Accueil > 03 - Livre Trois : HISTOIRE > 2eme chapitre : Révolutions de l’Antiquité > Les mythes, légendes et religions qui ont accompagné le renversement (...)

Les mythes, légendes et religions qui ont accompagné le renversement violent du matriarcat par le patriarcat

samedi 20 avril 2019, par Robert Paris

Partout dans le monde : des déesses bien avant les dieux...

La déesse égyptienne Maât dirige l’ordre cosmique :

Déesse égyptienne Sekhmet :

Déesse phénicienne Hathor :

Déesse Aphrodite :

Le menhir de la déesse-mère :

La déesse-reine Ishtar de Mari :

Les religions monothéistes d’Etat, qui sont des défenseurs violents du patriarcat, ont détruit bien des traces des anciennes religions de l’époque du matriarcat, comme le dit clairement l’Ancien Testament :

« Vous détruirez tous les lieux où les nations que vous allez chasser servent leurs dieux, sur les hautes montagnes, sur les collines et sous tout arbre vert. Vous renverserez leurs autels, vous briserez leurs statues… » (Deutéronome)

C’est bel et bien le matriarcat qui est visé et pas seulement le polythéisme, le paganisme, l’animisme et le chamanisme. L’Ancien Testament montre clairement que son dieu est contre les femmes :

« Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi. »

On ne peut pas être plus clair que de dire « tu enfanteras des fils ». Inutile de parler des filles dans une religion où l’homme profère cette première phrase de sa journée : « je te remercie mon dieu de ne pas m’avoir fait femme » !

Judaïsme, catholicisme, islam et protestantisme, tous les grands monothéismes, ne renieront rien de ce patriarcat violent et anti-femmes qui date du renversement du matriarcat.

« Pendant l’instruction, la femme doit garder le silence en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de faire la loi à l’homme. Qu’elle se tienne tranquille. C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui, séduite, se rendit coupable de transgression… » (Nouveau Testament – Thimothée I, 2 :11-14)

Ce n’est pas les musulmans qui ont inventé de voiler les femmes :

« Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme. L’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet de Dieu ; quant à la femme, elle est le reflet de l’homme. Et ce n’est pas l’homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. » (Nouveau Testament, Corynthiens I, 11 : 3,7,9)

Et bien sûr, l’islam :

« Allah ne tolèrera pas l’idolâtrie, ni les païens qui adorent les femelles. »

Dans ces religions, le simple mot de « déesse » est prohibé, même pour parler du passé…

Pendant de longues années, les travaux des scientifiques ont été marqués par l’origine judéo-chrétienne de leur éducation, les rendant incapable d’imaginer une société matriarcale malgré des signes évidents de cette étape de l’histoire des sociétés humaines. Aujourd’hui encore, la réaction patriarcale tend à revenir sur l’étape matriarcale de l’humanité, alors que nous sommes certains que la paternité était inconnue des premiers homo sapiens et cela durant l’essentiel de leur existence et que le couple fixe (un homme et une femme) est d’origine relativement récente dans les âges préhistoriques. Pendant l’essentiel de l’histoire de notre espèce, la fécondité humaine et l’accouchement sont restés des secrets de la communauté des femmes, complètement interdits à l’homme et la fécondité de la terre, quand la culture des plantes a été découverte et généralisée, a été considérée comme inséparable de la fécondité humaine, donc le privilège des femmes. Chez de nombreuses populations restées au stade aborigène la paternité génétique liée àa la sexualité est inconnue et on ne connaît que le lien maternel de l’enfant à naître.

Si on rajoute que tous les objets conservés par le couple, la famille ou la tribu étaient aux mains des femmes avec le foyer et la préservation des enfants, on retrouve que les femmes avaient une place centrale dans la tribu et aussi une place clef dans les décisions du groupe. Et les principaux « secrets » étaient eux aussi féminins, donc les croyances principales passaient par les femmes. La sagesse était réputée féminine.

Pourtant, les déesses sont légion dans toute l’antiquité : déesse Nut, reine du ciel de l’Egypte ancienne, déesse Sarasvati, inventrice de l’alphabet de l’Inde, déesse Brigit de l’Irlande celtique, déesse Nidaba, inventrice des tablettes d’argile et de l’art de l’écriture à Sumer, et aussi reine du Ciel à Sumer, dans le temple d’Erech, encore déesse Ninlil qui avait transmis à son peuple la connaissance des processus de semailles et de récolte, déesse Cerridwen, régissant l’intelligence et la connaissance, déesse Gaïa de la terre en Grèce, déesse grecque Déméter,et, bien sûr, d’abord et avant toutes, la déesse Ishtar-Inanna-Astarté de toute la Mésopotamie-Elam qui était à la fois guide du peuple, prophétesse, maîtresse du futur. Et, bien sûr, cela reflétait la situation réelle des femmes. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, dans la ville antique de Nimroud, les archéologues ont retrouvé que les femmes étaient juges et magistrats.

Il est clair que, partout sur la planète, les déesses ont largement préexisté aux dieux. Pour donner un ordre de grandeur des temps en question, on trouve des déesses dès le début du néolithique et même au paléolithique (par exemple 25.000 ans avant J.-C.), alors que les dieux n’apparaissent au plus tard que 2000 avant J.-C. (les cultes abrahamiques, dont les monothéismes des peuples sémites et occidentaux sont issus, datant au plus tard de 1800 avant J.-C.). On trouve des déesses-mères et des « vénus » plus de 20.000 ans avant J.-C., par exemple à Shanidar sur le Tigre, puis à Hacilar en Anatolie 6.000 ans avant J.-C., puis à Jéricho 7.000 ans avant J.-C. au pays de Canaan, ou encore à Jarmo en Irak, 6.800 ans avant J.-C. Et 6.500 avant J.-C., à Catal Höyük, pendant un millénaire au moins, plusieurs dizaines de sanctuaires sont consacrés à la déesse sous ses trois aspects, jeune fille, mère et aïeule. A Hassuna, 5.500 ans avant J.-C., comme à Halaf, 5.000 ans avant J.-C., et enfin à Ur et Uruk, dans les phases les plus anciennes de ces deux villes mésopotamiennes de l’Euphrate, comme dans les cultures badariennes et amratienne d’Egypte antique et à Sumer à la découverte de l’écriture en 3.000 avant J.-C., c’est encore des figurines de la déesse-mère qui ont été trouvées et aucune représentation d’un dieu.

On trouve, depuis le paléolithique récent, la grand-mère originelle de la tribu, mère du clan, la mère de l’Univers, mère aussi de la fécondité humaine, animale et végétale, puis la mère-terre, mère de l’agriculture, enfin la déesse maîtresse de la société humaine.

Joseph Campbell écrit dans « Mythologie primitive » :

« Ici, ce sont les femmes qui détiennent le pouvoir, elles ne sont pas seulement des génitrices mais les principales productrices de la nourriture. En réalisant qu’il est possible de cultiver la terre tout autant que d’en cueillir les fruits, les femmes ont donné une valeur à la terre dont elles sont devenues les détentrices. C’est ainsi qu’elles acquirent un certain prestige et un pouvoir économique et social. »

Hawkes (1963) :

« Tout porte à croire que dans les sociétés de la première époque du néolithique, le droit de la mère et le système des clans matriarcaux prédominaient et la terre se transmettait généralement par les femmes. »

C’est donc sous le matriarcat qu’ont eu lieu les sept grandes révolutions qui marquent l’apparition de la civilisation :

Ces sept révolutions sociales, différentes et successives, qui mènent à la civilisation sont : la production, la professionalisation, la surproduction, la sédentarisation, l’urbanisation, la commercialisation, l’écriture. Chacune est une rupture avec l’ancien mode d’existence.
La production rompt avec la prédation (mode de vie des chasseurs-cueilleurs).

La professionnalisation introduit la division du travail.

La surproduction rompt avec l’incapacité de produire plus que ce qui est immédiatement nécessaire.

La sédentarisation rompt avec le nomadisme.

L’urbanisation rompt avec la vie villageoise.

La commercialisation introduit la valeur d’échange et rompt avec la simple valeur d’usage.

L’écriture rompt avec la société de l’oralité.

Aucun de ces changements radicaux n’est dans la simple continuité du précédent. Aucun ne se produit de manière facile, l’ancien mode de vie acceptant aisément le changement.

Mais, bien entendu, avec l’apparition d’un surproduit social et son appropriation privée, les révolutions sociales ont fondé de nouvelles classes sociales, fondées sur l’apparition de la propriété privée des moyens de production, notamment des terres et des principaux outils de travail, sur l’apparition et la légalisation des rapports de production. La transformation des produits du travail en marchandises est une des grandes révolutions sociales.

Les premiers rois n’apparaissent que provisoirement, naissant et mourant avec l’année nouvelle, décrétés rois uniquement par l’accouplement avec la déesse selon de multiples mythes dramatiques. La pérennité des rois puis les dieux masculins n’apparaissent que bien plus tard.

Ainsi, dans l’Egypte antique, le sud révérait la déesse Nekhebt, symbolisée par le vautour, le delta du Nil adorait la déesse Ua Zit ou grand serpent, puis l’Egypte a considéré la déesse Nut (et parfois Hathor, puis Au Set ou Isis) comme le premier être préexistant à toute créature humaine. C’est Nut qui avait placé le dieu-soleil Râ dans le ciel.

C’est avec la naissance de l’Etat que les guerriers ont pris le pouvoir et ont imposé le patriarcat, religieux comme civil. Par exemple, en Egypte, cela commence avec la période dynastique en 3.000 avant J.-C. et cela s’aggrave considérablement avec dix-huitième dynastie en 1570 avant J.-C.

A Sumer, tout le passage du matriarcat au patriarcat est « documenté » par des mythes et les lois des nouveaux Etats et des cités-Etats.

