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Un débat avec la gauche communiste conseilliste

jeudi 21 février 2019, par Robert Paris

Un débat avec Philippe Bourrinet (de la gauche communiste, version conseilliste dite aussi germano-hollandaise) à partir de sa brochure intitulée « Le mouvement des conseils en Russie et Finlande, Allemagne, Autriche et Hongrie, 1917-1919

Avertissement : il n’est jamais facile de débattre entre courants révolutionnaires opposés et cela nécessite une volonté de discuter réellement sans compromis mais sans animosité non plus. Les camarades de la gauche communiste ne sont pas nos ennemis mais nos adversaires politiques (même s’ils sont nos alliés de combat contre la bourgeoisie et ses forces sociales et politiques, notamment face aux réformistes, aux staliniens, aux « insoumis » et aux appareils syndicaux). La clarté des idées doit être le seul but recherché, même si certains nous diront toujours que cela ne sert à rien de rediscuter tout cela. Déjà cela signifie que nous ne sommes pas dans la lignée des staliniens ni dans celle des sociaux-démocrates et ce n’est pas si mal. Les révolutionnaires se doivent de mettre leurs idées en débat et ils ne le font pas par démocratisme mais parce que seule la vérité et sa recherche sont révolutionnaires.

Amis et camarades,

Lors que la dernière assemblée générale ouverte de Voix des Travailleurs, le camarade Philippe Bourrinet a pu se rendre à notre invitation, pour son courant gauche communiste conseilliste et ceux qui ont pu participer à cette assemblée auront apprécié ses interventions. Comme il nous a proposé une brochure qu’il a éditée sur la révolution des conseils ouvriers en Europe, je vous transmets, en le mettant en copie, mes remarques sur cette brochure.

Lire ici la brochure de Philippe Bourrinet discutée ici

Cette brochure qui a le mérite de rappeler que la révolution russe n’était nullement russe mais prolétarienne internationale et qu’elle était non le fait des bolcheviks mais l’action des prolétaires, des soldats et des paysans, en particulier dans toute l’Europe, a aussi un grand défaut : celui de prétendre que l’objectif des bolcheviks et leur politique n’étaient pas de donner le pouvoir aux soviets, à cette immense vague d’auto-organisation ni de se battre pour le communisme international mais pour le développement bourgeois national sous l’égide dictatoriale du parti unique bolchevik, une thèse proche de celle de la bourgeoisie anticommuniste.

Toute la fin de la brochure développe cette thèse et ce n’est pas un hasard si l’historien qu’elle trouve à citer pour démontrer que les bolcheviks ne faisaient que casser des grèves et tirer sur des ouvriers est tiré de Nicolas Werth et notamment de son « Livre noir du communisme », ouvrage de propagande contre-révolutionnaire, dénoncé même par un des participants de cet ouvrage collectif, l’historien Margolin.

Citons ainsi :

« Très rapidement, le nouveau régime russe trouvera un autre adversaire intérieur, qui n’est plus seulement les gardes blancs et les paysans récalcitrants à la politique de réquisitions, mais la masse des ouvriers. »

Et la brochure affirme que, dès 1918, le régime brise les grèves, tire sur les ouvriers…

Elle explique : « L’assassinat du tribun bolchevik Volodarski entraîne une vague d’arrestations ouvrières à Petrograd. Plus de 800 « meneurs » furent arrêtés, ce qui entraîna une grève générale le 2 juillet. »

Il s’agit donc de la vague de terreur déclenchée par le parti socialiste révolutionnaire contre les bolcheviks et cette brochure, citant Nicolas Werth, présente la défense de la révolution contre la terreur contre-révolutionnaire comme une attaque violente des bolcheviks contre les travailleurs !!! C’est un peu fort de café !

Quand le bolchevik Kirov, dit la brochure, exige l’extermination des gardes blancs, la brochure traduit : « 2000 à 4000 grévistes furent exécutés ou noyés », comme si les gardes blancs que combattaient les bolcheviks, c’étaient justement les ouvriers en grève !!! Qui témoigne dans ce sens ? Mais toujours le fameux Nicolas Werth !!!

Quand on s’affiche communiste révolutionnaires comme l’auteur de cette brochure, peut-on ainsi diffuser les mensonges des anticommunistes viscéraux ?!!!

La brochure demande « Comment en est-on arrivé là ? »

Et elle répond : « Après la victoire d’Octobre, le pouvoir des conseils devient vite une coquille vide. Les bolcheviks vident les conseils ouvriers de toute leur substance et instaurent progressivement le capitalisme d’Etat ».

C’est donc l’action directe du parti bolchevik de Lénine et Trotsky qui aurait cassé les soviets et qui expliquerait donc tout simplement le stalinisme. Ce serait effectivement plus simple à comprendre et la suite découlerait donc directement de la volonté politique et sociale des bolcheviks…

Manque de chance, ce n’est cela l’histoire !

Les soviets ouvriers n’ont pas été vidés par les bolcheviks mais par la violente guerre civile menée par les forces bourgeoises de toutes sortes de la Russie alliées aux forces militaires impérialistes du monde entier, guerre civile violente, alliant le terrorisme de tous les partis bourgeois et petits bourgeois russes avec l’intervention massive des armées de vingt pays ! Se défendre a nécessité de retransformer toute la classe ouvrière et une partie de la paysannerie en armée ouvrière de défense de la révolution. Les meilleurs des militants ouvriers, les travailleurs les plus conscients y ont perdu la vie. L’économie russe, déjà détruite par la guerre, y a perdu ses dernières forces. Plus de transports, plus d’usines, plus de matières premières, plus de nourriture. La classe ouvrière a été entièrement transformée. En partie déclassée, elle était à bout de forces en 1921-1922. La famine a traversé le pays. C’est cela, camarades communistes, qui a vidé les soviets et pas le parti révolutionnaire, et qui l’était encore !!!

Non seulement la brochure confond la défense de la révolution avec une contre-révolution contre les travailleurs mais elle confond les tentatives de maintenir le pouvoir ouvrier face au capital avec des tentatives d’ôter le pouvoir aux soviets ouvriers !!!

Cette fois, on allie l’ignorance à la malhonnêteté !

Non seulement, Lénine aurait vidé les soviets mais il aurait appelé les comités d’usine à se suicider pour favoriser les syndicats et casser ainsi le caractère d’auto-organisation du pouvoir !!!

Citons la brochure : « Ils (les comités d’usine) sont éliminés au profit des syndicats en janvier 1918. »

Et qui les a ainsi éliminés ? Le Parti bolchevik de Lénine et Trotsky !

Le fait que le pouvoir ouvrier ait voulu tenter de redresser la production, tentative d’empêcher le grand capital d’étrangler la révolution ouvrière, est présentée par la brochure comme la construction nationale de la production, anticipation de la construction forcée stalinienne…

Le fait que les soviets russes aient été les premiers à se bureaucratiser, du fait du départ au front des ouvriers les plus conscients et militants et de la misère générale, la brochure feint de l’ignorer.

Et la brochure poursuit : « En conséquence, les comités d’usine, qui avaient été les instruments essentiels du contrôle ouvrier et de l’insurrection en octobre 1917, devenaient des organes syndicaux. Ceux-ci étaient entièrement subordonnés au nouvel Etat. »

Et plus loin : « A partir de mars 1918, les syndicats sont devenus des courroies de transmission du parti bolchevik, parti unique, qui militarise le travail pour les besoins de la guerre civile, introduit le salaire aux pièces, l’obligation des heures supplémentaires, la nomination des chefs d’entreprise par le nouveau pouvoir, et « l’émulation socialiste », voire les camps de travail, pour l’édification d’un capitalisme d’Etat. »

La thèse selon laquelle le « socialisme dans un seul pays » de Staline a été le produit direct de la politique des bolcheviks sous Lénine et Trotsky dès 1918, ces dirigeants révolutionnaires ayant trahi la révolution des conseils ouvriers, en Russie comme dans le monde, est lancée…

Ce qui ne veut pas dire que cette thèse soit démontrée.

La brochure présente comme un but politique le fait que les bolcheviks se soient retrouvés seul parti de gouvernement ! Elle fait comme si la campagne de terreur des autres partis n’était qu’un prétexte pour les bolcheviks qui voulaient le pouvoir pour eux tous seuls. Décidément, pas une seule des calomnies de la bourgeoisie n’a parue trop grossière à nos « camarades communistes de gauche et conseillistes » ! Un bon conseil… camarades : il ne faudrait pas prendre pour argent comptant les mensonges des historiens anticommunistes !!!

Ceux qui massacraient les ouvriers des soviets, c’était la contre-révolution et pas les bolcheviks !!!

La brochure affirme l’inverse, et prétend que la guerre civile a servi de prétexte à la mise en place du parti unique et du pouvoir d’Etat au lieu du pouvoir des soviets et conclue : « Désormais, les comités exécutifs des soviets étaient nommés par le pouvoir ». (d’après le texte nous serions avant juillet 1917)

En somme, la terreur révolutionnaire des bolcheviks est présentée apr ces camarades comme une terreur contre-révolutionnaire !!!

Puis, la brochure conclue que tout cela serait le produit d’une conception méprisante pour la masse informe qui n’aurait droit qu’à l’honneur d’être dirigée par le Parti.

Que cette conception existe chez les staliniens et même chez certains groupes révolutionnaires, certes, mais de là à l’attribuer à Lénine et Trotsky, c’est là encore fort de café !

Concluant sur la trahison de la révolution allemande en 1923 par le stalinisme, sans dire que c’est le stalinisme qui a trahi et en disant que c’est le bolchevisme, la brochure en vient à prétendre que dans ses « Leçons d’Octobre », Trotsky ne soulignait pas les faiblesses de la direction bolchevik de 1917. Curieusement, cette direction, de Zinoviev à Kamenev, en passant par Staline, a considéré cet écrit qui fait le parallèle entre la trahison de 1923 en Allemagne avec celle de la direction bolchevik en 1917, a considéré que Trotsky avait passé les bornes en la dénonçant ainsi publiquement !!

Et la brochure termine en disant que la Russie des soviets était « muselée par la dictature du parti unique, dont le mot d’ordre n’était plus « tout le pouvoir aux soviets », mais l’édification d’un capitalisme d’Etat sur le modèle allemand, s’appuyant sur les méthodes scientifiques du taylorisme »…

Relevons aussi la phrase de conclusion qui enterre par avance le prolétariat américain : « L’empire américain demeurera jusqu’à la fin la forteresse la plus solide de la contre-révolution. »

Monsieur Philippe Bourrinet, pour analyser la transformation du pouvoir le plus révolutionnaire et prolétarien du monde en le pouvoir le plus contre-révolutionnaire et violemment hostile au prolétariat du monde, il faut autre chose que des imprécations contre les tentatives des dirigeants bolcheviks pour faire face à une situation défavorable, celle d’un prolétariat involontairement triomphant seul dans un des pays les plus arriérés du monde capitaliste et, qui plus est, complètement détruit et crevant de faim, victimes des pires violences des ses ennemis mortels. Pour comprendre ce qu’ils ont tenté, il faut au moins ne pas se contenter des affirmations de leurs ennemis mortels, les forces blanches, allant des tsaristes aux sociaux-démocrates et socialistes révolutionnaires.

Non seulement les bolcheviks ont tout fait pour gouverner avec les partis petits bourgeois, comme les socialistes révolutionnaires de gauche, mais ils ont toujours gouverné avec tous les courants qui se revendiquaient du pouvoir des soviets, dont les anarchistes de multiples courants révolutionnaires. Ils n’ont interdit la participation aux soviets qu’aux partis qui participaient à la guerre d’extermination du pouvoir des soviets. Désolé que votre brochure profère les mêmes mensonges que la contre-révolution anticommuniste !!!

Bien entendu, cette polémique ne signifie pas que nous allons rejeter ces camarades de la gauche communiste, pas plus que nous ne rejetons ceux du courant bordiguiste. Ces débats ne sont pas finis et n’ont pas pu l’être, du fait de la contre-révolution stalinienne et social-démocrate triomphantes et nous espérons les reprendre au cours de la prochaine offensive prolétarienne et communiste montante.

salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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“Monsieur” Robert Paris,

Merci de cette réponse qui est plus un coup de patte de dénigrement dans le style de L.O. qu’une véritable analyse historique.

Dénoncer Nicolas Werth, un russifiant parfaitement compétent comme un contre-révolutionnaire est parfaitement malhonnête. Werth n’est pas l’immonde Courtois, venu du maoïsme et rallié comme tant d’autres à la bourgeoisie (y inclus Margolin qui est passé par le groupe Combat communiste, issu de Lutte Ouvrière !). J’ai pu par moi-même vérifier les sources russes (une langue que je connais bien) données par Werth elles sont authentiques.

C’est autre chose que de débattre sur une question réelle et cruciale : devrons-nous à nouveau utiliser demain la “terreur rouge” et comment pourrons-nous éviter de suivre la même pente glissante ? Pour cela il faut poser la question clairement : les conseils ouvriers auront-ils la force de conserver tout le pouvoir entre leur mains pour éviter des dérives qui peuvent être fatales à la révolution ?

Vous avez certainement raison de dénoncer “l’alliance de l’’ignorance à la malhonnêteté !” Malheureusement cela vaut aussi pour votre mode de “raisonnement” : jamais vous ne vous confrontez à des faits historiques précis. Vous vous contentez de répéter sans le moindre complexe les mantras idéologiques d’un groupe où vous ne vous êtes pas formés à une véritable pensée révolutionnaires critique. Il ne suffit pas de répéter, il faut aussi que l’arme impitoyable de la critique puisse servir demain à la critique des armes ! Vous ne prenez, malheureusement, pas ce chemin.

Vous évitez enfin de répondre sur le fond : la question du parti bolchevik vite devenu parti unique ainsi que celle du capitalisme d’Etat très tôt proposé comme modèle de “socialisme” par Lénine dès 1919, et dénoncé par la Gauche communiste (Osinski et autres). Faut-il en déduire, que lors de votre scission, vous ne vous êtes jamais posés des questions aussi élémentaires ?

Je ne m’étendrai pas plus. C’est une question de vie ou de mort que de faire un bilan de la révolution russe et des autres (Allemagne, Hongrie, etc.) non pour faire pure œuvre d’historien mais pour préparer la vague révolutionnaire de demain, qui – à mon avis – est inéluctable.

Votre malhonnêteté finale – et là je pèse mes mots - est de dire que j’enterrerai la révolution aux USA si elle devait se produire un jour. Or je ne fais qu’affirmer un truisme : le capital en Chine et aux USA sera sans doute plus difficile à détruire qu’au Brésil et même qu’en Europe. Ce n’est pas une hérésie “contre-révolutionnaire” que de tâcher d’être lucide. Cela entre dans les analyses que doivent faire dès maintenant les révolutionnaires. La prochaine vague révolutionnaire sera décisive. Cela vaut la peine d’y songer avec l’outil d’une pensée critique étayés sur les expériences du passé (mais aussi, maintenant, du présent).

Je souhaite de toutes mes forces favoriser une véritable discussion sur la révolution prolétarienne mondiale de demain. Celle-ci se fera dans d’autres conditions que pendant la vague de 17-23. Il n’y aura pas de révolution triomphante sans une insurrection donnant tout le pouvoir aux conseils d’ouvriers. Cela implique la dictature du prolétariat, qui s’appuiera sur un ou plusieurs partis révolutionnaires. Pour ne pas aller au néant, ce qui a été le sort de tant de groupes trotskystes et anarchistes, il faudra avoir fait un bilan complet de cette vague. C’est ce qu’avaient fait dès les années 20 et 30 tous les groupes de la gauche communiste (KAPD, GIC, Bilan en France et Belgique).

Pour s’armer matériellement demain, il faut d’abord s’armer idéologiquement !

Camarade Robert Paris (puisque vous employez ce terme comme hapax dans votre diatribe !), si vous n’y voyez pas d’inconvénient je vous demande votre accord pour publier votre “contribution” sur le site Pantopolis. Je suis sûr que ce débat intéresse d’autres personnes que vous et la Voix des travailleurs ! Elle ne doit pas rester confidentielle, autant dire secrète.

Dixi et salvavi animam meam !

Salutations communistes révolutionnaires,

Ph. B.

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cher camarade

merci de cette rapide réponse.

Je vous répondrai sur chacun des points et en détails le plus rapidement possible.

Bien entendu, une telle discussion peut et doit être publique et il est bon que nous éditions les uns et les autres les étapes de celle-ci, ce que je souhaite également faire dans le site Matière et Révolution.

salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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Cher camarade (je ne mets pas guillemets, nos divergences ne vont pas jusque là) Bourrinet,

Tout d’abord, un point de détail, vous écrivez :

« Dénoncer Nicolas Werth, un russifiant parfaitement compétent comme un contre-révolutionnaire est parfaitement malhonnête. Werth n’est pas l’immonde Courtois, venu du maoïsme et rallié comme tant d’autres à la bourgeoisie (y inclus Margolin qui est passé par le groupe Combat communiste, issu de Lutte Ouvrière !). J’ai pu par moi-même vérifier les sources russes (une langue que je connais bien) données par Werth elles sont authentiques. »

Personnellement, je ne connais pas Werth. J’ai connu personnellement Margolin, à LO et ensuite, (c’est lui qui m’a recruté) qui m’a dit avoir été trompé dans le but, dans la forme, dans l’édition par le Livre du Communisme. Werth lui-même a laissé entendre que des passages de son propre texte auraient été modifiés.

Ainsi on peut lire Nicolas Werth, dans sa partie du Livre Noir :

« Le crime est certes une composante essentielle [du communisme], mais le mensonge qui a permis l’occultation de la terreur me paraît plus central que le crime lui-même. »

Un communiste peut-il avoir comme seule référence de faits un tel anticommuniste, poser la question, c’est y répondre.

Mais Werth ne se souvient nullement d’avoir écrit cela !!! Cela semble avoir été rajouté par quelqu’un d’un peu trop… courtois !

Comment faire confiances dès lors aux autres références ?!!!

Remarquons que Nicolas Werth, auteur de la partie sur la Russie du Livre Noir, a lui-même affirmé que c’était finalement un ouvrage anticommuniste et mensonger produit surtout par Courtois !!! Il a parlé à propos de ce livre d’« une dérive de l’histoire exclusivement policière » et s’est publiquement démarqué de l’idée contenue dans la préface de Courtois selon laquelle le communisme serait par essence criminogène.

A propos du « Livre »… noir de mensonges de Nicolas Werth, je reprendrai ce que l’historien britannique Eric Hobsbawm écrit à propos du livre de François Furet, Le Passé d’une illusion : « Par son absence d’interprétation historique du phénomène, ce livre pourrait se lire comme un produit tardif de la guerre froide. »

Ce détail étant réglé, comme je l’ai dit, je vais vous répondre point par point, ce qui nécessitera de prendre son temps. Le premier point, qui est essentiel et que j’aborderai en premier, est celui qui, dans votre brochure, dit la chose suivante : « Elle (cette conception « léniniste » de Trotsky, notamment dans « Leçons d’Octobre ») traduit aussi une conception quelque peu méprisante pour la masse informe dont le seul honneur aurait été d’être « dirigée » par le Parti. Elle fait aussi de cette « masse » un non-sujet de l’histoire, dénué de conscience, si ce n’est par procuration. Le sujet réel est le « Parti » avec un grand P, et non l’immense masse des prolétaires insurgées contre le régime capitaliste. »

Peut-on honnêtement attribuer une telle conception, exprimée comme vous venez de le faire, à Lénine ou à Trotsky, à aucune époque de leur histoire avant Octobre, pendant ou après ? Je répondrais absolument : non !

Non, ni dans les paroles, ni dans les actes !

Et dans ma prochaine intervention épistolaire, je me chargerai de prouver ce point.

Salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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Cher camarade,

Heureux que le dialogue se poursuive. Venant du CCI, j’avais subi un certain nombre d’épithètes délicates, du style “historien vendu à la bourgeoisie”, sans compter les camarades traités d’ “agents de la police” ou de “provocateurs”. Je leur ai répondu, comme il se soit, en publiant leur littérature infâme, et en les dénonçant comme néo-staliniens !

Il faut donc, cher camarade, être très prudent dans l’usage des épithètes. Je suppose que vous-mêmes avez dû entendre quelques “noms d’oiseau” en sortant de ce qui est – à un niveau autrement plus significatif que le CCI – une secte.

Donc poursuivons une saine discussion.

Je ne cache pas que cela exige un travail énorme. L’histoire de la révolution russe reste à réécrire, je parle de la période après la prise du pouvoir d’octobre. Elle doit être appréhendée que dans un autre esprit que les ouvrages écrits par des historiens bourgeois (même honnêtes comme Marc Ferro ou Finges). Oui, la révolution prolétarienne est plus que jamais nécessaire et toujours possible !

Il faut se poser constamment la question : comment et pourquoi une révolution peut si facilement se transformer en contre-révolution ?

Salutations communistes (toujours révolutionnaires ! laissons le communisme capitaliste à Jin xin ping et sa bande de gangsters).

Fraternellement,

Ph.B.

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Cher camarade Bourrinet et chers amis et camarades,

Nous voici donc dans la discussion du point suivant : trouve-t-on chez Lénine et Trotsky une conception du rôle du parti qui soit méprisante vis-à-vis de l’intervention directe des masses, de leur propre expérience, de leur propre organisation autonome révolutionnaire et de leur capacité à construire un monde nouveau, une conception selon laquelle le parti serait tout et le prolétariat serait seulement un sujet. Je rappelle que nous tirons cette accusation d’une brochure de Philippe Bourrinet avec lequel nous souhaitons débattre fermement mais fraternellement, en militants qui essaient de se considérer mutuellement comme des communistes révolutionnaires, divergents certes mais visant à un but commun.

Je commencerai par Lénine et par ses propres positions défendues inébranlablement sur ce thème. Je passerai ensuite à Trotsky. Et j’en viendrai ensuite à leurs actes. Une précision, due au fait que nous devons par la suite lire une masse de citations de Lénine, nous ne les prenons pas comme la vérité pure mais comme seulement une preuve dans la discussion. Nous n’avons pas de religion des « grands personnages » historiques et pas de prophètes, ni de bon dieu révolutionnaire, ni de bible. Ces citations ne sont pas des preuves absolues mais démontrent le sens d’une préoccupation politique, celle du militant révolutionnaire Lénine.

Lénine le 4 novembre 1905 dans « Nos tâches et le soviet des députés ouvriers » :

« La question du rôle et de la portée du Soviet des députés ouvriers s’inscrit maintenant à l’ordre du jour de la social-démocratie de Pétersbourg et de l’ensemble du prolétariat de la capitale…. Il me semble que le Soviet aurait tort de se joindre sans réserve à un parti quelconque. Cette opinion ne manquera pas probablement d’étonner le lecteur, et (en rappelant encore une fois très instamment que c’est là l’opinion d’un absent) j’en arrive directement à expliquer ma pensée. Le Soviet des députés ouvriers est né de la grève générale, à l’occasion de la grève, au nom des objectifs de la grève. Qui a conduit et fait aboutir la grève ? Tout le prolétariat au sein duquel il existe aussi, heureusement en minorité, des non-social-démocrates. Quels buts poursuivait la grève ? Economiques et politiques, tout ensemble. Les buts économiques concernaient tout le prolétariat, tous les ouvriers et en partie même tous les travailleurs, et pas seulement les ouvriers salariés. Les buts politiques concernaient tout le peuple, plutôt tous les peuples de la Russie. Les buts politiques consistaient à libérer tous les peuples de Russie du joug de l’autocratie, du servage, de l’arbitraire et des abus de la police… Je me trompe peut-être, mais (sur la foi de renseignements incomplets dont je dispose, renseignements « par écrit » seulement) il me semble que sous le rapport politique le Soviet des députés ouvriers doit être envisagé com¬me un embryon du gouvernement révolutionnaire provisoire. Je pense que le Soviet doit se proclamer au plus tôt gouvernement révolutionnaire provisoire de l’ensemble de la Russie ou bien (ce qui revient au même, mais sous une forme différente), il doit créer un gouvernement révolutionnaire provisoire… Ce qui manque aujourd’hui, c’est l’union de toutes les forces vraiment révolutionnaires, de toutes les forces agissant en tant que telles. Ce qui manque, c’est un centre politique pour toute la Russie, un centre vivant, jeune, fort par ses racines profondes dans le peuple et qui jouirait de la confiance absolue des masses ; qui posséderait une énergie révolutionnaire bouillonnante et serait étroitement lié aux partis révolutionnaires et socialistes organisés. Un tel centre ne peut être formé que par le prolétariat révolutionnaire qui a brillamment conduit la grève politique et organise maintenant l’insurrection armée de tout le peuple, qui a conquis pour la Russie une demi-liberté et conquerra la liberté complète. La question se pose : pourquoi le Soviet des députés ouvriers ne serait-il pas l’embryon d’un tel centre ? Parce que les social-démocrates ne sont pas les seuls à y siéger ? Ce n’est pas un inconvénient, c’est un avantage. Nous avons constamment affirmé qu’une union de combat est nécessaire entre social-démocrates et démocrates bourgeois révolutionnaires. Nous en avons parlé, et ce sont les ouvriers qui l’ont réalisée. Et ils ont bien fait. »

source

Lénine dans « Thèses d’avril » en avril 1917 :

« Les soviets des députés ouvriers, soldats, paysans et autres sont incompris non seulement en ce sens que la plupart des gens ne se font pas une idée nette de la portée sociale, du rôle des soviets dans la révolution russe. Ils ne sont pas compris, non plus en tant que forme nouvelle, ou plus exactement en tant que nouveau type d’Etat. Le type le plus parfait, le plus évolué d’Etat bourgeois, c’est la république démocratique parlementaire : le pouvoir y appartient au Parlement ; la machine de l’Etat, l’appareil administratif sont ceux de toujours : armée permanente, police, bureaucratie pratiquement non révocable, privilégiée, placée au dessus du peuple. Mais dès la fin du 19ème siècle, les époques révolutionnaires offrent un type supérieur d’Etat démocratique, un Etat qui, selon l’expression d’Engels, cesse déjà, sous certains rapports, d’être un Etat, « n’est plus un Etat au sens propre du terme ». C’est l’Etat du type de la Commune de Paris : il substitue à la police et à l’armée séparées de la nation, l’armement direct et immédiat du peuple. Là est l’essence de la Commune… C’est précisément un Etat de ce type que la révolution russe a commencé à créer en 1905 et 1917. La République des soviets des députés ouvriers, soldats, paysans et autres, … voilà ce qui naît aujourd’hui, à l’heure actuelle, sur l’initiative des masses innombrables du peuple qui crée spontanément la démocratie, à sa manière, sans attendre que messieurs les professeurs cadets aient rédigé leurs projets de loi pour une république parlementaire bourgeoise, ni que les pendants et les routiniers de la « social-démocratie » petite-bourgeoise, tels Plekhanov ou Kautsky, aient renoncé à falsifier la doctrine marxiste de l’Etat. »

Lénine en septembre 1917 dans « Une des questions fondamentales de la révolution » :

« Le pouvoir aux Soviets », cela signifie une refonte radicale de tout l’ancien appareil d’Etat, appareil bureaucratique qui entrave toute initiative démocratique ; la suppression de cet appareil et son remplacement par un appareil nouveau, populaire, authentiquement démocratique, celui des Soviets, c’est-à-dire de la majorité organisée et armée du peuple, des ouvriers, des soldats et des paysans ; la faculté donnée à la majorité du peuple de faire preuve d’initiative et d’indépendance non seulement pour l’élection des députés, mais encore dans l’administration de l’Etat, dans l’application de réformes et de transformations sociales. »

source

A la veille de la révolution d’octobre 1917, Lénine écrit dans « Le nouveau type d’Etat que crée notre révolution » :

