse du jeune homme, la peur qu’il éprouvait des entreprises de reconquête et de l’influence du mari, puis par la jalousie ombrageuse d’une jeune femme possessive.

C’est pour reprendre ses études interrompues, mais aussi pour vivre de façon indépendante, qu’il alla se fixer à Berlin en 1931 avec Jeanne. Léon Sedov mena de front ses études, la recherche de documents pour son père, l’activité du Secrétariat international et de la section allemande infiltrée par le GPU et surtout « le travail russe » : organisation de voyages en URSS, collecte d’informations, correspondance clandestine avec anciens et nouveaux contacts, fabrication du Biulleten Oppositsii. L’organisation bolchevik-léniniste en URSS avait été détruite, mais il restait quelques militants, un réseau lâche qu’il joignait avec d’infinies précautions, une « vraie marquetterie ». Il rencontra à Berlin des hommes importants comme IN. Smirnov en 1931, IP. Gaven en 1932. Le contact de 1931 déboucha sur la formation, par le groupe qu’il appelait « trotskystes ex-capitulards » de Smirnov et autres, du « Bloc des Oppositions » de 1932.

À partir de 1932, il eut en outre la responsabilité de sa demi-sœur, Zinaïda, venue habiter Berlin et rejointe par son petit garçon Siéva. Après le suicide de Zinaïda en janvier 1933, Jeanne et Liova recueillirent Siéva. Léon Sédov avait fait un bref séjour à Paris en 1931 pour se faire opérer d’un strabisme gênant et avait eu bien de la peine à obtenir un visa, refusé dans un premier temps par le gouvernement de droite, puis arraché grâce au ministre Anatole de Monzie. En 1932, ce fut sa mère qui obtint d’Édouard Herriot le visa qui lui permit de traverser la France avec ses parents retour de Copenhague. En 1933, c’était plus sérieux : c’était un asile politique qu’il demandait à la France où il comptait achever ses études et continuer de militer. Sa candidature bénéficia de nombreux appuis, depuis Anatole de Monzie jusqu’à Victor Basch en passant par Madame de Saint-Prix, fille de l’ancien président Émile Loubet.

Installé d’abord dans un hôtel rue de la Sorbonne, il trouva un appartement qui appartenait au peintre André Savanier, ami d’Alfred Rosmer. C’est à cette occasion qu’il connut la jeune femme du peintre, Hélène, qui fut sa dernière passion amoureuse. Il vécut ensuite à Paris, rue Lacretelle, toujours avec Jeanne et désormais avec le petit Siéva, revenu de Vienne où il avait été mis en pension chez des éducateurs spécialisés amis.

Quelques mois après, Léon Sedov retrouva à nouveau ses parents. Il organisa le débarquement à Cassis et le voyage à Royan où il eut avec son père une grande conversation affectueuse, la dernière. Il milita activement en France à la construction de la IVe Internationale, multiplia les contacts internationaux en 1933 et organisa les voyages à Royan, et plus tard à Domène. Il vit aussi d’autres voyageurs d’URSS : ainsi, introduit par Marcel Body, le Dr Lévine, médecin du Kremlin, qui allait périr dans le troisième procès de Moscou et qui était venu s’enquérir des réactions éventuelles de Trotsky aux projetsiu de Kirov.

À partir de 1935, sa position devint très difficile, Jeanne ayant choisi dans la scission des trotskystes français le groupe opposé à Trotsky et dirigé par son mari Raymond Molinier. Il s’appuya sur deux collaborateurs soviétiques nouveaux, Mordka Zborowski*, dit Marc et Étienne, que Jeanne avait connus dans l’organisation française, et Lola Estrine, qu’il avait rencontrée chez Boris Nicolaevsky. Il s’efforça d’organiser à Paris un comité de défense des prisonniers politiques : il fallait défendre aussi les prisonniers des capitalistes abandonnés par les staliniens, comme Chen Duxiu et MN. Roy. Il reprit contact avec Marcel Martinet*, Magdeleine Paz*, Henry Poulaille*, avec qui il allait beaucoup travailler.

La lutte contre les procès de Moscou fut son dernier combat, le plus important, le plus difficile, le plus épuisant. Léon Sédov vivait dans des conditions précaires, se sachant épié, suivi, traqué. Il dénonça un jour un homme qui l’avait filé jusqu’au Palais de justice. La police relâcha le suspect, Tchistoganov, dont on sut plus tard qu’il servait le GPU. Zborowski était un agent du GPU qui avait été infiltré chez les trotskystes puis « planté » auprès de lui. Un autre agent du GPU occupait l’appartement contigu au sien rue Lacretelle. Une femme du GPU, Renata Steiner, passa ses vacances d’été à Antibes dans la même pension de famille que lui, tenue par Hélène Savanier. Un commando de tueurs, qui comprenait cette femme, l’attendit plusieurs jours à l’hôtel de la Gare à Mulhouse où il avait rendez-vous avec un avocat suisse, ce dont Zborowski avait informé le GPU. Une maladie l’empêcha de venir.

Léon Sédov avait d’abord été désorienté par les aveux de Moscou. Pourquoi Smirnov ne reconnaissait-il pas ce qu’il avait réellement fait et proclamait-il au contraire des fables insoutenables ? Il songea un moment à dire toute la vérité mais y renonça très vite : trop de vies étaient en jeu. Il fit, ce que son père, réduit à l’impuissance en Norvège, ne pouvait faire. Il éplucha comptes rendus des procès et presse et écrivit son Livre rouge sur les procès de Moscou, solide réquisitoire contre l’imposture stalinienne et base de tous les travaux ultérieurs.

Léon Sédov fut ensuite le principal « enquêteur » de la commission Dewey. Il avait à retrouver ou à susciter documents et témoignages, les reproduire, les organiser, les expédier à son père et à la commission. Il fut l’architecte et le témoin principal de la commission rogatoire parisienne. Il anima à Paris le Comité de défense des accusés de Moscou et de la liberté d’opinion dans la révolution. Le plus gros du travail de la commission Dewey reposa en fait sur ses épaules surchargées. Cet homme courageux et dur avait fondu en larmes dans la rue en apprenant par un journal que les « seize » accusés d’août 36 avaient été fusillés. Chaque information de Moscou était un clou enfoncé dans sa chair. Le vol en novembre 1936 des archives de son père, qu’il avait confiées à B. Nicolaevsky à l’annexe parisienne de l’Institut d’histoire sociale d’Amsterdam, l’atteignit profondément et le culpabilisa au point qu’il cacha à son père l’importance du vol et la nature des pièces volées. Le GPU avait été informé par Zborowski. Ses rapports avec son père qui supportait, lui aussi, une terrible pression étaient de plus en plus tendus, douloureux. Il s’en plaignait à sa mère, conscient que c’était leur lot. C’est peut-être ce qui, autant que sa soif d’action, lui inspira le projet d’aller combattre en Espagne dans les milices du POUM, rêve de retrouver le romantisme de la révolution auquel il fallut renoncer. Il continua, discrètement aidé par les Rosmer et Marcel Martinet, parlant dans des réunions publiques, écrivant dans la presse, menant par exemple une remarquable polémique contre Gabriel Péri dans Marianne.

En février 1938, Léon Sédov dut être hospitalisé d’urgence pour une appendicite devenue péritonite. Le manque d’argent, le goût d’être avec ses compatriotes, les soucis de clandestinité le conduisirent chez un médecin russe, puis dans une clinique russe tenue par le Dr Girmounsky (soupçonné plus tard d’être du GPU) sans en informer ses camarades français. Il mourut dans des conditions d’autant plus suspectes que Zborowski avait là aussi informé ses supérieurs. Comment le GPU aurait-il laissé passer l’occasion de se débarrasser ainsi de celui que ses agents appelaient le fiston » et qu’ils avaient traqué depuis des années ?

À son arrivée à Paris, le Soviétique A. Barmine avait fait sa connaissance et décrit « cet homme jeune encore, négligemment vêtu comme un ouvrier parisien, prématurément fatigué, mais plein de vie, l’esprit aiguisé, le rire prompt et cordial (...), débordant de projets » qui l’interrogea « avidement », plaisantant même sur le thème des procès, « mais avec une immense amertume ».