Par exemple, en Mésopotamie en 2300 avant J.-C., on peut lire les textes de lois de la « réforme d’Urakagina » :

« Les femmes des temps anciens prenaient deux maris, mais les femmes d’aujourd’hui seront lapidées si elles en font autant. »

Cela se reflète dans le mythe de la déesse des ténèbres et du dieu Nergal. Ce dernier s’impose à la déesse comme mari par la violence. Elle n’accepte pas d’épouser son assaillant. Elle est traînée par les cheveux, épousée de force sous menace de mort, avant de se soumettre et de devenir reine en gouvernant à ses côtés.

Et parfois, un même mythe ancien se trouve sous des versions de plus en plus patriarcales. Ainsi, le mythe sumérien d’Inanna-Ishtar de Mésopotamie. Au début, la déesse déverse sa colère contre le fils/amant Dumuzi qui lui a manqué de respect et l’envoie pour punition chez les démons du pays des morts. Dans la version suivante, la déesse se désole de la mort accidentelle de Dumuzi !

Mais il faut comprendre que ces religions et mythes ne faisaient que refléter la réalité sociale. Sous le nom de « naditu », la société sumérienne entendait un groupe de femmes jouant le rôle de femmes d’affaires des temples et possédant des biens immobiliers à leur propre nom, prêtant de l’argent, jouant un rôle dirigeant sur le plan économique. Il existait aussi de nombreuses femmes qui étaient scribes, juges, magistrats, dirigeantes sociales comme économiques…

Dans le monde akkadien, c’est des dynasties dirigeantes d’un Etat, en particulier celle de Sargon que date la chute brutale du statut des femmes et le matriarcat en 2300 avant J.-C.

On retrouve là aussi le changement des mythes fondateurs. Désormais, le dieu Mardouk doit assassiner la déesse de la création Tiamat afin d’asseoir son propre pouvoir.

Etudiant le code de loi d’Hammurabi, W. Boscawen remarque :

« La liberté accordée aux Babyloniennes leur permettait de posséder et de gérer un patrimoine, particulièrement dans le cas des prêtresses du temple qui tenaient de nombreux commerces… Le statut élevé dont jouissaient les femmes est un des aspects les plus intéressantes et les plus caractéristiques des débuts de la civilisation babylonienne. »

C’est seulement vers la fin du second millénaire qu’apparurent des lois interdisant à la femme mariée de s’engager dans les affaires, si ce n’est sous la direction de son mari, de son fils ou de son beau-frère.

Que la lutte contre le matriarcat ancien ait été violente, on en dispose le témoignage selon lequel les populations qui ont voulu rester sous le matriarcat ancien ont fui de Mésopotamie vers la Lycie, la Lydie et la Carie où ils ont vécu, sous la protection d’armées d’amazones, et construit des sanctuaires à la « Mère de toutes les divinités » comme le temple de la déesse d’Ephèse.

Ainsi, en Mésopotamie-Elam, les mythes deviennent de plus en plus patriarcaux. La déeesse Nikkal (grande dame), qui était été la mère du soleil (Utu), devient Nannar (le péché en akkadien). A Ur, la déesse Ningal est contrainte de partager avec son mari puis disparait complètement de son propre sanctuaire. La déesse Ninhursag qui créa le peuple sur la terre devient seulement l’épouse et la sœur du dieu Enki puis du dieu Enlil qui prend possession de la terre. La déesse Ereshkigal qui dominait sur terre, devient maîtresse des enfers, emportée dans le monde souterrain comme un trophée, et même sous terre, elle doit obéir à un époux pour gouverner à ses côtés.

Déesse-Mère de Çatal Höyük :

Déesse de Hacilar :

Déesse Ishtar d’Urfa :

Les déesses femmes-lézards de la civilisation d’Ubaid :

La déesse Narundi d’Elam :

La déesse Inanna-Ishtar d’Akkad-Sumer :

Gilgamesh et Ishtar

Les mythes, légendes et religions qui ont accompagné le renversement violent du matriarcat par le patriarcat

Le passage du matriarcat au patriarcat s’étant fait dans la période de mise en place des Etats, on dispose de très peu de documents écrits sur cette phase et on en est réduit à étudier la tradition, sous forme de mythes, de légendes et de récits religieux. Il y a ainsi dans toutes les sociétés, dans le monde entier, des traces d’un ancien matriarcat qui se voit surtout par des traces de matrilignage, de matrilocation, de rôle particulier des femmes, mais aussi par l’existence de déesses, dont témoignent des statues, des peintures mais aussi des textes d’une époque patriarcale qui témoignent d’un matriarcat plus ancien. On trouve ainsi des traces dans la religion chrétienne d’un matriarcat dans les sociétés occidentales où le christianisme essayait de se propager, notamment avec le « mythe de Marie ». Plus généralement, on trouve un mythe plus ancien qui est le « mythe de la virginité » dans lequel une déesse ou femme héros engendre sans avoir rencontré d’homme. C’est notamment le thème du mythe de Artémis d’Éphèse et de Cybèle, en Turquie, de Inana-Ishtar en Mésopotamie, ou d’Isis en Egypte.

La rupture entre matriarcat et patriarcat a nécessairement été brutale et violente. Elle coïncide dans de nombreuses sociétés avec une période de guerre civile marquée par l’écrasement de l’ancienne société, par des destructions de grande ampleur, des maisons incendiées, des temples aux déesses détruits, des guerres et guerres civiles qui ont donné le pouvoir aux guerriers et mené à la domination d’un Etat sur la société civile. Ce n’est pas seulement la relation hommes/femmes qui a changé mais toutes les bases économiques, sociales et politiques de la société, dans sa vie civile comme politique et religieuse. Les religions prennent progressivement le tournant et racontent des histoires selon lesquels les dieux ont pris barre sur les déesses. C’est le reflet fantasmagorique du changement réel. C’est le changement idéologique qui succède au changement historique, l’étaye et le justifie.

Le changement n’a pas eu lieu au début des sociétés agraires, le rôle de la femme étant même rendu plus important avec les cultes de la fécondité, mais à un stade beaucoup plus tardif où les inégalités avaient depuis longtemps mené à la formation de divisions en classes sociales et où les oppositions de classes entraînaient des troubles sociaux et même une instabilité sociale et politique permanente, au point que les classes possédantes puissent trouver qu’une domination de guerriers serait mieux que cette révolution permanente !

Les mythes, religieux ou issus de la société civile, sont le reflet de ces changements. Ils montrent des hommes et des dieux qui renversent l’ancienne domination des femmes, dans la société humaine ou parmi les dieux. Certains exemples sont fameux comme la légende de Gilgamesh en Mésopotamie ou le jardin d’Eden chez les Hébreux. Au début du récit, les femmes ont la parole, décident, ont du poids, dirigent. A la fin, elles sont battues. A l’époque de Gilgamesh, les héros doivent coucher avec la déesse pour accéder à la royauté, pour diriger leur peuple. Mais cet acte, qui les couronne, décrète aussi leur mort, en vertu d’un mythe de la résurrection de la vie et de la société. Mais Gilgamesh, lui, accède à la position de héro-roi tout en refusant de coucher avec la déesse Inanna-Ishtar !!! C’est la déesse qu’il contraint à renoncer à son rôle dirigeant en étant contrainte de descendre aux enfers pour n’en sortir que diminuée et périodiquement obligée d’y redescendre… Ailleurs, les mythes nous parlent de conquête par des dieux du pouvoir jusque là détenu par des déesses.

De tels mythes sont parfois des mythes de la fertilité, des mythes du déluge, des mythes de la résurrection, des mythes de la virginité, des mythes du nouvel an, etc…

Ces mythes sont le reflet fantasmagorique du changement. On est passé d’un monde où l’acte principal était la fécondité (celle des femmes et celle de la terre) à un monde où l’acte principal est l’agriculture avec un développement de la propriété privée des récoltes et des terres. Désormais, ce sont les propriétaires des terres qui dominent et aussi les chefs de guerre, les chefs d’Etat et les prêtres et ce sont surtout des hommes. La religion, de croyance populaire locale, est devenue institution d’Etat régionale et nationale. Le monde a changé et il a changé les vieilles croyances, notamment celles en une capacité magique des femmes de procréer.

Pourquoi les hommes sont-ils devenus les propriétaires des champs cultivés alors que c’était autrefois les femmes qui l’étaient, à l’époque où les hommes chassaient ? Eh bien, c’est le développement de l’esclavage et du servage qui ont réalisé ce changement. A partir du moment où un nombre important de paysans ne sont plus libres, que ce soit pour des raisons économiques et sociales ou à la suite de guerres, l’élément essentiel dans l’exploitation des terres devient la possession de main d’œuvre. Celui qui a la force armée dispose aussi du moyen d’exploiter un grand nombre de terres. Les chasseurs étant devenus guerriers deviennent les maîtres d’esclaves et renversent le pouvoir des femmes sur les terres… Il leur faudra aussi renverser le pouvoir des femmes dans l’imaginaire, dans les mythes et religions…

D’où les mythes qui identifient les femmes et « le mal », qui culpabilisent la sexualité en dehors de la recherche de la fécondité, qui dénoncent l’influence des femmes, qui la rejettent, qui l’accusent de tous les maux, qui dénoncent toute relation sexuelle en dehors du but de la procréation, qui font de la femme une sujette de l’homme, etc. Ces excès proviennent de la nécessité à un stade donné de combattre les anciennes croyances sur le rôle des femmes, sur leur possession du mystère de la vie et de la naissance, sur leur importance pour la fécondité de la terre. Donc les textes, mythes, légendes et religions les plus anti-féminins sont aussi, et paradoxalement, les plus grands témoignages d’une ancienne société matriarcale qu’il fallait dénoncer, combattre et détruire.

Gordon Childe écrit dans « De la préhistoire à l’histoire » :

« Il est probable que, dans l’esprit de ceux qui la pratiquaient, le fait de confier avec soin les morts à la terre devait leur assurer des récoltes plus abondantes.