« Les Soviets des députés ouvriers, soldats, paysans, etc., restent incompris en ce sens que la plupart ne se font pas une idée nette de la signification de classe, du rôle des Soviets dans la révolution russe. Mais ce qu’on ne comprend pas non plus, c’est qu’ils représentent une nouvelle forme d’Etat, ou plus exactement un nouveau type d’Etat… Une République des Soviets de députés ouvriers, soldats, paysans, etc., réunis en Assemblée constituante des représentants du peuple de Russie, ou en Conseil des Soviets, etc., voilà ce qui est en train de naître chez nous à l’heure actuelle, sur l’initiative des masses populaires qui créent spontanément une démocratie à leur manière… »

source

Lénine en novembre 1917 :

« Jetez un coup d’œil dans les profondeurs du peuple travailleur, au cœur des masses. Vous verrez quel travail d’organisation s’y accomplit, quel élan créateur : vous y verrez jaillir la source d’une vie rénovée et sanctifiée par la révolution. L’essentiel, aujourd’hui, c’est de rompre avec le préjugé des intellectuels bourgeois d’après lequel seuls des fonctionnaires spéciaux peuvent diriger l’Etat… L’essentiel, c’est d’inspirer aux opprimés et aux travailleurs la confiance dans leur propre force. Il faut détruire à tout prix ce vieux préjugé absurde, barbare, infâme et odieux, selon lequel seules prétendues « classes supérieures », seuls les riches ou ceux qui sont passés par l’école des riches, peuvent administrer l’Etat, organiser l’édification de la société socialiste. C’est là un préjugé. Il est entretenu pas une routine pourrie, par l’encroûtement, par l’habitude de l’esclave, et plus encore par la cupidité sordide des capitalistes, qui ont intérêt à administrer en pillant et à piller en administrant… L’organisation de la production incombe entièrement à la classe ouvrière. Rompons une fois pour toutes avec le préjugé qui veut que les affaires de l’Etat, la gestion des banques, des usines, etc., soit une tâche inaccessible aux ouvriers… Il est facile de promulguer un décret sur l’abolition de la propriété privée, mais seuls les ouvriers eux-mêmes doivent et peuvent l’appliquer. Qu’il se produise des erreurs, soit ! ce sont les erreurs d’une nouvelle classe qui crée une vie nouvelle. Les travailleurs n’ont évidemment pas d’expérience en matière d’administration, mais cela ne nous effraie pas. »

source

Lénine en janvier 1918 au troisième congrès des Soviets de Russie :

« Nous aurons à surmonter ici maintes difficultés ; cela entraînera pour nous beaucoup de sacrifices et d’erreurs ; il s’agit d’une entreprise nouvelle, sans précédent dans l’histoire et qui n’est traitée dans aucun livre. Il va sans dire que c’est la transition la plus difficile que l’histoire ait jamais connue, mais il n’y avait aucun moyen d’opérer autrement cette transition décisive. Et le fait qu’il s’est créé en Russie un pouvoir des Soviets a montré que l’expérience révolutionnaire la plus riche appartient à la masse révolutionnaire elle-même, qui fournit des millions de gens pour seconder les quelques dizaines de membres du Parti, et qui, pratiquement, prend elle-même à la gorge ses exploiteurs. »

source

Puis voici Lénine en avril 1918, face au chaos économique, politique et militaire russe, dans « Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets » :

« L’histoire ne connaît pas une seule grande révolution où le peuple n’ait senti cela d’instinct et n’ait fait preuve d’une fermeté salutaire en fusillant sur place les voleurs. Le malheur des révolutions du passé était que l’enthousiasme révolutionnaire des masses, qui entretenait leur état de tension et leur donnait la force de châtier impitoyablement les éléments de décomposition, ne durait pas longtemps. La cause sociale, c’est-à-dire la cause de classe de cette instabilité de l’enthousiasme révolutionnaire des masses, était la faiblesse du prolétariat, seul capable (s’il est suffisamment nombreux, conscient et discipliné) de se rallier la majorité des travailleurs et des exploités (la majorité des pauvres, pour employer un langage plus simple et plus populaire) et de garder le pouvoir assez longtemps pour écraser définitivement tous les exploiteurs et tous les éléments de décomposition. C’est cette expérience historique de toutes les révolutions, c’est cette leçon économique et politique de l’histoire mondiale que Marx a résumée dans une formule brève, nette, précise et frappante : dictature du prolétariat. Et que la révolution russe ait abordé de la bonne manière l’accomplissement de cette tâche de portée universelle, c’est ce qu’a prouvé la marche triomphale de l’organisation soviétique chez tous les peuples et nationalités de la Russie. Car le pouvoir des Soviets n’est pas autre chose que la forme d’organisation de la dictature du prolétariat, de la dictature de la classe d’avant-garde qui élève à une démocratie nouvelle, à la participation autonome à la gestion de l’Etat des dizaines et des dizaines de millions de travailleurs et d’exploités qui apprennent par leur propre expérience à considérer l’avant-garde disciplinée et consciente du prolétariat comme leur guide le plus sûr. »
« Le caractère socialiste de la démocratie soviétique, c’est-à-dire prolétarienne, dans son application concrète, déterminée, consiste en ceci : premièrement, les électeurs sont les masses laborieuses et exploitées, la bourgeoisie en est exceptée ; deuxièmement, toutes les formalités et restrictions bureaucratiques en matière d’élections sont supprimées, les masses fixent elles-mêmes le mode et la date des élections et ont toute liberté pour révoquer leurs élus ; troisièmement, on voit se former la meilleure organisation de masse de l’avant-garde des travailleurs, du prolétariat de la grande industrie, organisation qui lui permet de diriger la très grande masse des exploités, de les faire participer activement à la vie politique, de les éduquer politiquement par leur propre expérience, et de s’attaquer ainsi pour la première fois à cette tâche : faire en sorte que ce soit véritablement la population tout entière qui apprenne à gouverner et qui commence à gouverner. Tels sont les principaux signes distinctifs de la démocratie appliquée en Russie, démocratie de type supérieur, qui brise avec sa déformation bourgeoise et marque la transition à la démocratie socialiste et aux conditions dans lesquelles l’Etat pourra commencer à s’éteindre. Bien entendu, l’élément de la désorganisation petite-bourgeoise (qui se manifestera inévitablement plus ou moins dans toute révolution prolétarienne, et qui, dans notre révolution à nous, se manifeste avec une extrême vigueur en raison du caractère petit-bourgeois du pays, de son état arriéré et des conséquences de la guerre réactionnaire) doit forcément marquer les Soviets, eux aussi, de son empreinte. Nous devons travailler sans relâche à développer l’organisation des Soviets et du pouvoir des Soviets. Il existe une tendance petite-bourgeoise qui vise à transformer les membres des Soviets en « parlementaires » ou, d’autre part, en bureaucrates. Il faut combattre cette tendance en faisant participer pratiquement tous les membres des Soviets à la direction des affaires. En maints endroits, les sections des Soviets se transforment en organismes qui fusionnent peu à peu avec les commissariats. Notre but est de faire participer pratiquement tous les pauvres sans exception au gouvernement du pays ; et toutes les mesures prises dans ce sens — plus elles seront variées, mieux cela vaudra — doivent être soigneusement enregistrées, étudiées, systématisées, mises à l’épreuve d’une expérience plus vaste, et recevoir force de loi. Notre but est de faire remplir gratuitement les fonctions d’Etat par tous les travailleurs, une fois qu’ils ont terminé leur huit heures de « tâches » dans la production : il est particulièrement difficile d’y arriver, mais là seulement est la garantie de la consolidation définitive du socialisme. Il est tout naturel que la nouveauté et la difficulté de ce changement donnent lieu à une quantité de tâtonnements, d’erreurs et d’hésitations, sans lesquels aucun progrès rapide ne saurait se faire. La situation actuelle a ceci d’original, du point de vue de beaucoup de gens qui désirent passer pour des socialistes, qu’ils ont pris l’habitude d’opposer le capitalisme au socialisme dans l’abstrait, en plaçant d’un air grave, entre le premier et le second, le mot : « bond » (certains, se souvenant de bribes de textes lus chez Engels, ajoutent d’un air plus grave encore : « Le bond du règne de la nécessité dans le règne de la liberté »). La plupart de ces pseudo-socialistes, qui ont « lu des livres » à propos du socialisme, mais sans jamais approfondir sérieusement la question, sont incapables de considérer que les maîtres du socialisme entendaient par « bond » un tournant sous l’angle de l’histoire mondiale, et que des bonds de ce genre s’étendent à des périodes de dix ans et parfois plus. Il est tout naturel qu’à de pareils moments la fameuse « intelliguentsia » fournisse une infinité de pleureuses : l’une pleure l’Assemblée constituante, l’autre la discipline bourgeoise, la troisième le régime capitaliste, la quatrième le seigneur terrien cultivé, la cinquième l’impérialisme dominateur, et ainsi de suite. Ce qu’une époque de grands bonds a de vraiment intéressant, c’est que la profusion des débris du passé, qui s’accumulent parfois plus vite que les germes (pas toujours visibles au début) de l’ordre nouveau, exige que l’on sache discerner l’essentiel dans la ligne ou dans la chaîne du développement. Il est des moments historiques où l’essentiel, pour le succès de la révolution, est d’accumuler le plus possible de débris, c’est-à-dire de faire sauter le plus possible de vieilles institutions ; il est des moments où l’on en a fait sauter assez et où s’inscrit à l’ordre du jour la besogne « prosaïque » (« fastidieuse » pour le révolutionnaire petit-bourgeois) qui consiste à déblayer le terrain des débris qui l’encombrent ; il est d’autres moments où ce qui importe le plus, c’est de cultiver soigneusement les germes du monde nouveau qui poussent de dessous les débris jonchant le sol encore mal déblayé de la pierraille. Il ne suffit pas d’être un révolutionnaire et un partisan du socialisme, ou un communiste en général. Il faut savoir trouver, à chaque moment donné, le maillon précis dont on doit se saisir de toutes ses forces pour retenir toute la chaîne et préparer solidement le passage au maillon suivant ; l’ordre de succession des maillons, leur forme, leur assemblage et ce qui les distingue les uns des autres, ne sont pas aussi simples, ni aussi rudimentaires dans une chaîne d’événements historiques que dans une chaîne ordinaire, sortie des mains d’un forgeron. La lutte contre la déformation bureaucratique de l’organisation soviétique est garantie par la solidité des liens unissant les Soviets au « peuple », c’est-à-dire aux travailleurs et aux exploités, par la souplesse et l’élasticité de ces liens. Les parlements bourgeois, même celui de la république capitaliste la meilleure du monde au point de vue démocratique, ne sont jamais considérés par les pauvres comme des institutions « à eux ». Tandis que, pour la masse des ouvriers et des paysans, les Soviets sont « à eux » et bien à eux. Aujourd’hui, les « social-démocrates » de la nuance Scheidemann ou, ce qui est à peu près la même chose, de la nuance Martov, éprouvent de la répugnance pour les Soviets, et se sentent attirés vers le respectable parlement bourgeois, ou l’Assemblée constituante, exactement comme Tourgueniev se sentait attiré il y a soixante ans vers la Constitution monarchique et nobiliaire modérée et éprouvait de la répugnance pour le démocratisme moujik de Dobrolioubov et Tchernychevski. C’est le contact des Soviets avec le « peuple » des travailleurs qui crée précisément des formes particulières de contrôle par en bas, comme, par exemple, la révocation des députés, formes que l’on doit maintenant développer avec un zèle tout particulier. Ainsi les Soviets de l’instruction publique en tant que conférences périodiques des électeurs soviétiques et de leurs délégués, discutant et contrôlant l’activité des autorités soviétiques dans ce domaine, méritent toute notre sympathie et tout notre appui. Rien ne serait plus stupide que de transformer les Soviets en quelque chose de figé, que d’en faire un but en soi. Plus nous devons nous affirmer résolument aujourd’hui pour un pouvoir fort et sans merci, pour la dictature personnelle dans telles branches du travail, dans tel exercice de fonctions de pure exécution, et plus doivent être variés les formes et les moyens de contrôle par en bas, afin de paralyser la moindre déformation possible du pouvoir des Soviets, afin d’extirper encore et toujours l’ivraie du bureaucratisme. »

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Lénine en mars 1919 dans « Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne » pour l’Internationale communiste :

« L’essence du pouvoir des Soviets consiste en ce que la base constante et unique de tout le pouvoir gouvernemental, c’est l’organisation des masses jadis opprimées par les capitalistes, c’est-à-dire les ouvriers et les demi-prolétaires (paysans n’exploitant pas le travail d’autrui et ayant constamment besoin de vendre une partie au moins de leur force de travail). Ce sont ces masses qui, même dans les républiques bourgeoises les plus démocratiques, tout en jouissant de l’égalité selon la loi, étaient écartées en réalité par des milliers de coutumes et de manœuvres de toute participation à la vie politique, de tout usage de droits et de libertés démocratiques et qui maintenant sont appelées à prendre une part considérable et obligatoire, une part décisive à la gestion démocratique de l’Etat. »

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Lénine en novembre 1920, dans « Notre situation extérieure et intérieure et les tâches du parti », rappelle que sans la révolution mondiale le prolétariat russe seul ne peut bâtir le socialisme et qu’en attendant, la seule possibilité pour le prolétariat est de lutter de toutes ses forces contre l’étranglement économique :

« Du fait que le niveau de culture de notre paysan et de notre masse ouvrière ne correspondait pas à la tâche réclamée, et qu’en même temps nous étions pour les 99 % absorbés par les problèmes militaires et politiques, il s’est produit une renaissance de l’esprit bureaucratique. La chose est reconnue de tous. Le but du pouvoir des Soviets est de détruire entièrement l’antique appareil de l’État, comme il fut détruit en novembre 1917 pour transmettre tout le pouvoir aux Soviets : mais nous avouons déjà dans notre programme cette reconnaissance de la bureaucratie, et nous reconnaissons que les fondements économiques nécessaires à la vraie société socialiste n’existent pas encore. Les conditions de culture, d’instruction, et en général de niveau intellectuel nécessaires à la masse ouvrière et paysanne n’existent pas. La faute en est à ce que les exigences militaires ont accaparé toute l’élite du prolétariat. Le prolétariat a consenti de gigantesques sacrifices pour défendre la Révolution, des dizaines de millions de paysans y ont été sacrifiés, et il a fallu appeler à collaborer avec nous des éléments pénétrés d’esprit bourgeois, parce qu’il n’en restait plus d’autres. Voilà pourquoi nous avons dû déclarer dans notre programme, dans un document aussi important que le programme du parti, que la bureaucrate renaît et qu’il faut la combattre systématiquement. Évidemment, cette bureaucratie dans nos administrations soviétistes n’a pas pu ne pas exercer son influence néfaste au sein même de nos organisations communistes, puisque le sommet de notre parti est en même temps celui de l’administration soviétiste. Si nous avons reconnu le mal, si cette vieille bureaucratie a pu se glisser dans notre organisme communiste, il est clair et naturel que les organes de notre Parti portent tous les symptômes du mal. Et puisqu’il en est ainsi, la question a été mise à l’ordre du jour du congrès des Soviets ; elle occupe une grande partie de l’attention de la présente conférence, et fort justement, car la maladie reconnue dans notre parti par les résolutions de la conférence panrusse4 n’existe pas seulement à Moscou, mais s’étend à toute la République, elle est due à la nécessité où nous étions de tout donner au labeur militaro-politique, d’entraîner à tout prix les masses paysannes, sans pouvoir exiger un plan plus large, lié au développement de la culture paysanne et à l’élévation du niveau général des masses paysannes. Je me permettrai en concluant de dire quelques mots de la situation intérieure du Parti, de nos débats intimes et des manifestations d’opposition que connaissent admirablement tous les assistants et qui ont coûté à la Conférence provinciale de Moscou tant d’attention et d’efforts, peut-être même plus qu’il n’eût été désirable pour nous tous. Il est naturel que la difficile transition que nous accomplissons aujourd’hui dans l’épuisement de nos forces vives, que la république a été obligée d’enlever sans cesse au prolétariat et au parti pendant trois années de lutte, nous a placés dans une situation pénible vis-à-vis d’un problème que nous ne sommes pas même en état d’évaluer exactement. Mais cette opposition n’a rien de mauvais. Nous devons reconnaître que nous ne connaissons pas exactement l’étendue de la maladie, nous ne pouvons pas déterminer l’importance et la situation relative des groupements adverses. Le grand mérite de notre conférence aura été de poser la question, de découvrir le mal existant, d’attirer sur lui l’attention du parti et d’inviter tous ses membres à s’efforcer de le guérir. Il est trop clair que du point de vue du Comité Central et aussi, je pense, de l’énorme majorité des camarades (dans la mesure où je connais les opinions, que personne n’a reniées), cette crise de notre parti, cette opposition qui se manifeste non seulement à Moscou mais dans toute la Russie renferme beaucoup d’éléments sains, indispensables et inévitables aux époques de croissance naturelle du parti, à une époque comme la nôtre, où, après avoir eu toute notre attention réclamée par les problèmes politiques et militaires, nous abordons une ère de construction et d’organisation où nous devons embrasser des dizaines d’administrations bureaucratiques et où le niveau de culture de la majorité du prolétariat et des paysans ne correspond plus à la tâche. L’Inspection Ouvrière et Paysanne, on le sait, existe plutôt comme un idéal, il a été impossible de la mettre en marche parce que l’élite des ouvriers était prise par le front et que le niveau de culture des masses paysannes ne leur permettait pas de fournir des militants capables…. Si nous voulons lutter contre la bureaucratie, nous devons appeler à nous les masses. Nous devons connaître l’expérience accumulée par telle ou telle usine, savoir ce qui a été fait par elle pour chasser tel ou tel bureaucrate, profiter de l’expérience de chaque pâté de maisons, de chaque société de consommation. Il nous faut mettre en mouvement avec le maximum de vitesse tout le mécanisme économique. Or, de cela, vous n’entendez pas un mot, tandis que des criailleries et des disputes vous en aurez tout votre soûl. Il est trop clair qu’une aussi gigantesque Révolution ne peut manquer de soulever de la poussière, et de produire une écume qui n’est pas toujours propre. Il est temps de parler, non plus de la liberté de critique, mais du contenu de cette critique. Il est temps d’affirmer que sur la base de notre expérience nous devons faire une série de concessions, mais que nous ne permettrons plus à l’avenir aucune déviation aboutissant à de vaines disputes. Il nous faut faire une croix sur notre passé et nous mettre délibérément à l’œuvre économique. Il nous faut transformer toute l’activité du parti afin qu’il devienne le guide économique de la république et que les succès pratiques deviennent sa meilleure propagande. Aujourd’hui, les mots ne suffisant plus à convaincre l’ouvrier ou le paysan, il leur faut l’exemple. Il faut les convaincre qu’ils pourront améliorer leur exploitation en se passant de capitalistes, que les spécialistes sont là pour leur service, que les conflits peuvent être résolus sans un bâton de policier, sans la famine capitaliste, mais qu’il faut la direction des gens du parti. Voilà le point de vue que nous devons adopter, et alors nous obtiendrons dans notre construction économique un succès qui donnera à notre victoire dans le domaine international son achèvement définitif. »
« Le communisme suppose le pouvoir des Soviets à titre d’organe politique donnant aux masses opprimées la possibilité de tout prendre en mains. »

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Lénine en avril 1921 dans « Sur l’impôt en nature » :

« Au 5 mai 1918, le bureaucratisme ne figurait pas dans notre champ visuel. Six mois après la révolution d’Octobre, alors que nous avions détruit de fond en comble l’ancien appareil bureaucratique, nous ne ressentions pas encore les effets de ce mal. Une année encore se passe. Le 8ème congrès du P.C.R. (bolchevik), qui se tient du 18 au 23 mars 1919, adopte un nouveau programme où nous parlons franchement, sans crainte de reconnaître le mal, mais désireux au contraire de le démasquer… - où nous parlons d’une « reconnaissance partielle du bureaucratisme au sein du régime soviétique ».
Deux années s’écoulent encore. Au printemps de 1921, après le 8ème Congrès des soviets, qui a discuté (décembre 1920) la question du bureaucratisme, après le 10ème Congrès du P.C.R. (bolchevik) en mars 1921, qui a dressé le bilan des débats étroitement rattachés à l’analyse du bureaucratisme, nous voyons ce mal se dresser devant nous encore plus net, plus précis, plus menaçant.
Quelles sont les origines économiques du bureaucratisme ? Ces origines sont principalement de deux sortes : d’une part, une bourgeoisie développée a besoin, justement pour combattre le mouvement révolutionnaire des ouvriers, et en partie des paysans, d’un appareil bureaucratique, d’abord militaire, ensuite judiciaire, etc. Cela n’existe pas chez nous. Nos tribunaux sont des tribunaux de classe, dirigés contre la bourgeoisie Notre armée est une armée de classe, dirigée contre la bourgeoisie. La bureaucratie n’est pas dans l’armée, mais dans les institutions qui la desservent. Chez nous, l’origine économique du bureaucratisme est autre : c’est l’isolement, l’éparpillement des petits producteurs, leur misère, leur inculture, l’absence des routes, l’analphabétisme, l’absence d’échanges entre l’agriculture et l’industrie, le manque de liaison, d’action réciproque entre elles. C’est là, dans une mesure considérable, le résultat de la guerre civile… le bureaucratisme, héritage de l’ « état de siège », superstructure basée sur l’éparpillement et la démoralisation du petit producteur, s’est révélé pleinement.
Pour provoquer un afflux de forces nouvelles, pour combattre avec succès le bureaucratisme, pour surmonter cette inertie nuisible, l’aide doit venir des organisations locales, de la base, de l’organisation exemplaire d’un « tout »… Il faut une attention maximum accordée aux besoins des ouvriers et des paysans ; sollicitude infinie pour le relèvement de l’économie, augmentation de la productivité du travail, développement des échanges locaux entre l’agriculture et l’industrie… »

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Cependant, consciemment ou inconsciemment, Lénine n’a-t-il pas développé une conception méprisante vis-à-vis de la classe prolétarienne en privilégiant les militants communistes et le Parti ? Examinons patiemment et jugeons sur pièces…

Lénine en septembre 1917 dans « Une des questions fondamentales de la révolution » :

« Ne redoutez pas l’initiative et l’action indépendante des masses, faites confiance aux organisations révolutionnaires des masses, et vous verrez les ouvriers et les paysans déployer dans tous les domaines de la vie publique la force, la grandeur, l’invincibilité dont ils ont fait preuve lorsqu’ils se sont unis et se sont dressés contre le coup de force Kornilov. Le grand péché des chefs socialistes-révolutionnaires et mencheviques est de n’avoir pas confiance dans les masses, de redouter leur initiative, leur action indépendante, de trembler devant leur énergie révolutionnaire au lieu de l’appuyer entièrement et sans réserve. Voilà où il faut chercher l’une des raisons profondes de leur indécision, de leurs hésitations, de leurs tentatives perpétuelles et perpétuellement infructueuses de verser un vin nouveau dans les vieilles outres de l’ancien appareil d’Etat bureaucratique. »

Lénine en octobre 1917, dans le Rapport sur la terre au deuxième congrès des soviets :

« En appliquant le décret dans la pratique, en l’appliquant sur les lieux, les paysans comprendront eux-mêmes où est la vérité. Et même si les paysans vont encore plus loin à la suite des socialistes-révolutionnaires, et même s’ils donnent, à ce parti la majorité à l’Assemblée constituante, nous dirons encore : soit ! La vie est le meilleur des éducateurs, elle montrera qui a raison ; les paysans par un bout, et nous par l’autre bout, nous travaillerons à trancher cette question. La vie nous obligera à nous unir pour une même œuvre révolutionnaire, dans l’élaboration de nouvelles formes d’Etat. Nous devons suivre la vie, nous devons offrir aux masses populaires une entière liberté de création. L’ancien gouvernement, renversé par l’insurrection armée, voulait résoudre la question agraire avec l’aide de la vieille bureaucratie tsariste toujours en place. Mais au lieu de résoudre la question, la bureaucratie ne faisait que lutter contre les paysans. Les paysans ont appris plus d’une chose au cours de ces huit mois de notre révolution, ils veulent résoudre eux-mêmes toutes les questions concernant la terre. Aussi exprimons-nous notre opposition à tout amendement à ce projet de loi, nous ne voulons pas entrer dans tous les détails, car nous rédigeons un décret et non pas un programme d’action. La Russie est grande et les conditions locales y sont diverses ; nous voulons croire que la paysannerie saura elle-même, mieux que nous, résoudre correctement la question. Que ce soit dans notre esprit, que ce soit dans l’esprit du programme des socialistes-révolutionnaires, - ce n’est point là l’essentiel. L’essentiel, c’est que la paysannerie acquière la ferme conviction qu’il n’y a plus de propriétaires fonciers à la campagne, que les paysans eux-mêmes résolvent toutes les questions, qu’ils édifient eux-mêmes leur vie. »

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Lénine en décembre 1917 dans « Ceux qui sont effrayés par la faillite de l’ancien et ceux qui luttent pour le nouveau » :

« Pour devenir la classe dirigeante et pour triompher définitivement de la bourgeoisie, le prolétariat doit acquérir cette connaissance, car il ne peut nulle part la trouver toute faite. Or, il faut s’instruire dans la lutte. Seule la lutte sérieuse, persévérante, farouche, nous instruit… Les exploités se trempent, mûrissent, progressent, s’instruisent, dépouillent « le vieil homme » du salariat asservissant à mesure qu’augmente la résistance de leurs ennemis, les exploiteurs. La victoire sera pour les exploités, car ils ont pour eux la vie, la force du nombre, la force de la masse, les sources intarissables de l’abnégation, de l’idéal, de l’honnêteté de ce qu’on appelle le « simple peuple », des ouvriers et des paysans qui prennent leur essor, qui s’éveillent pour édifier un monde nouveau et dont les réserves d’énergie et de talents sont gigantesques. La victoire est à eux. »

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Lénine en avril 1918 dans « Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets » :

« Cacher aux masses le fait qu’attirer les spécialistes bourgeois en leur offrant des traitements fort élevés, c’est s’écarter des principes de la Commune de Paris, ce serait tomber au niveau des politiciens bourgeois et tromper les masses. Expliquer franchement comment et pourquoi nous avons fait ce pas en arrière, examiner ensuite publiquement par quels moyens l’on peut se rattraper, c’est éduquer les masses et apprendre avec elles, par l’expérience, à construire le socialisme. »

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Lénine dans « La portée du matérialisme militant » en mars 1922 :

« Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste. »

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Dans les citations qui précèdent, j’ai choisi sciemment de ne pas discuter du combat de Lénine contre la bureaucratisation. J’y viendrai plus tard.

Salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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Cher camarade,

Il est juste de rappeler les acrobaties des uns et des autres pour se justifier de leurs positions antérieures.

Je connais bien Werth pour l’avoir un peu fréquenté (colloque sur la Russie), bien après sa participation au fumeux ouvrage dirigé par Courtois, qui lui est bel et bien vendu au capital.

Je réaffirme que ses sources sont justes, mais parfois Werth traduit mal en “corrigeant” à sa façon le texte russe d’origine. Je l’ai déjà signalé.