Source :

https://maitron.fr/spip.php?article130859

« La mort de Léon Sédov infligea la blessure la plus profonde, et à l’endroit le plus vulnérable. Lev Davidovitch et Natalia Ivanovna se sont enfermés dans leur chambre et ont refusé de voir personne. Pendant toute une semaine, ils ne sont plus sortis de leur chambre et une seule personne avait le droit d’entrer pour amener le courrier et la nourriture, dont ils mangèrent très peu.

Ce furent des jours affreux pour tous les membres du secrétariat. Nous n’avons plus vu ni L.D. ni Natalia. Nous ne savions pas comment ils allaient et nous redoutions les conséquences sur eux de cette tragédie. Nous avons déménagé les machines à écrire, le téléphone, et même les sonnettes des portes à la maison de la garde, pour qu’ils ne les entendent pas de leur chambre. Leur coin de la maison [sise à Coyoacan, alors en bordure sud de Mexico City] a été plongé dans un silence de mort. L’air était oppressant, comme si toute la chaîne de montagne de Mexico pesait de tout son poids sur cette seule maison.

Le coup était d’autant plus dur que Léon Sédov était non seulement leur seul enfant survivant, mais avait été le plus proche collaborateur littéraire et politique de Trotsky. Quand Trotsky était interné en Norvège, bâillonné, interdit de pouvoir répondre aux accusations lancées contre lui lors du premier procès de Moscou (août 1936), Sédov avait publié Le Livre Rouge, qui, en démasquant brillamment les faussaires de Moscou, avait porté un coup irréparable au prestige du GPU.

Durant ces jours sombres, après que la tragique nouvelle nous fut parvenue, quand Lev Davidovitch et Natalia Ivanovna étaient enfermés dans leur chambre, il a écrit l’histoire de la courte vie de leur fils. C’était la première fois depuis avant la Révolution que Trotsky écrivait à la main.

Le huitième jour, Léon Trotsky est sorti de la chambre. A sa vue, j’ai été pétrifiée. Lui toujours si propre et méticuleux, ne s’était pas rasé depuis une semaine. Son visage était profondément marqué. Ses yeux étaient gonflés d’avoir trop pleuré. Sans prononcer un mot, il m’a tendu le manuscrit, Léon Sédov, fils, ami, combattant, qui contenait parmi les passages les plus poignants de ses écrits. Un passage disait : « J’ai informé Natalia de la mort de notre fils, en ce même mois de février où il y a 32 ans, elle était venue m’apprendre en prison la nouvelle de sa naissance. Ainsi s’achevait ce jour du 16 février, le plus noir de nos vies personnelles… Avec notre fils est mort tout ce qui restait encore jeune en nous… »

Mais même ce terrible deuil n’a pas diminué l’ardeur de Trotsky pour la cause révolutionnaire. La brochure était dédiée « à la jeunesse prolétarienne ». Si le GPU avait compté sur ce coup pour l’abattre, ils s’étaient trompés d’homme. »

Raya Dunayevskaya

L’organisateur stalinien de l’assassinat :

https://www.wsws.org/fr/articles/2013/06/zbor-j29.html

L’enquête sur la mort de Léon Sédov :

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/07/lt19380719a.htm

Léon Trotsky

20 février 1938

Léon Sédov

le fils – l’ami – le militant

dédié à la jeunesse prolétarienne

A l’instant où j’écris ces lignes, à côté de la mère de Léon Sédov, des télégrammes me parviennent de divers pays, m’apportant l’expression de condoléances. Et chacun de ces télégrammes suscite la même et insupportable question :

"Ainsi tous nos amis de France, de Hollande, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Canada et d’ici, au Mexique, considèrent comme définitif le fait que Sédov ne soit plus ? "

Chaque télégramme est une preuve nouvelle de sa mort. Et pourtant, nous ne pouvons encore y croire. Et non pas seulement parce qu’il est notre fils, fidèle, dévoué, aimant. Mais avant tout, parce que plus que quiconque au monde, il est entré dans notre vie, s’y est lié avec ses racines, comme camarade d’idées, comme collaborateur, comme gardien, comme conseiller, comme ami.

De cette génération aînée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, sur la route de la Révolution, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n’ont pu faire les bagnes du tsar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d’émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l’a fait au cours des dernières années, comme le fléau le plus malfaisant de la révolution. Après la génération aînée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c’est-à-dire celle qu’a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation dans les 24 armées du front révolutionnaire. Piétinée sans traces la meilleure partie de la jeunesse, de la génération de Léon. Lui-même n’y a échappé que par miracle : grâce au fait qu’il nous a accompagnés en déportation et ensuite en Turquie. Au cours des années de notre dernière émigration, nous avons acquis de nombreux amis, et quelques-uns d’entre eux sont entrés étroitement dans la vie de notre famille, jusqu’à pouvoir être considérés comme ses membres. Mais tous nous ont approchés pour la première fois seulement dans ces dernières années, quand nous avons atteint le seuil de la vieillesse. Seul Léon nous a connu jeunes, et a participé à notre existence depuis le temps, où il a pris conscience de lui-même. Demeuré jeune, il fut comme de notre génération.

Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

Encore tout enfant – il allait sur ses douze ans – il avait à sa manière assimilé consciemment le passage de la révolution de février à celle d’octobre. Son adolescence s’est passée sous une haute pression. Il s’est ajouté une année pour entrer plus vite aux Jeunesses Communistes, qui brûlaient alors de toutes les ardeurs d’une jeunesse éveillée. Les jeunes boulangers, au milieu desquels il menait sa propagande, le gratifiaient d’un petit pain frais, et il le rapportait joyeusement sous le pan déchiré de sa veste. Ce furent des années brûlantes et froides, grandioses et affamées.

De sa propre volonté, Léon quitta le Kremlin pour le logis en commun des étudiants prolétariens, afin de ne pas se distinguer des autres. Il refusait de s’asseoir avec nous dans l’auto, afin de ne pas jouir des privilèges des bureaucrates. En revanche, il prenait jalousement sa part dans tous les "samedis communistes" et autres "mobilisations de travail", il nettoyait la neige dans les rues de Moscou, "liquidait" l’analphabétisme, déchargeait le pain et le bois des wagons, et ensuite, en qualité d’élève polytechnicien, réparait les locomotives. Il ne s’est pas trouvé sur le front des opérations, c’est seulement parce que l’addition de deux et même trois années supplémentaires n’aurait pu l’aider : la guerre civile s’est terminée quand il avait seulement quinze ans. Mais plusieurs fois, il m’avait accompagné sur le front, s’imprégnant d’impressions sévères (rudes), et connaissait fermement le pourquoi de cette lutte sanglante.

Les derniers télégrammes d’agence ont appris que Sédov vivait à Paris "dans les conditions les plus modestes". Ajoutons, beaucoup plus modestes que celles des ouvriers qualifiés. Mais à Moscou, dons ces années où son père et sa mère occupaient de hautes fonctions, il ne vivait guère mieux que ces derniers temps à Paris, plutôt moins bien. Etait-ce une règle parmi la jeunesse bureaucratique ? Non, alors déjà, c’était une exception.

Dans ce garçon, et plus tard dans l’adolescent, et dans le jeune homme, le sentiment du devoir et du sacrifice s’est éveillé de bonne heure.

En 1923, Léon s’est brusquement et entièrement plongé dans le travail de l’opposition. II serait injuste de voir là seulement l’influence de ses parents. II avait quitté le bel appartement du Kremlin pour le logement en commun, froid, sale et sans pain, non seulement sans intervention de notre part, mais contre notre volonté.

Son orientation politique a été déterminée par ce même instinct qui l’incitait à préférer les tramways surchargés de monde aux limousines du Kremlin. La plate-forme de l’Opposition a seulement donné une expression politique aux traits organiques de son caractère. Léon rompait inflexiblement avec les étudiants amis, que leurs pères bureaucrates arrachaient à coups de griffes du "trotskysme", et retrouvait le chemin de ses amis boulangers.

Ainsi, à 17 ans, a commencé sa vie pleinement consciente de révolutionnaire. Il a vite assimilé l’art de la conspiration, des réunions illégales, de la presse secrète et de la diffusion des écrits oppositionnels.

Le Komsomol a rapidement formé les cadres de ses chefs oppositionnels.