Les sociétés néolithiques d’Egypte, de Syrie, d’Iran, de tout le pourtour méditerranéen, du sud de l’Europe et parfois de l’Angleterre modelaient dans l’argile, ou sculptaient dans la pierre et l’os, des statuettes qui représentaient la déesse-mère. Ces sociétés voyaient dans la terre une femme dont on pouvait se concilier les bonnes grâces par des prières et des sacrifices, ou dominer par des rites imitatifs et des incantations. Les seules représentations mâles connues sont des phallus d’argile ou de pierre sculptés en Anatolie, dans les Balkans et en Angleterre… Une cérémonie d’union des sexes symbolisait et, par suite, provoquait la fertilisation de la nature.

Chez les peuples cultivateurs, ces cérémonies donnaient lieu à des rites et à des mimes plus individualisés que chez les peuples sauvages ; un couple unique et soigneusement choisi accomplissait le mariage rituel. L’acteur mâle incarne le grain ou la nature et assume pour un certain temps le rôle de chef ; il est le roi du blé. Tout comme le grain, il faut qu’il soit enterré pour renaître ; cela signifie aussi qu’on doit le tuer pour pouvoir le remplacer l’année suivante par un être jeune et vigoureux. Les forces génératrices de la nature prennent ainsi des formes humaines et deviennent des dieux et des déesses.

Le jour vint où les sociétés estimèrent que le sacrifice d’un prisonnier ou des cérémonies purement symboliques pouvaient remplacer la mise à mort du roi du blé qui devint alors un roi temporel, d’autant plus qu’il assumait les fonctions de chef guerrier…

Chez les peuples agriculteurs, la parenté se transmet par la femme, parce que l’importance de son travail lui fait jouer un rôle capital dans la vie du clan ; c’est ce qui a donné naissance au matriarcat. Alors que chez les peuples pasteurs, le rôle dominant de l’homme eut pour conséquence le patriarcat. »

Mésopotamie

Mircea Eliade écrit dans « Histoire des croyances et des idées religieuses » :

« La première, et peut-être la plus importante conséquence de la découverte de l’agriculture, suscite une crise dans les valeurs des chasseurs paléolithiques : les relations d’ordre religieux avec le monde animal sont supplantées par ce qu’on peut appeler « la solidarité mystique entre l’homme et la végétation ». Si l’os et le sang représentaient jusqu’alors l’essence et la sacralité de la vie, dorénavant ce sont le sperme et le sang qui les incarnent. En outre, la femme et la sacralité féminine sont promues au premier rang. Puisque les femmes ont joué un rôle décisif dans la domestication des plantes, elles deviennent les propriétaires des champs cultivés, ce qui rehausse leur position sociale et crée des institutions caractéristiques, comme, par exemple, la matrilocation, le mari étant obligé d’habiter la maison de son épouse.

La fertilité de la terre est solidaire de la fécondité féminine ; par conséquent, les femmes deviennent responsables de l’abondance des récoltes, car elles connaissent le « mystère » de la création. Il s’agit d’un mystère religieux, parce qu’il gouverne l’origine de la vie, la nourriture et la mort. La glèbe est assimilée à la femme. Plus tard, après la découverte de la charrue, le travail agraire est assimilé à l’acte sexuel. Mais, pendant des millénaires, la Terre-Mère enfantait toute seule, par parthénogenèse.

Le souvenir de ce « mystère » survivait encore dans la mythologie olympique (Héra conçoit toute seule et donne naissance à Héphaistos, à Arès) et se laisse déchiffrer dans de nombreux mythes et de nombreuses croyances populaires sur la naissance des hommes de la Terre, l’accouchement sur le sol, le dépôt du nouveau-né sur la terre, etc. Né de la Terre, l’homme, en mourant, retourne à sa mère : « Rampe vers la terre, ta mère » s’exclame le poète védique » dans « Rig Veda », X, 18, 10.

Certes, la sacralité féminine et maternelle n’était pas ignorée au paléolithique, mais la découverte de l’agriculture en augmente sensiblement la puissance. La sacralité de la vie sexuelle, en premier lieu la sexualité féminine, se confond avec l’énigme miraculeuse de la création. La parthénogenèse, le « hieros gamos » et l’orgie rituelle expriment, sur des plans différents, le caractère religieux de la sexualité.

Un symbolisme complexe, de structure anthropocosmique, associe la femme et la sexualité aux rythmes lunaires, à la Terre (assimilée à une matrice) et à ce qu’on doit appeler le « mystère » de la végétation. Mystère qui réclame la « mort » de la semence afin de lui assurer une nouvelle naissance, d’autant plus merveilleuse qu’elle se traduit par une étonnante multiplication. L’assimilation de l’existence humaine à la vie végétative s’exprime par des images et des métaphores empruntées au drame végétal (la vie est comme la fleur des champs, etc.)…

Toutes ces valeurs religieuses consécutives à l’invention de l’agriculture ont été articulées progressivement au cours des temps..

Ces mythologies et les scénarios rituels qui en dépendent vont dominer pendant des millénaires les civilisations du Proche-Orient. Le thème mythique des dieux qui meurent et ressuscitent, se range parmi les plus importants. En certains cas, ces scénarios archaïques donneront naissance à de nouvelles créations religieuses (par exemple, Eleusis, les mystères gréco-orientaux).

Les cultures agricoles élaborent ce qu’on peut appeler une « religion cosmique », puisque l’activité religieuse est concentrée autour du mystère central : la « rénovation périodique du Monde »…

Puisque le monde doit être renouvelé périodiquement, la cosmogonie sera rituellement réitérée à l’occasion de chaque Nouvel An. Ce scénario mythico-rituel est attesté dans le Proche-Orient et chez les Indo-Iraniens. Mais on le trouve également dans les sociétés des cultivateurs primitifs, qui prolongent en quelque sorte les conceptions religieuses du néolithique…

On pourrait dire que, depuis le néolithique jusqu’à l’âge du fer, l’histoire des idées et des croyances religieuses se confond avec l’histoire de la civilisation. Chaque découverte technologique, chaque innovation économique et sociale est, semble-t-il, « doublée » d’une signification et d’une valeur religieuses…

Des statuettes féminines, trouvées en Palestine et datées d’environ 4500, présentent la Déesses-Mère sous un aspect terrifiant et démoniaque (figurines trouvées à Munhata,Tel-Aviv et Shaar-Ha-Golan). Le culte de la fertilité et le culte des morts semblent solidaires aussi bien à Jéricho que dans les civilisations de Hacilar et de Çatal Höyük… La principale divinité était la déesse, présentée sous trois aspects : jeune femme, mère donnant naissance à un enfant (ou à un taureau) et vieille (accompagnée parfois d’un oiseau de proie)… Des reliefs de la déesse, parfois hauts de deux mètres, modelés en plâtre étaient fixés aux murs… A Hacilar, à un niveau daté de 5700, la déesse est montrée assise sur un léopard ou debout, tenant le petit d’un léopard… Dans la culture dite du Tell Halaf… on n’a pas trouvé de figurines masculines, tandis que les images de la déesse abondent ; accompagnée de colombes, avec des seins exagérés, représentée mainte fois en position accroupie, il est difficile de ne pas reconnaître l’image exemplaire de la Déesse-Mère.

La culture halafienne matriarcale fut détruite vers 4400 ou 4300, pendant que la culture d’Obeid, originaire de l’Irak méridional, se diffusait dans toute la Mésopotamie… La nouveauté la plus significative de la période d’Obeid est l’apparition des temples monumentaux…

Dans la société sumérienne et akkadienne, la déesse Nammu (dont le nom est écrit par le pictogramme désignant la « mer primordiale ») est présentée comme « la mère qui engendra le Ciel et la Terre », et « l’aïeule qui enfanta tous les dieux »… Certains textes évoquent la perfection et la béatitude des « commencements » : « les jours anciens quand chaque chose était créée parfaite », etc… « Le dieu En-ki, le seigneur de Dilmun (le paradis), était endormi auprès de son épouse, encore vierge, comme la terre elle-même était vierge. En se réveillant, En-ki s’unit à la déesse Nin-gur-sag, et ensuite à la fille qu’engendra celle-ci, et finalement à la fille de cette fille… Mais un incident apparemment insignifiant, donne lieu au premier drame divin. le dieu mange certaines plantes qui venaient d’être créées : or il fallait qu’il fixe d’abord leur modalité d’être. Outrèe par ce geste insensé, Nin-gur-sag déclare qu’elle ne regardera plus En-ki avec le regard de vie, donc il faut qu’il meurre… »

On trouve également le mythe du déluge selon lequel « la colère d’En-lil a été provoquée par le vacarme insupportable des hommes… La cause principale du déluge réside dans les péchés des hommes et dans la décrépitude du Monde… La fin du monde et d’une humanité pécheresse rend possible une nouvelle création. »

(…)

Inanna, déesse de l’étoile Vénus et de l’amour, homologue d’Ishtar akkadienne et plus tard d’Astarté, jouira d’une actualité cultuelle et mythologique jamais approchée par une autre déesse du Moyen-Orient. A son apogée, Inanna-Ishtar était à la fois déesse de l’amour et de la guerre, c’est-à-dire régissait la vie et la mort ; pour indiquer la plénitude de ses puissances on la disait hermaphrodite (Ishtar barbata). Sa personnalité était parfaitement tracée déjà à l’époque sumérienne, et son mythe central constitue une des plus significatives créations du monde ancien. Ce mythe s’ouvre avec une histoire d’amour : Inanna, la déesse tutélaire d’Erech, épouse le berger Dumuzi qui devient ainsi le souverain de la cité. Inanna proclame tout haut sa passion et son bonheur : « Moi, je marche dans la joie !... Mon Seigneur est digne du giron sacré ! » Et pourtant, elle pressent le sort tragique qui attend son époux : « O mon bien-aimé, homme de mon cœur… toi, je t’ai entraîné vers un destin funeste… tu as touché de ta bouche ma bouche, tu as pressé mes lèvres contre ta tête, c’est pourquoi tu as été condamné à un destin funeste » (Kramer, « Le rite du mariage », p. 141).