Il reste à savoir si le texte de Werth publié par Courtois et sa clique (il faut ajouter Sylvain Boulouque vendu lui aussi au capital et qu’on voit régulièrement sur les plateaux de télé pour dénoncer l’extrémisme...) n’a pas lui aussi subi les “ciseaux d’Anastasie”.

Sur Furet : entièrement d’accord. Même Kropotkine et Soboul et et surtout Vovelle lui sont mille fois supérieurs !

Pour conclure sur ce vaste champ de travail en perspective, il faut distinguer Trotsky de Lénine. Trotsky était déjà clair en 1905 qu’avec la pensée dogmatique blanquiste substitutionniste de Lénine il y avait un risque potentiel pour toute future révolution.

Trotsky, en 1925, qui se présente comme le vrai hériter du “léninisme” n’est plus celui de 1905. Trotsky se présente comme l’héritier légitime de Lénine. Il ne répond pas à la seule question qui nous intéresse aujourd’hui : pourquoi la conception du parti dirigeant, le “dictateur” de la classe, état-major militaire du prolétariat, a-t-elle lamentablement échoué ? Et pourquoi a échoué la politique du front unique (débouchant sur la constitution de gouvernements ouvriers ET paysans. en Allemagne..)

Pour le débat sur la conscience de classe, conscience adjugée dans le Parti, je renvoie à l’ouvrage de Lukacs. Celui-ci, comme les dirigeants du PC hongrois, comme Kun, Rakosi, etc., considèrent que le prolétariat n’a pas été digne de la confiance que lui donnait le Parti.

Les immenses mérites et qualités de Trotsky ne l’on pas mis à l’abri de trop grandes certitudes qui se sont révélées dangereuses pour tout le mouvement, lorsque le problème, après 1924, était de préparer l’avenir sur d’autres bases que celles de la révolution russe (un pays paysan à 80 p. 100).

‘’(à suivre)

Salutations communistes révolutionnaires,

Ph.B.

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Cher camarade Bourrinet et chers tous,

Venons en à Trotsky. Il me faut d’abord répondre à la question de notre camarade Bourrinet selon lequel « il faut distinguer Trotsky de Lénine. Trotsky était déjà clair en 1905 qu’avec la pensée dogmatique blanquiste substitutionniste de Lénine il y avait un risque potentiel pour toute future révolution.

Trotsky, en 1925, qui se présente comme le vrai héritier du “léninisme” n’est plus celui de 1905. Trotsky se présente comme l’héritier légitime de Lénine. Il ne répond pas à la seule question qui nous intéresse aujourd’hui : pourquoi la conception du parti dirigeant, le “dictateur” de la classe, état-major militaire du prolétariat, a-t-elle lamentablement échoué ? Et pourquoi a échoué la politique du front unique (débouchant sur la constitution de gouvernements ouvriers ET paysans. en Allemagne..) »

Nous voyons déjà que Trotsky pouvait difficilement être clairement en lutte vis-à-vis d’un mépris de Lénine par rapport aux masses prolétariennes puisque celui-ci n’existait pas. Restent des désaccords sur le rôle du parti et sur les perspectives de la révolution en Russie.
Ces deux points ont été tranchés dans le cours de l’année 1917, ce qui explique que Trotsky estime à juste titre être léniniste en 1917, au moment où Lénine défend les thèses d’avril qui sont du domaine de la révolution permanente et la perspective défendue par exemple dans l’Etat et la Révolution, qui est de celui du pouvoir aux soviets !
Bien sûr, quiconque pense que la conception de Lénine de l’Etat ouvrier serait le pouvoir du parti sur la société et non le pouvoir des travailleurs ne peut comprendre un tel accord !

Trotsky ne répond-il pas à la seule question qui se poserait : pourquoi la conception du parti dictateur de la classe a-t-elle échoué ?
Parce que la première question est plutôt : pourquoi la révolution prolétarienne en Europe a-t-elle échoué ? Car, à partir de ce moment, il était certain que la révolution prolétarienne ne pouvait, d’une manière ou d’une autre, qu’être étouffée en Russie, le prolétariat d’un pays exsangue, arriéré, détruit, risquant difficilement de bâtir seul le socialisme !!!

La réponse est politique et ne met pas en cause le courant politique de Lénine et de Trotsky, mais justement tous les autres, à commencer bien entendu par les partis sociaux-démocrates, passés dans le camp de l’ennemi, les à moitié sociaux-démocrates réformistes, des centristes comme le parti allemand des indépendants, et aussi les « gauchistes » de l’époque.

Sur ces questions, je voudrais rappeler que nous avons ébauché quelques études…

Pourquoi la vague révolutionnaire de 1917-1920 en Europe a échoué ?

Les leçons des échecs de la vague révolutionnaire européenne de 1917-1923

La révolution russe de 1917 et la vague révolutionnaire en Europe

La trahison de la révolution russe a-t-elle commencé avec la signature des accords de Brest-Litovsk comme le prétendent les communistes de gauche tels Boukharine et Radek ?

Le point de vue de Lénine et Trotsky face aux communistes de gauche

Reste une question de fond qui est évoquée dans le courrier de notre camarade Bourrinet : celle du front unique, en général et en particulier dans la révolution allemande. Mais cela sera l’objet de mon prochain courrier.

Salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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Saluti a tutti,

Je pense qu’il faut adjoindre pour une discussion fructueuse sur le parti (nature, fonction et intervention dans la classe) les noms de Marx, Rosa Luxemburg, Pannekoek, Gorter (proches du KAPD) et Bordiga (léniniste). Le point sur la “spontanéité des masses” développé surtout par Rosa Luxemburg est fondamental : on ne fait pas la révolution à coup de putschs (malheureusement Rosa en janvier 19 a suivi Liebknecht...). Le parti est indispensable comme cristallisateur du mouvement des masses ouvrières, mais ne peut être vu comme un simple état-major donnant ses directives à des masses encore immatures. La progression du parti comme celle des masses vont de pair. En 1917, les masses seront souvent plus en avant que le parti bolchevik, dont la section de Petrograd reste sur des positions mencheviks jusqu’aux Thèses d’avril (Voir l’excellent livre de Rabinovitch, Les bolcheviks prennent le pouvoir).

Jusqu’au triomphe d’octobre, il est certain que Trotsky tout comme Lénine soulignent le facteur de volonté des masses et la stimulent autant qu’ils peuvent, bien plus d’ailleurs que la masse du parti bolchevik qui reste profondément déboussolée.

Après mars 1918, c’est une autre politique qui est adoptée par le parti bolchevik au pouvoir. Les ouvriers qui se rebellent contre la gabegie du nouvel Etat sont considérés alors par l’appareil de répression comme des “traîtres” et “contre-révolutionnaires”.

Je donne la définition (2) du terme “mépris”, par le Larousse : “Fait de ne tenir aucun compte de quelque chose : Avoir du mépris pour les conventions’.

Lorsque les masses ne vont pas dans le sens de la politique du parti, le parti au pouvoir, en 1921, manifeste son mépris des masses laborieuses dans le sens qu’il les réprime sans pitié. Exemples les grèves ouvrières en 1919 qui sont durement châtiées par la tcheka et l’insurrection de Kronstadt en solidarité avec les ouvriers en grève de Petrograd (janvier 1921).

Pour mémoire, d’Osinskij à Miasnikov et Sapronov, la gauche communiste russe s’opposera vivement à cette politique et insistera sur la nécessité d’une totale démocratie ouvrière.

Il est certain que cette politique de répression, pratiquée tantôt ouvertement tantôt secrètement, s’accomplit dans le cadre d’une guerre civile impitoyable de part et d’autre. Elle laisse transparaître une conception jacobine basée sur la terreur.

Nous donnons comme exemple de cette vision terroriste un extrait d’un article de Zinoviev de septembre 1918 (voir référence en note), qui fait de la terreur un humanisme prolétarien :

« Pour défaire nos ennemis, nous devons avoir notre propre terreur [humanisme] socialiste. Nous devons entraîner à nos côtés (disons) 90 des 100 millions d’habitants de la Russie [vivant sous le pouvoir] soviétique. Quant aux autres, nous n’avons rien à leur dire. Ils doivent être anéantis »[1].

C’est tout pour le moment.

Ph.B.


[1] Souligné par nous. En russe : « Чтобы успешно бороться с нашими врагами, мы должны иметь собственный, социалистический гуманизм. Мы должны завоевать на нашу сторону девяносто из ста миллионов жителей России под Советской властью. Что же касается остальных, нам нечего им сказать. Они должны быть уничтожены » [Северная Коммуна (La Commune du Nord), n° 109,19 sept. 1918, p. 2]. Nous avons corrigé la traduction de Nicolas Werth : à la place de « terreur », il faut lire : « humanisme ». Contamination par la novlangue soviétique ? Ou influence du livre de Maurice Merleau-Ponty : Humanisme et Terreur. Essai sur le problème communiste (Gallimard, 1947) ?

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Chers camarades,

Notre camarade Bourrinet écrit :

« Après mars 1918, c’est une autre politique qui est adoptée par le parti bolchevik au pouvoir. Les ouvriers qui se rebellent contre la gabegie du nouvel Etat sont considérés alors par l’appareil de répression comme des “traîtres” et “contre-révolutionnaires”. »

Cela me semble une version peu fiable des événements. En effet, cette manière de présenter omet de dire qu’à partir de 1918, une politique violente de terrorisme frappe le pouvoir ouvrier russe. Et il n’y a rien d’étonnant, dans ces conditions, que ceux qui pactisent à la contre-révolution soient traités en… contre-révolutionnaires. Même si ce sont des ouvriers, même si ce sont d’anciens militants révolutionnaires. En 1918, les socialistes -révolutionnaires de gauche ont rejoint tous les autres (SR et mencheviks notamment) contre la révolution ouvrière. Et Bourrinet voudrait quoi, que le pouvoir ouvrier tende l’autre joue. Quand il dit « des ouvriers » sont réprimés, ce sont en fait l’opposition qui a pris les armes contre la révolution qui est réprimée !!!

A partir du moment où toutes les fractions de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie ont, aidés de l’impérialisme et des puissances voisines, déclenché la terreur blanche, oui la révolution ouvrière a déclenché la terreur rouge. Précisons qu’il faudra peut-être demain refaire la même chose. Si on n’y est pas prêt autant ne pas parler de révolution et de renversement du capitalisme, et en rester au réformisme !

Salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

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Cher cam.,

Comme tous les membres, je l’espère, de la gauche communiste, je ne suis pas un pacifiste. Dès que la révolution commence, il faut contrer la contre-révolution en marche. Cela implique frapper vite et fort. On ne peut que regretter que les ouvriers allemands de Berlin n’aient pas frappé immédiatement Ebert-Noske et toute leur bande. Malheureusement cela dépend de l’état de conscience du prolétariat, rallié majoritairement à la social-démocratie. Il faut des mois et des mois de lutte révolutionnaire pour que les ouvriers se rallient majoritairement à la révolution et comprennent quels sont leurs ennemis et comment les neutraliser. Il ne s’agit donc nullement de tendre la joue droite face aux forces bourgeoises (social-démocratie incluse, pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité)

Rappelons qu’au cours de l’été 1917 Trotsky protège de son corps Tchernov, leader des SR de droite, alors que les marins veulent lui faire la peau. La situation n’est pas encore asssez mûre au point de montrer que les SR de droite sont dans le camp du capital.

Au cours des années 18 et 19, tous les ouvriers des usines qui se mettent en grève ne sont pas nécessairement des SR de gauche (des mencheviks ou des anarchistes). Ce sont des ouvriers du rang qui ne tentent que de survivre dans une situation de quasi-famine.

Toutes les fractions de la petite-bourgeoisie ne se sont pas ralliées au camp des blancs. Au contraire ! Les anciens petits fonctionnaires ne pèchent que par le pur opportunisme : celui de se rallier au camp du vainqueur et de survivre à la guerre civile en trouvant les moyens licites et illicites de s’alimenter et de s’habiller.

Tu es plutôt pessimiste quand tu affirmes que demain “il faudra peut-être refaire (la terreur rouge)”. Si c’est le cas, la révolution ne se sera pas mondialisée et inévitablement périra.

Néanmoins, même si la révolution se mondialise, il faut prévoir une vague de violence contrôlable exercée par les exploités contre les exploiteurs et tous les agents. Dans ce cas, il faudra la canaliser dans le sens de la destruction des institutions capitalistes, et donc de la privation de toute liberté économique et politique pour les exploiteurs possesseurs des moyens de production. Au lieu de prévoir de nouvelles caves (moins sanglantes et saignantes ?) pour les futures tchékas, il vaudrait mieux réfléchir sur les moyens de rendre immédiatement obligatoire le travail pour toutes les catégories parasites de la bourgeoisie. Cela implique que le prolétariat soit totalement armé et ait désarmé entièrement son ennemi.

Il reste les irréductibles, les plus acharnés, souvent venant de la petite-bourgeoisie, même la plus pauvre. Il faudra certainement lutter les armes à la main contre eux. Ils constituent un vivier de choix pour les corps francs.

Selon les circonstances, le pouvoir prolétarien pourra les “noyer” dans de grands centres de production, sous la surveillance des prolétaires armés, ou les interner dans des camps de travail (le plus humains possible, soulignons-le) jusqu’à la victoire militaire sur les forces de la contre-révolution. Le problème sera alors de reconstruire sur les ruines laissées par la guerre civile. Il faudra la tête, les mains et les jambes de tous.

C’est sur cela qu’il faudrait réfléchir plutôt que de lâcher les “gros mots” de réformisme ou de pacifisme.

Salutations communistes-révolutionnaires,

Ph. B.

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Cher camarade,

Je suis bien content d’apprendre que tu n’es pas pacifiste et que tu ne vois aucun inconvénient si la révolution ouvrière se sert de son pouvoir pour écraser la contre-révolution et je regrette seulement de lire sous ta plume que les bolcheviks ont tiré sur des ouvriers quand il faudrait lire « ont tiré sur des organisations attaquant les armes à la main le pouvoir des travailleurs ». Pourquoi demandes-tu aux bolcheviks de tendre l’autre joue si demain tu prétends que tu ne seras pas prêt à le faire ?!!!

D’un côté, tu fais comme si tes seuls reproches aux bolcheviks étaient le substitutisme mais ensuite tu affirmes que les bolcheviks oeuvraient pour imposer le parti unique, ce qui suppose que tu défendes les droits des partis de la contre-révolution ! Se substituer au prolétariat n’est certes pas une solution mais les bolcheviks n’ont fait que tenir face à la contre-révolution en attendant que le prolétariat mondial prenne le relai du prolétariat russe. Ils ne comptaient pas se substituer au prolétariat mondial !

Salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

Messages

  • chers cam.,

    J’insiste pour initier un débat fructueux de lire les textes de la gauche communiste russe, en particulier de Gavril Miasnikov (groupe ouvrier) et de Sapronov (centralisme démocratique). Il est impératif de disposer rapidement une étude approfondie sur la gauche communiste et son importance dans la lutte contre la contre-révolution insidieuse qui s’installe en Russie, pour déboucher sur le stalinisme, édification du capitalisme d’Etat le plus barbare, baptisé pour faire illusion “socialisme dans un seul pays”.

    Salutations révolutionnaires et communistes (donc non capitalistes d’Etat),

    Ph.B.

  • Cher camarade,
    il faudrait également proposer, en miroir, le combat de Lénine et Trotsky contre la contre-révolution stalinienne pour laquelle je propose ces lectures :
    1922-1923 : quand Lénine et Trotsky étaient unis contre Staline : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2018

    Lénine n’a jamais défendu le « socialisme dans un seul pays » de Staline : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3446
    Quand Staline s’attaquait à la perspective internationale et prolétarienne de Lénine

    https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4567

    salutations communistes révolutionnaires
    Robert Paris

  • Cher camarade,

    Un point d’ordre : je ne suis pas “conseilliste”, je me contente d’être partisan du communisme des conseils (non dans un seul pays, mais au niveau mondial), dans la tradition du KAPD, un parti qui n’avait pas honte d’être un parti et d’agir en tant que tel.

    Salutations com. et rév.,

    Ph.B.

  • Dont acte. Je n’entendais pas conseilliste comme adversaire du parti et j’estime même que Lénine et Trotsky sont conseillistes, et moi aussi !!!

  • Parmi les lectures que l’on peut conseiller sur ce thème, on peut lire le débat entre Voix des Travailleurs et le CCI (débat purement imaginaire bien entendu, vu le sectarisme ambiant mais qui n’en a pas moins le mérite d’exister... sur le papier ou plutôt sur le net !).

    Lire ici :

    http://www.matierevolution.org/spip.php?article1993

  • Chers camarades,
    Dans la réalité, cela fait des années que nous lisons, discutons et même diffusons des textes des gauches communistes, par exemple de Bordiga, de Pannekoek, de Tony Cliff et bien d’autres.
    Par contre, où sont les commentaires et critiques des gauches communistes de « La révolution trahie » de Trotsky ? Il conviendrait de relire et de rediscuter attentivement un tel ouvrage en vue des perspectives du mouvement prolétarien futur…
    Voir ici :
    Bordiga : https://www.google.fr/search?hl=fr&q=bordiga+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.fr+OR+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.org&btnG=Recherche&meta=
    Pannekoek : https://www.google.fr/search?hl=fr&q=pannekoek+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.fr+OR+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.org&btnG=Recherche&meta=
    Gauches communistes : https://www.google.fr/search?hl=fr&ei=S8RvXOKRIKiLlwSY5LvYBg&q=gauche+communiste+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.fr+OR+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.org&oq=gauche+communiste+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.fr+OR+site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.org&gs_l=psy-ab.3...16478.19100..19294...0.0..0.60.783.17......0....1..gws-wiz.krJ3vIzSXwE
    Tony Cliff : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4731
    Salutations communistes révolutionnaires
    Robert Paris

  • Cher camarade Bourrinet,

    On peut lire dans ton commentaire du « Livre noir du communisme » :

    « On comprend que Werth établisse une continuité entre le régime bolchevik, conduit par Lénine, Trotsky, Boukharine et Zinoviev, et le régime de stalinien. Il n’y a pas une différence de qualité, mais de quantité dans la transformation de la Russie en camp de travail et camp de concentration. »

    Donc Lénine=Trotsky=Staline, ils ne diffèrent que par la quantité !!!

    Lire ici ce commentaire de Philippe Bourrinet

    C’est effectivement édifiant et je crains que nous ne convergions pas sur cette question, même après lecture…

    Salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

  • Je pense que ces camarades oublient Marx l’autoritaire pour aller jusqu’au bout de leur raisonnement…

  • Effectivement, ils oublient Marx favorable à la dictature du prolétariat. Lire ici

    Mais ils font surtout semblant d’oublier que la Russie révolutionnaire a été étranglée et que ce qu’elle a fait, elle l’a fait contrainte et forcée, notamment le capitalisme d’Etat qui n’est qu’un recul momentané de survie et pas une politique durable comme ces camarades le présentent. Ils inversent causes et effets. C’est l’échec de la révolution qui cause la politique des bolcheviks et non l’inverse…

  • Cher cam.

    Dialectiquement la QUANTITE de terreur peut donner une autre QUALITE de terreur : celle du capitalisme d’Etat stalinien, qui lui n’est pas une parenthèse mais une donnée permanente. Il s’agit de construire le “socialisme dans un seul pays” par la terreur, en premier lieu contre les ouvriers et les paysans.

    Les seuls bénéficiaires ? la classe “bureaucratique”, constituée de bolcheviks, mencheviks, d’anciens membres de l’appareil d’Etat tsariste et techniciens. Formée à l’école du gangstérisme et de la terreur de masse, celle-ci pourra se couler tout naturellement dans le moule d’une économie mixte où coexistent capital contrôlé entièrement par l’Etat et capital privé (“les oligarques”), entièrement dépendant du bon vouloir de l’Etat.

    Même antienne en Chine, où le parti stalinien a pu instaurer à marches forcées le second capitalisme du monde, où le capitalisme d’Etat contrôle entièrement le capital privé.

    Ce qu’il importe de comprendre, c’est que les prétendus “partis communistes” en Russie et en Chine ont joué le rôle d’agent historique de l’accumulation du capital, et comme la bourgeoisie en Occident et ailleurs ils ne sont rien d’autres que les fonctionnaires du Capital.

    Le sort que nous leur réservons ? Le prolétariat s’il se constitue en force historique (conseils, partis) radicale aura pour tâche de les détruire. C’est la condition sine qua non du triomphe du communisme.

    Salutations rév. com.,

    Ph.B.

  • Cher camarade,

    Un certain Karl Marx écrivait en 1848 :

    « Toute la Terreur en France ne fut rien d’autre qu’une méthode plébéienne d’en finir avec les ennemis de la bourgeoisie, l’absolutisme, le féodalisme et l’esprit petit-bourgeois »

    Désapprouvait-il la Terreur en disant cela ? Bien entendu, il ne l’approuvait ni ne la désapprouvait mais montrait son caractère de classe, fondamentalement bourgeois, puisque la révolution était fondamentalement bourgeoise !

    Dans « La Question juive », le même écrit :

    « Évidement à des époques où l’Etat politique comme tel naît violemment de la société bourgeoise (…) l’Etat peut et doit aller jusqu’à la suppression de la religion (…) mais uniquement comme il va jusqu’à la suppression de la propriété privée, au maximum, à la confiscation, à l’impôt progressif, à la suppression de la vie, à la guillotine. »

    La Terreur n’avait pas amené Marx aux jugements à la Bourrinet sur la révolution française !!

    Et Engels, Rosa Luxemburg ou Lénine et Trotsky devaient en faire de même.

    Le marxisme n’est pas antiautoritaire et la révolution sociale ne pourra pas l’être.

    Quant au « capitalisme d’Etat » de Lénine, c’est une tromperie de le présenter comme un objectif des bolcheviks, comme s’il était possible de construire le socialisme dans la Russie isolée et que Lénine s’y était sciemment refusé !!!

    Salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

  • Chers camarades,

    La brochure de Programme communiste présente sur le Web :

    http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html

    Ajoutons y la brochure de Bérard (James X), datant de 1973 environ : “rupture avec le trotskysme et Lutte ouvrière”.

    Sans doute l’avez-vous en votre possession.

    Salutations révolutionnaires prolétariennes et communistes,

    Ph.B.

  • cher camarade,

    Voici un livre très utile pour aborder la question du capitalisme d’Etat sous Lénine et Trotsky :

    Maurice Brinton, Les Bolchéviques et le contrôle ouvrier (1917-1921). L’État et la contre-révolution (The Bolsheviks and Workers Control. 1917-1921. The State and Counter-revolution), Paris, Les Nuits rouges, 2016 (1970 pour l’édition originale, 1973 pour la première édition française), 188 pages, 13 €.

    Aux prétendus raisonnements “à la Bourrinet”, je me permets d’y substituer les “raisonnements à la Babeuf”, qui sont très clairs sur la révolution bourgeoise française :

    “Donc, il faut la continuer cette révolution, jusqu’à ce qu’elle soit devenue la révolution du peuple”.

    (cité par Maurice Dommanget, Pages choisies de Babeuf, p. 265-266).

    Conclusion : la terreur bourgeoise a été utilisée contre le peuple (dans le sens de : partie la plus radicale et antibourgeoise) mais aussi les femmes privées de tous droits civiques d’Olympe de Gouges à Babeuf lui même.

    Remarque : le texte de 1843 de Marx sur la question juive est un texte écrit avant le Manifeste communiste. Après 1848 et jusqu’à la Commune incluse, la question qui se pose au prolétariat lui-même est précisément celle de la DESTRUCTION DE CET ETAT POLITIQUE BOURGEOIS.

    Salutations communistes révolutionnaires,

    Ph.B.

  • cher camarade,

    convenons que nous appelons "raisonnement à la Bourrinet" un raisonnement qui ne critique pas le pouvoir ouvrier en Russie mais le rejette à partir d’Octobre 17 ou de 1918.

    Je ne sais si Babeuf peut régler seul cette question.

    Mais nous nous référons nous aussi à lui sur la révolution française :

    babeuf site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.fr OR site%3Ahttp%3A%2F%2Fwww.matierevolution.org - Recherche Google

    C’est déjà un point d’accord !

    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    PS : nous pouvons nous transmettre de multiples lectures intéressantes, mais si on devait discuter avec une seule lecture contradictoire par courant, je choisirai "La révolution trahie" de Trotsky. Belle lecture, non ?

  • Chers camarades,

    Voici deux lectures critiques de la théorie du trotskysme, comme mouvement. Trotsky est de façon générale bien plus intelligent que beaucoup de ses sectateurs.

    Deux ouvrages donc à télécharger :

    Programme communiste numéro 57 : http://archivesautonomies.org/spip.php?article39&lang=fr

    Rupture avec LO :

    http://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique492&lang=fr

    Ph B.

  • Cher camarade Bourrinet,

    Il serait bon qu’à l’occasion vous répondiez aux arguments adverses. Pour prendre un exemple, j’ai cité Lénine qui ne semble pas très méprisant vis-à-vis des travailleurs. Vous ne répondez pas là-dessus.

    Salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

  • Cher camarade,

    Si je ne réponds pas de but en blanc, c’est qu’il existe aussi un très bon Lénine... C’est la face avers, extraordinaire, particulièrement de Zimmerwald à octobre 1917.

    Il y a aussi le côté face, sombre, où Lénine dans ses télégrammes peste qu’on ne fusille pas assez de monde...

    Salutations communistes révolutionnaires,

    Ph. B.

    • Cher PH.,

      ce que je ne comprend pas du tout dans l’argument fallacieux du bon et du mauvais Lénine, prétendant répondre à mes citations, c’est que ta thèse en réalité est un bon jusqu’en 1918 et un mauvais après 1918 ; or mes citations portent aussi bien sur avant qu’après 1918 Et alors ? Lénine a-t-il jamais été un hypocrite ui disait le contraire de ce qu’il pensait ? Même ses ennemis n’avaient jamais dit cela !

      salutations communistes révolutionnaires

      Robert Paris

    • Cette conception d’un personnage historique aussi important que Lénine au même titre que Luxembourg ou Marx, est pour le moins grotesque mais cela discrédite à mes yeux votre propre sincérité quant à vos sources et raisonnements. Quel besoin ou quel nécessité Lénine aurait il eu de laisser autant de preuves écrites sur son soit disant penchant criminels de masse ouvrière. En général, ce genre d’action politique est soi assumé pleinement par les adversaires de la classe ouvrière, soi non assumé et dans ce cas , ces derniers le disent , mais ne le signent pas.
      Comparer Lenine à un général de la Bourgeoisie, d’une armée impériale, graçe à des télégrammes ...mais quelles autres fakes news de 1918 y a t’il encore ..pour justifier quoi ? Que les Bolchéviks n’ont pas cru dans le pouvoir des soviets ? Ah bon , Lenine y croit en pleine guerre mondiale, à Zimmerwald, mais après non ? pourquoi ? Pour faire du capitalisme d’Etat , mais peut être veut il gagner du temps dans la guerre contre les blancs en attendant des révolutions à l’ouest ?
      Pour le plaisir de mettre les prolétaires au boulot, et de fusiller les récalcitrants ? la plaisanterie a assez duré et le temps ,aussi, Bourrine, la brochure mérite sa place à coté du Livre Noir des mauvaises blagues du mouvement ouvrier.
      Mettre le doute sur Lenine , c’est comme mettre le doute sur les intentions de Darwin . Leur combat pour détruire le vieux monde en s’appuyant sur des forces révolutionnaires , la classe ouvrière dans un cas et la nature dans l’autre . La bourgeoisie et l’Eglise ne s’y sont jamais trompées, elle.