Léon se distinguait par des qualités remarquables de mathématicien. Il venait infatigablement en aide aux étudiants prolétariens, n’ayant pas fait d’études secondaires. Et, dans ce travail, il mettait toute son ardeur, corrigeait, poussait en avant, grondant les paresseux. II considérait son jeune enseignement comme un service consacré à sa classe. Ses propres études à l’Institut technique supérieur se poursuivaient avec succès. Mais elles ne prenaient qu’une partie de sa journée de travail. La plus grande partie de son temps, il la donnait avec ses forces et son âme, à la cause de la révolution.

En hiver 1927, quand commença la destruction politique de l’Opposition, Léon achevait sa vingt-deuxième année. Il avait déjà un enfant qu’il venait nous montrer avec fierté au Kremlin. Sons une minute d’hésitation, il s’est arraché à sa jeune famille et à son école, pour partager notre sort en Asie Centrale. II agissait non seulement comme un fils mais, avant tout, comme un camarade d’idées ; il fallait avant tout assurer notre liaison avec Moscou.

Son travail à Alma-Ata, pendant toute une année, fut, en toute sincérité, incomparable. Nous le nommâmes ministre des Affaires étrangères, ministre de la police, ministre des P.T.T. Et, dans toutes ces fonctions, il fut obligé de s’appuyer sur un appareil illégal. Sur les instructions du Centre Oppositionnel de Moscou, le camarade X..., très dévoué et très sûr, avait acquis une voiture et une troïka de chevaux et travaillait en qualité de cocher indépendant entre Alma-Ata et Frounzé (Pichpek) alors station terminale de la ligne de chemin de fer.

Le travail qui lui était dévolu était de nous apporter, toutes les deux semaines, le courrier secret de Moscou et de rapporter nos lettres et manuscrits à Frounzé où l’attendait le courrier de Moscou. Parfois, des courriers spéciaux nous arrivaient de Moscou. Les rencontrer n’était pas une chose facile à faire.

Nous étions logés dans une maison de tous côtés entourée d’organisations de la Guépéou et des appartements de ses agents. Les rapports extérieurs reposaient sur Léon. Il quittait le logis par les nuits profondes, pluvieuses ou neigeuses, ou, trompant la vigilance des espions, il s’échappait dans la journée de la bibliothèque, retrouvant les agents de liaison à l’établissement des bains publics, ou dans les fourrés profonds, aux environs de la ville, ou encore au marché oriental où les Kirghizes grouillaient en foule, avec les chevaux, les ânes et les marchandises.

Chaque fois, il revenait frémissant et heureux, avec une flamme guerrière dans les yeux et avec des acquisitions précieuses cachées sous le linge. Ainsi, pendant une année, il fut imprenable à l’adversaire.

Et mieux que cela, il entretenait avec ces ennemis, "camarades" d’hier, les rapports les plus "corrects", presque "amicaux", montrant un self-contrôle et un tact constant et nous protégeant soigneusement de tout conflit avec l’extérieur.

La vie idéologique de l’opposition était alors à son apogée. C’était l’année du 6º Congrès du Komintern. Dans les colis de Moscou arrivaient des dizaines de lettres, articles, thèses de célébrités et d’inconnus.

Dans les premiers mois, jusqu’au changement brutal de la politique de la guépéou, de nombreuses lettres arrivaient aussi par la poste officielle des différents lieux de déportation.

Dans ce matériel varié, il fallait opérer une soigneuse discrimination. Et là, je ne me convainquais qu’avec étonnement comment, d’une manière pour moi imperceptible, cet enfant avait eu le temps de mûrir, comme il savait bien choisir parmi les hommes, il connaissait une quantité beaucoup supérieure d’oppositionnels que moi. Combien sûr était son instinct révolutionnaire, lui permettant de distinguer sans hésitation le vrai du faux, le réel du superficiel. Les yeux de sa mère, qui connaissait davantage son fils, s’illuminaient de fierté à nos entretiens.

D’avril à octobre, il nous arriva près de 1000 lettres politiques et documents et près de 700 télégrammes. Nous avons expédié, pour la même période, 800 lettres politiques, et, dans cette quantité, une série de travaux considérables comme la critique du programme du Komintern, etc. Sans mon fils, je n’aurais pu accomplir la moitié du travail.

Une aussi étroite collaboration ne signifiait pas, toutefois, que des frictions ne s’élevaient pas entre nous, et parfois des différents aigus.

Mes rapports avec Léon, pas plus à ce moment-là que plus tard, dans l’émigration, ne se distinguaient particulièrement – loin de là – par un caractère égal ni dépourvu d’aspérités.

Je ne m’élevais pas seulement contre ses appréciations catégoriques à l’égard de certains "vieux" de l’opposition par des rectifications et des semonces énergiques, mais encore, je laissais apparaître, dans mes rapports avec lui, l’exigence et le formalisme qui me sont inhérents dans les questions pratiques.

Ces traits peut-être utiles et même indispensables pour un travail de grande envergure, mais assez insupportables dans les relations privées, ont rendu la tâche difficile aux êtres qui me furent le plus proche. Et comme le plus proche d’entre tous les jeunes était mon fils, il a eu ordinairement plus à supporter que tous les autres. A un oeil superficiel, il pouvait même sembler que nos rapports étaient empreints de sévérité ou d’indifférence. Mais sous cette apparence existait un profond attachement réciproque, fondé sur quelque chose d’incomparablement plus grand que la communauté du sang : la communauté de vues et des jugements, les sympathies et les haines, les joies et les souffrances vécues ensemble, et les mêmes et grandes espérances. Et cet attachement mutuel s’illumina de temps à autre de flammes tellement vives, qu’elles récompensaient nos trois destins de la médiocre usure du quotidien.

Ainsi nous vécûmes à 4000 Kms de Moscou, à 250 Kms de la voie ferrée, une année difficile et inoubliable, qui est restée toute entière sous le signe de Léon, ou plus exactement de "Lévik" ou de "Levoussetki", comme nous l’appelions.

En janvier 1929, le bureau politique décréta mon bannissement "au-delà des limites de l’U.R.S.S." et, comme il s’est avéré, en Turquie.

Aux membres de ma famille fut laissé le droit de m’accompagner. De nouveau sans hésitation, Léon décida de nous suivre en exil, se séparant à jamais de sa femme et de son fils qu’il aimait beaucoup.

Dans notre vie s’ouvrit un nouveau chapitre, avec une page presque vierge : relations, amitiés, liaisons, il fallut nouer tout cela à nouveau. Et de nouveau notre fils devint pour nous tous l’intermédiaire dans les rapports avec le monde extérieur, le gardien, le collaborateur, le secrétaire, comme à Alma-Ata, mais sur un plan de beaucoup plus vaste. Les langues étrangères qu’il possédait, étant enfant, mieux que le russe, se trouvèrent presque oubliées dans la fièvre des années révolutionnaires.

II fallut les étudier à nouveau. On commença un travail littéraire approprié. Les archives et la bibliothèque étaient entièrement dans les mains de Léon. Il connaissait bien les oeuvres de Marx, d’Engels et de Lénine, il connaissait à merveille mes livres et manuscrits, l’histoire du parti et de la révolution, l’histoire des falsifications thermidoriennes. Dans le chaos même de la bibliothèque publique d’Alma-Ata, il avait étudié les collections de la Pravda des années soviétiques et avait tiré d’elles, avec un esprit d’investigation sans faille, les citations et les extraits indispensables. Sans cette documentation précieuse et sans les recherches ultérieures faites par Léon dans les archives et les bibliothèques, d’abord en Turquie, ensuite à Berlin, finalement à Paris, pas un des travaux que j’ai écrits au cours de ces dix dernières années n’eut été possible, et en partie L’Histoire de la Révolution Russe. Sa collaboration, incalculable par sa quantité, n’avait pourtant pas qu’un caractère "technique". Le choix personnel des faits, des citations, des caractéristiques, prédéterminait ma méthode de développement, ainsi que les conclusions. Dans la Révolution Trahie, il y a pas mal de pages écrites par moi sur les données de quelques lignes extraites des lettres de mon fils et des illustrations tirées par lui des journaux soviétiques qui m’étaient inaccessibles. Encore plus de matériaux m’ont été fournis par lui pour la biographie de Lénine. Une telle collaboration était seulement possible parce que notre solidarité idéologique était entrée dans le sang et dons les nerfs. Presque tous mes livres à partir de l’année 1928 devraient en toute justice porter le nom de mon fils à côté du mien.