Ce « destin funeste » fut arrêté le jour où l’ambitieuse Inanna décida de descendre aux enfers pour supplanter sa sœur aînée, Ereshkigal. Souveraine du « Grand-Royaume d’En-Haut », Inanna aspire à régner également sur le Monde Inférieur… Avec les plus grandes difficultés, Inanna revient sur terre… Avec surprise et indignation, Inanna découvre que Dumuzi, son mari, était assis sur son trône, richement vêtu, satisfait d’être, on aurait dit le souverain unique de la cité…

Le poème cosmogonique connu sous le nom d’ « Enuma elish » constitue avec l’ « Epopée de Gilgamesh », la plus importante création de la religion akkadienne… La déesse Tamiat représente la mer et est conçue à la fois comme femme et comme bisexuée… La légende compte l’affrontement des dieux, Tamiat et Marduk…

L’épopée de Gilgamesh est, certes, la plus fameuse et la plus populaire création babylonienne. Le héros, Gilgamesh, roi d’Uruk, était déjà célèbre à l’époque archaïque, et on a retrouvé la version sumérienne de plusieurs épisodes de sa vie légendaire… Cette saga, qui débute avec les excès érotiques d’un héros doublé d’un tyran, dévoile en dernière instance l’inaptitude des vertus purement « héroïques » à transcender radicalement la condition humaine.

Et pourtant Gilgamesh était pour deux tiers un être divin, fils de la déesse Ninsun et d’un mortel. Tout au début le texte exalte son omniscience et les grandioses constructions qu’il avait entreprises. Mais immédiatement après, on nous présente un despote qui viole les femmes et les jeunes filles, et exténue les hommes dans de durs travaux. Les habitants supplient les dieux, et ceux-ci se décident à créer un être de taille gigantesque, capable d’affronter Gilgamesh. ce demi-sauvage, qui reçoit le nom d’Enkidu, vit en paix avec les fauves… Comme prévu par les dieux, les deux champions se mesurent dès qu’ils se rencontrent. Gilgamesh sort victorieux, mais il se prend d’amitié pour Enkidu et en fait son compagnon… En rentrant à Uruk, Gilgamesh est remarqué par Ishtar. La déesse l’invite à l’épouser, mais il refuse avec insolence. Humiliée, Ishtar implore son père, Anu, de créer le « Taureau céleste », afin de détruire Gilgamesh et sa cité… Enkidu réussit à l’attraper par le queue et Gilgamesh lui enfonce son épée dans la nuque. Furieuse, Ishtar monte sur les murs de la cité et maudit le roi. Ivre de leur victoire, Enkidu arrache une cuisse du « Taureau céleste » et la jette devant la déesse, en la couvrant d’injures… La même nuit, Enkidu rêve qu’il a été condamné par les dieux. Le lendemain, il tombe malade et s’éteint après douze jours… Le roi Gilgamesh, éperdument malheureux d’avoir perdu son ami, quitte la ville et erre dans le désert… Dorénavant son but est d’échapper au sort des humains, d’acquérir l’immortalité… (Gilgamesh réussit épreuve après épreuve dans le but de convaincre les dieux de lui donner l’immortalité.) Sa femme, Utnapishtim lui révèle un « secret des dieux » : l’endroit où se trouve la plante qui restitue la jeunesse… Attiré par le parfum de la plante, un serpent sort de l’eau, l’emporte et dépouille sa peau… Gilgamesh a échoué… L’humanité ne peut accéder à l’immortalité. »

On peut lire dans le texte suivant :

Lire dans « Déesses ou dieux, un enjeu terrestre » comment la légende de Gilgamesh, un des mythes fondateurs des sociétés patriarcales mésopotamiennes, sumériennes comme akkadiennes et babyloniennes, est celle du passage du matriarcat au patriarcat, ce héros ayant battue la déesse Inanna :

« Gilgamesh fut roi d’Uruk, l’une des principales cités du pays de Sumer dont Inanna était la puissante déesse tutélaire…

Au début du IIIe millénaire et à partir de la création des cités-États que nous avons déjà évoquée, s’amorce en Mésopotamie, une transformation profonde des mentalités, de l’organisation sociale, de la vie culturelle et spirituelle, attestée par l’ensemble de nos sources écrites.L’un des éléments essentiels pour la suite est celui des mœurs. Il faut insister sur le fait que rien alors ne s’opposait à l’amour libre, aucun impératif d’ordre moral ou même religieux : aucun concept ressemblant à l’idée du péché, n’existait. Les divinités elles-mêmes calquées sur l’image des hommes et des femmes, exerçaient les mêmes prouesses amoureuses. L’une d’elles, descendante des premières déesses archaïques de la fécondité dont nous venons de parler, occupa le devant de la scène. Il s’agit de la charmante, et sensuelle Inanna que les Sémites nommeront Ishtar, dont le culte était pratiqué dans la ville d’Uruk. Ce dont les mortels avaient le plus besoin pour assurer leur lignée était l’amour. Celle qui fut donc la déesse de l’amour apparaît ici dans toute sa majesté. Elle est juchée sur ses deux lions et elle porte dans ses mains les attributs de sa divinité et de son pouvoir : les anneaux et le sceptre.

Son aura perdura tout au long de l’histoire mésopotamienne, sur plus de deux millénaires. Il existe une reconstitution de la porte qui lui fut dédiée plus tard à Babylone, au cours du premier millénaire et qui donnait accès à la grande voie processionnelle menant à son temple. Mais à ce stade il faut bien constater que cette déesse est terriblement seule... Aussi les subtils théologiens de Sumer eurent-ils l’idée, pour assurer fécondité et prospérité à leurs cités, de donner leur roi pour amant à leur déesse de l’amour. Cet amant auquel elle s’unissait tous les ans au cours d’un mariage sacré, par l’intermédiaire de son incarnation terrestre, la grande prêtresse, était donc un mortel et il n’occupait par rapport à elle qu’une position subordonnée.

C’était la déesse qui était la force dominante, en tant que source de la vie et de la fécondité des sols. Et c’est le roi qui était assujetti aux vicissitudes du rythme saisonnier : il était sacrifié, puis remplacé chaque année au moment de l’été, perpétuant ainsi symboliquement la disparition puis la survie de la nature, et il n’accédait au statut divin qu’après cette mort sacrificielle. On notera au passage que cette disparition prématurée évitait aussi toute concurrence à la déesse ou plutôt à sa grande prêtresse dans ses prérogatives sur la cité.

Et ainsi à Sumer le premier à accomplir ce rite fut-il Dumuzi, autre roi d’Uruk dont les ébats avec Inanna sont largement développés dans les mythes de l’époque, et même représentés sur des plaques d’argile. Comme vous allez pouvoir le constater, la présence du roi à ses côtés déchaîne la passion de la déesse traduite dans le dialogue qui suit : « Quand à moi, mon tertre rebondi, qui le labourera pour moi, moi la reine, qui mettra là son bœuf ? ».... « Oh Inanna, c’est le roi qui te labourera » répond celui-ci sans équivoque. La suite n’en contient pas non plus : « Sitôt que du giron du roi l’eau du cœur eut jailli, à ses côtés sortirent les plantes, à ses côtés poussa le grain. Steppes et vergers, près de lui se chargèrent de luxuriance ». Le rituel est accompli, le roi par l’action de sa semence a assuré le renouveau de la végétation.

Une deuxième scène mettant en jeu le couple divin apparaît sur un magnifique vase d’albâtre exhumé à Uruk et daté du début du IIIe millénaire. On y trouve en reliefs ornementaux, une sorte de frise figurant le culte offert à la déesse Inanna par la ville. L’entrée de son sanctuaire est figurée par deux bottes de roseaux noués.Une multitude de porteurs d’offrandes se déplace lentement, l’un d’eux ouvrant la marche avec son panier de fruits. Derrière lui, un haut dignitaire, dont on ne voit que le manteau d’apparat et la longue traîne retenue par un esclave, rend hommage à une femme qui se tient devant le temple. De nombreux sumerologues pensent que cette scène évoque de manière précise le rituel hiérogamique dont nous venons de parler ou du moins ses prémisses. Auquel cas les deux personnages principaux seraient le roi et la grande prêtresse.La frise du bas représente le troupeau nourri du produit des champs et voué à un prochain sacrifice ou à un banquet rituel. On notera bien la situation d’allégeance du roi par rapport à la prêtresse à laquelle il dédie l’ensemble des offrandes.

Mais le rituel précédent est bien funèbre puisque le roi est sacrifié à la fin de l’année. Cette liaison poussée avec une déesse, bien que gage d’une immortalité « posthume » est vraiment très cher payé. On peut imaginer que cette immortalité, support puissant du pouvoir, puisse s’acquérir de manière plus « douce ». Au fil du temps, le roi temporaire va prendre de l’importance et chercher à contrecarrer la prêtresse qui depuis le temple est au centre de l’organisation sociale et exerce une influence importante : on devrait d’ailleurs plutôt parler d’une véritable prêtresse-reine. Une lutte politico-économique et religieuse va se dessiner, celle du temple aux mains des femmes contre le palais à dominante masculine.

Pour cerner ce lent basculement du pouvoir, une fois de plus nous allons faire parler les tablettes d’argile qui nous ont livré une longue et magnifique épopée celle de Gilgamesh. Il fut probablement l’un des premiers à s’opposer à la prêtresse et plus symboliquement à la déesse Inanna qui incarnait cette ville ; il fut le premier à refuser ce rituel du consort sacrifié comme le feront ensuite en Grèce d’autres Héros patriarcaux. Le mythe sumérien se déroule en trois étapes : il commence par le combat de Gilgamesh contre le dragon de la montagne sacrée lequel personnifie la prêtresse de la Déesse démonisée pour la première fois par l’idéologie patriarcale naissante. Se déroule alors un combat titanesque, je cite « Contre le dragon se dressèrent la tornade, la tourmente, huit ouragans l’affrontèrent et l’attaquèrent aux yeux, alors le dragon capitula, et il le livra à Enlil, dieu du ciel. » Après cette expédition victorieuse contre le monstre, le roi revêt ses habits neufs et prend définitivement possession de la ville et du pouvoir.