  • Cher camarade,

    on n’est pas en politique mais en plein moralisme : un bon Lénine et un mauvais Lénine.

    Dommage. Le moralisme n’est pas de bonne politique.

    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    • Cher camarade,

      Pour fuir tout moralisme, rien de tel que les faits matériels.

      Je vous encourage à lire le livre Maurice Brinton sur les bolcheviks et le contrôle ouvrier. La traduction du russe en anglais est totalement fiable.

      Pour le moment seul est disponible gratuitement la version originale en anglais. Traduction en français chez Nuits rouges.

      Salutations communistes internationalistes,

      Ph.B.

    • Certes, des faits mais comment les décrypter ?!!!

      Certes, le stalinisme fait perdre la boussole.

      Mais est-il vrai que les bolcheviks ont fait tout ce qu’ils ont pu pour devenir le parti unique ? Faux !

      Est-il vrai que les bolcheviks ont vidé les soviets sciemment ? Faux !

      Est-il vrai que les bolcheviks par la NEP et le développement d’un secteur capitaliste d’Etat de l’économie voulaient revenir au capitalisme ? Absolument faux !

      Nous sommes d’accord sur un point : le centre de la révolution mondiale s’est transformé en centre de la contre-révolution mondiale. C’est peut-être difficile à comprendre pour un anti-dialecticien moraliste de la gauche communiste, mais faisons quelques efforts !

      salutations bolcheviques

      Robert Paris

  • Cher R.P.,

    Voir la vidéo où l’auteur de la brochure sur LO intervient à l’été 2018 sur Mai 68. Tu l’as peut-être connu.

    Il n’a guère changé physiquement :

    https://nos-medias.fr/video/l-autre-68-juin-partie-2-conference-de-james-bryant-berard

    https://nos-medias.fr/video/l-autre-68-juin-partie-3-questions-francis-cousin-et-james-bryant-berard

    Salutations prol.

    Ph. B.

  • Cher Ph. B.,
    Je me demande parfois si vous réalisez que votre thèse principale sur la révolution russe à partir de 1918 sur la continuité entre léninisme et stalinisme est exactement celle de la bourgeoisie mondiale et… de Staline !!!
    Salutations communistes révolutionnaires et bolcheviques
    Robert Paris

  • Cher RP,

    Il n’y a aucune continuité entre Lénine (révolutionnaire) et Staline contre-révolutionnaire, par contre entre l’idéologie élaborée à partir de 1924 sous le nom de léninisme et celle du stalinisme, le lien est incontestable. Le lien c’est celui du capitalisme d’Etat.

    Quant à la “position de la bourgeoisie mondiale”, il vous sera difficile de la trouver sous forme d’un bloc compact pour la bonne raison que celle-ci est divisée en camps impérialistes prêts à s’étriper pour préserver ses positions de classe. Lorsque la Russie de Staline développe pleinement le capitalisme d’Etat, secteur I des moyens de production, elle s’attire les louanges des capitalistes. Surgissent alors d’innombrables associations des amis de l’URSS qui soutiennnent la répression impitoyable exercée par Staline contre le prolétariat russe, avec la bénédiction de la presse bourgeoise, dont la vénalité n’est plus à démontrer (cf. L’affreuse vénalité de la presse, de Victor Serge).

    Des catégories de la bourgeoise peuvent même se rallier à ce qu’on appelle “communisme”, qui signifie simplement pour elles la sauvegarde à tout prix de leur “nation”. Tel est le cas du comte Karolyi en Hongrie, qui proclame le 21 mars 1919 « je remets le pouvoir au prolétariat des peuples de Hongrie » !

    Même phénomène en 1949 en Chine où une partie de la bourgeoisie chinois se rallie à Mao (cf. Balden, La Chine ébranle le monde).

    Une totale étatisation de l’économie pour affronter le marché mondial dominé par la puissance capitaliste US est apparue comme la seule solution pour une partie de la bourgeoisie, qui compte échapper aux griffes du capital yankee.

    Salutations communistes internationalistes,

    Ph.B.

  • Cher Ph. B.,

    Difficile, dites-vous, de trouver la position de la bourgeoisie mondiale face à l’Etat russe sous Lénine et Trotsky ?

    Ah bon !

    Vous nous proposez de prendre les faits ! Eh bien, les faits c’est qu’en 1918, lorsque vous estimez que la Russie rejoint le capitalisme, tous les Etats impérialistes l’envahissent pour renverser ce pouvoir que vous dites bourgeois, ainsi que tous les Etats bourgeois voisins. Ils lui mènent une guerre à mort. Partout, où passent ces armées, ils fusillent massivement les bolcheviks et membres des soviets. L’Etat de Lénine et Trotsky déclenche alors la guerre révolutionnaire. Vous ne les soutenez pas puisque c’est pour vous un Etat bourgeois. Où trouvent-il ce nouvel Etat bourgeois dont l’armée est démobilisée et l’économie détruite, les forces de vaincre toutes ces armées coalisées soutenant les armées de toutes les forces organisées russes, des cosaques aux armées des mencheviks et des SR, y compris de gauche ? Dans la révolution ! Ils jettent, les Lénine et Trotsky, toutes les forces de la révolution prolétarienne dans la balance. C’est là qu’involontairement ils vident les soviets et pas par une volonté politique ! C’est cela « les faits » !

    Salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

  • Vous parlez "du comte Karolyi en Hongrie, qui proclame le 21 mars 1919 « je remets le pouvoir au prolétariat des peuples de Hongrie » !"...

    Contresens total ! Le comte ne soutient pas du tout le pouvoir des soviets ! Il cède le pouvoir de force ! Peut-on prendre les discours des gens pour des faits ?

    Quels sont les faits ? Ils sont ici

  • Cher RP,

    Au lieu de répéter inlassablement ce que vous appris chez LO, au point de vous priver de tout un bilan critique du bolchevisme, je vous invite à lire les positions de la gauche communiste (Bordiga et KAPD, Gorter, Pannekoek), pendant la guerre civile.

    Elle est sans ambiguïté : sus aux Blancs et à la contre-révolution. Pendant la guerre russo-polonaise de l’été 1920, le KAPD sabote en Allemagne les trains de ravitaillement et d’armes envoyés par la France pour soutenir Pilsudski.

    Donc, s’il-vous-plaît, ne faites pas d’amalgame gratuit avec les SR de gauche et les mencheviks.

    Salutations communistes internationalistes,

    Ph.B.

  • Ne commettez pas d’erreur de lecture. Je n’ai pas dit que vous êtes passés du côté de la contre-révolution mais seulement que vous ne souteniez pas le pouvoir de Lénine et Trotsky puisque c’était un pouvoir capitaliste. Ou alors ce n’était pas un pouvoir capitaliste ?!!!

  • Donc Trotsky est un défenseur du capitalisme et la bourgeoisie ne l’a pas apprécié à sa juste valeur ?!!

    Lire ici

  • Cher RP,

    Poursuivons l’argumentation.

    La défense de la politique bolchevique a quelque chose de poignant chez vous. Vous dédouanez systématiquement les bolcheviks de toute politique bourgeoise, pour le simple fait qu’ils doivent se défendre contre les forces bourgeoises et réactionnaires coalisées.

    Jacques Sadoul constate en mars 1918 que les bolcheviks font appel déjà à la bourgeoisie :

    "ils (les bolcheviks) constatent qu’il ne suffit pas de déposséder les classes dirigeantes, il faut réorganiser l’industrie, discipliner le prolétariat, l’obliger à accepter l’autorité contrôlée des techniciens(...) Ainsi les bolcheviks préparent l’organisation de la production par l’appel, encore discret et mélangé de menaces, aux compétences, c’est-à-dire en somme, à la bourgeoisie".

    Bref il y a plein de témoignages qui démontrent que l’objectif du parti bolchevik, parti dominant totalement l’appareil d’Etat, est de faire régner un ordre bourgeois : que les ouvriers travaillent (gratuitement les samedis) et se la ferment, que les soldats obéissent à leurs officiers munis maintenant de leurs épaulettes (cela se traduit par la suppression des conseils de soldats), que les soviets obéissent au doigt et à l’œil aux injonctions des syndicats dirigés par les bolcheviks, sauf peine de dénonciations publiques et de sanctions.

    Lisez l’article de Trotsky que je viens de vous envoyer. Il écrit ainsi dans un article "travail, discipline, ordre" - tout un programme ! - (28 mars 1918) :

    "il faut absolument que le parti et les syndicats inculquent (...) aux masses cette nouvelle conscience du devoir, du travail, de l’honneur du travail. En s’appuyant sur cette conscience il faut créer des tribunaux du travail pour que l’ouvrier qui ne remplit pas ses devoirs, dilapide le matériel ou n’en prend pas soin, pour que l’ouvrier qui ne fait pas le nombre d’heures réglementaires soit en mis en jugement , pour que les noms de ceux qui refusent de coopérer à la solidarité socialiste soient imprimés dans toutes les publications soviétiques comme des noms de renégats" (Trostky, Écrits militaires, page 61).

    C’est exactement ce même programme, dans le fond plus que dans la forme, qu’appliqua la CNT espagnole après juillet 1936 dans les usines. Dans les deux cas, c’est le programme du capital et non celui du prolétariat. C’est la conséquence d’une incapacité à comprendre la nature du capital, toujours assimilée aux capitalistes en haut-de-forme, aux 200 familles, etc. et qu’il suffit que les gestionnaires changent de costume (le trois-pièces pour la blouse de travail) pour que tout change.

    En Espagne, en 1936-1937, la CNT ne cessa de le proclamer : tout pour le front, toute la lutte contre l’ennemi intérieur et non contre les “bons” capitalistes républicains ! La direction de la CNT au nom de l’effort de guerre contre Franco est complice des staliniens et social-démocrates pour écraser la révolte des ouvriers de Barcelone en mai 1937.

    Salutations communistes internationalistes,

    Ph.B.

    • Je ne t’ai pas envoyé ce texte comme témoignage en faveur de Trotsky mais parce que celui qui le lit y trouve la preuve que la bourgeoisie était pour Staline contre Trotsky, ce qui est très différent !!!

    • Vous écrivez :

      "Bref il y a plein de témoignages qui démontrent que l’objectif du parti bolchevik, parti dominant totalement l’appareil d’Etat, est de faire régner un ordre bourgeois : que les ouvriers travaillent (gratuitement les samedis) et se la ferment, que les soldats obéissent à leurs officiers munis maintenant de leurs épaulettes (cela se traduit par la suppression des conseils de soldats), que les soviets obéissent au doigt et à l’œil aux injonctions des syndicats dirigés par les bolcheviks, sauf peine de dénonciations publiques et de sanctions."

      Et la bourgeoisie ne l’a pas compris !!! Elle a cru que Lénine et Trotsky étaient des révolutionnaires purs et durs !!!!

      On en a la preuve. Par exemple, on dispose des discussions entre chefs des quatre grandes puissances impérialistes à Paris en 1919. Un général y propose de négocier avec le général Trotsky et les chefs des puissances s’interrogent : il est idiot ou il fait semblant. C’est un général français. Le chef de l’Etat français répond : c’est un militaire idiot, on sait bien qu’on ne pourra jamais rien négocier avec Lénine ni Trotsky c’est une lutte à mort.

      C’est le CNRS qui a édité les discussions. Les bons passages sont cités sur notre site.

    • La traduction de ce que tu écris (la mienne bien entendu) : quand les ouvriers sont prêts volontairement à travailler le samedi pour construire leur propre maison, leur propre société et à la défendre en mettant en jeu leur vie, c’est qu’ils sont manipulés par les capitalistes !!!

  • Cher Ph. B.,

    Pourquoi présenter ce texte de Trotsky comme une révélation ? Chacun a pu lire le livre de Trotsky « Terrorisme et communisme » qui en dit bien plus sur ce thème.

    Mais, au fait, les communistes de gauche qui ont pactisé avec Trotsky avec la montée du stalinisme savaient-ils que Trotsky avait défendu cette politique ? N’auraient-ils pas dû s’abstenir de s’unir avec lui ? Et les communistes de gauche qui ont défendu l’Etat ouvrier les armes à la main, y compris après 1918 n’avaient-ils pas compris comme toi que l’Etat de Lénine et Trotsky était devenu bourgeois en 1918 ?
    Beaucoup de questions sans réponse de ta part, il me semble…

    Salutations trotskystes

    Robert Paris

    • Terrorisme et communisme
      Léon Trotsky

      PRÉSENTATION

      "Terrorisme et communisme" est probablement l’un des textes les plus magnifiques de Trotsky, l’un des plus clairs, des plus tranchants et des plus puissants. La raison est simple : par-delà les capacités personnelles de l’auteur, c’est ici la voix de la révolution qui s’exprime, aux heures de la lutte suprême, à travers un de ses chefs dirigeant la lutte sur le champ de bataille.

      Ecrit, comme il le dira plus tard, "dans le wagon d’un train militaire et au milieu des flammes de la guerre civile", le livre de Trotsky est formellement dirigé contre Karl Kautsky. L’ancien chef de la II° Internationale passée à l’ennemi, l’ancien pontife international du marxisme, avait pris la tête d’une campagne de dénigrement dirigée contre la révolution bolchevique au nom du "socialisme démocratique". En 1918, il avait consacré une première brochure à démontrer que la dictature du prolétariat devait être... démocratique, et à attaquer celle des bolcheviks qui ne l’était pas. Il s’était alors attiré une foudroyante réplique de Lénine dans "La révolution prolétarienne et renégat Kautsky". Un an plus tard, le renégat récidivait en déversant, dans un livre intitulé "Terrorisme et communisme", sa bile de petit-bourgeois pacifiste suffoqué par les méthodes impitoyables de la révolution russe qui luttait alors pour son existence même contre les multiples interventions impérialistes, l’effondrement économique et la contre-révolution interne. Cette fois, c’est Trotsky qui va lui répondre. Ecrits à dix-huit mois d’intervalle, les deux "Anti-Kautsky" des deux principaux dirigeants de la révolution bolchevique constituent une magnifique défense du marxisme révolutionnaire en action contre le pacifisme petit-bourgeois et démocratique hypocritement enrobé de vocabulaire marxiste. A ce titre, ces textes n’ont pas simplement un intérêt historique : dans la mesure où la révolution prolétarienne reste à faire, ils traitent des problèmes de l’avenir.

      La question centrale, à laquelle se ramènent en définitive toutes les autres, est simple : OUI ou NON la révolution implique-t-elle le recours aux armes, l’insurrection, la guerre civile, l’instauration de la dictature du prolétariat ? Ceux qui répondent non tournent le dos au marxisme et quittent le terrain de la révolution pour celui des "nouvelles voies", des "voies pacifiques au socialisme" dont la diversité, la nouveauté et la spécificité sont d’autant plus hautement proclamées qu’elles se rattachent toutes, en fait, à la matrice éculée du réformisme et du pacifisme social, autrement dit de la soumission à l’idéologie de la classe dominante. Tel est notamment le cas de tous les partis communistes "officiels", rangés depuis longtemps sous la bannière de l’ordre établi, qui font croire que la bourgeoisie impérialiste pourrait abandonner le pouvoir... par la voie des élections. A ceux-là, Lénine avait répondu à l’avance :

      "Supposer que dans une révolution un peu sérieuse et profonde, c’est simplement le rapport entre la majorité et la minorité qui décide, c’est faire preuve d’une prodigieuse stupidité ; c’est s’en tenir à un préjugé archi-naïf digne d’un vulgaire libéral ; c’est tromper les masses, leur cacher une évidente vérité historique. Vérité selon laquelle il est de règle que dans toute révolution profonde les exploiteurs, conservant durant des années des avantages considérables sur les exploités, opposent une résistance prolongée, opiniâtre, désespérée. Jamais, si ce n’est dans l’imagination doucereuse du doucereux benêt Kautsky, les exploiteurs ne se soumettront à la volonté de la majorité des exploités, sans avoir fait jouer - dans une bataille suprême, désespérée, dans une série de batailles - leur avantage" [1].

      C’est pourquoi la lutte de classes débouche inéluctablement, à certains moments de l’histoire, sur la guerre civile, dans laquelle la décision appartient en dernier ressort aux armes. La révolution, écrivait Engels, est

      "un acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à l’autre partie à l’aide de baïonnettes, de fusils, de canons, moyens autoritaires s’il en fut ; et le parti qui a triomphé doit maintenir son autorité par la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires" [2].

      Si l’on admet cette réalité - et des révolutionnaires dignes de ce nom ne peuvent se contenter de l’admettre, mais doivent la préparer - alors il faut en tirer toutes les conséquences. Dans la révolution et la guerre civile, comme le montre magnifiquement Trotsky, il ne s’agit pas seulement de se battre mais de vaincre l’adversaire bourgeois et de l’anéantir à jamais en tant que classe ; sinon, l’histoire l’a abondamment montré, lui ne fera pas de quartier. Pour vaincre, il faut utiliser toutes les armes, sans hésitation, sans exception aucune, et les utiliser de manière impitoyable, sans la moindre concession, ni aux principes de la démocratie ou de la métaphysique petite-bourgeoise, ni même à tous les principes humanitaires qui ne peuvent être, dans toute société de classe, et mille fois plus encore dans la société impérialiste, qu’une cynique mascarade. Ces armes sont la violence prolétarienne sans entraves dirigée par le parti centralisé du prolétariat, le démantèlement de l’Etat et donc la dispersion de toutes ses institutions "démocratiques" qui ne servent qu’à mystifier la classe opprimée, la suppression des partis ennemis, de tous leurs appuis et de leurs journaux, l’instauration de la terreur prolétarienne contre la classe vaincue pour la désorganiser et l’empêcher de relever la tête, la guerre civile menée de manière décisive et impitoyable contre tout ennemi armé, la liquidation physique des chefs politiques et militaires de la classe ennemie tant que la révolution n’a pas définitivement assuré son pouvoir, la prise d’otages et les représailles - en un mot toutes les mesures de la guerre civile sans en excepter aucune. Tout cela est horrible ? Sans aucun doute. Mais le capitalisme impérialiste, avec ses rivalités et ses conflits qui ne font que s’exacerber, avec ses guerres et ses répressions incessantes, avec le pillage qu’il fait subir à la planète et ses crises périodiques, est une atrocité mille fois plus horrible pour les neuf dixièmes de l’humanité - et même le dixième restant, celui des couches privilégiées qui se croient à l’abri dans les grands centres impérialistes, est régulièrement plongé dans l’holocauste pour le repartage du monde. L’utilisation impitoyable de toutes les armes, c’est la classe dominante elle-même qui en a donné et en donne constamment l’exemple, que ce soit dans la répression ou dans les règlements de comptes entre bourgeoisies rivales. Par là même, elle montre la voie au prolétariat, qui n’a pas d’autre choix historique que d’exercer l’oppression pour mettre fin à l’oppression, la dictature pour mettre fin à la dictature, la violence suprême des armes pour mettre fin à toute violence.

      Ivresse sanguinaire ! s’écrient tous les philistins. C’est exactement le contraire. Plus la révolution prolétarienne se montrera décidée, hardie, impitoyable avec l’ennemi, montre Trotsky en citant Lavrov, plus sa victoire sera rapide, et donc moins sanglante, moins coûteuse en vies humaines pour la classe ouvrière. Voilà comment raisonnent des marxistes : en matérialistes implacables, et non en pleurnicheurs ou pusillanimes petits bourgeois. Hésiter, tergiverser, vouloir fixer des codes de conduite, vouloir éviter l’affrontement inévitable, apporter la moindre restriction à la marche implacable de la révolution, c’est l’affaiblir ; ce n’est pas épargner des vies humaines, c’est préparer, dans le meilleur des cas, des bains de sang supplémentaires, c’est, dans le pire, préparer des désastres - combien de centaines de milliers de vies prolétariennes, depuis la Commune de Paris jusqu’à la répression au Chili, cette vérité n’a-t-elle pas coûté !

      C’est bien pourquoi tous ceux qui ne tournent pas franchement le dos à la révolution prolétarienne mais l’acceptent en principe et en paroles tout en faisant des réserves implicites ou explicites sur ses modalités, tous ceux qui tournent autour du pot en évitant comme la peste de se prononcer clairement et sans équivoque sur les questions de l’insurrection, de la dictature et de la guerre civile, tous ceux qui n’acceptent le recours aux armes qu’avec des restrictions, "seulement si c’est vraiment nécessaire" - comme si des monceaux de cadavres prolétariens n’avaient pas déjà répondu depuis longtemps ! -, tous ceux qui voudraient une violence non-violente ou "pas trop" violente et une dictature non-dictatoriale avec liberté d’organisation et d’expression pour l’adversaire bourgeois (et pourquoi pas d’armement aussi, pendant qu’ils y sont ?), tous ceux qui voudraient soumettre l’ouragan de la révolution aux petits préjugés raisonnables, démocratiques et légalistes qui leur ont été soufflés par l’idéologie bourgeoise - tous ceux-là ne seront pas moins dangereux, demain, pour la révolution, que ceux qui lui tournent franchement le dos aujourd’hui pour prôner l’évolutionnisme démocratique et électoral. Tous ceux-là, à l’époque de Lénine et de Trotsky, c’étaient les kautskystes à l’extérieur et les mencheviks à l’intérieur. Faire la guerre civile ? Quelle horreur, disaient les mencheviks, à bas la guerre civile ! Fusiller les contre-révolutionnaires ? Quel manque d’humanité ! Prendre des otages ? Quelle barbarie ! La dictature dirigée par un seul parti ? Ce parti se "substitue" à la classe : quel attentat contre les autres "tendances" du mouvement ouvrier ! Supprimer les journaux de l’adversaire ? Quel crime contre la démocratie ! Et ainsi de suite. Emanciper les exploités à l’échelle de la planète, abattre le pire régime d’oppression et de massacre qui ait existé dans l’histoire, créer les conditions d’une société nouvelle et fraternelle qui fera disparaître l’exploitation, ces messieurs veulent bien y consentir. Mais qu’il faille pour cela piétiner les délicates plates-bandes des "conquêtes démocratiques" qui ornent si joliment l’extérieur des bagnes ouvriers et qu’ils voudraient conserver pour la maisonnette de leurs rêves, cela, ils ne le supportent pas . Tous ces apôtres du oui-si ou du oui-mais foisonnent à l’heure actuelle, en contribuant à obscurcir la vision de l’émancipation prolétarienne. Mais l’histoire a suffisamment montré qu’en matière de révolution, à l’heure de l’affrontement suprême, il n’y a plus place pour le oui-si ou le oui-mais : il n’y a plus que deux camps, celui de la révolution et celui de la contre-révolution - et les apôtres du oui-mais finissent toujours dans leur grande majorité par rejoindre le second, ce qui n’est guère étonnant puisque toutes leurs objections et leurs réserves laissent transparaître en filigrane l’idéologie bourgeoise et ses préjugés. C’est ce que montre Trotsky contre chacun des misérables arguments soulevés par Kautsky, et ses répliques ont une valeur inestimable pour le présent et pour l’avenir.

      Une précision est nécessaire au sujet des mesures de mobilisation du travail, des appels à l’intensification de la production et au volontariat, de la "militarisation du travail" et même de la "militarisation" des syndicats, commentées par Trotsky au chapitre VIII de son livre. Certains ne manquent pas de relever une analogie formelle entre ces mesures et celles que prendra plus tard le stalinisme avec ses camps de travail, son productivisme forcené, son stakhanovisme, etc., et d’en tirer la conclusion qu’en matière économique comme en matière politique, le bagne stalinien était déjà contenu dans les mesures dictatoriales des bolcheviks.

      C’est oublier que la Russie de 1918-1920 était une forteresse assiégée par la contre-révolution, soumise au blocus économique, où la production s’était effondrée, où régnait la famine, que plusieurs armées blanches ou étrangères cherchaient à liquider, et où il fallait malgré tout tenir. Tel était le but de l’ensemble de mesures prises par les bolcheviks et désignées par l’expression de "communisme de guerre", où seul méritait le nom de "communiste" le pouvoir prolétarien qui les appliquait et non les mesures en elles-mêmes, qui étaient des mesures de guerre, guerre économique, guerre impérialiste, guerre civile. On remarquera que nulle part Trotsky ne les qualifie de mesures économiques socialistes, de même qu’on ne verra nulle part Lénine qualifier la Russie post-révolutionnaire de pays économiquement socialiste. Il faut rappeler brièvement que si la dictature du prolétariat en Russie est un pouvoir politiquement communiste (ou socialiste, ou prolétarien : dans ce sens-là, les trois mots ont la même signification), elle est instaurée dans un pays qui ne peut être économiquement socialiste, puisqu’il n’est qu’à peine capitaliste dans l’industrie (réduite à néant par la guerre) et entièrement précapitaliste dans l’agriculture. La perspective des bolcheviks n’était pas, ne pouvait pas être, n’a jamais été de "construire le socialisme" dans la seule Russie arriérée et isolée, mais de tenir, d’y conserver le pouvoir jusqu’à l’éclatement de la révolution dans l’Europe développée, en favorisant par tous les moyens, et notamment par la fondation de l’Internationale communiste, cet embrasement et son aboutissement victorieux. L’abandon de cette perspective avec l’adoption, quelques années plus tard, de la théorie stalinienne du "socialisme dans un seul pays", signifiera en fait l’adieu à la révolution mondiale au profit de la construction du capitalisme national russe. Autant le pouvoir révolutionnaire avait le droit, le devoir même, d’exiger tous les sacrifices de la classe ouvrière pour la victoire de la révolution (ce qui dépasse évidemment l’entendement des petits-bourgeois kautskyens d’hier et d’aujourd’hui), autant les mêmes appels ou les mêmes contraintes au sacrifice au nom de la Russie bourgeoise n° 2, qui a tourné le dos à la révolution mondiale et où le prolétariat n’a plus rien à défendre, ne sont qu’une cynique mystification [3]. Au-delà des analogies formelles, c’est la finalité politique, le contenu de classe, qui sont déterminants.

      Cette situation extrême de forteresse assiégée explique la forme extrême prise par la "militarisation du travail" - nous disons la forme extrême, et non le principe du travail obligatoire en lui-même, qui revient au vieux principe parfaitement socialiste "qui ne travaille pas ne mange pas", dont seuls les parasites peuvent s’épouvanter. Ce même contexte explique l’exagération commise par Trotsky dans la question de la "militarisation" des syndicats. Tout à la nécessité de relever coûte que coûte la production pour éviter l’effondrement, Trotsky oublie le caractère nécessairement complexe des syndicats dans la période de dictature. Celle-ci ne peut abolir instantanément le salariat et les autres rapports de production capitalistes, ce qui implique que les syndicats conservent dans une certaine mesure une fonction de défense des salariés. Cette fonction pouvait encore moins être rayée d’un trait de plume dans le cadre de la Russie, où l’une des bases du pouvoir prolétarien était la paysannerie, ce dont l’appareil d’Etat, qui souffrait en outre de déformations bureaucratiques, ne pouvait pas ne pas se ressentir. Il appartiendra à Lénine de le rappeler sévèrement [4]. Mais il est clair que cette erreur sur un point particulier et dans une situation terriblement difficile n’enlève rien à la rigueur des thèses fondamentales superbement défendues par Trotsky.