A Moscou, il restait à Léon une année et demie jusqu’à l’achèvement de sa formation d’ingénieur. Nous insistions avec sa mère pour qu’il revint à l’étranger aux études abandonnées. Une nouvelle équipe de jeunes collaborateurs de tous les pays avait eu entre temps le loisir de se former à Prinkipo, en étroite collaboration avec mon fils. Léon ne consentit au départ que sous la pression du fait que, en Allemagne, il pouvait rendre d’inappréciables services à l’Opposition de gauche internationale.

Ayant repris à Berlin ses occupations estudiantines (il fallut repartir au commencement), Léon en même temps s’était consacré tout entier au travail révolutionnaire. Bientôt il entra au Secrétariat International en qualité de représentant de la section russe. Ses lettres d’alors à sa mère démontrent avec quelle rapidité il s’était assimilé à l’atmosphère politique de l’Allemagne et de l’Europe Occidentale, comme il savait bien distinguer parmi les hommes et discerner parmi leurs divergences et les nombreux conflits de cette période infantile de notre mouvement. Son instinct révolutionnaire, enrichi déjà d’une sérieuse expérience, l’aidait à trouver la voie juste dans presque tous les cas, d’une manière indépendante. Comme nous nous réjouissions de trouver dans ses lettres fraîchement décachetées, les mêmes raisonnements et conclusions que je recommandais la veille à son attention. Et combien, passionnément et sobrement, se réjouissait-il de telles rencontres dans nos idées. Le recueil des lettres de Léon constituera indubitablement une des sources les plus précieuses pour l’étude de la préhistoire intérieure de la Quatrième Internationale.

Mais les affaires russes demeuraient au centre de ses préoccupations. Encore à Prinkipo, il devint l’éditeur effectif du Bulletin de l’Opposition russe dès son apparition (mi-1929 et avait complètement pris en charge ce travail dans ses mains depuis son départ à Berlin ( début 1931 ), d’où le Bulletin fut transféré à sa suite à Paris. La dernière lettre de Léon que nous avons reçue, écrite le 4 Février 1938, douze jours avant sa mort, commence par ces mots :

"Je vous envoie les épreuves du Bulletin, car le prochain bateau ne partira pas de sitôt, et le Bulletin ne sera prêt que demain matin."

La sortie de chaque numéro fut un petit événement dans sa vie – petit événement qui coûtait de grands efforts –. La composition du Bulletin, la finition des matériaux bruts, la rédaction des articles, une correction minutieuse, l’expédition, la correspondance avec les amis et les correspondants et ce qui ne vient pas à la dernière place, ce qui n’était pas le moins important la recherche des moyens financiers. En revanche, comme il s’enorgueillissait de chaque numéro "réussi". Dans les premières années de l’émigration, il entretenait une correspondance considérable avec les oppositionnels en U.R.S.S. Mais en 1932, la Guépéou rompit presque tous nos liens.

II fallut chercher des informations fraîches par des voies détournées.

Léon était toujours sur le "qui-vive", cherchant avidement des tuyaux de Russie, s’emparant des touristes revenus d’U.R.S.S., des étudiants soviétiques en mission et des fonctionnaires sympathisants des Représentations à l’étranger. Il parcourait Berlin pendant des heures entières et ensuite Paris, pour semer les agents de la Guépéou à sa poursuite et ne pas compromettre ses informateurs. Pendant toutes ces années, il n’y eut pas un cas où quelqu’un eût à souffrir de son manque de vigilance, de son inattention ou de son manque de discernement.

Sur les rapports de la Guépéou, il figurait sous le sobriquet de "fiston", ainsi que nous en informait l’infortuné Reiss ; on a dit plus d’une fois à la Lublianka :

"Le "Fiston" travaille habilement, le "Vieux" l’aurait dure sans lui."

C’était la vérité. La tâche n’eût pas été facile sans lui ! Justement pour cette raison, les agents de la Guépéou, pénétrant aussi dans les organisations de l’Opposition, entouraient Léon d’un filet épais d’observations, d’intrigues, de pièges. Dans les procès de Moscou, son nom figurait invariablement à côté du mien. Moscou cherchait le moyen d’en finir à tout prix avec lui.

Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Bulletin de l’Opposition fut immédiatement interdit. Léon passa en Allemagne encore quelques semaines, menant un travail illégal et se cachant de la Gestapo dans les appartements étrangers. Nous sonnâmes l’alarme avec sa mère, insistant sur un départ immédiat de l’Allemagne. Au printemps 1933, Léon se décida enfin à abandonner un pays qu’il avait eu le temps de connaître et d’aimer et se logea à Paris où le suivit le Bulletin. Ici, Léon recommença ses études à nouveau : il fallut passer un examen dans une école française d’enseignement secondaire, ensuite, pour la troisième fois, recommencer en Sorbonne, depuis le début, ses études de Physique et de Mathématiques à la Faculté des Sciences. Il vivait à Paris dans des conditions difficiles, dans le besoin, s’occupant par à-coups de ses études universitaires, mais, grâce à des dispositions remarquables, il put mener ses études à bonne fin, c’est-à-dire jusqu’au diplôme.

Ses principaux efforts, à Paris, étaient consacrés, encore plus qu’à Berlin à la révolution et à une collaboration littéraire avec moi. Dans les dernières années, Léon commença à écrire lui-même plus systématiquement pour la presse de la Quatrième Internationale. A des signes divers, notamment à la rédaction de ses mémoires, pour mon autobiographie, j’ai commencé à soupçonner en lui, encore à Prinkipo, des dispositions littéraires. Mais il était surchargé par toutes sortes d’autres travaux, et, comme les idées et les thèmes nous étaient communs, il me consacrait toujours son activité d’écrivain.

En Turquie, il écrivit, à ce qu’il m’en souvient, seulement un article de dimensions plus importantes : "Staline et l’Armée Rouge ou comment on écrit l’histoire", sous la signature de Markine, matelot révolutionnaire, auquel l’unissait, dans ses années d’enfance, une amitié colorée d’une véritable adoration. Ce travail entra dans mon livre "Les crimes de Staline". Ultérieurement, ses articles ont paru toujours plus fréquemment, dans les pages du Bulletin et autres publications de la Quatrième Internationale, chaque fois sous la pression des nécessités. Léon écrivit seulement quand il avait quelque chose à dire et qu’il savait que nul autre ne pourrait l’exprimer mieux. Dans la période norvégienne de notre vie, je recevais de divers côtés des lettres me demandant d’analyser le mouvement stakhanoviste, qui atteignit, dans une certaine mesure, notre mouvement à l’improviste. Quand il apparut que le prolongement de ma maladie ne pourrait me permettre de faire face à ce problème, Léon me fit parvenir le projet de son article sur le stakhanovisme avec une lettre d’introduction très modeste. Le travail me parut, par son sérieux et par sa pénétration, embrasser la question sous tous ses aspects, plein de concision et de relief dans l’argumentation.

Je me souviens quelle joie causa mon approbation chaleureuse à Léon. L’article fut imprimé en plusieurs langues et établit immédiatement un point de vue juste sur l’édification socialiste sous le fouet de la bureaucratie. Des dizaines d’articles ultérieurs n’ont rien ajouté de concret à cette analyse.

Le principal ouvrage littéraire de Léon fut toutefois son livre "Le Procès de Moscou", consacré au procès des seize (Zinoviev, Kamenev et autres) et publié en français et en allemand. Nous nous trouvions alors, avec ma femme, dans la prison norvégienne, pieds et mains liés, sous les coups de la plus monstrueuse des calomnies. A certains degrés de la paralysie, les êtres voient, entendent et comprennent tout, mais sont incapables de remuer le petit doigt pour écarter un danger mortel.

Le gouvernement "socialiste" norvégien nous contraignit à cette paralysie politique. Dans ces conditions, le livre de Léon fut pour nous un présent inappréciable, première et cinglante réplique aux falsifications du Kremlin. Je me souviens que les premières pages m’en parurent plutôt pâles ; ceci parce qu’elles répétaient une appréciation politique de l’ensemble de la situation en U.R.S.S. déjà faite précédemment.