Mais la Déesse vaincue puisque sa représentante terrestre a été neutralisée par le héros, tente une dernière manœuvre de séduction. Je cite : « Gilgamesh, se couvrit d’une tunique, noua son écharpe, et enfin se coiffa de sa tiare.Alors l’auguste Inanna porta les yeux sur la beauté du roi ; viens, dit-elle, sois mon époux ! Fais-moi don de ton corps désirable ». Et là, fuse la réponse violente si différente de celle de Dumuzi précédemment : « Non je ne te prendrai pas pour épouse, tu n’es qu’un brasier porteur de glace ; quel époux as-tu aimé pour toujours ? Tu as aimé l’oiseau multicolore, et pourtant tu l’as frappé et tu lui as brisé les ailes (il s’agit ici d’un roi temporaire). Dumuzi l’amant de ta jeunesse, tu l’as voué à des pleurs éternels... Et moi, si tu m’aimes, j’aurai un destin comme le leur ». L’allusion au sacrifice du roi est claire.

Inanna furieuse fait alors lâcher dans Uruk un autre monstre céleste qui est évidemment terrassé par Gilgamesh ce qui lui permet de consolider définitivement son pouvoir non sans avoir auparavant pillé le temple de déesse d’où il aurait extrait un magnifique taureau sacré recouvert d’or et de lapis lazuli. Enfin Gilgamesh en majesté est souvent représenté en vainqueur, maîtrisant dans ses bras le lion symbole de la déesse. Un dernier signe du basculement du pouvoir et de l’allégeance de la déesse Inanna-Ishtar apparaît sur une magnifique fresque murale découverte dans la cour d’honneur du palais royal de Zimri-lin à Mari au nord de l’Euphrate et datée de l’année1800. Le prince coiffé d’un calot bombé ale bras droit tendu et s’apprête à être intronisé. La déesse identifiable à son lion, lui remet le sceptre et l’anneau lui abandonnant donc deux symboles majeurs de son pouvoir…

Nous venons d’évoquer un processus de marginalisation des femmes, très ancien mais terriblement moderne aussi : et avant de vous quitter je voudrais vous faire rencontrer cette Mésopotamienne si rayonnante, croisée au détour du musée de Bagdad...Elle-même ou son délicieux fantôme auraient pu séduire le grand poète que vous reconnaitrez peut être dans ce dialogue intemporel : « Mon cher, dit-elle, vous êtes fou, j’ai cinq mille ans de plus que vous... ». « Le temps madame, que nous importe... »

Les civilisations anciennes méditerranéennes matriarcales, celles dites des « hypogées » comme celle des Hatti (avec leur déesse de la fertilité Wurushemu), ou celle de Çatal- Höyük, de Hacilar, celle de Halaf ou encore de l’ancien Uruk, relèvent également de ce type de sociétés matriarcales pacifiques qui se sont développées partout dans le monde avant l’agriculture et l’urbanisation et aux débuts de ceux-ci, jusqu’à l’apparition de l’Etat, qui ont été détruites par le saccage et la violence vers -3 500. L’apparition des armées permanentes a été la fin du matriarcat sauf dans quelques régions où des armées de femmes ont pu faire face. Des traces d’incendies et de violences diverses ont pu être mises en évidence par les fouilles des ancien sites matriarcaux. Des isolats matriarcaux ont ensuite perduré jusqu’à nous dans plusieurs régions du monde. De cet écrasement violent du patriarcat, il reste peu de traces écrites et seules les légendes ou des restes involontaires au sein des idéologies ont pu nous donner des indications de cet épisode brutal.

La Mésopotamie suméro-akkadienne puis babylonienne a très longtemps été matriarcale, ce qui se reflétait dans ses religions.

Les déesses étaient :

1. Ereshkigal ou Irkalla- La déesse des enfers

2. Nanshe – la déesse de la justice sociale et de la prophétie

3. Ishtar ou Inanna- La Déesse de l’Amour et de la Procréation

4. Tiamat – la déesse de la mer Salée et mère de plusieurs divinités

5. Ninkasi – La déesse de la bière

6. Shala- La déesse du grain et de la compassion

7. Geshtinana – La déesse de l’interprétation des rêves, de la fertilité et de l’agriculture

8. Ninhursag – la déesse mère des montagnes

9. Kishar – la déesse de la terre

10. Ninlil – la déesse du vent

Une inscription de Sargon, un des plus anciens rois de Mésopotamie, dit : " Sargon, roi puissant, roi d’Agadé, moi ! — ma mère me conçut sans la participation de mon père. "

La fertilité de la terre est solidaire de la fécondité féminine ; par conséquent, les femmes deviennent responsables de l’abondance des récoltes, car elles connaissent le « mystère » de la création. Il s’agit d’un mystère religieux, parce qu’il gouverne l’origine de la vie, la nourriture et la mort. La glèbe est assimilée à la femme. Plus tard, après la découverte de la charrue, le travail agraire est assimilé à l’acte sexuel. Mais pendant des millénaires la Terre-Mère enfantait toute seule, par parthénogenèse. Le souvenir de ce « mystère » survivait encore dans la mythologie olympique (Héra conçoit toute seule et donne naissance à Héphaistos, à Arès) et se laisse déchiffrer dans de nombreux mythes et croyances populaires sur la naissance des hommes de la Terre, l’accouchement sur le sol, le dépôt du nouveau-né sur la terre, etc… Certes, la sacralité féminine et maternelle n’était pas ignorée au paléolithique, mais la découverte de l’agriculture en augmente sensiblement la puissance. La sacralité de la vie sexuelle, en premier lieu la sexualité féminine, se confond avec l’énigme miraculeuse de la création. (…) Le culte de la fertilité et le culte des morts semblent solidaires (cultures de Hacilar et Çatal Höyük en Anatolie et culture pré-céramique de Jéricho, par exemple). (…) Des reliefs de la déesse, parfois hauts de deux mètres, modelés en plâtre, en bois ou en argile et des têtes de taureaux étaient fixés aux murs. (…) A Hacilar, daté de – 5.700, la déesse est montrée assise sur un léopard ou debout tenant le petit d’un léopard. »

Olivier Pelon écrit :

« Une importante iconographie féminine

Aucun sanctuaire ni aucun lieu de culte n’ont été identifiés dans le secteur fouillé, contrairement aux indications fournies à Çatal Höyük. Au lieu de pièces ornées de motifs peints ou en relief de caractère symbolique ou rituel, on n’observe que des murs sans décor et des installations à destination purement domestique. Il existe cependant un lien entre les deux sites : la présence de figurines de terre cuite ou crue qui ont dû jouer un rôle dans les pratiques religieuses. À Hacilar, c’est tout un monde de représentations féminines qui a été mis au jour, dont J. Mellaart a pu dire qu’elles figuraient les différents aspects de la population féminine de l’époque vus par les yeux d’un artiste mâle, et qu’il décrit ainsi de façon très suggestive :

« Les jeunes filles, aux traits fins, leur chevelure brune ou noire portée en queue de cheval ou en boucles sur le sommet de la tête, affichant avec coquetterie leurs corps splendides à petits seins, vêtus uniquement d’un caleçon en étoffe de laine ou en peau d’animal ou jouant avec leurs léopards familiers, rapportés par les chasseurs des forêts de pin et de genévrier qui entouraient la vallée. Ailleurs […] les femmes plus âgées, mères ou futures mères, de formes mûres et sans aucun doute nues ou vêtues de tabliers ou de jupes ficelle, leur chevelure nouée en chignon à l’arrière de la tête, comme le voulait leur statut de femme mariée. Ici une jeune femme jouait avec son enfant assis sur sa poitrine ou la tétant ; près de là […] une femme aux cheveux sombres se reposant à l’ombre tandis que son jeune enfant se penche vers elle et murmure dans son oreille, ou les ébats d’un enfant sur le dos de sa mère qui s’accroupit avec difficulté en raison de son évidente grossesse… »

Les motifs choisis ont cependant une valeur symbolique manifeste, sans doute identique à Hacilar et à Çatal Höyük : un personnage féminin en est le centre, volontiers associé dans les deux cas à un animal, le léopard, qu’on ne peut simplement considérer comme un animal familier. Et si, à Hacilar, les formes féminines sont parfois graciles et sveltes, on a plus souvent des figurations de femmes stéatopyges aux seins lourds qui incarnent une idée de maternité féconde. La nudité même, totale ou partielle, qui est une des constantes de ces représentations est significative du désir de l’artisan de mettre particulièrement en valeur tous les aspects du corps féminin ; le geste – que l’on constate dans plusieurs cas – des mains ramenées sur les seins qu’elles paraissent cacher, bien loin d’être celui de la Vénus pudique (Venus pudica) dont il est pourtant l’archétype, n’est destiné qu’à mieux mettre en évidence cet élément essentiel de la fécondité féminine. Si aucune des figurines d’Hacilar n’atteint à la majesté de la « déesse » aux léopards de Çatal Höyük représentée en train d’accoucher, il existe cependant une filiation probable entre celle-ci et celles des femmes d’Hacilar associées à un jeune félin."

Léon Abensour écrit :

« Essayons avec un assyriologue contemporain de ressusciter la vie d’une petite cité du bas Euphrate, quatre mille ans avant notre ère : « La femme y occupe une situation privilégiée, elle jouit delà liberté et des honneurs. » Égales de l’homme, ces femmes du peuple pour lesquelles, dans le but d’encourager (déjà !) la natalité, on a institué le salaire familial ; égales de l’homme ces « servantes de la reine », congrégation religieuse et corporation à la fois ; égale de son souverain cette épouse du roi qui, dans la cité-royaume de Lagas, est chef politique, grand-juge, administrateur, qui évoque devant son tribunal les affaires privées, nomme les fonctionnaires, promulgue les lois et dont le palais — non celui du roi — est le grand centre de la vie du petit royaume.

