mardi 22 septembre 2020, par
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La tourmente économique déclenchée par la crise financière de 2008 est porteuse d’une révolte sociale et politique planétaire, dont le printemps arabe n’a été qu’une des premières manifestations et qui a frappé le monde de la France aux Etats-Unis en passant par le Mali et le Soudan, l’Algérie et le Liban, Haïti, le Chili et la Colombie, ainsi que la Biélorussie et maintenant à la Thaïlande.
Dans ce contexte de crise historique du capitalisme, le coronavirus est une aubaine pour les classes dirigeantes. Les Etats cachent le renforcement de leur dictature, l’interdiction des manifestations, la restriction du droit de réunion, l’enfermement d’opposants sous l’étiquette d’urgence sanitaire. Ils veulent d’abord nous affoler, ensuite nous diviser, puis nous empêcher de lutter, nous réprimer, enfin nous frapper économiquement et politiquement !!!
Economiquement les licenciements, le travail à domicile, le chômage partiel ont déjà abouti à une baisse du revenu global des travailleurs, à un isolement et une surcharge de travail souvent illégale pour ceux qui doivent travailler à domicile. Et c’est le « virus » qui serait responsable de tout cela. L’annonce par le groupe japonais Bridgestone, numéro 1 mondial du pneu, de la fermeture en 2021 de son usine de Béthune s’ajoute à la longue liste des plans de licenciements.
Cet exemple rappelle brutalement à tous ceux qui y croyaient que le plan du gouvernement de 100 milliards de « relance » n’est qu’un leurre, un coup politique pour retarder la prise de conscience des travailleurs : les capitalistes, prêts bien sûr à empocher toutes les subventions publiques, ne souhaitent actuellement plus investir dans leur système, et cela date d’avant le coronavirus. Et 100 milliards n’y feront rien, car ce n’est pas de cent, mais de plusieurs milliers de milliards d’euros dont disposent en fait déjà les grandes sociétés à travers leur réseau de paradis fiscaux où elles font circuler une grande partie de leurs profits. L’indignation anti-japonaise, avec des accents anticapitalistes, des politiciens comme le ministre de l’économie Le Maire ne convaincra personne.
Qui a oublié que, l’an dernier, le « français » Michelin, deuxième plus grand groupe mondial du même secteur, a également fermé son usine « française » de la Roche-sur-Yon, avec les mêmes justificatifs ? Aucun des grands plans de licenciements actuels n’est dû au virus, et le « patriotisme économique » des patrons ne nous sauvera pas.
Mais là où ces larmes de crocodiles des politiques sont à prendre au sérieux c’est qu’elles constituent une offensive contre les travailleurs : leur redonner confiance en « leur » Etat, afin qu’au lieu de compter sur leurs propres force les travailleurs s’accrochent à l’espoir que cet Etat, qui à aussi la main sur les retraites, la Sécurité sociale, le chômage partiel, les protégera, les sauvera.
Là encore c’est le virus qui est invoqué pour faire renaître ces illusions dans leur Etat car beaucoup de travailleurs les avaient perdues depuis longtemps. Le président Macron n’a-t-il pas déclaré dans ce but : « ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » le 12 avril au début du confinement ? Qui croirait au revirement de Macron ? La CGT semble prête à le faire, en reprenant cette déclaration de Macron dans son communiqué qui appelait à la journée d’action du 17 septembre et qui ajoutait : « Si le gouvernement dispense sans compter pour relancer la machine à produire des profits, aucune mesure n’a été prise pour les milliers de travailleurs victimes de délocalisations et plans de licenciements (17 000 suppressions de poste chez Airbus, dont 5 000 en France, 4 600 chez Renault, 1 000 chez Sanofi…). (…)Pour imposer ce changement, les organisations syndicales appellent à faire de la journée du 17 septembre une première journée d’action, à travers des grèves, des manifestations et des rassemblements. » La CGT conclut : « L’urgence sociale impose au contraire de préserver notre modèle social ».
Cet appel de la CGT contribue également à donner des illusions dans notre « modèle social » incarné par l’Etat, au moment où la classe sociale dominante avoue à la faveur du virus que son système ne repartira pas. Au moment où les capitalistes ne croient plus en leur système, les travailleurs devraient le sauver ?
Et Macron, casseur repenti de « notre modèle social » pourrait restaurer un Etat au service de tous ? Macron se pose en dirigeant européen. Or le premier ministre grec a annoncé l’achat de 18 avions de combat français Rafale. Est-ce ainsi que la France guide l’Europe ? Cet achat sera une ponction sur les revenus des travailleurs grecs, qui ont besoin d’hôpitaux et d’écoles au lieu d’engins de mort. Il est annoncé au moment où l’impérialisme français s’oppose à la Turquie en Méditerrané orientale et en Libye autour de ressources gazières et pétrolières.
Une autre offensive contre les travailleurs, c’est de les diviser entre ceux des nations impérialistes et les autres, les premiers recevant quelques miettes des surprofits impérialistes. Mais lors de la dernière grande offensive navale française contre la Turquie, en 1916 dans la bataille des Dardanelles, les profits furent pour les marchands de canon, la mort pour des dizaines de milliers de soldats français qui périrent. C’est le partage impérialiste de la région qui suivit la chute de l’empire Ottoman que Macron veut maintenir. Un autre pays où l’impérialisme français est en guerre contre les peuples pour rivaliser contre les concurrents russes ou chinois est le Mali.
Là aussi l’impérialisme français entretient des guerres civiles en opposant dans sa politique les nomades aux sédentaires, les Touaregs aux autres, les ethnies entre elles, les agriculteurs aux éleveurs, les nationaux aux étrangers, les régions entre elles, les hommes aux femmes, les jeunes aux vieux, les précaires aux salariés en fixe, etc., alors que la vraie division n’est pas là mais entre les profiteurs et les exploités, entre bourgeois et prolétaires, que ce soit au Mali, en Biélorussie en Thaïlande ou ici ! La vraie cause des licenciements, des guerres et des terrorismes, ce sont les classes possédantes. Et la nouvelle situation, due à l’effondrement général du monde capitaliste, lié ou pas ou prétendument causé par Covid, ne fait qu’aggraver le conflit d’intérêt irrémédiable entre possesseurs de capitaux et peuple travailleur.
Le socialiste Jean Jaurès avait donné la solution à ces problèmes qui se posaient déjà au capitalisme de son époque. Vingt ans avant la première guerre mondiale il déclarait « Votre société porte en elle la guerre, comme la nuée porte l’orage ». Pour conjurer ces dangers de guerre, transformer la marche à la guerre des capitalistes en l’avènement d’une autre société Jaurès indiquait la solution « exproprier, économiquement et politiquement, la bourgeoisie ! » Cela voudrait dire aujourd’hui : quand les capitalistes ferment les usines, réquisitionnons-les.
Quand des luttes se développent, dirigeons les nous-mêmes en écartant les bureaucraties syndicales et en cessant d’obéir à toutes les institutions capitalistes. Les prochaines journées d’action, si elles sont, précédées, suivies d’assemblées générales où seront mises à l’ordre du jour toutes ces questions et la réponse de Jaurès, pourraient transformer ces journées d’inaction en un véritable début d’action ! Et on n’est pas obligé d’attendre ces dates soi-disant essentielles de la lutte des classes pour nous organiser et débattre entre nous !