Mais à partir du moment où l’auteur a abordé l’analyse personnelle du procès lui-même, je me suis senti tout à fait entraîné. Chaque nouveau chapitre me paraissait meilleur que le précédent. "Bravo, Levoussetka, " nous disions nous avec ma femme. "Nous avons un défenseur ! " Comme ses yeux devaient briller joyeusement en lisant nos louanges chaleureuses !

Dans certains journaux, et en partie dans l’organe central de la social-démocratie danoise, on émettait la conviction que, malgré les conditions rigoureuses de l’internement, j’avais visiblement trouvé le moyen de prendre part à l’ouvrage paru sous le nom de Sédov. "On sent la main de Trotsky". Tout cela, inventions ! Dans le livre, il n’y a pas une ligne de moi.

Beaucoup de camarades qui étaient enclins à considérer Sédov seulement comme le fils de Trotsky – comme en Karl Liebknecht, on n’a vu pendant longtemps que le fils de Wilhelm Liebknecht – ont eu la possibilité de se convaincre, ne fut-ce QUE PAR ce livre, qu’il représentait une personnalité indépendante, mais une personnalité d’envergure.

Léon écrivait comme il faisait tout le reste, c’est-à-dire consciencieusement : il étudiait, réfléchissait, vérifiait. La gloire littéraire lui était étrangère. Les déclamations de propagande ne le séduisaient guère. En même temps, chaque ligne écrite par lui est illuminée par une flamme vivante dont la source était son rare tempérament révolutionnaire.

Les événements de sa vie privée et familiale de notre époque, ont formé son caractère et l’ont trempé. En 1905, sa mère attendait sa naissance dans une prison de Pétersbourg.

Le vent de libéralisme l’en a fait sortir en automne. l’enfant est venu au monde en février de l’année suivante. A ce moment-là, j’étais déjà en prison. Voir mon fils pour la première fois ne me fut possible que treize mois après, lors de l’évasion de Sibérie. Ses toutes premières impressions furent imprégnées du souffle de la première révolution russe, dont la défaite nous jeta en Autriche. La guerre frappa la conscience de ce garçon de huit ans, en nous rejetant en Suisse. Mon expulsion fut la seconde de ses grandes leçons.

Sur le paquebot, il tenait des conversations révolutionnaires mimées avec le chauffeur catalan. La révolution signifiait pour lui tous les biens et, avant tout, le retour en Russie. Sur la route du retour d’Amérique, à Halifax, Lévik, âgé de douze ans, avait frappé du poing un officier britannique. II savait qui frapper : non les matelots qui m’emportaient du navire, mais l’officier qui commandait. Au Canada, au moment de mon internement au camp de concentration Léon apprit à dissimuler et à jeter furtivement à la boite les lettres non contrôlées par la police. A Pétrograd, il fut brusquement plongé dans une atmosphère de poursuite anti-bolchévique.

A l’école bourgeoise où il se trouva d’abord, les fils de libéraux et des S.R. le battaient parce que fils de Trotsky.

Il vint un jour au Syndicat des ouvriers du bois où travaillait sa mère, avec la main ensanglantée ; c’était le résultat d’une explication politique avec les fils des kérenskystes. Il se joignait dans la rue à toutes les manifestations et se cachait dans les portes cochères des forces armées du Front Populaire de l’époque (coalition des cadets, des S.R. et des menchéviks). Après les journées de juillet, amaigri et pâle il me rendait visite dans la prison de Kérenski et de Tséretelli. Dans la famille d’un colonel ami, au cours d’un déjeuner, Léon et Serge se jetèrent armés de couteaux sur un officier qui avait déclaré que les bolchéviks étaient des agents du Kaiser. Ils répondirent d’une manière à peu près analogue à l’ingénieur Sérébrowsky, plus tard membre du C.C. stalinien qui essaya de les persuader que Lénine était un espion allemand.

Lévik apprit tôt à faire grincer ses jeunes dents à la lecture de la calomnie des journaux. Il passa les journées d’Octobre avec le matelot Markine qui, à ses heures de loisir, lui enseignait l’art du tir, dans la cave.

Ainsi s’est formé le futur militant. La révolution n’était pas pour lui une abstraction, oh, non ! Elle le pénétrait par les pores de sa peau. C’est pourquoi il agissait sérieusement avec le devoir révolutionnaire commençant par les volontaires des samedis communistes et finissant par les traînards. C’est pourquoi plus tard, il est entré si ardemment dans la lutte contre la bureaucratie. En automne 1927, Léon accomplissait un voyage oppositionnel à travers l’Oural, en compagnie de Mratchkowsky et de Deloborodov. Au retour tous deux parlaient avec un enthousiasme sincère de la conduite de Léon, au cours d’une lutte aiguë et sans espoir, de ses interventions sans compromis aux réunions de la jeunesse, de son courage physique devant les bandes d’apaches suscitées par la bureaucratie, de sa virilité morale, lui permettant de subir la défaite en portant haut sa jeune tête. Quand il revint de l’Oural, devenu homme en six semaines, j’étais déjà exclu. II fallait s’apprêter pour la déportation.

Il n’y avait en lui aucun manque de discernement, ni aucune forfanterie, loin de là. Mais il savait que le danger était l’essence de la révolution comme de la guerre. Il savait, quand il le fallait, et il le fallait souvent, aller au devant du danger. Sa vie, en France, où la Guépéou a des amis à tous les étages de l’édifice étatique, était une chaîne ininterrompue de dangers. Des assassins professionnels étaient sans relâche à ses trousses. Ils vivaient à côté de son appartement. Ils volaient ses lettres, ses archives et écoutaient ses conversations téléphoniques. Quand après sa maladie, il passa deux semaines sur les bords de la Méditerranée, son seul repos au cours de longues années, les agents du Guépéou prirent pension au même hôtel. Quand il se prépara à partir pour Mulhouse afin de rencontrer l’avocat suisse, à propos de l’affaire des calomnies staliniennes dans la presse, toute une bande de la Guépéou l’attendait à la gare de Mulhouse, celle-là même qui, plus tard assassina Ignace REISS. Léon échappa à une perte certaine, seulement grâce à ce que, tombé malade la veille, il ne pouvait quitter Paris avec une température de 40º. Tous ces faits sont établis par les autorités judiciaires de France et de Suisse. Et combien de secrets restent-ils non encore dévoilés ? Ses amis les plus proches nous écrivaient il y a trois mois, qu’à Paris, il courait un trop grand danger, et insistaient pour son départ pour le Mexique. Léon répondait que le danger était certain à Paris, mais que c’était un poste de combat trop important et que l’abandonner serait criminel. II ne restait qu’à s’incliner devant cette raison.

Quand, à l’automne de l’année dernière, commença une série de rupture entre les agents soviétiques à l’étranger, le Kremlin et la Guépéou, Léon se trouva au centre de ces événements. Certains amis protestaient contre ses relations avec ces nouveaux alliés non encore "éprouvés " : une provocation était possible. Léon répliquait : le risque est indéniable, mais impossible de développer ce mouvement important en restant à l’écart. Il fallait prendre Léon, cette fois encore, tel que l’avaient fait la nature et les circonstances politiques. Comme un vrai révolutionnaire, il appréciait la vie seulement dans la mesure où elle servait la lutte libératrice du prolétariat.

Le 16 février, les journaux mexicains du soir imprimèrent un court télégramme annonçant la mort de Léon Sédov à la suite d’une intervention chirurgicale. Pris par un travail urgent, je n’avais pas vu ces journaux. Diégo Rivera contrôla par radio de sa propre initiative et vint m’apporter la terrible nouvelle. Au bout d’une heure, j’ai appris la mort de notre fils à Natalia – dans ce même mois de février où, 32 ans plus tôt, elle m’avait appris en prison sa naissance. Ainsi s’acheva ce 16 février, la journée la plus noire de notre vie privée.

Nous nous attendions à beaucoup, presque à tout, mais pas à cela. C’est que très peu de temps avant, Léon nous avait fait part de son intention d’entrer comme ouvrier dans une usine. En même temps, il exprimait l’espoir d’écrire, pour un centre d’études, l’histoire de l’opposition russe. II était rempli de projet. Seulement deux jours avant que la nouvelle de sa mort ne nous parvint, nous reçûmes de lui une lettre énergique et pleine de vie, datée du 4 février. Elle est devant moi. "Nous nous préparons au procès en Suisse ; l’affaire concerne la mise en jugement des participants à l’assassinat d’Ignace Reiss, écrivait-il l’atmosphère y est très favorable en ce qui concerne l’opinion publique et aussi l’attitude des autorités. " Il énumérait une série d’autres faits et symptômes favorables. "En somme, nous marquons des points. " La lettre respirait la confiance dans l’avenir. D’où provenait donc ce mal et cette mort fulgurante au bout de 12 jours ?