Et si l’épouse du maître d’une cité chaldéenne exerce plus de pouvoirs officiels qu’aucune reine n’en exerce jamais du vivant de son mari, des inscriptions exhumées récemment par le père Scheil nous apportent mieux encore : des femmes élevées par le choix populaire au pouvoir suprême. Nous savons en effet que, cinq mille ans avant notre ère, le suffrage universel fleurissait, de même que le collectivisme, sur les bords de l’Euphrate et du Tigre. Qu’un souverain vînt à mourir, et c’était parfois une femme que le peuple désignait pour son successeur.
La légende de Sémiramis, qui comme toute légende a une base historique, montre que le gouvernement féminin laissa en Orient de bons souvenirs.

C’est d’ailleurs, bien plus que l’égalité des sexes, une véritable suprématie de la femme qu’ont connue ces âges fabuleux de la légende qui chaque jour pénètrent un peu plus dans l’histoire de l’ancien Orient. Mais aux temps classiques même, et quand les cultes lunaire ou terrestre, dont la primauté se confondait avec celle de la femme, grande prêtresse d’Ishtar de la Déesse-Mère, s’éclipsent devant le culte masculin du Soleil, la femme conserve du moins longtemps encore l’égalité : égalité civile, égalité politique ; jusqu’à la disparition des empires assyrien et chaldéen, la femme continue de signer des contrats. Au neuvième siècle encore, la reine d’Assyrie, Sammouroumat (Sémiramis ?), contresigne tous les actes de son mari. »

Source

Grèce

Dans la culture grecque, qui était à son apogée il y a deux mille ans, ce ne fut pas le dieu Asclépios (Esculape), mais sa mère, Coronis, qu’on considéra comme le premier médecin. Elle supplanta Hécate et Diane qui avaient été les premières déesses de l’art de guérir. Une légende grecque, relatant les aventures du demi-dieu Hercule, décrit son voyage dans un pays dominé par une tribu d’Amazones guerrières : le voyageur décide d’en finir avec la domination des femmes et de libérer les hommes. Une autre légende raconte comment les dieux d’Athènes déchurent les femmes de leurs droits, car elles avaient utilisé leur droit de vote pour nommer leur ville " Athéna ", en l’honneur de la déesse, au lieu de la baptiser du nom de dieu Poséidon. La légende grecque indique le combat entre le matriarcat et le patriarcat dans le combat de Poséidon pour conquérir l’Olympe. La légende veut que la déesse Athéna aurait défendu le matriarcat et Poseïdon, dieu des mers, aurait imposé le patriarcat à Athènes en spécifiant cette demande pour arrêter d’assaillir la ville d’Athènes par les hautes lames de la mer. Les femmes, selon la légende, ont alors perdu leur droit de vote et les enfants ont cessé de porter le nom de la mère. Zeus intervint, dit la légende, pour éviter que le combat entre Athéna et Poseïdon ne mène à une guerre civile durable. Cela montre que la conquête des hommes est reliée à la formation de l’Etat puisque c’est la prise de l’Olympe par Zeus, qui symbolise la naissance de l’Etat grec, qui est reliée à la venue dans l’Olympe des dieux du frère de Zeus, Poseïdon. On a appelé ‘époque avant l’Etat de « règne de Chronos » et la légende annonce que les hommes travaillaient alors seulement pour subvenir à leurs propres besoins et ne s’exploitaient pas mutuellement. Il est à remarquer que la légende raconte que c’est encore Poseïdon qui ravagea la ville de Troie ce qui sous-entend aussi que la ville de Troie avait conservé le matriarcat alors qu’il avait déjà été éradiqué dans le reste de la Grèce. Cela irait dans le même sens que les légendes selon lesquelles des armées de femmes sont accourues défendre Troie quand la Grèce s’est unie pour combattre et écraser cette ville et le fait que les Troyennes ont été particulièrement mal traitées après cette guerre et livrées en esclavage. Le plus impressionnant, c’est que la légende des « travaux d’Hercule » explique que l’une des tâche du « héros » a consisté à combattre les régiments de femmes appelées les Amazones, les unes venues d’Afrique du nord et les autres des bords du fleuve Thermodon, dans la région du Caucase. Ces deux armées s’appuyaient sur des sociétés matriarcales. Elles auraient participé, toujours selon la légende car cette époque dispose seulement de légendes, à la guerre de Troie aux côtés des Troyens (Troyennes ?). Thèsée aurait personnellement combattu les régiments de femmes sous les ordres de la reine Penthésilée devant Troie. La légende rajoute que cette reine aurait été tuée par Achille dans un combat singulier. Les Grecs comme Socrate ou Platon considèrent que le passé peu lointain comprenait des régiments de femmes. On retrouve des armées strictement féminines dans les armées des Cimmériens et des Scythes. Les Romains en ont combattu certaines comme les Namnètes de l’Ile de Sein, ou les Samnites vivant près du Vésuve. Le nord de l’Iran a eu encore longtemps des sociétés matriarcales qui subsistent dans quelques bourgades. Parmi les mythes grecs qui mentionnent l’époque féminine de la Grèce antique, on peut également citer celui dit « des âges ». Sous l’âge d’Or, ils ont vécu sous le règne de Gaïa, déesse-terre. L’âge d’argent est symbolisé par une femme maniant la charrue et arborant une gerbe de blé. C’est l’âge de la fécondité. C’est Zeus, dieu masculin, qui a anéanti cet âge pour inaugurer l’âge de bronze, celui des hommes guerriers. La femme avait encore une influence cependant, marquée par une femme casquée et adossée à un bouclier. Prométhée créa ensuite l’âge de fer qui est un âge violent où on représente encore une femme mais menaçante et coiffée d’une tête de loup. Zeus anéanti alors l’humanité entière, laissant seulement un couple de justes qui survécut au déluge. On constate en Grèce de nombreuses déesses et même des déesses menaçantes comme le sphinx. Les mystères d’Éleusis faisaient partie d’un culte à mystères, de nature ésotérique, effectué dans le temple de Déméter à Éleusis (à 20 km au sud-ouest d’Athènes). Ils sont consacrés aux déesses Déméter (terre) et sa fille Perséphone (enfer). Ce culte agraire rendu à la déesse grecque de l’agriculture, s’étendra à toute la Grèce et, à l’époque romaine, à tout l’Empire romain. Les déesses mère et fille d’Éleusis ont probablement des racines préhelléniques, ceci étant suggéré par la relation entre leur légende et la culture des céréales, introduite en Grèce longtemps avant l’arrivée des Grecs. Selon le mythe, Déméter dévoila aux hommes ses mystères et la maîtrise de l’agriculture. Le poète Eschyle (Ve siècle avant JC), citoyen d’Eleusis et initié aux Mystères de Déméter, fut accusé de les avoir révélés. Il connaissait les souvenirs de l’époque matriarcale que les prêtresses conservaient et expliquaient aux initiés. L’explorateur Pausanias (I, 38) rapporte que, dans les temps préhistoriques, les habitants d’Eleusis durent défendre par les armes le culte de Déméter, que les Athéniens voulaient abolir. Le culte des déesses matriarcales, pour échapper aux persécutions, dut donc s’entourer d’ombre et de mystère. La Grèce a développé des « mythes de la vierge ». Trois déesses grecques, Junon, Minerve et Diane, portaient l’épithète de partheneia, virginale. Cependant Junon eut plusieurs enfants et Minerve, la vierge par excellence, fut plusieurs fois mère. D’après Cicéron et Aristote, elle avait mis au monde Apollon patrôos (protecteur des pères) ; Vulcain, en cette circonstance, avait été son mari, ou plutôt son violateur, ce qui ne l’empêchait pas de partager avec elle son temple sur l’acropole d’Athènes ; les fêtes des lampadephories étaient célébrées en l’honneur de Minerve et de Vulcain. — Neptune, en sa qualité de dieu marin, se permit un grand nombre de viols, la déesse athénienne fut une de ses victimes ; mais la Terre fut assez complaisante pour porter dans son sein le fils de Minerve et de Neptune, Erichthonius. Malgré ces enfants, la déesse continuait à recevoir l’épithète de vierge ; et son temple sur l’acropole, l’Erechtheum, était consacré à Minerve métro-parthenos, la vierge-mère. Elle était même une déesse tutélaire des femmes violées, fort nombreuses dans les tribus primitives de la Grèce, comme dans les tribus australiennes. Aethra, violée par Neptune dans l’île de Sphérie, éleva un temple à Minerve apaturia (décevante) ; quand Hercule eut triomphé de la reine des Amazones, il lui consacra la ceinture qu’il lui avait enlevée ; le jour de leur mariage, les fiancées de Trézenne faisaient hommage à Minerve de leurs ceintures. Dans la tête des Grecs, l’idée de virginité et de maternité ne s’excluaient pas. Nous verrons tout à l’heure que vierge-mère signifiait mère sans le concours de l’homme, comme c’est le cas pour la vierge-mère Marie : mais dans les temps primitifs cela voulait dire mère sans être mariée. C’est ce qui explique ce passage des Euménides d’Eschyle, dans lequel Minerve dit que " quoique l’homme a tout son coeur, elle n’a jamais consenti à accepter le joug du mariage ". En Grèce, on appelait fils de vierge (parthenias), le fils d’une fille non mariée. La femme était censée vierge tant qu’elle n’était pas mariée.