      Les deux "Anti-Kautsky" de Lénine et de Trotsky ont joué, à l’époque de la création de l’Internationale communiste, un rôle important dans la formation et l’armement politique des jeunes partis communistes occidentaux, appelés à se constituer dans l’atmosphère délétère d’une démocratie bourgeoise qui avait réussi à engluer dans ses filets les vieux partis socialistes et leurs noyaux dirigeants. Aujourd’hui, tout est à refaire : l’ennemi est toujours debout, l’idéologie réformiste et pacifiste domine le mouvement ouvrier, alors même que les contradictions de la société bourgeoise s’aiguisent de plus en plus. Pour guider la lutte longue et difficile qui devra abattre cette société, les leçons de "Terrorisme et communisme" sont plus actuelles que jamais.

      Notes

      [1] Lénine, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, Œuvres, tome 28, pp. 262-263.

      [2] Engels, De l’autorité, in Marx-Engels, Textes sur l’organisation, Paris, Spartacus, 1970, p. 8.

      [3] Sur le problème de la définition de la Russie stalinienne (que Trotsky définira comme un "Etat ouvrier dégénéré") et post-stalinienne, ainsi que sur bien d’autres questions plus directement politiques, l’auteur de la présente préface ne partage pas les positions que prendront par la suite Trotsky et surtout les divers courants "trotskystes". Nous renvoyons notamment, sur la question de la Russie, aux textes d’A. Bordiga Dialogue avec Staline et Russie et révolution dans la théorie marxiste, dont la publication en français est en préparation aux Editions Prométhée.

      [4] Voir notamment la série d’articles et de discours consacrés par Lénine à la question des syndicats en décembre 1920 et janvier 1921 (Œuvres, tome 32).

  • Cher RP.,

    Allons, camarade, pas de gasconnade !

    Trotsky comme Lénine constituent la meilleure expression d’une vague révolutionnaire qui commence la prise du pouvoir en octobre 1917, au nom des conseils ouvriers.

    Lénine a été plus lucide que Trotsky qui s’acharnera dans les années 30 à définir la Russie comme un “Etat ouvrier déformé” et donc “progressiste”.

    Lénine au moins a été très conscient du problème : il doit reconnaitre en 1922 que le nouveau pouvoir a construit un capitalisme d’Etat (sur le modèle des chemins de fer et de la poste allemandes) et que le pouvoir leur échappe avec le développement d’un monstre (le capitalisme d’Etat) qu’ils n’arrivent plus à contrôler.

    Plus que sur les témoignages en faveur de Trotsky, il vaut la peine de souligner les mensonges propagés AUJOURD’HUI par la bourgeoisie dans tous les pays, et surtout en Russie poutinienne qui réécrit l’histoire dans le sens de Staline. Je vous invite à lire cet article paru dans Médiapart, signé par Esteban Volkov, petit-fils de Trotsky, et le Centre d’Etudes, de Recherches et de Publications-CEIP León Trotsky d’Argentine et du Mexique :

    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/190219/netflix-et-le-gouvernement-russe-unis-dans-la-calomnie-anti-trotsky

    Ph.B.

  • cher camarade,
    Tu soulignes que Lénine et Trotsky « font appel à la bourgeoisie » ! Mais c’est parce qu’ils y sont contraints pour faire redémarrer l’économie exsangue. Or si l’économie ne redémarre pas, non seulement il n’y aura plus d’Etat ouvrier, plus de soviets non plus car même plus de véritables ouvriers.
    D’autre part, tu n’as visiblement pas remarqué que la bureaucratisation a démarré par les soviets, pas par le parti !
    J’aimerai bien savoir jusqu’à quand tu estimes que l’Etat russe est un Etat ouvrier.
    salut communiste

    Ropa

  • Cher camarade,

    « Pour s’armer matériellement demain, il faut d’abord s’armer idéologiquement ! » dis-tu. Seulement l’idéologie que tu nous propose est seulement la dichotomie prolétariat/bourgeoisie de la gauche communiste alors que, par exemple, la révolution russe est à la fois révolution prolétarienne et révolution petite bourgeoise et même bourgeoise. Du coup, tu ne peux qu’incriminer la conception dialectique de la révolution permanente, adoptée d’abord par Trotsky puis par Lénine, dans un échec qui n’est pas spécifiquement russe pourtant.

    Lire ici : Pourquoi la vague révolutionnaire de 1917-1920 en Europe a échoué ?

  • Cher camarade,

    La dialectique de la révolution russe, c’est fondamentalement celle d’un pays capitaliste arriéré où la bourgeoisie a été incapable de réaliser les avancées révolutionnaires bourgeoises et est d’autant plus incapable en 1917 que le prolétariat est là en force. La révolution bourgeoise devient ainsi une des armes de la révolution prolétarienne. Si on joue au moralisme, on enlève au prolétariat russe l’une de ses principales armes. Il ne reste plus au prolétariat russe que l’arriération du pays, soit sa principale faiblesse.

    Peut-on accuser Lénine et Trotsky d’avoir diffusé la même idéologie qui devait servir à Staline, celle du statu quo, considérant comme vertu l’isolement, l’isolement politique (un seul parti au pouvoir) et l’isolement international (le socialisme dans un seul pays).

    La seule réponse, en l’occurrence, ce sont effectivement les faits. Encore faut-il les comprendre comme une dynamique fondée sur des contradictions et pas comme une morale.

    Si on pense de manière dichotomique, on s’allie ou on se combat, de manière exclusive. Or qu’en réalité, entre courants opposés, on s’allie ET on se combat, ce qui est le cas par exemple entre marxistes et anarchistes, entre léninistes-trotskistes et gauches communistes. Ce n’est pas que mon point de vue. Ce sont les faits historiques. Les courants léniniste-trotskiste et gauche communiste se sont unis dans la révolution russe, ils ont travaillé la main dans la main, ils ont participé du même pouvoir. En 1918-1920, il y a eu des moments où les gauches communistes étaient majoritaires au sein du parti bolchevik et au sein de l’Internationale communiste. Lénine et Trotsky se reconnaissaient en minorité. Le changement redonnant la majorité à Lénine et Trotsky n’a pas été obtenu par des méthodes bureaucratiques. Les gauches communistes n’ont pas été emprisonnés ni frappés du vivant de Lénine. Lorsque l’opposition trotskiste s’est formée, l’essentiel des gauches communistes de Russie y ont participé, preuve que les deux courants s’étaient opposés politiquement mais restaient capables de s’unir dans la lutte contre la bureaucratisation. Ils avaient le même programme d’action et les mêmes buts.

    Je ne dis pas cela pour minimiser les divergences mais pour tenter de les placer où elles sont.

    Ce qui dit Nicolas Werth est très différent : il accuse le parti bolchevik en bloc d’écraser la classe ouvrière sciemment, d’écraser toute forme de démocratie. Il défend un point de vue bourgeois et anticommuniste (certes choqué par le point de vue de Courtois plus radical que le sien mais, là aussi entre anticommunistes, il y a des nuances). Accuser globalement le parti communiste, tu ne devrais pas le faire car les gauches communistes en faisaient partie. Bien sûr, tu le dis aussi mais tu t’appuies sur « des faits » présentés par des anticommunistes, qui sont nos ennemis communs.

    Prenons un soi-disant « fait » de Werth : le parti bolchevik a toujours voulu la dictature du parti unique. Cela signifie que Lénine et Trotsky aussi l’ont toujours voulue. Ils auraient voulu gouverner seuls au pouvoir !

    Mais leurs actes disent exactement le contraire. Ils ont par exemple gouverné avec le parti socialiste-révolutionnaire et c’est ce dernier qui est parti enclenchant une guerre civile terroriste violente par laquelle il tentait d’assassiner tous les dirigeants bolcheviques. Ils les ont tous visé et en ont tué plusieurs. Juste avant, ils étaient ministres du même gouvernement ! Ils ne sont pas sortis parce qu’ils dénonçaient le manque de démocratie. Ils ne sont pas sortis parce qu’ils dénonçaient la misère ouvrière. Ils ne sont pas sortis parce qu’ils affirmaient qu’on vidait les soviets de leur contenu. Ils ne sont pas sortis parce qu’on favorisait les syndicats (question sur laquelle nous reviendrons). Non, ils sont sortis parce qu’ils prônaient la guerre révolutionnaire contre l’Allemagne, à un moment où la Russie révolutionnaire n’avait plus aucun moyen matériel de mener une guerre ! Ils sont sortis parce qu’ils refusaient la capitulation russe de Brest-Litovsk et ne voulaient pas accepter que l’Ukraine soit sous domination allemande !

    Dans la question de Brest-Litovsk, le point de vue gauche communiste a rejoint celui des socialistes-révolutionnaires avec Boukharine : la guerre révolutionnaire.

    Lénine et Trotsky ne refusaient pas la guerre révolutionnaire mais ils refusaient la révolution de la phrase, le romantisme moraliste du genre « nous mourront pour nos idées plutôt que reculer ». C’est beau mais peu efficace. L’armée rouge a démontré que les bolcheviks étaient capables de mener la guerre révolutionnaire et de gagner. mais, bien sûr, gagner ne peut vouloir dire réussir à la place du prolétariat européen, mais seulement réussir à tenir plus longtemps, en attendant le retour de la révolution européenne, en attendant par exemple 1923 en Allemagne.

    A part le cas des socialistes-révolutionnaires, quelle était le point de vue bolchevik sur le parti unique ? Il y a eu bien d’autres forces politiques qui ont collaboré avec les bolcheviks plus ou moins durablement : plusieurs groupes ou personnalités anarchistes ou anarchistes-communistes, des groupes mencheviks, des groupes nationalistes révolutionnaires des nationalités opprimées, etc. Loin de chercher à gouverner seuls, les bolcheviks voulaient intégrer des partis divers du prolétariat et des partis divers de la petite bourgeoisie, reflétant ainsi la réalité de la révolution russe qui avait triomphé. C’est le stalinisme qui agira en sens complètement inverse et il ne s’appuiera pour cela ni sur Lénine, ni sur Trotsky, ni sur leur idéologie.

    Il est à remarquer que le nouvel Etat révolutionnaire russe a traité tous les partis de la même manière : on ne vous interdit pas si vous ne nous faites pas la guerre les armes à la main, si vous ne vous attaquez pas physiquement et mortellement aux partis des soviets. Ils ont pu présenter des candidats aux élections soviétiques, y envoyer des représentants, éditer des journaux librement jusqu’au jour où ils sont entrés en guerre contre les soviets et les partis soviétiques.

    Contrairement au courant gauche communiste, le courant léniniste-trotskiste est favorable à des alliances de combat avec des courants adverses. Il n’est pas pour la séparation entre deux camps au sein des forces combattantes. Ce n’est pas de l’opportunisme mais une politique qui suit la dynamique réelle du combat. Dans cette dynamique, le prolétariat révolutionnaire peut s’allier à des fractions prolétariennes moins conscientes, à des fractions petites-bourgeoises, et même à des fractions bourgeoises de nationalités opprimées à condition qu’elles participent au combat contre la bourgeoisie internationale. Ce n’est nullement le point de vue des gauches communistes qui défendent le plus souvent l’inverse. Pour les gauches communistes, pas question de s’allier avec des forces politiques et sociales bourgeoises dans le combat. C’est cela que j’appelle le point de vue dichotomique des gauches communistes. C’est là où on ne se comprend pas par exemple quand on parle de front unique.

    Le front des révolutionnaires, c’est un front avec des camarades qui n’ont pas le même avis. Le front unique, c’est un front avec d’autres forces politiques et sociales qui sont carrément des ennemis. Par exemple, le mouvement des Gilets jaunes nous amène à nous battre aux côtés de forces ennemies. S’y refuser comme le font la plupart des gauches communistes s’est renoncer à jamais à gagner le prolétariat à nos idées et les laisser aux mains de leurs pires ennemis.

    Ce n’est pas le moralisme (la dichotomie du mal et le bien, du prolétariat et de la bourgeoisie, du communisme et de sa trahison) qui peut nous aider dans les événements.

    Revenons sur les faits. Ceux-ci montrent-ils un parti qui a sans cesse œuvré en direction du parti unique au pouvoir ? Ont-ils agi contre la démocratie politique et la liberté politique des partis ?

    Au lendemain d’Octobre, le parti Cadet n’est pas immédiatement interdit. Ce n’est que fin novembre 1917, au moment où ce parti prépare ouvertement son passage à l’insurrection contre-révolutionnaire armée avec Kalédine, qu’il est interdit par un décret du Sovnarkom. Les bolcheviks n’ont cependant pas empêché les élus des Cadets de participer ensuite aux élections à l’Assemblée constituante et de siéger momentanément à celle-ci. Le journal du parti Cadet Svoboda Rossi continue à paraître sans être clandestin jusqu’à l’été 1918, en pleine guerre civile. Les Cadets continuent d’exister légalement au travers du « comité panrusse d’aide aux affamés » en juillet 1921. Dans la réalité, que ce soit avec ce parti comme avec les SR de gauche, les bolcheviks vont aussi loin que possible dans le refus de la répression aveugle, dans les tentatives de ne pas tout ensanglanter. C’est la grande bourgeoisie qui choisir le bain de sang, pas les révolutionnaires !!!

    Ce choix du bain de sang contre la révolution prolétarienne, on le retrouve dans le texte dont je vous parlais : dans les réunions des quatre grandes puissances en 1919-1920 et dans son compte-rendu édité par le CNRS.

    Si les bolcheviks ne refusent pas toutes sortes d’alliances face à l’offensive tsariste et impérialiste, ils ne veulent pas accepter de faiblesse face à l’ennemi. Si la guerre est déclarée, il faut la mener avec toutes les forces dont le prolétariat dispose, avec toute l’énergie que l’on peut mettre en œuvre, sans fausse retenue moraliste.

    Oui, les faits, c’est un gouvernement de 1917 avec onze ministres bolcheviks et sept ministres SR de gauche. Les faits, ce sont des régions entières où les dirigeants révolutionnaires aux côtés des bolcheviks sont des anarchistes. Les faits, ce sont Lénine et Trotsky prêts à se plier à la démocratie des débats internes aux soviets, au parti, à l’Internationale. La vérité des faits, c’est que tout ce qui s’est passé avant l’affaiblissement et la mort de Lénine (1922) est tout à fait opposé à ce qui s’est passé après.

    Les mencheviks, les SR (droite et gauche), certains anarchistes n’ont pas attendu que les soviets se vident de leur contenu pour les quitter, pour les combattre les armes à la main, pour les assassiner. Dès l’insurrection d’octobre, SR de droite et Mencheviks pactisent avec les armées tsaristes, mènent avec eux la guerre contre les soviets, participent à des gouvernements aux côtés des généraux cosaques et des gardes blancs tsaristes. Malgré cela, le parti SR n’est pas dissous par les bolcheviks, même pendant la guerre civile !!! Ses journaux continuent à paraître. La censure de la presse ne débute qu’en mars 1918 quand la lutte à mort est si intense qu’elle menace de mort le pouvoir des soviets.

    Et ce n’est pas juste une manœuvre des bolcheviks : c’est un combat politique qui porte ses fruits. Mencheviks et SR honnêtes sont gagnés aux bolcheviks. Le parti SR recule parfois politiquement comme en février 1919 où ce parti est contraint de dénoncer l’intervention contre-révolutionnaire étrangère sur le sol de Russie.

    Les ruptures avec les autres partis n’ont eu lieu que lorsque ceux-ci ont proclamé se battre contre le pouvoir des soviets les armes à la main comme l’a fait Maria Spiridovna au Ve Congrès des Soviets en juillet 1918, annonçant qu’elle était désormais face à face avec les bolcheviks « le pistolet et la bombe à la main ». Et ce n’était pas une simple menace. Cela devait commencer presque le lendemain !

    A part Brest-Litovsk, ce qui opposait bolcheviks et SR de gauche, c’est la décision des bolcheviks d’appuyer la lutte des classes dans les campagnes en favorisant les comités de paysans pauvres contre les paysans riches !

    En ce qui concerne les anarchistes, il y a eu toutes sortes de relations suivant le type de groupes. Jusqu’en avril 1918, tous les groupes anarchistes sont autorisés, jouent un rôle dans les soviets, dans la révolution, participent au combat, souvent aux côtés des bolcheviks. Ce n’est pas ces derniers qui rompent l’unité, c’est la violence de la guerre civile empêchant tout accord entre le prolétariat et les forces petites bourgeoises des villes. La rupture complète a lieu avec les anarchistes qui participent en juillet 1918 à l’insurrection SR, un groupe anarchiste attaquant notamment le siège bolchevik de Moscou, faisant douze morts et quantité de blessés dans la direction bolchevik.

    Tout cela n’empêchera pas en Juillet 1920, dans les thèses sur les tâches du IIe Congrès de l’Internationale communiste, Lénine de prôner tous les accords possibles, tous les fronts communs possibles, avec les forces militantes anarchistes, et aussi toutes les tentatives de gagner au communisme les meilleurs militants anarchistes.

    En ce qui concerne le parti menchevik, les bolcheviks, loin d’œuvrer pour le parti unique, tentent sans cesse de les ramener à une alliance. Ainsi, lorsqu’à la fin octobre 1918 le comité central menchevik, qui s’est réuni librement pendant cinq jours à Moscou, fait un geste en faveur du pouvoir des soviets, et bien que la résolution adoptée soit confuse et contradictoire, un décret annule immédiatement la décision antérieure excluant les mencheviks des organes soviétiques et sa mise en œuvre n’est pas conditionnelle et est immédiate. Les dirigeants mencheviks sont ainsi invités officiellement à participer en décembre 1919 au VIIe Congrès des Soviets.

    Pendant l’année 1920, l’activité du parti menchevik se développe à nouveau à Moscou. Il y dispose officiellement de bureaux, imprime une presse, participe aux élections des soviets locaux, réunissent à Moscou leur comité central, organisent des conférences publiques. Les dirigeants mencheviks acceptent l’invitation au VIIIe Congrès des Soviets et y développent librement des points de vue polémiques.

    Mais en 1920, les mencheviks utilisent à fond leur activité légale pour dresser des fractions de la classe ouvrière contre le pouvoir des soviets, accusant ce pouvoir d’être responsable de la misère affreuse, des destructions économiques, de la famine, ce qui est un mensonge contre-révolutionnaire qu’un révolutionnaire comme toi ne devrait jamais soutenir ! Et c’est alors qu’ont lieu des grandes grèves antibolcheviques avec le slogan « les soviets sans Lénine et Trotsky » dont le caractère politique et social ne devrait tromper aucun révolutionnaire communiste !

    Oui, ce n’est qu’une calomnie contre-révolutionnaire de dire que toute la politique bolchevique menait au parti unique au pouvoir des soviets.

    Bien sûr, dire tout cela ne résout pas la question clef : pourquoi la révolution russe a-t-elle été incapable d’empêcher la bureaucratisation ? A cause de la politique fausse de Lénine et Trotsky ou malgré leurs tentatives désespérées de sauver le pouvoir des soviets ? Voilà la question à débattre !

    Encore faut-il en défendre une, qui soit claire, de position !

    C’est très différent d’affirmer que les révolutionnaires communistes, notamment Lénine et Trotsky, ont échoué, que de dire que d’affirmer que la victoire stalinienne est l’aboutissement de la politique de Lénine et Trotsky. Or ta pensée semble sans cesse passer de l’un à l’autre, sans qu’on puisse saisir le lien entre les deux positions !

  • Sur le point du parti unique.

    Citons Boukharine en 1927 (Trud, 13 nov. 1927), mais c’était aussi la pensée de Lénine en 1921 :

    “Sous la dictature du prolétariat, deux, trois ou quatre partis peuvent exister mais à une seule condition : l’un au pouvoir, les autres en prison ».

    Sur les conseils vidés de leur substance, voir le livre d’Anweiler, tout à fait éclairant, p. 285-310. L’ouvrage va être publié cette année par les Nuits rouges, avec une introduction de la plume d’un ancien de LO, Eric Aunoble.

    Sur la question de la NEP : inévitable dans le contexte de famine en Russie, et de permettre le développement de la production et des échanges des produits agricoles de base. La NEP ne fut d’ailleurs qu’une parenthèse, la priorité devenant dès 1927 le développement du secteur I des moyens de production (plans quinquennaux).

    Salutations internationalistes d’un prétendu “antidialecticien moraliste”...

    Ph.B.

    • Comment peut-on prétendre que Boukharine en pleine alliance avec Staline, c’est "aussi la pensée de Lénine" !!!!

      Voir ici qui était Boukharine, ce fondateur de l’idéologie du socialisme dans un seul pays, du socialisme du koulak :

      https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4775

    • J’ai bien lu l’ouvrage d’Anweiler qui défend en gros la même thèse que vous mais il donne bien des éléments qui démontrent aussi le contraire !

      Oskar Anweiler, auteur très hostile aux bolcheviks et qui diffuse justement la thèse d’une volonté dictatoriale des bolcheviks dans les soviets et dans le pouvoir d’Etat, nous donne la statistique suivant, d’après les délégués au congrès panrusse Soviets le 25 et 26 octobre 1917 :

      Bolcheviks 338

      Socialistes-révolutionnaires : 32

      SR de gauche : 98

      SR du centre : 40

      SR de droite : 16

      SR d’Ukraine : 4

      Mencheviks : 14

      Mencheviks-internationalistes : 35

      Mencheviks-oborency : 22

      Internationalistes unifiés : 16

      Bund : 11

      Trudovik : 1

      Sans parti : 23

      Donc le gouvernement d’alliance des bolcheviks et des sr de gauche représentait tout à fait la révolution des soviets et non un coup d’état contre-révolutionnaire et dictatorial contre les soviets !!!

      D’autre part, le même Anweiler cite de multiples exemples démontrant que les bolcheviks redonnaient tous leurs droits démocratiques aux partis qui renonçaient publiquement à participer à la guerre civile contre l’Etat ouvrier aux côtés des armées tsaristes, impérialistes, nationalistes et de l’armée "de la Constituante"...

      On peut lire ainsi dans l’ouvrage d’Anweiler, « Les soviets en Russie » :

      « Ainsi, Dan et Martov (dirigeants mencheviks) assistèrent, avec voix délibérative, au VIIe Congrès panrusse des soviets (décembre 1919) et au VIIIe (un an après) aux côtés d’une poignée de députés socialistes-révolutionnaires (dont Steinberg), anarchistes et maximalistes. »

      Anweiler cite ainsi le compte-rendu qu’en donne le dirigeant menchevik Dan lui-même.

      Sous la plume d’Anweiler, on lit encore :

      « A certains moments, les mencheviks comptèrent même un nombre relativement élevé de députés dans beaucoup de conseils ouvriers de villes ; aux élections soviétiques de 1929, ils obtinrent 45 sièges à Moscou, 205 à Karkhov, 120 à Iékateniroslav, 78 à Krementchoug, 50 à Toula et plus de trente dans une foule d’autres agglomérations. »

      Ces faits n’ont pas besoin de preuves puisque l’auteur veut démontrer exactement l’inverse...

      En ce qui concerne la mise sous tutelle des organisations syndicales par le parti communiste, Anweiler ne dit pas que Lénine élabora l’idée de faire des syndicats la courroie de transmission du parti, de la bureaucratie et du pouvoir dictatorial. Il dit le contraire :

      « Staline élabora dans les années 1920 la théorie des « courroies de transmission ». »

      Bien sûr, il faut préciser qu’il écrit : « Ce fut dans le prolongement des idées de Lénine que Staline… »

      L’interprétation est que c’est la suite de Lénine et les faits sont… que « Staline élabora… »

      Il cite à de multiples reprises les affirmations de Lénine sur le pouvoir des soviets comme page 303 (édition NFR) :

      « Le pouvoir des soviets n’est pas autre chose que la forme d’organisation de la dictature du prolétariat, de la dictature de la classe la plus avancée qui élève à une démocratie nouvelle, à la participation autonome à la gestion de l’Etat des dizaines et des dizaines de millions de travailleurs et d’exploités qui apprennent par leur propre expérience à considérer l’avant-garde disciplinée et consciente du prolétariat comme leur guide le plus sûr. » (printemps 1918)

      Puis, plus tard, dans sa polémique contre Kautsky :

      « Les soviets sont l’organisation directe des masses travailleuses et exploitées, à qui elle facilite la possibilité d’organiser elles-mêmes l’Etat et de le gouverner par tous les moyens »

  • Plutôt amusant de croire sur parole Boukharine quand il est allié à Staline et contre-révolutionnaire ouvert en 1927 plutôt que de croire Lénine que je t’ai cité plusieurs fois chaque année quand Lénine agit et parle en révolutionnaire et tout au long des années du pouvoir prolétarien !
    En tout cas, les faits que je t’ai cités font justice de la prétention de convaincre Lénine du crime de vouloir imposer le parti unique.

    Alfred Rosmer écrit dans "Moscou sous Lénine" :

    "Lénine a prévu son sort quand il écrivait, à propos du destin de Marx, qu’après leur mort on tente de convertir les chefs révolutionnaires en icônes inoffensives. Staline le présente à l’adoration des foules, prétendant être son humble disciple quand il trahit l’homme et le révolutionnaire. Cependant des écrivains, des historiens, des socialistes ne manquent pas qui affirment que Staline continue Lénine, qu’en tous cas il y a entre eux filiation directe ; le stalinisme serait “ un développement logique et presque inévitable du léninisme ”. C’est, disent-ils, toujours le même régime du parti unique, de la dictature, de l’absence de libertés démocratiques, et si l’appareil de répression s’appelle aujourd’hui M.V.D. il avait nom Tchéka sous Lénine.

    Partant d’une boutade, de faits isolés, d’informations de seconde ou troisième main, ils ne voient la réalité qu’à travers les verres déformants dont ils ne peuvent se défaire quand il s’agit de la Révolution d’Octobre, heureux de montrer ainsi que le stalinisme est de même nature que le bolchévisme ; l’odieux régime stalinien devient pour eux une sorte de justification retardée de leur politique. Leur manière d’écrire ou d’interpréter l’histoire était déjà celle de Taine. Quand il entreprit d’écrire l’histoire de la Révolution française, il ne lisait et n’étudiait les textes qu’avec les lunettes du bourgeois français qui avait eu peur pendant la Commune et tremblait encore bien qu’elle eût été vaincue. On ne peut écrire l’histoire d’une révolution qu’à condition de sympathiser avec elle ; sinon on peut rassembler beaucoup de faits et ignorer sa signification. Si on traitait de la sorte l’histoire de la Commune, il n’en resterait pas grand-chose pour les socialistes ; rien que de vains bavardages quand il faudrait agir, dictateurs jouant aux Jacobins, prise et fusillade d’otages. Pourtant les travailleurs ne s’y trompent pas ; ils savent que, malgré ses fautes et ses faiblesses, la Commune reste une grande date du mouvement ouvrier. Et les révolutionnaires de tous les pays qui répondirent à l’appel de la Révolution d’Octobre auraient été bien stupides ou bien aveugles s’ils avaient été capables de prendre pour une révolution socialiste ce qui n’aurait été en réalité qu’un embryon de régime totalitaire, de dictature personnelle.