Première et essentielle supposition : le poison. Trouver accès auprès de Léon, de ses vêtements, de sa nourriture n’offrait guère de difficultés aux agents de Staline. Est-ce qu’une enquête judiciaire, même libérée des raisons diplomatiques peut, à cet égard, parvenir à la pleine lumière ? En relation avec la guerre, la chimie et l’art de l’empoisonnement ont atteint, ces temps derniers, un développement tout particulier. Les secrets de cet art sont à vrai dire inaccessibles aux simples mortels. Mais aux empoisonneurs de la Guépéou tout est accessible. Il est tout à fait possible d’admettre qu’un tel poison, ne laissant pas de traces après le décès, même à la plus minutieuse des analyses. Et où sont les garanties de la minutie ?

Ou bien l’ont-ils tué sans le secours de la chimie ? Il a fallu trop supporter à ce jeune être, très sensible et très tendre, dans les profondeurs de sa nature. Une campagne de plusieurs années déjà contre son père et les meilleurs de ses camarades aînés, que Léon s’est habitué dès l’enfance à respecter et à aimer, avait profondément secoué son organisme moral. Une longue suite de capitulations des participants de l’opposition ne lui a pas porté un coup moins rude. Ensuite suivit le suicide à Berlin de Zina, ma fille aînée, que Staline avait traîtreusement, par pure vengeance, arrachée de ses enfants, de sa famille, de son milieu. Léon se trouva sur les bras le cadavre de sa soeur aînée et un enfant de 6 ans. Il résolut d’essayer d’obtenir une communication téléphonique avec son frère cadet, Serge, à Moscou. Est-ce que la Guépéou avait perdu la tête devant le suicide de Zina, ou espérait-elle surprendre quelque secret, le fait est que la communication fut établie, contre toute attente, et Léon réussit à communiquer de vive voix la nouvelle tragique à Moscou. Telle fut l’ultime conversation des deux frères, condamnés déjà, sur le corps encore chaud de leur soeur. Les communications de Léon à Prinkipo sur ce qu’il venait de vivre furent courtes, avares, mesurées. Il nous épargnait trop. Mais sous chaque ligne se sentait l’insupportable tension morale.

Les difficultés matérielles et les privations, Léon les supportait facilement, comme un vrai prolétaire, en plaisantant mais elles aussi, naturellement, laissèrent leur trace. Infiniment plus destructives furent les épreuves morales ultérieures. Le procès des seize à Moscou, le caractère monstrueux de l’accusation, les dépositions hallucinantes des accusés, et dans ce monde Smirnov et Mratchkowsky, que Léon connaissait bien et aimait, l’internement inattendu de son père et de sa mère en Norvège, quatre mois sans nouvelles, le vol des archives, notre déportation secrète avec ma femme au Mexique, le deuxième procès de Moscou, avec des accusations et des aveux encore plus délirants, la disparition de son frère Serge, sous l’accusation "d’empoisonnement d’ouvriers ", les innombrables exécutions d’hommes qui furent autrefois des amis proches ou qui le restèrent jusqu’au bout, les poursuites et lès attentats de la Guépéou en France, l’assassinat de Reiss en Suisse, le mensonge, la bassesse, la trahison et les pièges – non, le "stalinisme" – était pour Léon autre chose qu’un phénomène politique abstrait, mais une série ininterrompue de coups moraux et de défaites psychiques. Fallut-il aux spécialistes moscovites recourir à la chimie afin de parachever leur oeuvre, ou suffisait-il de tout ce qu’ils avaient fomenté auparavant, le résultat demeure le même : ILS L’ONT ASSASSINE. Et la nouvelle de sa mort fut marqué comme un grand triomphe au calendrier thermidorien.

Avant de le tuer, ils firent tout pour calomnier et noircir notre fils aux yeux des contemporains et des générations à venir. Caïn-Djougachvili et ses acolytes essayèrent de transformer Léon en agent du fascisme et en partisan secret d’une restauration capitaliste en URSS, en organisateur de catastrophes de chemin de fer et en assassin d’ouvriers. Grands furent les efforts de ces crapules ! Des tonnes de boue thermidorienne tombent sur sa jeune image sans y laisser une seule tâche. Léon était essentiellement un être humain d’une propreté et d’une honnêteté transparentes. II pouvait raconter sa vie à n’importe quelle assemblée ouvrière, sa vie brève par ses jours comme court est mon récit.

II n’avait rien à se reprocher, rien à sceller. L’honnêteté morale était le fil conducteur de son caractère. II servait sans fléchir la cause des opprimés et, en cela, il restait fidèle à lui-même. Des mains de la nature et de l’histoire, il est issu homme d’une trempe héroïque. Les grands et terribles événements qui s’approchent de nous auront besoin de tels êtres. Si Léon avait vécu jusqu’à ces événements, il aurait montré sa vraie mesure. Mais il ne les a pas atteints. Notre Léon n’est plus, notre enfant, notre fils et militant héroïque !

Avec sa mère, qui fut pour lui l’être le plus proche en ce monde, nous vivons ces heures terribles, évoquant son image, trait pour trait, ne pouvant croire qu’il n’est plus, et pleurons car il n’est plus possible de ne pas le croire.

Comment nous habituer à cette idée qu’est disparu, sur l’étendue terrestre, le lumineux point humain, qui nous fut lié par les fils indestructibles des souvenirs communs, de la compréhension mutuelle et d’un tendre attachement. Personne ne nous connaissait ni ne nous connaît comme lui, avec nos côtés forts et nos côtés faibles. II était une part, la part jeune de nous deux. Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune.

Adieu, Léon ! Adieu, cher et incomparable ami ! Nous ne pensions pas, avec ta mère, nous ne nous attendions pas à ce que le sort nous chargeât de cette terrible tâche : écrire ta nécrologie. Nous vivions avec la ferme certitude que longtemps après nous encore, tu serais le continuateur de l’oeuvre commune. Mais nous n’avons pas su te protéger. Adieu Léon ! Nous léguons ta pure mémoire à la jeune génération ouvrière de ce monde. Tu auras droit de cité dans les oeuvres de ceux qui travaillent, souffrent et luttent pour un monde meilleur.

JEUNESSE RÉVOLUTIONNAIRE DE TOUS LES PAYS, PRENDS NOUS LE SOUVENIR DE NOTRE LÉON, ADOPTE LE, IL LE MÉRITE ET QUE, DÉSORMAIS, IL PARTICIPE INVISIBLE A TES LUTTES, PUISQUE LE SORT LUI A REFUSÉ LE BONHEUR DE PRENDRE PART A LA VICTOIRE FINALE.

LÉON TROTSKY

20 février 1938 – COYOACAN (Mexique)


Lev Sedov est le troisième enfant de Léon Trotsky qui eut deux filles (Zinaïda et Nina) d’une précédente union. Sa mère est Natalia Sedova, militante du groupe de l’Iskra (« L’étincelle »), qui restera la compagne de Trotsky jusqu’à sa mort et dont elle aura un deuxième fils, Serioja (Serge), né deux ans après Lev.

Nourri au lait de la Révolution, de sa préparation, de son accomplissement et plus tard de sa défense, il partage dès l’enfance avec son jeune frère (ses sœurs aînées étant restées avec leur mère) les pérégrinations de ses parents, dues aux impératifs de la vie militante, des expulsions souvent, des internements parfois et des difficultés matérielles toujours. De ces résidences successives dans presque toutes les capitales d’Europe, il gardera la pratique de nombreuses langues, oubliant même le russe que ses parents lui réapprendront.

Il a donc onze ans au début de la Révolution d’Octobre et on peut penser qu’à égalité avec la personnalité et l’aura d’alors de son père, les relations familiales – les révolutionnaires de tous pays qu’il put fréquenter -, la période historique considérée façonnèrent sa conception du monde et ses engagements. Il s’engagera dès l’adolescence dans le mouvement de la jeunesse communiste (le Komsomol) n’hésitant pas à tricher sur son âge pour le faire.