Mythologie grecque : putsch des dieux-pères olympiens sur l’ancien ordre des déesses-mères

Aristophane contre la révolution des femmes (celle soutenue par Socrate)

Paul Lafargue rapporte les légendes, notamment grecques, de passage du matriarcat au patriarcat

Le Mythe de Prométhée, de Paul Lafargue

Le mythe de l’Immaculée conception de Paul Lafargue

Vikings

Dans la légende viking, Beowulf tue une déesse-mère de l’ère matriarcale. Chez les anciens Vikings, c’était la déesse Eir qui dominait.
Les femmes vikings étaient hautement considérées dans les affaires religieuses. Dans la société scandinave, la völva, tout autant prêtresse que prophétesse, était généralement une femme âgée ayant rompu avec les attaches familiales, qui errait à travers le pays. On faisait appel à ses services dans les situations graves, à l’instar de la femme qui, avec l’aide de Gudrid, dirige les rituels païens pour mettre fin à la famine, dans la saga d’Eirik le Rouge. Son autorité était absolue et elle était largement rémunérée pour ses services.

Selon la mythologie et les récits historiques, les völvur étaient censées posséder des pouvoirs tels qu’Odin lui-même, le père des dieux, faisait appel à leurs services pour connaître l’avenir des dieux : c’est notamment ce que rapporte la Völuspá, dont le titre lui-même se traduit par "chant de la prophétesse". Parmi les plus célèbres völvas de la littérature scandinave, il y a lieu de citer la Heidi de la Völuspá et la sorcière Gróa du lai de Svipdag (Svipdagsmál).

Homme ou femme pouvait être médecin "loeknir". La magie et la sorcellerie étaient exercées strictement par les femmes. Les sorciers masculins étaient considérés comme homosexuels (passifs) ce qui avait une connotation très négative de déshonneur, de couardise et non-virilité dans la société viking. Les Vikings pouvaient intervenir sur leur destin qui n’était pas inéluctable comme il le devint à l’époque chrétienne. Le recourt aux magiciennes et aux sorcières était un moyen de questionner les esprits et de s’en servir pour exécuter les ordres du sorcier.

Les ancêtres des Viking avaient le culte d’une Déesse Mère et des grandes forces naturelles qu’ils ont représentées plus tard par la création d’un panthéon qui compte notamment Odin, Thor, Jord, Frigg, Freyja, Freyr... et le grand arbre Yggdrasill. Il existe des témoignages de l’époque romaine décrivant ceux que l’on nomme « les pères des Vikings » en ces termes :« Ils (germains du nord) n’ont ni druides qui président au culte des dieux, ni aucun goût pour les sacrifices, ils ne rangent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient et dont ils ressentent manifestement les bienfaits, le Soleil, le feu, la Lune. Ils n’ont même pas entendu parler des autres » — Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules VI, 21« Ils répugnaient à présenter leurs Dieux sous formes humaines, il leur semble peu convenable à la grandeur des habitants du ciel, ils leur consacrent les bois, les bocages et donnent le nom de Dieux (et Landvaettir – esprits de la terre) à cette réalité mystérieuse que leur seule piété leur fait voir » « Aucun de ces peuples ne se distingue des autres par rien de notable, sinon qu’ils ont un culte commun pour Nerthus c’est-à-dire la Terre Mère, croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes et circule parmi les peuples » Tacite, Germania IX, 3.

Les mythes nordiques nous apprennent que deux familles divines cohabitent ensembles et forment le panthéon nordique. La première et la plus ancienne, est la famille des Vanir. La seconde et la plus récemment arrivée en sol scandinave, est la famille des Aesir. Les Vanes sont les premiers dieux (autochtones matriarcaux européens). Ils sont associés aux cultes de la fertilité, de la fécondité, de la sagesse et de la précognition. Sédentaires, ils étaient honorés comme divinités de la fertilité, de l’amour, de la sexualité, de la nature, de la santé,de la chance, de la jeunesse et des animaux. Outre leurs attributs divins, on les considère aussi comme des magiciens aux très grands et nombreux pouvoirs et comme des êtres spirituels plein de sagesse et de conseils. Il n’y a ni dieux de la guerre, ni déesses du mariage. Chez eux, les hommes "épousent" leur sœur.Ils sont vaincus par les Ases (dieux des envahisseurs patriarcaux indo-aryens : Odin, Thor...).
Freyja est la déesse-mère nordique de la terre, de la fertilité, et de la beauté.Son nom signifie "Dame". Freyja et son frère Freyr ("le Seigneur") sont les chefs des Vanir.

Fylgja désigne le placenta, les membranes qui suivent l’expulsion du nouveau-né, et,symboliquement, la figure tutélaire, l’esprit, le double qui suit un homme et même un clan. La femme-fylgja, la fylgjukona, est celle qui protège l’individu, se rapprochant de notre ange-gardien,mais aussi d’une famille. Elle est liée au culte des Dises, évoquant les dhisanas védiques, déesses de la fertilité et de la fécondité, mais aussi du destin. Dans la mythologie nordique les dises (vieux norrois : dísir ; au singulier : dís) forment un ensemble de divinités féminines sur lesquelles peu de choses connues, à l’exception qu’elles sont associées à la mort et la déchéance. La fylgja est le double de l’individu, comparable au Ka égyptien et à l’ eidolon grec, une sorte d’ange gardien prenant la forme d’une entité féminine ou d’un animal protégeant la famille ou la personne qu’elle a adoptée. C’est un être tutélaire dont la fonction est la protection et la prédiction. Il se manifeste aux vivants pendant les rêves.

Poème épique anglo-saxon écrit au VIIe siècle narrant les exploits du héros scandinave Beowulf (bee-wolf, loup-abeille, ours), qui vient à la rescousse du roi Hrothgar du Danemark, qui chaque nuit se fait dévorer ses guerriers par le monstre des marécages Grendel. Celui-ci est le fils d’une ogresse vivant dans un lac souterrain. Beowulf les terrassera. Comme dans la mythologie grecque, nous avons un héros masculin terrassant un monstre féminin ’’de l’ancien monde’’ ainsi que ses enfants. De nombreux universitaires pensent que ces mythes sont des allégories au nouvel ordre patriarcal terrassant l’ancien ordre matriarcal. Dans une version christianisée, Grendel serait un descendant de Caïn, hors ce dernier est souvent interprété comme un symbole matriarcal : Abel (pasteur sacrificateur patriarcal) est préféré par Yahvé à Caïn (agriculteur matriarcal). Dans la version cinématographique de Robert Zemeckis (2007), Grendel serait l’enfant adultère du roi Hrothgar avec l’ogresse (une sorcière séductrice multiformes), venant ainsi se venger de ne pas avoir été reconnu par son père.

Source

Matriarcat nord-européen

Romains

Si Rome est connue pour être une société patriarcale dès le début, elle ne provient pas d’une société patriarcale. A Rome, le patriarcat succéda à un matriarcat étrusque…

Matriarcat étrusque

Place des femmes dans la société étrusque

La femme Étrusque, grande oubliée des féministes

Dans la Scienza Nuova, Giambattista Vico (philosophe italien du 17e siècle) insiste sur la promiscuité primitive, et base l’établissement du patriarcat à Rome et sa séparation de la plèbe sur la différence de la forme de mariage. Les patriciens antiques (aristocratie, élite oligarchique) pouvaient nommer leur père patrem ciere ; tandis que les plébéiens (peuple), qui conservaient encore la généalogie maternelle, ne connaissaient pas leur père. C’est pourquoi les cultes des déesses-mères étaient si populaires dans l’empire romain : Isis, Artémis, Cybèle, Magna Mater…

Mythe d’Oreste

Les patriciens romains se disaient descendants d’Énée, un des héros de la bataille de Troie, ville au passé grandiose qui se trouve en Anatolie. Cybèle étant la grande Déesse d’Anatolie, les Romains ont voulu y voir la Déesse-Mère de leurs lointains ancêtres. La statue de Cybèle entrant dans Rome était donc célébrée comme un retour de la Déesse parmi ses descendants.

Cybèle est une Déesse étrangère qui fut importée d’Anatolie en l’an 204 avant notre ère. Son origine est exactement phrygienne, et les spécialistes s’accordent à dire qu’elle remonte très certainement à la Terre-Mère vénérée dans cette région au néolithique, tel que ce fut le cas à Çatal Höyük. Elle était représentée à cette lointaine époque avec une forte poitrine, et par la suite même avec de très nombreuses poitrines qui symbolisaient l’aspect Mère Nourricière.

Mais cette arrivée de la statue de Cybèle à Rome ne se fit pas sans frictions et problèmes. Car avec la Déesse furent aussi importés des rites que les Romains voyaient d’un très mauvais œil. Le caractère orgiaque du culte anatolien est un des aspects qui gênaient profondément le puritanisme patricien. Dès le début donc, bien que la Déesse soit la bienvenue, les lois romaines apportèrent de fortes limitations au culte de Cybèle. De plus, tous les rites devaient se tenir strictement dans le temple qui lui était dédié ; seul une fois l’an était autorisé une procession qui permettait qu’on sorte la statue de son temple. Par ailleurs tout sacrifice selon le rite anatolien était lui aussi interdit.

Au travers de ces différentes restrictions imposées par les autorités romaines, se révèle un conflit très ancien, une opposition religieuse et culturelle qui connût son grand tournant pendant la deuxième moitié du néolithique : cet affrontement est probablement celui qui à l’origine opposa la vision patriarcale et puritaine des aryens-patriciens, à celle matriarcale et libertine des peuples antérieurs aux aryens issus du néolithique ancien. À une époque où les Romains ne s’étaient pas encore étendus comme ils le firent par la suite, les valeurs religieuses patriarcales et puritaines héritées de leurs ancêtres aryens, étaient encore celles qui prédominaient dans la société romaine. Ces valeurs sont celles que défend Rome face aux prêtres de Cybèle et de leurs rites venus du plus ancien du néolithique matriarcal. Le brassage des cultures patriciennes et matriciennes dont fut victime plus tard l’empire romain, fut une des raisons qui mena Rome à sa perte.