    Une mesure salutaire à condition d’être éphémère devient funeste en durant ; la centralisation de toutes les forces de la révolution nécessaire pour une défense victorieuse étouffe ces mêmes forces si elle n’est que moyen commode de gouvernement. Le soleil peut mûrir ou brûler les récoltes, et c’est la même eau qui féconde la terre ou la détruit. Il est bien facile de se prononcer contre toute dictature, de revendiquer le plein exercice des libertés, mais pour un révolutionnaire c’est se payer de mots et esquiver le vrai problème qu’il est plus aisé d’escamoter que de résoudre. Ce problème, l’anarchiste italien Berneri l’a posé en termes excellents. Il était en Espagne au début de la guerre civile ; certaines conséquences de l’ “ union sacrée ” de toutes les forces anti-fascistes contre Franco l’alarmaient, et il constatait avec peine “ un certain fléchissement de la C.N.T. ” - la puissante Confédération du Travail anarcho-syndicaliste. Il écrivit alors : “ Il faut concilier les “ nécessités ” de la guerre, la “ volonté ” de la révolution et les “ aspirations ” de l’anarchisme. Voilà le vrai problème. Il faut que ce problème soit résolu. ”

    La conception du rôle de l’Etat est d’une importance capitale ; Lénine écrivit un livre pour le montrer : socialisme et Etat se développent parallèlement mais en sens contraire ; la montée de l’un coïncide avec le déclin de l’autre ; et la mort de l’Etat marque l’avènement du socialisme. Staline, ici, a renié son “ maître ” si totalement et si ouvertement qu’il a bien fallu le reconnaître ; son Etat est un monstre d’omnipotence et c’est par lui que le socialisme serait réalisé.

    Le procès des socialistes-révolutionnaires a lieu en 1921 quand la guerre civile est à peine achevée. Les inculpés sont des adversaires déclarés du régime ; ils sont en guerre ouverte contre lui depuis la dissolution de la Constituante, préparent des attentats. Ils sont jugés publiquement ; ils ont comme défenseurs des chefs socialistes de Belgique, de France et d’Allemagne ; ils revendiquent fièrement leurs actes ; c’est un procès comme on a coutume d’en voir dans toutes les révolutions, mais rien de comparable à ces “ procès de Moscou ” de 1936-37 lorsque Staline amène de vieux révolutionnaires à s’accuser, eux, de crimes qu’ils n’ont pas commis : scènes écœurantes, humiliantes pour la raison, qui n’ont eu d’analogue dans aucune révolution."

  • Tes preuves, tes faits, tes accusations, tu les tires de l’anticommuniste Livre noir ou de l’anticommuniste, car devenu stalinien, Boukharine, ça en dit long...

  • Dommage que ta citation de Zinoviev ne soit que de la main de Werth....

    Elle lui prêtait ce propos :

    « Pour défaire nos ennemis, nous devons avoir notre propre terreur [humanisme] socialiste. Nous devons entraîner à nos côtés (disons) 90 des 100 millions d’habitants de la Russie [vivant sous le pouvoir] soviétique. Quant aux autres, nous n’avons rien à leur dire. Ils doivent être anéantis »

  • Pas de gêne si la citation voulait dire : « il nous suffit du soutien de 90% » et pas : « nous allons assassiner 10% de la population », ce qui est légèrement différent, non ?!!!

    Là, tout est dans le traducteur qui a l’astuce de ne pas donner l’ensemble du texte et sa référence...

  • Bonjour,

    Source imprimée de l’article de Zinoviev de septembre 1918 (voir référence en note), qui fait de la terreur un humanisme prolétarien :

    « Pour défaire nos ennemis, nous devons avoir notre propre terreur [humanisme] socialiste. Nous devons entraîner à nos côtés (disons) 90 des 100 millions d’habitants de la Russie [vivant sous le pouvoir] soviétique. Quant aux autres, nous n’avons rien à leur dire. Ils doivent être anéantis »[1].

    C’est tout pour le moment.

    Ph.B.

    [1] Souligné par nous. En russe : « Чтобы успешно бороться с нашими врагами, мы должны иметь собственный, социалистический гуманизм. Мы должны завоевать на нашу сторону девяносто из ста миллионов жителей России под Советской властью. Что же касается остальных, нам нечего им сказать. Они должны быть уничтожены » [Северная Коммуна (La Commune du Nord), n° 109,19 sept. 1918, p. 2]. Nous avons corrigé la traduction de Nicolas Werth : à la place de « terreur », il faut lire : « humanisme ». Contamination par la novlangue soviétique ? Ou influence du livre de Maurice Merleau-Ponty : Humanisme et Terreur. Essai sur le problème communiste (Gallimard, 1947) ?
    Source : Всемирная волновая история от 1914 г. по 1927 г. Монография в 10 частях.
    Vladimir Kutchni, L’histoire tourmentée du monde de 1914 à 1927, recueil (en 10 volumes) recueil de citations VERIFIEES dans la presse de l’époque.

    Je vous laisse le soin de chercher cette citation dans les oeuvres complètes de Zinoviev...

    Certains d’entre vous peuvent avoir une formation de russifiant. A eux d’aller aux textes et d’en vérifier l’authenticité.

    Ph.B.

  • Nous pouvons remarquer que Philippe Bourrinet, quand il cite ce passage soi-disant de Zinoviev, ne l’a trouvé nulle part ailleurs que dans le "Livre noir du communisme", pas dans une source russe !!!

    La preuve, c’est qu’on a sa citation sur internet et la manière dont il l’a trouvée puisque c’est lui qui l’écrit !!!

    Lire ici page 157

    voir la note 723 qui dit :

    Ph. B., « Du bon usage des livres noirs... », 1999 (revu en 2012) : http://www.left-dis.nl/f/werth.pdf. Souligné par nous.

    Donc il se cite lui-même... citant Nicolas Wert qui prétend citer Zinoviev mais sans référence de texte en russe...

    Peu convaincant tout cela mon cher gauche communiste !!!

  • Je précise que j’ai traduit ce passage moi-même et ai pu vérifié que Werth traduisait humanisme par terreur...

  • Donc Bourrinet cite Vladimir Kuchni, dans « L’histoire tourmentée du monde de 1914 à 1927 »…
    Всемирная волновая история, Кучин Владимир

    L’auteur dit de lui-même :

    « Je n’adhère pas à la méthode d’un énoncé en douceur des "processus" historiques, je ne retrace pas les biographies et les actions des dirigeants, je ne cherche pas de modèles dans la "lutte des classes" ou dans le "développement économique" »

    Я не придерживаюсь методики гладкого изложения исторических « процессов », не прослеживаю биографии и деяния властителей, не ищу закономерностей в « борьбе классов », либо в « экономическом развитии ».

    Donc il est ennemi de la « thèse historique » de la lutte des classes.

    Et Bourrinet le croit sur parole à propos de la révolution russe et du bolchevisme !!!

    Au fait, je précise que l’ouvrage de Vladimir Kuchni note juste après le passage qu’il cite, soi-disant de Zinoviev, la chose gentille suivante :

    Требование еврея Зиновьева выполнил в 30-е годы волновой герой грузин Сталин – он уничтожил очень много врагов и « врагов »…

    Ce que l’on peut traduire par :

    « La demande du Juif de Zinoviev a été satisfaite dans les années 30 par le héros de la vague du géorgien Staline - il a détruit de nombreux ennemis et « ennemis »… »

    Donc pour cet « historien » fiable, Zinoviev n’est rien d’autre qu’ « un Juif » !!!

  • Les citations qui sont authentiques ne nous disent rien sur le personnage Kutchni, qui lui est un authentique contre-révolutionnaire à la sauce poutinienne.

    Ph. B.

  • Le personnage soi-disant historien que Bourrinet choisit de citer sans autre référence mis à part Le Livre noir du communisme est donc un anticommuniste antisémite virulent...

    Chacun ses sources fiables !!!

  • Je suis de mauvaise foi parce que je relève la nature contre-révolutionnaire de vos références !!!

  • Relevons aussi que cet échange instructif sur... Zinoviev et sur... Bourrinet n’est pas une manière d’évacuer la discussion sur "le parti unique" comme politique systématique de... Lénine qui n’a toujours pas été démontrée par Bourrinet, pas plus que "le socialisme dans un seul pays" comme politique de Lénine, pas plus que "le mépris des travailleurs" comme politique de Lénine, pas que vider les soviets comme politique de Lénine et j’en passe...

  • RP, ne me faites pas dire ce que je n’ai jamais écrit : Lénine et Trotsky n’ont jamais été pour le socialisme dans un seul pays ! Rendons à Boukharine, Staline, Molotov, Dzerjinsky, le créateur de la Tcheka, ce qui leur revient !

    Ph. B.

  • Et rendons leur aussi la dictature du parti unique, rendons leur le nationalisme stalinien, rendons leur l’écrasement du prolétariat, rendons leur l’abandon de la révolution et l’adoption de la contre-révolution, rendons leur tout en somme...

  • N’empêche que c’est à Boukharine de 1927, celui de "koulak enrichissez-vous" que vous vous fiez pour juger Lénine et à des historiens anticommunistes pour juger d’une politique communiste...

  • Mon cher Bourrinet,
    on peut converser bien longtemps et je vous reposerai toujours les mêmes questions auxquelles vous vous garderez toujours de répondre.
    De quand date le fait que l’Etat russe n’est plus ouvrier ?
    Quel est votre principal argument contre l’analyse du stalinisme par Trotsky dans "La révolution trahie" ?
    Pourquoi ne pas vous contenter d’être en désaccord avec la politique des bolcheviks au sein des communistes révolutionnaires au lieu de basculer dans l’anticommunisme en prétendant le stalinisme continuateur du communisme ?

  • Comme historien, vous vous distinguez, Mr Bourrinet, par un éloge marqué du "travail de Nicolas Werth". Je vois cite :

    « Le travail de Werth présente en fait un immense intérêt historique et politique, en montrant que la répression antiouvrière, plus sanglante que le massacre des Communards en 1871 par la bourgeoisie, se met en place très vite. Son travail ne s’appuie pas seulement sur des témoignages de l’époque de tous bords et la lecture de la presse ; mais aussi sur les archives russes (CRCEDHC, Moscou) qui ont été ouvertes depuis 1989. »

    « On comprend que Werth établisse une continuité entre le régime bolchevik, conduit par Lénine, Trotsky, Boukharine et Zinoviev, et le régime de stalinien. Il n’y a pas une différence de qualité, mais de quantité dans la transformation de la Russie en camp de travail et camp de concentration. »

    « Une question qui se pose alors directement : y eut-il vraiment une révolution ouvrière à partir d’Octobre 17 ? Les bolcheviks ont-ils mis en place un régime dit « communiste » favorable aux ouvriers ou simplement un régime de capitalisme d’État s’appuyant sur la répression anti-ouvrière et antipaysanne ? Finalement l’État bolchevik – au même titre que la contre-révolution blanche – ne s’insère pas dans la contre-révolution chargée de liquider les instruments révolutionnaires du prolétariat : les conseils ouvriers ? Finalement le titre qui aurait le mieux convenu au livre de Courtois, qui n’a de valeur scientifique que par le travail de Werth, aurait été « le livre noir du capitalisme d’État ». »

    En vous lisant, on en conclue qu’il n’y a jamais eu de révolution ouvrière triomphante en Russie et donc vous rompez avec les communistes de gauche russe qui N’ONT JAMAIS DÉFENDU CETTE IGNOMINIE !!!

    • Si je comprends bien Lenine & Trotsky sont pires que Thiers, selon Bourrinet-Werth . Les assassins de la classe ouvrière en 1871, seraient les mêmes en 1917/18 ?
      Est ce que la bourgeoisie s’est cachée de ses crimes ? Est ce que tous les dictateurs des fascismes se sont cachés un jour ? Est ce que Staline a fait les procès de Moscou en secret ? Est ce que les révolutions chinoises ont été massacrées discrètement ? Est ce que les impérialistes se cachent de leur politique anti ouvrière menant à la guerre mondiale.
      Mettre un signe égal sous prétexte de violences c’est ce que fait encore aujourd hui le pouvoir bourgeois en criant haut et fort , que les gilets jaunes sont des vandales , casseurs , violents, etc...
      Prendre l’exemple de la Commune est parlant car tous les intellectuels de la bourgeoisie républicaines ont crié leur haine du communards, leur envie de meurtre contre les prolétaires en révolution, mais au final ce qui plait à Werth, c’est que l’ordre social dominant soit maintenu .
      Pourquoi les communards sont "mieux" au fait que les bolcheviks ? Toute la vieille garde bolchéviks a été tuée par les staliniens et combien de dizaines de milliers d’ouvriers & paysans révolutionnaires tués par les armées blanches, les Kornilov et autre Makno ou SR qui tentaient de planter des coups de couteaux dans le dos de la révolution ?
      A force de mettre tout le monde et surtout les idées sur un même plan, car tout est violent , la conscience de classe s’y perd (enfin chez Bourrinet) .
      Mais bon Werth pourrait aussi comparer la violence des luttes de classes à l’antiquité contre les propriétaires d’esclaves, et critiquer Toussaint Louverture. Peut être que cela ne l’intéresse pas ? Pourtant qu’on soit communards ou esclaves ou ouvriers , ce sont les mêmes révolutions sociales que nous allons faire contre les classes possédantes...et pas la fleur au bout du fusil.

  • Avec nous, Bourrinet fait mine de discuter avec des pro-Lénine et pro-Trotsky mais en fait il défend le point de vue suivant : nous sommes des défenseurs du stalinisme.

    Voici par exemple ce qu’il écrit dans un texte sur Ciliga :

    Ante Ciliga - prononcer " Tsiliga " - est devenu la figure emblématique de l’opposition au stalinisme et au " système bolchevik " du capitalisme d’Etat mis en place par Lénine, Trotsky et Staline... source

    Dans sa guerre contre le bolchevisme=stalinisme=trotskisme, il estime que tous les coups sont permis que l’on peut parfaitement s’appuyer sur des "faits" trouvés et inventés par des anticommunistes pour ce combat. Là, il a perdu non son moralisme mais sa morale !!!

  • Vous nous envoyez des documents mais vous ne répondez à aucune de nos questions et vous appelez cela une discussion. Non, vous fuyez la discussion...

  • En Russie, la classe ouvrière n’a jamais pris le pouvoir en Octobre 1917 : est-ce bien votre position ?

    Dans ce cas, inutile de vous revendiquer des communistes de gauche russes qui vous auraient craché à la figure, virtuellement s’entend...

  • Monsieur Bourrinet, quand il s’agit de mentir en tant qu’historien pour casser Lénine et Trotsky et tenter de les enterrer dans une même fosse que Staline en même temps que la révolution d’Octobre, vous n’êtes pas trop puriste…

  • Monsieur Bourrinet, heureusement que finalement vous n’êtes pas conseilliste ni vraiment gauche communiste, parce que je n’ai envie du tout d’écouter vos… conseils…

  • Il est clair que la classe ouvrière – par le biais des conseils ouvriers et conseils d’usine – a pris le pouvoir.

    Ne prétendez pas parler au nom des communistes de gauche russes. Lisez plutôt leurs textes critiques du bolchevisme dès 1920. Cela vous fera le plus grand bien et vous évitera de tomber trop souvent dans le péché de la suffisance.

    Ph. B.

  • Alors pourquoi écrivez-vous :

    « Une question qui se pose alors directement : y eut-il vraiment une révolution ouvrière à partir d’Octobre 17 ? Les bolcheviks ont-ils mis en place un régime dit « communiste » favorable aux ouvriers ou simplement un régime de capitalisme d’État s’appuyant sur la répression anti-ouvrière et antipaysanne ? Finalement l’État bolchevik – au même titre que la contre-révolution blanche – ne s’insère pas dans la contre-révolution chargée de liquider les instruments révolutionnaires du prolétariat : les conseils ouvriers ? Finalement le titre qui aurait le mieux convenu au livre de Courtois, qui n’a de valeur scientifique que par le travail de Werth, aurait été « le livre noir du capitalisme d’État ». »

    Pourquoi je dis que vous êtes un politique et un historien malhonnête ?

    Pourquoi faites vous semblant de ne critiquer la politique de Lénine et de Trotsky qu’à partir de 1917 alors que vous estimez que la prise de pouvoir d’Octobre 1917 s’est déroulée entièrement contre le pouvoir des soviets et pour le pouvoir du capitalisme d’Etat ?

    Pourquoi faites-vous semblant de soutenir les positions de Boukharine dans sa phase communiste de gauche alors que vous n’êtes pas du tout sur ses positions, lui qui défendait à fond à l’époque la révolution d’Octobre que vous exécrez ?

    Pourquoi faites-vous semblant d’opposer Lénine-Trotsky de 1917 et les mêmes en 1918, etc., alors que pour vous ils sont identiques ?

    Pourquoi discutez-vous de telle ou telle mesure après 1918, en la présentant comme un tournant vers la dictature alors que la mesure numéro un que vous combattez à eu lieu en octobre 1917, qui est pour vous le vrai tournant vers la dictature non des soviets ni des prolétaires mais du parti unique ?

    Pourquoi vous gênez-vous de citer des auteurs anticommunistes qu’ils soient bourgeois ou poutiniens puisque vous êtes vous-mêmes anticommuniste ?

    Détruire l’image même de la révolution russe est votre objectif et je ne vous prêterai pas le moindre intérêt dans ces conditions.

    Les communistes de gauche russes ont discuté la politique des bolcheviks de manière complètement intérieure à la révolution d’Octobre, au pouvoir des Soviets, à sa défense les armes à la main.

    Votre arme de plume, vous la tenez à la main complètement dans un combat qui leur est opposé. En quoi pouvez-vous vous réclamer d’eux ? Je ne vois pas du tout le rapport. Avez-vous conscience même que les communistes de gauche russe étaient pour la révolution d’Octobre et l’ont défendue ? Ce n’est sans doute pas votre problème. Dans ce cas, je ne crois pas que nous discutions du même problème, du même bord, pour la révolution prolétarienne à venir…

    Dans votre vision noir et blanc du monde, la réalité de la Russie après 1917 vous a déplu donc c’est noir ! Il a fallu que les révolutionnaires tentent de garder le pouvoir prolétarien, même quand les prolétaire russes avaient perdu espoir, eh bien cela prouve selon vous que le pouvoir n’a jamais été prolétarien ! Cela prouve pour vous que les révolutionnaires visaient à casser tout pouvoir prolétarien !

    Vous ne pouvez pas soutenir Lénine et Trotsky mais vous pouvez diffuser les thèses de Werth ou d’un historien russe poutinien, anticommuniste et antisémite, fasciste même ! J’espère que ce débat aura au moins permis qu’on sache que vous cachez vos vraies idées anticommunistes derrière un paravent « gauche communiste » !

    Je vous ai insulté et je le regrette : en effet, je vous ai traité à tort de camarade communiste et c’était faux.

    Mille excuses et bon vent à l’anticommuniste virulent que vous cachez en vous !

    Cessez au moins de vous revendiquer des communistes de gauche qui ont participé à la révolution d’octobre et au pouvoir prolétarien des années suivantes : vous n’êtes pas de leur bord !

    Celui qui, comme vous, avance masqué, se camoufle derrière d’autres pour cacher ce qu’il pense vraiment, ne peut prétendre vouloir une vraie discussion.

    Il aurait été plus clair de dire d’emblée y compris dans votre brochure qu’Octobre pour vous était une contre-révolution anticommuniste, au lieu que nous ayons été contraints de le découvrir progressivement par nous-mêmes !!!

    En nous écrivant, vous dites qu’il y a un très bon Lénine-Trotsky et nous trouvons un texte de vous qui dit Lénine = Staline = Trotsky à toutes les époques !

    Comment espérez-vous, dans ces conditions, que nous ayons confiance dans vos sources ou vous traductions ?

    Les girouettes politiques ne peuvent se revendiquer d’aucune liaison avec le mouvement communiste.

    • Petite erreur que je corrige :

      Pourquoi faites vous semblant de ne critiquer la politique de Lénine et de Trotsky qu’à partir de 1918 alors que vous estimez que la prise de pouvoir d’Octobre 1917 s’est déroulée entièrement contre le pouvoir des soviets et pour le pouvoir du capitalisme d’Etat ?

    • Pourquoi Lénine devait-il défendre l’idée d’un développement d’un secteur capitaliste d’Etat en Russie ?

      Lénine sur la NEP : un recul social provisoire pour éviter une catastrophe plus grande encore

      « Ainsi, en 1918, j’étais d’avis que, par rapport à la situation économique de la République des Soviets à l’époque, le capitalisme d’Etat était un pas en avant. Cela paraît très étrange et peut-être même absurde ; car déjà à ce moment notre République était une république socialiste ; nous adoptions alors chaque jour, avec la plus grande précipitation, — précipitation excessive sans doute, — de nouvelles mesures économiques de toute sorte que l’on ne saurait qualifier autrement que de mesures socialistes. Néanmoins, je pensais que, compte tenu de la situation économique qui était à l’époque celle de la République des Soviets, le capitalisme d’Etat était un pas en avant. Et pour expliquer cette pensée, j’ai énuméré simplement les éléments du régime économique de la Russie. Voici quels étaient, selon moi, ces éléments : « 1° la forme patriarcale, c’est-à-dire la forme la plus primitive de l’agriculture ; 2° la petite production marchande (ici se classe également la majorité des paysans qui vendent du blé) ; 3° le capitalisme privé ; 4° le capitalisme d’Etat et 5° le socialisme. » Tous ces éléments économiques existaient dans la Russie de ce temps. Je m’étais assigné pour tâche d’élucider leurs rapports, et je me demandais s’il ne convenait pas de considérer l’un des éléments non socialistes, en l’espèce le capitalisme d’Etat, comme supérieur au socialisme. Je le répète : cela paraît fort étrange à tous de voir que dans une République qui se proclame socialiste, un élément non socialiste soit considéré comme supérieur, comme placé au-dessus du socialisme. Mais la chose devient compréhensible, si vous vous rappelez que nous ne considérions nullement le régime économique de la Russie comme un système homogène et hautement évolué ; nous nous rendions entièrement compte qu’en Russie l’agriculture patriarcale, c’est-à-dire la forme la plus primitive de l’agriculture, existait à côté de la forme socialiste. Quel rôle pouvait donc jouer le capitalisme d’Etat dans ces conditions ? Je me demandais ensuite : lequel de ces éléments prédomine ? Il est clair que dans un milieu petit-bourgeois, c’est l’élément petit-bourgeois qui domine. Je me rendais compte alors que ce dernier prédominait ; il était impossible de penser autrement. La question que je me posais — au cours d’une polémique qui n’a rien à voir avec la question que nous sommes en train d’examiner, — était celle-ci : quelle est notre attitude à l’égard du capitalisme d’Etat ? Et je me suis fait cette réponse : le capitalisme d’Etat, sans être une forme socialiste, serait pour nous et pour la Russie une forme plus favorable que celle d’aujourd’hui. Qu’est-ce à dire ? C’est que, tout en ayant déjà accompli la révolution sociale, nous n’avons surestimé ni les germes ni les principes de l’économie socialiste. Au contraire, déjà à ce moment nous avions conscience, jusqu’à un certain point, de cette vérité : oui, en effet, mieux eût valu passer d’abord par le capitalisme d’Etat pour, ensuite, arriver au socialisme. Il me faut tout spécialement insister sur ce point, car j’estime que c’est seulement en partant de là qu’on peut, d’abord, montrer ce qu’est la politique économique actuelle ; en second lieu, on peut en tirer des conclusions pratiques très importantes aussi pour l’Internationale communiste. Je ne peux pas dire que nous avions déjà un plan de retraite tout prêt. Non, nous ne l’avions pas. Ces quelques lignes écrites à l’occasion d’une polémique n’étaient pas le moins du monde, à ce moment, un plan de retraite. On n’y trouve pas un mot sur un point essentiel, savoir sur la liberté du commerce, qui est d’une importance fondamentale pour le capitalisme d’Etat. Cependant l’idée générale, encore imprécise, de la retraite, y était déjà indiquée. Je pense que nous devons porter là-dessus notre attention non seulement du point de vue d’un pays qui, par son régime économique, était et est encore très arriéré, mais aussi sous l’angle de l’Internationale communiste et des pays avancés de l’Europe occidentale. Ainsi, à l’heure actuelle, nous nous occupons du programme. J’estime, pour ma part, que nous ferions bien mieux, pour le moment, de ne discuter tous les programmes qu’à titre préliminaire, pour ainsi dire en première lecture, et de les faire reproduire tels quels, sans adopter une décision définitive tout de suite, cette année-ci. Pourquoi ? Tout d’abord, selon moi, parce que nous ne les avons guère étudiés à fond, c’est évident. Et puis aussi parce que nous n’avons presque pas réfléchi du tout sur la question d’une retraite éventuelle et des moyens de l’effectuer. Or, c’est là un problème auquel — étant donné les changements radicaux qui s’opèrent dans le monde entier, tels que le renversement du capitalisme et la construction du socialisme avec les immenses difficultés qu’elle comporte — il nous faut absolument porter notre attention. Il ne suffit pas de savoir ce que nous avons à faire quand nous passons directement à l’offensive et que nous remportons la victoire. En période révolutionnaire, cela n’est pas si difficile, ni si important ; du moins, ce n’est pas le plus décisif. Pendant la révolution, il y a toujours des moments où l’adversaire perd la tête, et si nous l’attaquons à un de ces moments, nous pouvons facilement le battre. Mais cela ne veut rien dire encore ; si notre adversaire est suffisamment maître de lui, il peut ramasser ses forces à temps, etc. Dès lors, il peut aisément provoquer une attaque, et puis nous rejeter en arrière pour de longues années. Voilà pourquoi je pense que l’idée que nous devons nous ménager la possibilité d’une retraite a une très grande importance, et non seulement du point de vue théorique. Sur le plan pratique également, tous les partis qui s’apprêtent dans un proche avenir à passer à l’offensive déclarée contre le capitalisme, doivent dès maintenant songer aussi à se ménager une retraite. Je pense que si nous mettons à profit cet enseignement, ainsi que tous les autres fournis par l’expérience de notre révolution, loin de nous porter préjudice, cela nous sera très vraisemblablement utile en maintes occasions. Après avoir souligné que dès 1918 nous envisagions le capitalisme d’Etat comme une ligne de retraite éventuelle, j’en viens aux résultats de notre nouvelle politique économique. Je répète : à ce moment-là, c’était encore une idée très vague ; mais en 1921, après avoir franchi cette étape très importante qu’était la guerre civile, et franchi victorieusement, nous nous sommes heurtés à une grande — je pense, la plus grande — crise politique intérieure de la Russie des Soviets, crise qui a amené le mécontentement d’une partie notable des paysans, et aussi des ouvriers. C’était, dans l’histoire de la Russie des Soviets, la première et, je l’espère, la dernière fois que l’on a vu de grandes masses paysannes se tourner contre nous, instinctivement et non consciemment. Qu’est-ce qui avait provoqué cette situation particulière et, bien entendu, fort désagréable pour nous ? C’est que, dans notre offensive économique, nous avions trop pris les devants, sans nous être assuré une base suffisante : les masses ont senti ce que nous ne savions pas encore formuler pertinemment à l’époque, mais que bientôt, quelques semaines plus tard, à notre tour, nous avons reconnu, savoir : qu’il était au-dessus de nos forces de passer tout de suite aux formes purement socialistes, à la répartition purement socialiste ; et que si nous nous montrions incapables d’opérer la retraite de façon à nous borner à des tâches plus faciles, nous étions menacés de mort. La crise a commencé, je crois, en février 1921. Déjà au printemps de cette même année, nous avons décidé à l’unanimité — je n’ai pas observé de désaccords sensibles entre nous à ce sujet — de passer à la nouvelle politique économique. Aujourd’hui, à la fin de 1922, au bout d’un an et demi, nous pouvons déjà faire quelques comparaisons. Que s’est-il donc passé ? Comment avons-nous vécu cette période de plus de dix-huit mois ? Quel en est le résultat ? Cette retraite nous a-t-elle profité, nous a-t-elle réellement sauvés, ou bien le résultat est-il encore incertain ? Telle est la question principale que je me pose. J’estime qu’elle est d’une importance primordiale aussi pour tous les partis communistes. Car, si la réponse était négative, nous serions tous condamnés à périr. J ’estime que nous pouvons tous répondre, la conscience tranquille, par l’affirmative, notamment en ce sens que les dix-huit mois écoulés prouvent, positivement et absolument, que nous avons triomphé de cette épreuve. »

      Lénine dans « Cinq ans de révolution russe et les perspectives de la révolution mondiale »

      Rapport présenté au IVe congrès de l’Internationale Communiste, le 13 novembre 1922

  • Monsieur Paris, vous me faites trop d’honneur : je n’ai aucun conseils à vous donner, sinon de lire la littérature du communisme de gauche russe, allemand et italien.