Ce qui n’empêchera pas les conflits de génération propres à bien des familles puisqu’il quittera le domicile familial à dix-sept ans pour vivre dans une communauté de militants aussi jeunes que lui. Il entreprend des études d’ingénieur et se révèle un étudiant brillant. Il se marie avec une jeune ouvrière en 1925, Anna Metallikova, dont il aura un fils prénommé Lev lui aussi en 1926.

Dès 1923, il a commencé à militer aux côtés des oppositionnels à l’orientation bureaucratique prise par la direction du Parti dans une évolution et une logique parallèles à celle de son père plutôt que dans son sillage et en 1927, il est l’un des principaux dirigeants de l’Opposition unifiée dans les rangs du Komsomol.

Au moment de la déportation de Léon Trotsky en 1928, il fait le choix de le suivre et c’est à Alma-Ata qu’il devient véritablement le collaborateur de son père, prenant en charge l’organisation matérielle de la vie des déportés et surtout l’organisation des liens avec les autres militants exilés par Staline. C’est là qu’il rodera de manière efficace les méthodes de clandestinité imposées par les conditions de surveillance des déportés.

Trotsky banni d’URSS et exilé en Turquie en 1929, Lev le suit prenant en charge le Bulletin de l’Opposition qui pendant quelques années encore pourra franchir clandestinement les frontières et parvenir en URSS. La collaboration avec le père se poursuit malgré des difficultés relationnelles créées par le caractère très tranchant de Trotsky, les pressions morales, physiques et financières qui pèsent sur les exilés et des problèmes d’ordre privés où interviennent Jeanne Martin des Pallières, la nouvelle compagne de Sedov, et Zinaïda, fille aînée de Trotsky, qui commence à souffrir de graves problèmes psychologiques.

La clé de la situation internationale se trouvant alors en Allemagne, c’est à Berlin que part Sedov, assumant la direction politique de la section allemande, la rédaction et l’acheminement en URSS du Bulletin de l’Opposition et les soins à Zinaïda. Tout cela dans un contexte de montée du nazisme et d’hostilité menaçante des partisans de la direction du Parti. Ce n’est qu’une fois la victoire d’Hitler consommée qu’il se résoudra à quitter l’Allemagne pour Paris. Il y trouvera la section française des partisans de Trotsky en pleine querelle de personnes plutôt que de théorie. C’est d’ailleurs cette atmosphère délétère qui le poussait à faire confiance un peu trop facilement aux Russes et c’est à ce moment que se joint à lui, comme principal collaborateur et homme de confiance, Mark Zborowski (alias Étienne), agent des services secrets soviétiques et d’ailleurs dénoncé, ou du moins suspecté, comme tel par certains trotskystes français.
La tombe du Lev "Léon" Sedov au cimetière parisien de Thiais

Le dernier – et colossal – travail militant de Sedov est l’organisation d’un véritable contre-procès de Moscou ; travail synthétisé dans Le livre rouge sur le procès de Moscou, livre qui, selon les mots de Pierre Broué, « reste le point de départ de toute critique solide du procès des Seize ». C’est à ce moment qu’il devient une cible pour les tueurs des services secrets soviétiques, désigné sous le nom du « Fiston » dans leurs rapports et qu’il échappe à une tentative, vraisemblablement d’enlèvement, du côté de Mulhouse.

L’hommage de Léon Trotsky a son fils assassiné :

https://www.matierevolution.org/spip.php?article1775

Léon Lvovich Sedov est décédé le 16 février à onze heures du matin dans un hôpital parisien, à la suite de deux opérations rendues nécessaires par une attaque soudaine d’appendicite. Depuis plusieurs mois, Sedov se plaignait de diverses indispositions, notamment d’une température assez élevée le soir. Il n’a pas été capable de résister à une telle maladie. Il menait une vie difficile, chaque heure prise par la résistance aux intrigues les plus étendues et les plus sinistres de l’histoire contemporaine - celles d’un régime de terreur nauséabonde né de la dictature du prolétariat. Il était évident que sa force physique était épuisée. Ses esprits étaient bons, les esprits indestructibles d’un jeune révolutionnaire pour qui l’activité socialiste n’est pas un extra optionnel mais sa raison même de vivre, et qui s’est engagé dans une époque de défaite et de démoralisation, sans illusions et comme un homme. De telles époques alternent, dans notre siècle, avec d’autres périodes de renouveau et de force, auxquelles elles préparent la voie - pour lesquelles il est de notre devoir à tous de préparer la voie. Léon Lvovich semblait étonnamment fidèle à lui-même, au milieu d’une vie quotidienne où les tensions émotionnelles et les malheurs ne manquaient pas. Nos réunions étaient toujours précipitées, anxieuses, tendues de peur de perdre une minute. Cinq minutes après que je lui ai serré la main pour la première fois, nous travaillions ensemble pour identifier les agents provocateurs, les frères Sobolevicus (Senine) ; nous avons peigné nos souvenirs, malheureusement sans succès, pour le nom d’un misérable abattu il y a longtemps, un petit camarade français enthousiaste, qui à Paris puis à Constantinople avait été le collaborateur de Jacob Blumkine, et qui avait été fusillé en même temps. tel qu’il était (1929), probablement sans jamais savoir pourquoi. Une fois seulement, une sorte de contact humain s’est établi entre nous, alors que nous errions, après minuit, près de la place de Breteuil, entre nous l’ombre d’Ivan Nikitich Smirnov, l’un des seize exécutés après le premier procès de Moscou. Sedov l’avait bien connu ; il me parla tristement de sa femme, Safonova, qui avait témoigné contre lui au procès et ainsi assuré sa ruine et la sienne. Sedov a parlé d’elle favorablement : « C’était une vraie communiste, une personne de bon caractère : ils ont dû la convaincre qu’elle le sauvait pour lui faire adopter cette attitude ; et elle s’est fait tirer dessus après ... »C’était en même temps que l’affaire de la rue Michelet. Ensuite, Trotsky a été interné en Norvège. Sedov avait peur que la police politique de Staline parvienne à kidnapper son père à Oslo, ou à le tuer plus tard, sur un cargo ... Sedov, avec les yeux de l’expérience, pouvait voir le danger se profiler alors qu’il était encore loin. quelques mois passèrent et Ignace Reiss fut assassiné la veille de la rencontre qui avait été fixée avec Léon Lvovitch et quelques autres amis ... Au milieu de toutes ces circonstances, Sedov garda la bonne humeur d’un homme pratique ; il était tellement anxieux que son visage était constamment plissé en un froncement de sourcils, mais il pouvait toujours sourire facilement, et il se demandait toujours ce qu’il fallait faire ensuite pour pouvoir le faire immédiatement. Il n’était en aucun cas un pur théoricien ou un rêveur : il avait le tempérament d’un technicien qui ne pouvait pas être dérangé par le repos. Un humble technicien de la révolution dans des années de réaction : il n’aurait pas cherché à être loué en d’autres termes.