Sources : « Les Fastes », Ovide. « La religion romaine archaïque », Georges Dumézil

Germains

Chez les Germains, les femmes avaient toute la responsabilité du travail des champs. Les femmes des tribus tchèques pratiquant l’agriculture jouissaient de la même estime. La légende qui nous a été transmise sur la sagesse de la princesse Libussa rapporte que l’une des sœurs de Libussa s’occupait de l’art de guérir, tandis que l’autre bâtissait des villes nouvelles. Quand Libussa arriva au pouvoir, elle choisit comme conseillères deux jeunes filles particulièrement versées dans les questions de droit. Cette princesse gouvernait de façon démocratique et consultait son peuple pour toutes les décisions importantes. Libussa fut détrônée plus tard par ses frères. Cette légende témoigne assez bien de la manière dont les peuples ont conservé la mémoire de la domination de la femme. Le matriarcat devint dans la légende populaire une époque particulièrement heureuse et bénie puisque la tribu menait encore une vie collective. Les légendes germaniques que nous connaissons, par exemple la Chanson des Nibelungen, décrit avec force détails les combats de preux guerriers contre de belles femmes non moins belliqueuses, avant que celles-ci ne se soumettent pour devenir leurs épouses. La belle Brunehilde ne fut vaincue par son prétendant Gunther que par la ruse. Cependant, au cours de la nuit de noces, non seulement elle ne se rendit point, mais elle continua à combattre et vainquit son héros qu’elle suspendit au toit par la ceinture avant d’aller se coucher en toute quiétude. Les chants folkloriques russes montrent aussi la liberté et l’égalité dont jouissaient les femmes non seulement dans la vie économique, mais aussi sur le champ de bataille. Citons, par exemple, le héros Dobrynja Nikititsch affrontant à découvert un « chevalier errant, femme », représentante sans doute d’une tribu où dominait toujours le matriarcat. Dobrynja commence à combattre avec elle. Elle le saisit par sa chevelure bouclée, le "fourre" dans un "sac", et lui explique qu’elle ne consentira au mariage que si cela lui "chante".

Matriarcat germain pré-aryen : la femme guerrière et prêtresse face à l’empire romain

Inde

La civilisation de l’Indus était clairement matriarcale. La civilisation de l’Indus, vaste société urbaine commerçante n’avait ni palais ni temples ni rois ni armée ni police, mais des immenses villes et est reconnue par tous les historiens comme matriarcale. Les religions suviantes ont dû s’en démarquer…

La civilisation de l’Indus et sa destruction

La civilisation matriarcale dravidienne de l’Indus : un paradis pacifique urbain détruit par les aryens

Le matriarcat pré-aryen

Révolutions dans l’Inde antique

Finlande

Laponie, ancienne terre matriarcale

Pohjola est un lieu mythique dans la mythologie finnoise. Étymologiquement, le mot est dérivé de Pohja, le Nord et fait référence à l’ensemble des régions polaires. Dans le Kalevala, le Pohjola est le pays des Saami (lapons). Le Pohjola peut également être considéré comme un lieu purement mythique, la source du mal. Le froid et les maladies viendraient de ce Pohjola. Selon la mythologie finlandaise, les fondations du monde — les racines de l’arbre du monde — se trouvent dans le pays Pohjola. Dans la mythologie, Louhi, une puissante sorcière règne sur le Pohjola.

Louhi a dans la mythologie finlandaise la double fonction de sorcière des glaces et de reine d’un pays connu sous le nom de Pohjola. Elle est décrite comme une sorcière puissante ayant la possibilité de changer de forme à son bon vouloir ainsi que la faculté d’exécuter de puissants enchantements. Elle est également la principale adversaire de Väinämöinen et de ses comparses dans lutte pour la possession du Sampo.

Louhi avait également la capacité d’enfermer la lune et le soleil dans une caverne ainsi que d’envoyer le froid sur un pays entier. Elle se servit de son don de se transformer à souhait, pour se métamorphoser fréquemment en griffon. Ce fut sous cette forme qu’elle attaqua le bateau qui emportait le Sampo.

Dans le Kalevala, elle a aussi bon nombre de filles magnifiques, qu’Ilmarinen, Lemminkäinen et autres héros essayent de conquérir dans diverses légendes. Les tâches à accomplir pour ce faire étaient si ardues que finalement peu arrivaient à les accomplir, et le cas échéant, elle intervenait elle-même pour faire échouer leur projet. Seul Ilmarinenaura su combler ses attentes, sans pour autant conquérir une fille de Louhi, cette dernière refusant de quitter son pays d’origine. Väinämöinen et Ilmarinen furent les seuls à l’avoir tenue en défaut.

Des personnages du Kalevala cherchent à obtenir la main de la fille de Pohjola. Louhi leur demande de réaliser des miracles comme forger le mystérieux Sampo de prospérité. Väinämöinen est le personnage principal des récits concernant le Sampo, objet rappelant une fabrique miraculeuse qui crée céréale, sel et or. Väinämöinen part à Pohjola pour y épouser la fille de Pohjola. La maîtresse de Pohjola impose au prétendant qu’il forge le Sampo. Väinämöinen n’y parvient pas et il repart déçu. Cependant, il envoie le forgeron Ilmarinen forger le Sampo de Pohjola. Toutefois la maîtresse de Pohjola ne donne pas sa fille à Ilmarinen, mais lui impose de réaliser de nouvelles tâches. Quand il a réalisé toutes les tâches, la fille de Pohjola lui est donnée comme épouse. Celle-ci est tuée et dans sa douleur Imarinen part à Pohjola épouser la seconde fille de Louhi.

Dans la mythologie finnoise, le sampo (corne d’abondance ?) est un objet magique souvent associé à Pohjola et qui assure la fortune à son propriétaire. Ayant remarqué combien le peuple de Pohjola est heureux grâce au Sampo, il se fâche et le raconte à Väinämöinen et à Lemminkäinen. Ces derniers se fâchent à leur tour et partent vers Pohjola avec une armée pour y dérober le Sampo. Le Sampo est volé, mais sur le chemin du retour, la maîtresse de Pohjola attaque et dans les combats le Sampo est détruit. Des morceaux du Sampo échouent sur une plage et développent l’agriculture.

Dans la conception des Sami de Laponie, chaque chose dans la nature a une âme, comme chaque phénomène naturel.

Les déesses des Lapons se trouvent généralement par trois : celle qui recueille l’âme transmise par la mère, celle qui permet à l’âme de devenir un fœtus, celle qui garde la tente où il y a un âtre et où la femme accouche. La déesse principale est la femme qui détient l’âme et qui permet que se forment les enfants. Les enfants naissent tous comme des femmes et deviennent seulement ensuite soit des femmes soit des hommes.

Les chasseurs lapons obéissaient à un paganisme matriarcal.

Akka (en langue saami : Áhkká) est un esprit féminin du chamanisme saami, présent également dans la mythologie finnoise. Le culte d’Akka était très généralisé et célébré sous forme de sacrifices, d’incantations et autres rituels. Certains Saamis croyaient qu’Akka vivait sous leur tente. Dans la mythologie finnoise Akka est l’épouse de Ukko et est la déesse de la fertilité. Elle est identifiée à la partie féminine de la nature, Maaemonen la mère Terre, fertilisée par Ukko.

Maderakka, appelée également Máttaráhkká est la première Akka, la déesse primordiale, la créatrice du corps humain, la déesse des femmes et des enfants. Les femmes et les enfants lui appartiennent (les garçons jusqu’à leur puberté). Le nom, remontant à la mythologie saami, réfère à la déesse de la sagesse et de la beauté, ce qui explique qu’akka a pu être utilisé en langue saami pour désigner « grand-mère » ou « femme sage ». Maderakka est populaire parmi les féministes Saami. Jabme-Akka (l’Akka de la mort) est la déesse du monde souterrain. Elle apaise et rassure les âmes des enfants disparus.

• Sáráhkká, appelée également Sarakka, est la déesse de la fertilité, de la grossesse et de la naissance. Elle assure la protection du fœtus. Une association saami féministe créée en 1988 porte le nom The Sarahkka en son honneur.

• Juokshkká, appelée également Juksakka, dont le nom signifie l’Akka à la flèche est la déesse protectrice des enfants.

• Uksáhkká, dont le nom signifie femme de la porte, est la déesse protégeant la maisonnée. C’est elle qui façonne le fœtus dans le ventre de la mère et détermine le sexe de l’enfant.

Mythologie matriarcale finlandaise : la déesse-mère des lapons face aux nouveaux dieux-pères aryens

Papouasie-Nouvelle Guinée

L’anthropologue Maurice Godelier écrit dans la Recherche – novembre-décembre 2002 :
« Chez les Baruyas, selon le mythe originel, les femmes auraient inventé les arcs, les flèches, etc, mais elles les auraient utilisé sans mesure. Leur puissance était créatrice de désordre (disent les hommes qui ont construit ce mythe), leur créativité était désorganisatrice… C’est pourquoi les hommes ont dû (disent-ils) les déposséder de tout cela. Pour que le monde tourne bien. Les femmes avaient aussi inventé les flûtes. Or, le nom secret des flûtes, c’est « vagin ». C’est-à-dire le pouvoir de donner la vie. Les premiers hommes (selon le mythe) se sont emparés des flûtes (…) Si les hommes ne tenaient pas les flûtes cachées des femmes, le pouvoir de donner la vie et de façonner des garçons repartirait chez les femmes. (…) En somme, les hommes vivent toujours menacés d’un désordre créé par les femmes. C’est pourquoi ils ne desserrent jamais leur étau… »

Les Baruyas

La société Baruya a évolué vers un patriarcat

Lire aussi :

Mythologie et patriarcat

Le matriarcat en Europe

Le matriarcat, ses causes et sa fin sous les coups de la guerre sociale

Le matriarcat chez les Indiens des Amériques

Les Amazones, un mythe ou une réalité mal acceptée

A la Renaissance en Europe, la chasse aux derniers restes du rôle indépendant des femmes

Les Selk’Nam (Terre de Feu) : une société patriarcale qui garde le souvenir mythique de l’ère matriarcale

Les mythes grecs : guerre d’extermination du matriarcat, et avènement du patriarcat dans la société et la religion méditerranéenne

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.