    Si vous affublez le qualificatif de menteur à vos adversaires politiques, restons-en là !

    PH. B.

    • oui il vaut mieux en rester là , car il faut appeler un chat un chat, et un adversaire du communisme aussi. Le mensonge commence là ou on veut mais non, les faits donnés par les défenseurs du système bourgeois actuel, sont loin d’être la réalité surtout quand il s’agit d’enterrer l’idée du communisme, comme le livre noir tente de le faire.
      Sur la brochure de Bourrinet, tout est résumé dans le titre "le mouvement des conseils en Russie etc. ;" , pas la moindre allusion à une ou des révolutions , pas de mouvement communiste, juste un mouvement d’organisation spontané de qui ? il faut regarder les photos et encore ..pour être un peu éclairé. Drôle d’histoire des révolutions dans ces pays ...tout est dans le mouvement et les révolutionnaires sont quoi , des récupérateurs ? des usurpateurs ? des dictateurs en puissance ? on arrête les flatteries car le capitalisme d’Etat a bon dos , mais dans les autres révolutions ou il n’y a pas eu de prise de pouvoir et donc de capitalisme d’Etat, qu’est ce qui s’est passé ? Les conseillistes n’ont pas été à la hauteur ? Mais non ils sont devenus staliniens et ont participer à l’écrasement du prolétariat et de l’ancienne garde Bolcheviks. C’est vrai que cette réalité est plus dur à raconter dans le livre noir du conseillisme.

  • Remarquons aussi que ce n’est pas seulement les événements récents qui aident à former la conscience mais aussi ceux du passé et ce sont eux aussi qui aident à faire le tri entre vrais ennemis et faux amis.

  • La brochure de Bourrinet défend les mêmes recettes staliniennes , de la révolution dans 1 seule "zone " à fortes concentrations ouvrières. Comme s’il y avait une mécanique révolutionnaire implacable issue du nombre d’ouvrier au m2 sans liens avec les stratégies révolutionnaires au cours de la lutte des classes. C’est vraiment nous prendre pour des moutons et les partis révolutionnaires pour des bergers . Mais non , pas d’inquiétude , nous avons compris que Bourrinet , veut discréditer l’idée même du communisme et de la lutte des classes. Pas besoin de direction révolutionnaire, tout se trouve dans l’usine : ben voyons surtout quand celle ci sont infestés de réformistes en temps normal, c’est vraiment une bonne idée de rester enfermé dans son comité d’usine. Marx nous dit tout l’inverse mais bon les expériences des révolutions de 1848 n’intéressent pas Bourrinet qui nous dit : le probléme c’est l’Etat patron que les bolchéviks voulaient construire le capitalisme ++ depuis le début (p18 & 27) ...et ben voilà on y est . Pas la peine de citer Trotsky ou Lenine pour nous dire quoi ? Que ce sont eux les menteurs depuis le début...merci Bourrinet mais la gauche communiste n’a donc rien vu à l’époque et il a fallu attendre nov.2018 pour le savoir !

  • Comme Boukharine et les communistes de gauche, Rosa Luxemburg a fortement critiqué la signature par les bolcheviks de la paix de Brest-Litovsk avec l’impérialisme allemand. Pourquoi cette « paix » a été signée le couteau sur la gorge et n’était en rien une entente avec l’impérialisme allemand, qui occupé militairement les régions les plus riches du pays et l’a étranglé économiquement et militairement. La Russie révolutionnaire ne disposait d’aucun moyen militaire de faire face et simplement de résister un minimum à l’offensive allemande. Ils n’ont plus que retarder cette signature jusqu’à un diktat allemand. Rosa Luxemburg estime que c’est un tournant négatif pour l’Etat ouvrier russe et que c’est la raison de la rupture avec les socialistes-révolutionnaires de gauche. Mais elle ne dit pas comment les bolcheviks auraient pu refuser de signer et laisser les troupes allemandes envahir tout le pays et détruire les soviets. La paix de Brest-Litovsk a étranglé la révolution russe mais elle lui a laissé du temps. Un intervalle pendant lequel la révolution prolétarienne a pu éclater en Allemagne. Et, sans la défaite de celle-ci, sans sa trahison par le parti social-démocrate et le parti socialiste indépendant, sans son écrasement par l’Etat dirigé par les socialistes et les corps francs organisés par eux, aux côtés du Haut Etat-Major, la Russie n’aurait pas été isolée et étranglée au point que la classe ouvrière a physiquement disparu et abandonné massivement les soviets et la bureaucratie n’aurait pas pu exercer le pouvoir. Certes, la signature de Brest-Litovsk était un calcul et un recul. Certes, la NEP ensuite allait être un calcul et un recul. Mais la raison de l’échec de ces calculs et de ces reculs ne résident pas en eux-mêmes. ils résident dans l’échec de la révolution allemande. La révolution russe ne pouvait, par elle-même, aller au-delà car il n’y avait pas de développement possible à un socialisme national et même pas de moyens de tenir longtemps en restant isolés. La Russie de soviets a survécu mais pas… les soviets. Personne ne les a vidés, sinon la guerre civile (les meilleurs sont morts sur les fronts ou fusillés par les Blancs, par les armées « socialistes », par la terreur socialiste-révolutionnaire), sinon la destruction de l’économie, sinon la misère, sinon le découragement d’un prolétariat se battant seul contre tous et se décourageant de la « révolution permanente » et internationale.

    Puisque que de faux gauches communistes, pas du tout communistes, se parent parfois de Rosa Luxemburg, il convient de lui redonner la parole.

    Voici ce qu’écrivait Rosa Luxemburg dans « Tragédie russe » en septembre 1918 :

    « Depuis la paix de Brest-Litovsk, la Révolution russe est engagée dans une situation très fausse. La politique que les bolcheviks ont à cette occasion dû suivre s’explique d’elle-même : paix à tout prix devant assurer un peu de répit ; dans l’intervalle, édifier la dictature prolétarienne en Russie et la consolider ; réaliser le maximum de réformes dans le sens du socialisme et attendre ainsi qu’éclate la révolution prolétarienne internationale, en même temps qu’on la hâte par l’exemple russe.

    L’état de lassitude absolue où les masses du peuple russe se trouvaient à l’égard de la guerre, jointe à la désorganisation militaire que le tsarisme avait laissée derrière lui, semblait faire de la continuation de la guerre une vaine saignée à blanc de la Russie ; il n’y avait donc, en somme, pas d’autre issue possible que de conclure rapidement la paix. Tel était le calcul de Lénine et de ses camarades.

    Il était dicté par deux points de vue purement révolutionnaires : la croyance inébranlable à la révolution européenne du prolétariat comme seule issue et inévitable conséquence de la guerre mondiale, et la résolution non moins inébranlable de défendre jusqu’au bout le pouvoir conquis en Russie pour l’employer à changer l’état de choses de la façon la plus énergique et la plus radicale…

    La paix de Brest-Litovsk n’était en réalité qu’une capitulation du prolétariat révolutionnaire russe devant l’impérialisme allemand. A dire vrai, c’était un fait sur lequel Lénine et ses amis ne faisaient illusion ni à eux-mêmes ni à d’autres. Ils avouaient la capitulation sans ambages. Ce sur quoi, par malheur, ils s’illusionnaient, c’était l’espoir d’acheter au prix de cette capitulation une pause réelle pour respirer, de pouvoir par une paix séparée se sauver réellement de l’enfer de la guerre mondiale…

    Ainsi, le résultat final de la paix de Brest-Litovsk est que la Révolution russe est de toutes parts cernée, affamée, étranglée…

    Les bolcheviks ont sûrement, très sûrement, commis bien des fautes dans leur politique, et ils en commettent encore à présent – qu’on nous cite une révolution où il n’y ait pas eu de faute commises !

    L’idée d’une révolution sans fautes, et surtout dans une situation sans exemple, est tellement inepte qu’elle ne serait digne que d’un maître d’école allemand. Si ceux qu’on dit les chefs du socialisme allemand, dans une situation inhabituelle, perdent déjà ce qui leur sert de têtes devant un simple vote du Reichstag, si déjà, là où le simple ABC du socialisme leur indique clairement le chemin, ils sentent leur cœur leur faire défaut et oublient tout leur socialisme comme une leçon mal apprise, comment veut-on qu’un parti, dans une situation historique épineuse et inédite où il prétend montrer au monde des voies nouvelles, ne commette pas de fautes ?

    Toutefois, la situation fatale où les bolcheviks se trouvent aujourd’hui est, en même temps que la plupart de leurs fautes mêmes, une conséquence du caractère en principe insoluble du problème devant lequel ils ont été mis par le prolétariat international, et en première ligne par le prolétariat allemand.

    Réaliser la dictature prolétarienne et la révolution socialiste dans un seul pays encerclé par une immuable domination réactionnaire impérialiste et assailli par la plus sanglante des guerres générales qu’ait connue l’histoire humaine, c’est là un cas de quadrature du cercle. N’importe quel part socialiste serait condamné à échouer dans cette tâche et à périr – qu’il guide sa politique sur la volonté de vaincre et la foi au socialisme international ou bien sur la confiance en lui-même…

    Voilà bien la fausse logique de la situation objective : tout parti socialiste arrivant aujourd’hui au pouvoir doit forcément suivre une tactique fausse, quand, en tant que portion de l’armée prolétarienne internationale, il se voit abandonné par le gros de cette armée.

    La responsabilité des fautes commises par les bolcheviks incombe en première ligne au prolétariat international, et avant tout à l’obstinée et incroyable lâcheté de la social-démocratie allemande, parti qui, en temps de paix, prétendait marcher en tête du prolétariat mondial, se targuait d’enseigner et de guider tout le monde, comptait dans son propre pays au moins dix millions d’adhérents…

    Les nouvelles qui viennent aujourd’hui de Russie et la situation où se trouvent les bolcheviks sont un appel émouvant aux dernières étincelles du sentiment de l’honneur dans les masses d’ouvriers et de soldats allemands. Ils ont froidement laissé mettre en pièces, cerner, affamer la Révolution russe…

    Il n’y a qu’un seul dénouement possible à la tragédie dans les fils de laquelle est prise la révolution russe : l’insurrection dans le dos de l’impérialisme allemand, le soulèvement des masses allemandes, donnant le signal à l’Internationale révolutionnaire pour mettre fin au massacre des peuples. Sauver l’honneur de la Révolution russe à cette heure fatidique équivaut à sauver l’honneur du prolétariat allemand et du socialisme international. »

    Rosa Luxemburg parlant de la révolution russe, c’est pas du Bourrinet !!!

  • Engels écrivait dans "De l’autorité" :

    "La révolution... est un acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à l’autre partie à l’aide de baïonnettes, de fusils, de canons, moyens autoritaires s’il en fut ; le parti qui a triomphé doit maintenir son autorité par la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires."

    Bourrinet devrait donner cette citation à tous les Werth et à tous les "historiens" poutiniens et fascistes, pour qu’ils s’en servent contre le communisme. Engels et Marx, c’est pire que du Zinoviev !

    • La citation exacte :

      « Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, c’est l’acte par lequel une fraction de la population impose sa volonté à l’autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s’il en est ; et le parti victorieux, s’il ne veut pas avoir combattu en vain, doit continuer à dominer avec la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires. La Commune de Paris eût-elle pu se maintenir un seul jour si elle n’avait pas usé de l’autorité d’un peuple en armes contre la bourgeoisie ? Ne faut-il pas, au contraire, la critiquer de ce qu’elle ait fait trop peu usage de son autorité ? »

  • Voici comment Engels se moquait des adversaires de l’autorité... prolétarienne et révolutionnaire :

    « Si la lutte politique assume des formes violentes, et si les ouvriers substituent leur dictature révolutionnaire à la dictature de la bourgeoisie, ils commettent le terrible délit de lèse-principe, car, pour satisfaire leurs misérables besoins profanes de tous les jours, pour briser la résistance des classes bourgeoises, ne donnent-ils pas à l’État une forme révolutionnaire et transitoire, au lieu de rendre les armes et d’abolir l’État. Les ouvriers ne doivent pas former des syndicats de tous les métiers, car ce serait perpétuer la division du travail telle qu’elle existe dans la société bourgeoise, cette division du travail qui morcelle la classe ouvrière ne constitue-t-elle pas le véritable fondement de leur esclavage ? En un mot, les ouvriers doivent croiser les bras et ne pas dépenser leur temps en agitations politiques et économiques, car elles ne peuvent leur apporter que des résultats immédiats. À l’instar des bigots des diverses religions, ils doivent, au mépris des besoins quotidiens, s’écrier avec une foi profonde : « Que notre classe soit crucifiée, que notre race périsse, mais que les principes éternels restent immaculés ! » Comme de pieux chrétiens, ils doivent croire en la parole du curé et mépriser les biens de ce monde pour ne penser qu’à gagner le paradis (lisez, au lieu de paradis, la liquidation sociale qui, un beau jour, doit avoir lieu dans un coin du monde personne ne sachant qui la réalisera, ni comme elle se réalisera , et la mystification est en tout et pour tout identique). Dans l’attente de la fameuse liquidation sociale, la classe ouvrière doit se comporter avec décence, comme un troupeau de moutons gras et bien nourris ; elle doit laisser le gouvernement en paix, craindre la police, respecter les lois et servir de chair à canon sans se plaindre. Dans la vie pratique de tous les jours, les ouvriers doivent être les serviteurs les plus obéissants de l’État. Néanmoins, dans leur for intérieur, ils doivent protester avec la dernière énergie contre son existence et lui attester le profond mépris qu’ils ressentent pour lui en achetant et en lisant des brochures qui traitent de l’abolition de l’État. Ils doivent se garder d’opposer à l’ordre capitaliste d’autre résistance que leurs déclamations sur la société future dans laquelle cet ordre maudit aura cessé d’exister. »

  • Quel était l’état d’esprit de Lénine face aux communistes de gauche sur la question de la signature de la paix de Brest-Litovsk ?

    "Pourquoi, au premier traité de paix infiniment lourd, nous abandonner au désespoir, quand d’autres peuples ont su endurer stoïquement des calamités pires encore ?

    Est-ce la fermeté du prolétaire, qui sait qu’il faut se soumettre si les forces manquent et qui ensuite n’en sait pas moins se soulever encore et encore, coûte que coûte, en accumulant des forces quelles que soient les conditions, - est-ce la fermeté du prolétaire qui correspond à cette tactique du désespoir, ou bien plutôt le manque de caractère du petit bourgeois qui, incarné chez nous par le parti des socialistes-révolutionnaires de gauche, détient le record de la phrase sur la guerre révolutionnaire ? (...)

    Le refus de signer une paix infâme, alors qu’on n’a pas d’armée, est une aventure que le peuple serait en droit de reprocher au gouvernement qui aurait opposé ce refus.

    L’histoire connaît des exemples (rappelés ci-dessus) de traités de paix infiniment plus durs et plus déshonorants que celui de Brest-Litovsk, et dont la signature n’a pas entraîné une perte de prestige du pouvoir, ne l’a pas rendu formel, n’a conduit ni le pouvoir ni le peuple à la ruine, mais a aguerri le peuple, lui a enseigné la science ardue et difficile de former une armée solide même dans des conditions désespérément difficiles, sous le talon du conquérant.

    La Russie marche vers une nouvelle et véritable guerre nationale, vers la guerre pour la sauvegarde et la consolidation du pouvoir des Soviets. Il se peut qu’une autre époque - comme il y eut l’époque des guerres napoléoniennes - soit celle des guerres libératrices (des guerres, et non d’une seule) imposées par les envahisseurs à la Russie des Soviets Cela est possible.

    Et c’est pourquoi, ce qui est plus infamant que n’importe quelle paix lourde, terriblement lourde, dictée par l’absence d’armée, - ce qui est plus infamant que n’importe quelle paix infamante, c’est l’infamant désespoir. Nous ne succomberons pas même à dix traités de paix infiniment lourds si nous nous comportons avec sérieux envers l’insurrection et la guerre. Nous ne succomberons pas sous les coups des envahisseurs si nous savons ne pas succomber au désespoir et à la phrase."

    Lire son article "Chose étrange et monstrueuse", 28 février 1918

  • Rosa Luxemburg écrit :

    On peut comprendre tout de ce qui se passe en Russie ; c’est une chaîne inévitable de causes et d’effets qui a point de départ et clef de voûte, la carence du prolétariat allemand et l’occupation de la Russie par l’impérialisme allemand. Ce serait réclamer l’impossible de Lénine et de ses amis que de leur demander encore dans de telles conditions de créer, comme par magie, la plus belle des démocraties, la plus exemplaire des dictatures du prolétariat, une économie socialiste florissante. Par leur attitude révolutionnaire décidée, leur énergie exemplaire et leur fidélité inviolable au socialisme international, ils ont vraiment fait tout ce qu’ils pouvaient faire dans des conditions aussi effroyablement compliquées. Le danger commence là où, faisant de nécessité vertu, ils cherchent à fixer dans tous les points de la théorie, une tactique qui leur a été imposée par des fatales et à la proposer au prolétariat international comme modèle de la tactique socialiste. Ils se mettent ainsi tout à fait inutile¬ment en lumière et placent leur mérite historique réel et incontestable sous le ’boisseau des erreurs imposées par la nécessité ; ils rendent donc un bien mauvais service au socialisme international pour l’amour et au nom duquel ils ont lutté et souffert, en voulant y engranger comme autant de révélations, toutes les aberrations introduites en Russie sous la contrainte de la nécessité qui n’ont été, en fait, que tes retombées de la faillite du socialisme international dans cette guerre mondiale.

    Les socialistes gouvernementaux allemands peuvent bien proclamer haut et fort que la domination des bolcheviks en Russie n’est qu’une caricature de dictature du prolétariat. Si ce fut ou si c’est le cas, c’est uniquement parce qu’elle fut le produit de l’attitude du prolétariat allemand, elle-même caricature de la lutte de classe socialiste. Nous sommes tous soumis à la loi de l’histoire et l’on ne peut introduire l’ordre socialiste qu’à l’échelle internationale. Les bolcheviks ont montré qu’ils pouvaient faire tout ce qu’un parti vraiment révolutionnaire est capable d’accomplir dans les limites des possibilités historiques. Qu’ils ne cherchent pas à faire des miracles 1 Car une révolution prolétarienne exemplaire et parfaite dans un pays isolé, épuisé par la guerre mondiale, écrasé par l’impérialisme, trahi par le prolétariat international serait un miracle. Ce qui importe, c’est de distinguer, dans la politique des bolcheviks, l’essentiel de l’accessoire, la substance du fortuit. En cette dernière période où les luttes finales décisives nous attendent dans le monde entier, le problème le plus important du socialisme a été et est encore précisément la question brûlante de l’actualité, non pas telle ou telle question de détail de la tactique mais la combativité du prolétariat, l’énergie des masses, la volonté du socialisme de prendre le pouvoir en général. A cet égard, Lénine, Trotski et leurs amis ont les premiers, par leur exemple, ouvert la voie au prolétariat mondial, ils sont jusqu’à présent encore les seuls qui puissent s’écrier comme Hutten :« J’ai osé » !

    Voilà ce que la politique des bolcheviks comporte d’essentiel et de durable. En ce sens, ils conservent le mérite impérissable d’avoir ouvert la voie au prolétariat international en prenant le pouvoir politique et en posant le problème pratique de la réalisation du socialisme, d’avoir fait progresser considérablement le conflit entre capital et travail dans le monde entier. En Russie, le problème ne pouvait être que posé. Il ne pouvait être résolu en Russie. Et en ce sens, l’avenir appartient partout au « Bolchevisme ».

  • Il y en a qui soutiennent le camp de la révolution prolétarienne quand elle vole de victoires en victoires et le lâchent quand il est pris à la gorge, sur la défensive, contraint par ses ennemis et par la faiblesse de ses propres forces internationales, à se battre pied à pied, le couteau sur la gorge, à reculer, à seulement tenir... Et quand la défaite l’emporte, ils jettent le bébé révolutionnaire avec l’eau de la baignoire !

  • Contre vents et marées, je suis de ceux qui retrouvent encore, au souvenir de la Révolution d’octobre, une bonne part de cet élan inconditionnel qui me porta vers elle quand j’étais jeune et qui impliquait le don total de soi-même. Pour moi, rien de ce qui s’est passé depuis lors n’a complètement prévalu sur ce mouvement de l’esprit et du coeur. Les monstrueuses iniquités inhérentes à la structure capitaliste ne sont pas pour nous scandaliser moins aujourd’hui qu’elles ne faisaient hier, aussi n’avons-nous pas cessé de vouloir — autrement dit d’exiger de nous-mêmes — qu’y soit mis un terme. Pour cela, nous ne doutons pas plus qu’alors qu’il faille en passer par des moyens révolutionnaires.

    Les journées d’octobre, en leur temps, nous sont apparues et elles nous apparaissent encore comme la résultante inéluctable de ces moyens. Rien ne peut faire qu’elles n’aient marqué le point d’impact dans le passage du plan des aspirations à celui de l’exécution concrète. A cet égard, rien ne peut faire qu’elles ne demeurent exemplaires et que retombe l’exaltation qu’elles portaient.

    Cela, sans préjudice de ce qu’il est advenu par la suite, c’est ce qu’il importe que nous reconnaissions toujours. Au plus noir de la déception, de la dérision et de l’amertume — comme à l’époque des procès de Moscou ou de l’écrasement de l’insurrection de Budapest, il faut que nous puissions reprendre force et espoir dans ce que les journées d’octobre gardent à jamais d’électrisant : la prise de conscience de leur pouvoir par les masses opprimées et de la possibilité pour elles d’exercer effectivement ce pouvoir, la « facilité » (l’expression est, je crois, de Lénine) avec laquelle les vieux cadres craquaient.

    Pour ma part, j’ai toujours regardé comme un talisman cette photographie que d’aucuns auraient tant donné pour faire disparaître et que les journaux reproduisent en raison de la commémoration actuelle, qui montre Lénine penché sur son immense auditoire, d’une tribune au pied de laquelle se dresse, en uniforme de l’armée rouge, comme assumant à lui seul la garde d’honneur, Léon Trotsky. Et ce même regard, celui de Léon Trotsky, que je retrouve fixé sur moi au cours de nos quotidiennes rencontres il y a vingt ans au Mexique, à lui seul suffirait à m’enjoindre depuis lors de garder toute fidélité à une cause, la plus sacrée de toutes, celle de l’émancipation de l’homme, et cela par delà les vicissitudes qu’elle peut connaître et, en ce qui l’a concerné, les pires dénis et déboires humains. Un tel regard et la lumière qui s’y lève, rien ne parviendra à l’éteindre, pas plus que Thermidor n’a pu altérer les traits de Saint-Just. Qu’il soit ce qui nous scrute et nous soutient ce soir, dans une perspective où la Révolution d’octobre couve en nous la même inflexible ardeur que la Révolution espagnole, la Révolution hongroise et la lutte du peuple algérien pour sa libération.

    André Breton

    Pour le quarantième anniversaire de la Révolution d’Octobre

    octobre 1957

  • Même Bruno Rizzi ne rejette pas Lénine et Trotsky dans la même fange que Staline :

    « Pour en finir et pour ne pas répéter ce qui a été dit de mille manières, nous affirmons qu’à la suite de la défaite de la révolution prolétarienne allemande et européenne, la dictature du prolétariat russe se trouvait isolée dans un monde capitaliste et hostile. Le reflux de la vague révolutionnaire était général, de cette vague qui, immédiatement après la guerre, avait effrayé la bourgeoisie. Il s’ensuivit que pour tout observateur de bon sens les perspectives révolutionnaires étaient renvoyées aux calendes grecques. En attendant, le capitalisme reprenait haleine et augmentait la production jusqu’à 1929 et cela surtout était dû aux travaux de réparation dans les zones ravagées par la guerre, et à la reconstitution des stocks.

    La Révolution russe était à l’alternative : ou bien vivoter dans l’attente de la révolution prolétarienne de l’Occident d’Europe, ou bien s’accorder avec le monde extérieur et changer par conséquent de politique intérieure. C’est la seconde solution qu’on a choisie ; Staline en fut d’abord l’inspirateur et puis il en fut l’exécuteur impitoyable. Ce changement radical de politique, il fallait naturellement le cacher, du moins dans un aspect extérieur, soit au prolétariat russe, soit au prolétariat de toutes les nations. Ce ne fut pas une affaire très difficile, puisque depuis près de cent ans les travailleurs sont systématiquement dupés par les « rouges » de tous les partis, et de toutes les nuances, qui ont paru sur la scène politique. Le prolétariat russe et le prolétariat d’autres nations ont essuyé aussi cette énorme mystification et ils n’ont donné que trop peu de signes de colère contre leurs chefs, de véritables traîtres. On dirait que ces prolétariats en ont pris l’habitude et, de plus, qu’ils se sont endurcis à la mystification.

    Lénine mort, il fallait bien un successeur ; c’était Trotski, la figure la plus digne autant du point de vue moral qu’intellectuel. Sa droiture révolutionnaire et son génie auraient certainement défendu très bien le premier et le seul Etat prolétarien du monde. Mais Trotski fut mis au rancart, il fut ostracisé et boycotté d’une manière unanime par les épigones de la révolution. Ceux qui connaissent un peu les partis socialistes et communistes ne s’étonnent pas du tout d’un phénomène de ce genre-là.

    Trotski s’élevait comme un géant dans l’entourage de Lénine, alors on s’avisa bien de le neutraliser, de sorte que l’on mettait de côté un gros obstacle, qui aurait gêné la campagne nationale et internationale de bourrage des crânes. La réalité est encore celle-ci : la vraie dictature, ce fut celle du parti bolchevique et non pas celle du prolétariat, une dictature que l’on concentra dans les cellules et non dans les soviets. Il arriva ainsi que le parti bolchevique, le seul qui n’avait pas trahi les travailleurs avant la révolution, les trahit dès qu’il eut remporté la victoire, c’est-à-dire quand il croyait qu’il n’y aurait plus de dangers. »

    source

  • Je vous envoie la réponse de notre camarade qui a traduit l’article de presse citant le discours de Zinoviev pendant la guerre civile :

    « On lit : "Nous avons besoin d’un militarisme socialiste pour vaincre nos ennemis. Sur les 100 millions d’habitants, nous devons en attirer 90 millions. Avec le reste, il n’y a pas à discuter, il faut les détruire."

    Mais 1) c’est une compte-rendu du discours de Zinoviev, pas un texte écrit directement par lui.

    2) le thème est le problème de la famine, de la guerre civile, c’est un ton guerrier, et dans le dictionnaire, le verbe russe ’уничтожить’ est accompagné de l’exemple : détruire l’ennemi, c’est une l’expression la plus courante pour ce verbe.

    Conclusion : Zinoviev n’a pas écrit ce terme, reste à vérifier s’il a utilisé ce terme, et si c’est le cas un tribun qui appelle le peuple travailleur à s’engager dans une guerre civile serait peu crédible s’il n’employait pas ce genre de terme.