Quelle vie remplie de passion il avait menée ! Enfant, il avait partagé l’internement de son père au Canada et vécu les premières réjouissances de la Révolution russe, cette période magnifique de drapeaux rouges nouvellement déployés, où tout semblait simple et à portée de main ; la renommée de son père, les victoires de son père, les dangers pour son père, ses voyages, ses portraits dans tous les édifices publics, ses discours qui galvanisaient les foules ; l’agonie de la guerre civile ... Il n’y avait pas de place au milieu de tout cela pour l’enfance, il avait besoin du courage d’un homme adulte - et quoi de plus simple ? Adolescent, il avait vécu les années difficiles de la lutte contre la bureaucratie - complots, suicides, thèses, discussions, oppositions, mort de Lénine ... Le jeune homme se tenait aux côtés de son père en 1927, quand la défaite était inévitable, avec l’exil ou exécution dans le marché. Il était là quand ils ont enfoncé les portes d’une modeste maison de Moscou, pour s’emparer de l’Organisateur de la Victoire et le déporter en Asie centrale, près de la frontière chinoise. Il était à Alma Ata lorsque des assaillants inconnus ont tenté de s’introduire par effraction dans le domicile de l’exil ; Sedov a défendu cette maison. Plus tard, il était à Prinkipo, où la maison de Trotsky a été incendiée par des mains mystérieuses. Il était à Berlin lorsque le groupe trotskyste a été perturbé par l’activité des provocateurs, et lorsque sa sœur Zinaida s’est suicidée ... Il a été déchiré en deux dans sa vie privée ; il a laissé une femme et un enfant en Russie. C’était un bon mathématicien, doué en matière militaire (ce qui, en août 1937, lui fit songer à se rendre en Espagne ; ses amis le déconseillèrent vivement). Apatride - encore plus dévoué que quiconque à la patrie ouvrière de la Russie ! Il n’a obtenu des visas et des permis de séjour qu’avec la plus grande difficulté ; il s’était échappé d’Allemagne avant l’arrivée au pouvoir d’Hitlr et vivait dans la pauvreté dans le XVe arrondissement. Telle pauvreté, parfois, qu’il m’expliquait qu’un repas par jour était tout à fait suffisant, mais qu’au final vous en ressentiez les effets. Il arrivait juste à la fin d’une période de privation quand il s’est ouvert pour lui, et pour nous tous, l’enfer des procès de Moscou. Il faut l’admettre : si quelque chose avait pu briser des hommes à la volonté de fer, c’était ce flot de mensonges enchevêtrés, d’aveux déroutants, aboutissant au meurtre dans les caves de ceux qui étaient autrefois les grands chefs. Les valeurs morales les plus élevées formées par la révolution s’étaient effondrées dans la boue. Pour Moscou, Sedov était l’une des principales cibles d’une intrigue sans nom, qui était encore plus inepte que pernicieuse. Je me souviens de sa stupéfaction devant la maladresse des fasificateurs qui l’accusaient de rencontrer des gens dans une ville qu’il pouvait facilement prouver qu’il n’avait jamais visité. Il a travaillé sans relâche pour rassembler des documents et des preuves pour réfuter les mensonges. M. Malraux, auteur de Days of Contempt, a refusé de témoigner en son nom ... La Ligue des droits de l’homme a dû être sollicitée à plusieurs reprises avant de le faire entendre, puis ils ont refusé de prendre position sur la question . Néanmoins, il y avait des gens courageux prêts à accepter ses preuves et sa documentation, lors d’une réunion présidée par le vieux Modigliani, familier des escroqueries totalitaires ... Ceux qui étaient présents, dans un petit bal à la Mutualité, à la confrontation entre cette Le président et son témoin, de l’autre côté d’une table de conférence, n’oublieront jamais l’occasion : ils ont appris à quel point la passion et l’intelligence peuvent être mises dans la recherche de la vérité.

Léon Sedov avait longtemps vécu sous une menace constante. Quoiqu’il en eût bien conscience, et qu’il fût prudent par nature, il prit peu de précautions, car les précautions ont leur prix ... Staline ne s’attendait probablement pas à l’échec retentissant des procès de Moscou qui ne satisfont personne mais le temps le plus éprouvé. les serveurs. En tant que principal témoin à charge dans le contre-procès initié par l’histoire, dont le travail des comités de Paris et de New York n’est qu’une infime partie, Sedov a dû être réduit au silence, mais habilement, pour ne pas faire le responsabilité du crime trop évidente. Si possible, ils voulaient organiser un accident plausible. En novembre 1936, une partie des archives de son père, transférée par ses efforts à l’Institut d’histoire sociale de la rue Michelet, fut volée pendant la nuit par des agents du GPU qui coupèrent une porte avec une torche oxyhydrique. Quelques jours plus tard, Sedov se rendit compte qu’il était dans l’ombre ; la police française a arrêté un ancien émigré russe, membre de la « Société des amis de la patrie soviétique », récemment rentré de Moscou ... L’enquête sur le meurtre d’Ignaz Reiss avait révélé, par leurs propres confessions, que Les assassins de Reiss, sous la direction des hauts responsables du GPU, suivaient depuis longtemps Leon Sedov, avec une habileté alarmante. À l’été 1936, Sedov était allé passer quelques semaines au bord de la mer dans le sud de la France ; Renata Steiner, qui a été arrêtée en Suisse pour avoir préparé le terrain pour les assassins de Reiss, a logé dans la même pension ; chaque jour, elle rendait compte de ses mouvements à un autre des accusés de l’affaire Reiss, Semirensky, qui vivait dans la maison voisine. Il vivait à Paris, sous un faux nom, juste à côté de Léon Sedov. Un peu plus tard, alors que Sedov avait prévu de se rendre à Mulhouse, les mêmes bourreaux lui préparèrent une embuscade dans la gare de cette ville. Ce n’est que par hasard que Sedov n’a pas fait le voyage. Est-il mort de mort naturelle ? Les preuves médicales semblent confirmer qu’il l’a fait. Mais dans l’atmosphère dans laquelle nous vivons, comment écarter de terribles soupçons ? N’est-il pas possible de provoquer artificiellement de telles maladies ? Les tueurs vivaient à ses côtés. Ils ont peut-être raté leur chance à un moment donné sans le laisser s’échapper pour de bon. Si tel est le cas, les tests médicaux ne nous apprendront rien. Pour ma part, je préfère ignorer cette hypothèse : n’ajoutons pas à ce qui est déjà certain dans ce cauchemar, qui est déjà assez grand ... Ainsi d’une manière ou d’une autre l’avertissement cynique de Radek aux « trotskystes de France et L’Espagne »a été comblée :« ils paient cher ». Andrès Nin, disparu - assassiné - dans une prison de la République espagnole : Kurt Landau, qui était, avec Trotsky et Rosmer, membre du premier secrétariat international de l’opposition de gauche communiste, a également disparu ; Erwin Wolf, qui était le secrétaire de Trotsky à Oslo, a disparu (et un rapport d’agence - certes non confirmé - a annoncé qu’Erwin Wolf avait été abattu à Moscou, début février, en même temps qu’Antonov-Ovseenko. Enlevé à Barcelone, fusillé à Moscou ?) ... Sedov, enfin, mort de causes naturelles ... Une année d’horreurs !

En lui, Trotsky a peut-être perdu son dernier enfant. Sa fille aînée, Nina, est décédée de la tuberculose à Leningrad pendant la période de sa déportation. Le Comité central du Parti refusa de donner à l’exil la permission de la voir sur son lit de mort. Sa fille cadette, Zinaida, s’est suicidée à Berlin quelques jours après avoir été déchue de sa nationalité soviétique, ce qui la coupait à jamais de son mari et de sa patrie. Son plus jeune fils, Sergei Sedov, un technicien qui ne participait à aucune activité politique, a disparu à Moscou il y a environ deux ans et demi, avec sa femme. Nous avons appris qu’il avait été expulsé à Krasnoïarsk, puis des dépêches d’agence ont rapporté son arrestation dans cette ville où il aurait « tenté de provoquer l’asphyxie massive des travailleurs de l’usine où il était employé ». Depuis, il n’y a eu aucune nouvelle de lui. A-t-il été abattu ? Emprisonné dans un camp de concentration du nord ? Qui essaie même de le savoir ? Dans Léon Lvovitch, Trotsky a perdu plus qu’un fils de son propre sang - il a perdu un fils en esprit, un compagnon irremplaçable dans la lutte. Faites-lui au moins savoir que cette heure sombre, nous sommes tous avec lui, sans réserve. Tout ce qui peut nous diviser, en doctrine et en histoire, est en termes humains infiniment moins important que ce qui nous unit au service de la classe ouvrière contre des dangers qui exigent de chacun de nous la plus grande fermeté. Je sais que j’écris ici pour de nombreux amis et camarades, qui diffèrent dans leurs idées, dans leur langue, dans leurs formes d’action : et qui sont parfois fortement divisés par la controverse - mais qui sont unis dans quelque chose d’essentiel qui donne un sens à leur des vies. Nous avons tous perdu à Sedov un camarade d’une rare qualité. Adieu, Léon Lvovich, vous nous laissez un fier souvenir. Allons de l’avant.

Victor Serge

Source :

https://www.marxists.org/archive/serge/1938/02/sedov.htm

Lev Sedov a écrit : « Le livre rouge du procès de Moscou » :

https://www.marxists.org/francais/sedov/works/1936/10/index.htm

Qui était Léon Sédov d’après Wikipedia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lev_Sedov

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