    Désolé d’avoir tardé. »

    Maintenant, je vous envoie mon avis :

    il y a des extrêmes gauches qui jettent les dernières années de Lénine et Trotsky au pouvoir avec le stalinisme. C’est leur droit politique et social. Ce n’est pas mon choix. Ce n’était pas celui de Rosa Luxemburg ni de Bruno Rizzi, ni de bien des gauches communistes de l’époque notamment la majorité de ceux de Russie, et aussi des autres pays de Bordiga pas exemple. Par contre, c’est le cas de Pannekoek dont ce camarade se revendique. Et la malhonnêteté que je reproche à Bourrine, je l’ai reproché par écrit à Pannekoek : « Lénine philosophe », ou comment Pannekoek critique Lénine

    Qu’il y a réponde s’il le souhaite !

    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    • Il y a un hic ! “Bourrine” dans l’édition de la brochure de Pannekoek “Lénine philosophe” en refait la traduction de l’anglais et de l’allemand (qui était mauvaise) et CRITIQUE AUSSI les positions de Pannekoek sur la révolution russe, ainsi que ses CONCEPTIONS EPISTEMOLOGIQUES très approximatives. Cette brochure exprime en fait la conception CONSEILLISTE de Pannekoek poussée à l’absurde.

      Bourrinet (pas Bourrine, bien que le terme soit très sympathique : “maison basse du marais poitevin” ; mais avec le réchauffement climatique mieux vaut être en hauteur... et en politique prendre de la hauteur de vues, et non de la hauteur, prise comme morgue).

    • La malhonnêteté consiste, s’adressant à des trotskistes d’écrire que Bourrinet dans sa critique de Pannekoek :

      « CRITIQUE AUSSI les positions de Pannekoek sur la révolution russe ».

      D’où on pourrait croire qu’il y a rapprochement là où il n’y en a aucun...

  • Certes, Bourrinet et pas bourrin (pardon de la comparaison involontaire), critiquait la thèse épistémologique mais pas la barbarie de Lénine, affirmée par Pannekoek !!! Là, la comparaison est volontaire !

  • Voici le résumé de Bourrinet :

    « Un système de capitalisme d’État prit définitivement corps en Russie, non en déviant par rapport aux principes établis par Lénine dans l’État et la révolution par exemple mais en s’y conformant. Une nouvelle classe avait surgi, la bureaucratie, qui domine et exploite le prolétariat. Cela n’empêche pas que le marxisme soit en même temps propagé et proclamé base fondamentale de l’État russe... « Lénine a exposé ses conceptions philosophiques dans son livre Matérialisme et empiriocriticisme, publié en russe en 1908 et traduit en 1927 en allemand et en anglais… « … il est nécessaire d’en faire une étude critique approfondie. Il est clair qu’on ne peut juger à fond de la doctrine de la Troisième Internationale, celle du communisme de parti sans examiner de très près ses bases philosophiques. » Le livre de Pannekoek, publié en 1938 en pleine terreur stalinienne, est-il vraiment un apport critique permettant de démolir les « bases léninistes » du capitalisme d’Etat, dont les fondements philosophiques seraient la philosophie matérialiste du XIXe siècle et une simplification du marxisme (tant chez Plekhanov que Lénine) propice à la propagation de d’une nouvelle « Révolution jacobine » antireligieuse dans les aires arriérées du capitalisme ? L’apport dans la philosophie des sciences du physicien Ernst Mach est-il un instrument adéquat pour une approche matérialiste dans les sciences de la nature, comme le suggère Pannekoek ? Son « Lénine philosophe » permet-il de refonder le marxisme par une véritable « méthode dialectique » au diapason des immenses progrès accomplis dans les sciences de la nature ? Le « marxisme » de Pannekoek, astronome et théoricien des conseils ouvriers, serait-il moins celui d’un scientifique que l’ébauche d’une anthropologie militante commencée en 1909 par sa critique de Darwin ? En fait pour Pannekoek, dans une infiniment longue histoire de la Nature, où l’évolution de « l’homme ne fait que commencer », le surgissement de la révolution des conseils ouvriers.

    source

  • Pour l’essentiel du débat, rappelons la position de Bourrinet dans sa "critique" du livre noir du communisme :

    « On comprend que Werth établisse une continuité entre le régime bolchevik, conduit par Lénine, Trotsky, Boukharine et Zinoviev, et le régime de stalinien. Il n’y a pas une différence de qualité, mais de quantité dans la transformation de la Russie en camp de travail et camp de concentration. »

    source

  • Comment Trotsky posait le problème du pouvoir prolétarien en Russie en... 1906 :

    « Le prolétariat ne peut accéder au pouvoir qu’en s’appuyant sur un soulèvement national et sur l’enthousiasme national. Le prolétariat entrera au gouvernement comme le représentant révolutionnaire de la nation, comme le dirigeant reconnu de la nation dans la lutte contre l’absolutisme et la barbarie féodale. En prenant le pouvoir, cependant, il ouvrira une nouvelle époque, une époque de législation révolutionnaire, de politique positive, et, à cet égard, il ne peut nullement être assuré de conserver le rôle de porte-parole reconnu de la volonté de la nation.

    Certes, les premières mesures prises par le prolétariat pour nettoyer les écuries d’Augias de l’ancien régime et expulser leurs habitants rencontreront le soutien actif de la nation tout entière, en dépit de ce que peuvent dire, sur le caractère tenace de certains préjugés dans les masses, les eunuques libéraux.

    Ce nettoyage politique sera complété par une réorganisation démocratique de tous les rapports sociaux et étatiques. Le gouvernement ouvrier sera obligé sous l’influence des pressions et des revendications immédiates d’intervenir de façon décisive en tout et partout...

    Sa première tâche sera de chasser de l’armée et de l’administration tous ceux qui ont du sang sur les mains, et de licencier ou de disperser les régiments qui se sont le plus souillés de crimes contre le peuple. Cela devra être réglé dans les tout premiers jours de la révolution, bien avant qu’il soit possible d’introduire le système de l’éligibilité et de la responsabilité des fonctionnaires et d’organiser une milice nationale. Mais ce n’est pas tout. La démocratie ouvrière se trouvera immédiatement placée devant la question de la durée de la journée de travail, devant la question agraire, et devant le problème du chômage.

    Une chose est claire. Avec chaque jour qui passera, la politique du prolétariat au pouvoir s’approfondira, et son caractère de classe s’affirmera de façon toujours plus résolue. En même temps se rompront les liens du prolétariat avec la nation, la désintégration de la paysannerie en tant que classe revêtira une forme politique, et l’antagonisme entre les divers secteurs qui la composent croîtra à mesure que la politique du gouvernement ouvrier se définira davantage, et cessera davantage d’être une politique démocratique au sens général du terme, pour devenir une politique de classe.

    L’absence, chez les paysans comme chez les intellectuels, de traditions bourgeoises et individualistes accumulées, comme de préjugés contre le prolétariat, facilitera, certes, l’accession au pouvoir de ce dernier ; il ne faut cependant pas oublier que cette absence de préjugés n’est pas le fruit de la conscience politique, mais bien de la barbarie politique, du manque de maturité sociale et de caractère, et de l’arriération. Il n’y a là rien qui soit susceptible de fournir, pour une politique prolétarienne cohérente et active, une base à laquelle on puisse se fier.

    La paysannerie tout entière soutiendra l’abolition de la féodalité, car c’est elle qui en supporte le fardeau. Dans sa grande majorité, elle appuiera l’instauration d’un impôt progressif sur le revenu. Mais une législation destinée à protéger les prolétaires agricoles ne jouira pas de la sympathie active de la majorité des paysans ; bien plus, elle rencontrera l’opposition active d’une minorité d’entre eux.

    Le prolétariat sera contraint de porter la lutte de classe au village, et de détruire de la sorte cette communauté d’intérêts qui existe incontestablement, encore que dans des limites comparativement étroites, chez les paysans. Immédiatement après la prise du pouvoir, le prolétariat devra chercher à prendre appui sur les antagonismes entre paysans pauvres et paysans riches, entre le prolétariat agricole et la bourgeoisie agricole. L’hétérogénéité de la paysannerie créera des difficultés à l’application d’une politique prolétarienne, et en rétrécira la base ; mais le degré insuffisant atteint par la différenciation de classe de la paysannerie créera des obstacles à l’introduction en son sein d’une lutte de classe développée sur laquelle le prolétariat urbain puisse s’appuyer. Le caractère arriéré de la paysannerie sera désormais une source d’obstacles pour la classe ouvrière.

    Le refroidissement de la paysannerie, sa passivité politique et, plus encore, l’opposition active de ses couches supérieures ne pourront pas ne pas influencer une partie des intellectuels et de la petite bourgeoisie des villes.

    Ainsi, plus la politique du prolétariat au pouvoir se fera précise et résolue, et plus le terrain se rétrécira et deviendra périlleux sous ses pas. Tout cela est extrêmement probable et même inévitable...

    Les deux principaux aspects de la politique du prolétariat qui susciteront l’opposition de ses alliés, ce sont le collectivisme et l’internationalisme.

    Le caractère arriéré et petit-bourgeois de la paysannerie, l’étroitesse rurale de ses vues, son éloignement des liens de la politique mondiale seront la source de terribles difficultés dans la voie de la politique révolutionnaire du prolétariat au pouvoir. »

    source

  • Et toujours Trotsky en 1906 :

    « Jusqu’à quel point la politique socialiste de la classe ouvrière peut-elle être appliquée dans les conditions économiques de la Russie ? Il y a une chose que l’on peut dire avec certitude : elle se heurtera à des obstacles politiques bien avant de buter sur l’arriération technique du pays. Sans le soutien étatique direct du prolétariat européen, la classe ouvrière russe ne pourra rester au pouvoir et transformer sa domination temporaire en dictature socialiste durable. A ce sujet, aucun doute n’est permis. Mais il n’y a non plus aucun doute qu’une révolution socialiste à l’Ouest nous rendra directement capables de transformer la domination temporaire de la classe ouvrière en une dictature socialiste. »

    source

  • Chers camarades,

    Vous demandez à Bourrinet (qui devrait répondre, ce qu’il n’a pas encore fait) : « J’aimerai bien savoir jusqu’à quand tu estimes que l’Etat russe est un Etat ouvrier. »

    Notre question est : « Quand pensez-vous qu’il a commencé » ?

    Contexte de la question :

    En octobre 1917, selon les déclarations officielles, nous avons un « Etat ouvrier et paysan »[1] et un « gouvernement ouvrier et paysan »[2]

    En décembre 1920, polémiquant contre Trotski, Lénine déclare : « D’ailleurs, tout en se rendant coupable de cette légèreté, le camarade Trotski commet lui-même aussitôt une erreur. Il prétend que, dans un État ouvrier, le rôle des syndicats n’est pas de défendre les intérêts matériels et moraux de la classe ouvrière. C’est une erreur. Le camarade Trotski parle d’un « État ouvrier ». Mais c’est une abstraction ! Lorsque nous parlions de l’État ouvrier en 1917[3], c’était normal ; mais aujourd’hui, lorsque l’on vient nous dire : « Pourquoi défendre la classe ouvrière, et contre qui, puisqu’il n’y a plus de bourgeoisie, puisque l’État est un État ouvrier », on se trompe manifestement car cet État n’est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. C’est l’une des principales erreurs du camarade Trotski. Des principes généraux, nous sommes passés aujourd’hui à la discussion pratique et aux décrets, et l’on veut nous détourner de ce travail pratique et concret pour nous tirer en arrière. C’est inadmissible. En fait, notre État n’est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c’est une première chose. De nombreuses conséquences en découlent. (Boukharine : « Comment ? Ouvrier-paysan ? »). Et bien que le camarade Boukharine, crie derrière : « Comment ? Ouvrier-paysan ? », je ne vais pas me mettre à lui répondre sur ce point. Que ceux qui en ont le désir se souviennent du Congrès des Soviets qui vient de s’achever ; il a donné la réponse.

    Mais ce n’est pas tout. Le programme de notre Parti, document que l’auteur de l’« ABC du communisme » connaît on ne peut mieux, ce programme montre que notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. Et c’est cette triste, comment dirais-je, étiquette, que nous avons dû lui apposer. Voilà la transition dans toute sa réalité. » (Lénine, Œuvres, Editions sociales, T.32, p.16-17)

    Dans « La crise du parti », en janvier 1921, quelques jours après la déclaration précédente, Lénine revient sur ce qu’il a dit. « A propos de la discussion du 30 décembre, je dois encore rectifier une de mes erreurs : j’ai dit « En fait notre Etat n’est pas un Etat ouvrier mais ouvrier-paysan. ». Le camarade Boukharine s’est écrié aussitôt : « Comment ? ». Et je lui ai répondu en le renvoyant au VIIIè congrès des soviets, qui venait de s’achever. En relisant le compte-rendu de la discussion, je vois maintenant que j’avais tort et que le camarade Boukharine avait raison. J’aurais dû lui dire : « Un Etat ouvrier est une abstraction. En réalité, nous avons un Etat ouvrier, premièrement avec cette particularité que c’est la population paysanne et non ouvrière qui prédomine dans le pays et, deuxièmement, c’est un Etat ouvrier avec une déformation bureaucratique. ». Le lecteur qui voudra bien relire tout mon discours constatera que cette rectification ne modifie en rien ni le cours de mon argumentation ni mes conclusions » (Lénine, Œuvres, Editions sociales, T.32, p.41)

    Cela nous montre que les termes employés ne sont pas de simples expressions de circonstance utilisées indifféremment ou en fonction des interlocuteurs (encore que parfois, on ne puisse pas exclure ce cas de figure[4]) mais revêtent une portée théorique et pratique.

    A notre connaissance et donc sauf erreur de notre part, Lénine n’emploie le terme d’Etat ouvrier pour la première fois (pour désigner le pouvoir soviétique) qu’en juin-juillet 1919. Avant la prise du pouvoir, dans le texte : « Les bolchéviks garderont-ils le pouvoir ? », il parle d’« Etat prolétarien » (c’est l’expression la plus utilisée et de loin) et d’« Etat ouvrier » à propos du contrôle ouvrier. Ce contrôle, cf. la citation en note 1, après la prise du pouvoir, est du ressort de l’« Etat ouvrier et paysan ». Le terme d’Etat prolétarien est employé, avant la prise du pouvoir, dans « L’Etat et la révolution » sous son aspect théorique et dans « Les bolchéviks garderont-ils le pouvoir ? », texte contemporain de « l’Etat et la révolution », sous un aspect plus pratique. Le terme est également utilisé dans « Pages du journal d’un publiciste » (T.25, p.302 et 303) et les « Lettres de Loin » (titre de la cinquième lettre, T.23, p.369), mais dans ces derniers cas on pourrait nuancer la portée de cet usage. Après la prise du pouvoir, le terme apparaît fin mars 1918[5], après la rupture avec les socialistes révolutionnaires de gauche.

    [1] « 2° La loi soviétique sur le contrôle ouvrier (…) est confirmée (…) en tant que première mesure préparant la remise complète des fabriques, usines, mines, chemins de fer et autres moyens de production et de transport, en propriété à l’Etat ouvrier et paysan.

    3°La remise de toutes les banques en propriété à l’Etat ouvrier et paysan est confirmée (…) » (Lénine, Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité, T.26, p.443)

    Dans le cadre de la société bourgeoise, notons que Marx n’a que très rarement qualifié l’Etat, d’« Etat bourgeois » et encore moins a-t-il parlé d’« Etat ouvrier » (et jamais d’« Etat prolétarien » qui est la formule théorique la plus utilisée par Lénine). Marx n’utilise le terme d’« Etat ouvrier » qu’en deux occasions. Une première fois dans la Lutte des classes en France. « Et les clubs, qu’étaient-ils sinon une coalition de toute la classe ouvrière contre toute la classe bourgeoise, la création d’un Etat ouvrier contre l’Etat bourgeois » (Pléiade, Politique, p.285). Sans doute, devons-nous comprendre ce terme en faisant l’analogie avec le Tiers-Etat de la révolution bourgeoise et donc comme relevant du Quart-Etat. Dans une note (p.1291), Rubel nous dit qu’il faut rapprocher ce texte du Manifeste et qu’il éclaire le passage où il est question d’organisation du prolétariat en classe et donc en parti politique. La deuxième fois c’est à propos d’une polémique avec Bakounine. Il s’agit de la reprise, sous forme de concession temporaire, d’une expression de Bakounine. « If Mr. Bakunin were familiar even with the position of a manager in a workers’ co-operative factory, all his fantasies about domination would go to the devil. He should have asked himself : what forms could management functions assume within such a workers’ state, if he wants to call it that ? (p. 279). » (p.520, Vol 24, Collected Works)

    Quant à Engels il proposait de réserver le mot Commune pour désigner ce nouveau pouvoir prolétarien. Cela tient pensons-nous à ce que le prolétariat doit détruire l’Etat.

    [2] « La tâche d’aujourd’hui consiste à prouver par la pratique de la classe d’avant-garde – le prolétariat – la vitalité du gouvernement ouvrier et paysan » (Lénine, 9 novembre 1917, T.26, p.83)

    [3] Voir plus bas le commentaire sur l’usage du terme "Etat ouvrier" .

    [4] Lénine continue à qualifier l’Etat, d’« ouvrier et paysan » en 1921 (par exemple, X congrès du PC (b) R, T.32, p.182, p.194. Dans le même texte il est question d’Etat prolétarien – p.p.196, 197, 199, 234, 280, voire d’Etat ouvrier –p.247) et 1923 mais aussi d’« ouvrier » aux mêmes dates.

    [5] Première variante des tâches immédiates du pouvoir des soviets. (Lénine, Œuvres, Editions sociales, T.27, p.222, 223, 224, 225)

    Les tâches immédiates du pouvoir des soviets. (Lénine, Œuvres, Editions sociales, T.27, p.245)

    • Par ailleurs, je ne comprend pas la distinction que fait Robin entre Etat ouvrier et Etat prolétarien. Certes, il y a une grande différence avec la notion (scientifiquement fausse puisqu’elle signifie Etat bourgeois) d’Etat ouvrier-paysan que Lénine utilise de manière propagandiste pour parler de l’alliance de l’Etat ouvrier avec la paysannerie. Cela montre que Lénine est très loin d’utiliser uniquement des expressions scientifiques marxistes !

      Par exemple de situation où il est clair que la notion d’Etat prolétarien pour Lénine est l’Etat ouvrier ; citons :

      « La question de la dictature du prolétariat est celle de l’attitude de l’État prolétarien à l’égard de l’État bourgeois, de la démocratie prolétarienne envers la démocratie bourgeoise. »

      citation de La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky : voir ici

      La meilleure preuve qu’Etat ouvrier est la même chose qu’Etat prolétarien pour Lénine est le fait qu’il emploie sans cesse la deuxième expression et quasiment jamais la première...

  • Sur cette question de la nature ouvrière de l’Etat russe, nous faisions le tour des points de vue : cliquer ici

    Et nous donnions notre point de vue : cliquer ici

    Et sur le moment où cet Etat est devenu bourgeois, pour ma part, je soutiens Natalia : Lire ici

  • Nous devons mettre au clair la divergence profonde entre les gauches communistes type Pannekoek ennemis de la Révolution d’Octobre et les gauches communistes type Bordiga qui s’en revendiquent !!!

  • Ce que tu soulèves comme question dans le messagel ci-dessous, est complexe à décrire ? Comment faire une répondre simple ? La question est malgré tout fondamentale pour l’avenir. Je me permets, ci-après, de tracer un résumé qui, comme tout résumé, est en partie faux ou tout au moins largement insuffisant, il reste subjectif.
    Je crois qu’il faut reprendre d’abord les différences entre la Gauche communiste allemande et italienne.
    La Gauche communiste italienne est exclue de l’IC définitivement lors du dernier recours qu’elle effectue en 1928. Au niveau théorique et politique, elle reconnait les 2 premiers congrès de l’IC alors que Trotsky reconnait, en général, les 4 premiers congrès de l’IC. Deuxième idée à prendre en compte, la Gauche italienne même s’il y a plusieurs tendances en son sein reste unie globalement jusqu’en 1952 ce qui n’est pas le cas, on le verra de la Gauche communiste allemande.
    La Gauche communiste allemande (GCA) participe jusqu’au deuxième congrès de l’IC (Ian Appel détourne un bateau [décrété par la bourgeoisie comme acte de piraterie] pour arriver au 2ème congrès de l’IC) ; les autres délégués arrivent par la voie normale. A leur arrivée, Lénine leur remet le livre « Les gauchistes, la maladie infantile du communisme ». Le KAPD (50 000 membres à sa création) et le KAPH (hollandais) se créent dans la foulée. Ils ne seront jamais membres du Komintern mais membres « sympathisants » (le KAPD suivra plus fidèlement que le KPD et jusqu’au bout, les consignes de l’IC dans l’insurrection de Mars en 1921). Le bureau d’Amsterdam de l’IC qui devait être créé pour échapper au risque que cette dernière soit trop liée à Moscou, est créé le 28 septembre 1919. Le « bureau hollandais » ou de « bureau d’Amsterdam » est chargé d’organiser la propagande en Europe de l’Ouest. Mais le 30 avril 1920, à la suite des divergences, le bureau d’Amsterdam est dissout.
    Ensuite, pour la GCA il y eut plusieurs courants. La tendance d’Otto Rühle dite « tendance de Berlin » (Rühle a voté avec Liebknecht contre les crédits de guerre au parlement en 1914) qui est déjà sur la ligne « communisme de conseils » (nom qui n’existait pas à l’époque), c’est-à-dire une ligne qui minimise le rôle des partis communistes et magnifie les conseils ouvriers. Il est à la fondation de l’AAUE (ou AAUD-E) en 1921 (unions qui se veulent à la fois parti et syndicat). Cela ne l’empêche pas de se retrouver avec Trotsky au Mexique et être son ami. Il fait partie de la commission Dewey en défense de Trotsky.
    Le courant partidiste du KAPD : la « tendance d’Essen », avec des camarades comme Gorter, Pannekoek et Ian Appel. Ce dernier restera jusqu’à sa mort sur cette position politique ainsi que pour la défense du caractère prolétarien d’Octobre (je l’ai rencontré à la fondation du CCI en 1975 et toujours aussi internationaliste et révolutionnaire. C’est le principal rédacteur des Principes de base de la production et de la distribution communiste qui se veut être une contribution pour le contenu du communiste dans la période de transition au communiste). Le KAPH (Hollandais) suit les mêmes évolutions que l’Allemagne.
    Pour le groupe de Mattick aux États-Unis, l’on peut dire que son évolution est plutôt dans le sens d’Ian Appel. Il publiera successivement : International Council Correspondence, puis Living Marxism et New Essays.
    Korsch est à mettre à part, il reste dans le KPD jusqu’en 1926. A Moscou avec Bordiga au dernier exécutif de l’IC auquel ils défendent tous les deux Trotsky. Trotsky et Korsch auraient voulu alors que Bordiga devienne le leader et anime l’Opposition internationale de Gauche contre Staline. On connait le refus de Bordiga pensant que la situation n’était plus favorable et que cela ne pouvait amener qu’à des compromissions et affaiblir la théorie communiste. Ensuite, Korsch émigre aux USA et se rapproche de Mattick.
    Voilà, décrits, à la serpe et en résumé, les 2 grands courants de la Gauche communiste à cette époque, jusqu’à la deuxième guerre impérialiste.
    Ensuite, il y eut de nouvelles évolutions. Ce fut la Gauche communiste hollandaise qui demeurera et qui survivra du fait de la répression en Allemagne. D’ailleurs Mattick part pour les USA et Ian Appel pour la Hollande. Ensuite, pour bien comprendre leur évolution, il faut faire une distinction entre le communisme de conseil et le conseillisme. Le conseillisme nait après la guerre en 1945-50 et représente la tendance qui rejette le plus fortement la forme parti.
    Pannekoek suit cette évolution. La plupart de ces camarades remettent alors en cause la nature d’Octobre ce qui n’est ni le cas d’Appel ni de Paul Mattick. Toutefois, à mon sens, la remise en cause de la nature prolétarienne d’Octobre leur empêche de tirer convenablement toutes les leçons que nous devons tirer d’Octobre. Puisque ce n’est pas une révolution prolétarienne, ils n’ont rien à en dire, ne pensez-vous pas ? C’est là où, en fait, ils se contredisent puisqu’ils font des analyses souvent pénétrantes et intéressantes sur cette période de l’histoire.

    Je ne décrits pas, ici, les évolutions des groupes après la deuxième groupe que ce soit aux USA, en Hollande, en Angleterre, en Australie ou en France.
    Pour juger Pannekoek, il faut mettre dans la balance son intransigeance sur l’internationalisme prolétarien et son intransigeance par rapport au soutien à la classe ouvrière sans faille. L’État et la révolution de Lénine est la conséquence des écrits de Pannekoek sur la question de l’État.
    Aujourd’hui, ce courant n’existe plus réellement avec une filiation historique, à mon sens, ceux qui se disent conseilliste n’ont aucun lien avec ce courant et leur « attachement » au conseillisme provient seulement d’une peur des organisations et d’un fétichisme de l’auto-organisation. Cette mouvance représente maintenant autre chose plus proche de l’autonomie même si le conseillisme est à la "mode". Le seul groupe véritablement conseilliste en France est représenté par Échange et mouvement. A l’étranger, il faudrait voir surtout dans la sphère anglo-saxonne. Je n’ai rien lu depuis longtemps du fils de Mattick aux USA. Il était présent autour des IWW et dans leur presse, il y a peu.
    En ce qui me concerne et dans le sens du CCI des années 1968-80, je pense qu’il faut prendre ce qu’il a de mieux, après un examen critique rigoureux, dans les deux courants au niveau politique et théorique. Chacun a exprimé une forme moderne de ce que doit être la théorie communiste dans la phase impérialiste du capitalisme et du rejet du vieux mouvement ouvrier social-démocrate. Nous n’avons jamais pu arriver à accomplir cette tâche de critique et de synthèse. Le dernier essai a été fait au cours des 3 Conférences Internationale de la Gauche communiste (1975-1978). Le travail de synthèse est donc toujours à faire pour ensuite le compléter avec les autres tendances révolutionnaires de la véritable l’Opposition de gauche internationale. Il s’agit de faire un bilan d’Octobre et de la contre-révolution jusqu’à aujourd’hui pour ensuite donner de nouvelles des perspectives à la classe ouvrière. C’est le bilan et perspectives de tout un arc de siècle.
    C’est ainsi que je vous associe (je ne vois pas aujourd’hui d’autres éléments que vous dans la mouvance de l’Opposition de gauche internationale) à ce travail qui est immense mais nécessaire pour les futurs partis révolutionnaires.

    • En fait, ce que tu redémontre ainsi, c’est que le mode est plus complexe quand on l’analyse aussi bien vers le passé que vers le futur. Et ce n’est pas seulement vrai des gauches communistes ou des communistes révolutionnaires en général (y incluant Lénine et Trotsky) mais également des sociétés humaines et du monde. Cela n’empêche pas de chercher des fils conducteurs simples. Pour ma part, j’estime toujours que la position à l’égard d’Octobre 1917 est la pierre de touche des groupes révolutionnaires. Sont-ils ou pas pour celle-ci ? Leur politique actuelle est-elle dans le sens d’Octobre ou pas ? Bordiga l’était et Pannekoek ne l’était pas, à mon avis. Qu’en penses-tu ?

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