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Les révolutions sociales qui ont détruit trois fois la ville antique d’Ougarit

jeudi 28 février 2019, par Robert Paris

Les révolutions sociales qui ont détruit trois fois la ville antique d’Ougarit

Ougarit (orthographié aussi Ugarit) est l’une des villes antiques les plus importantes et les plus anciennes du Proche-Orient, capitale d’un royaume du même nom en Phénicie ou « pays de Canaan ».

Bien que le site semble avoir été habité plus tôt, l’Ougarit néolithique était déjà suffisamment importante pour être fortifiée avec un mur au début de 6000 av.J.C.

La première trace écrite mentionnant la ville vient de la ville voisine d’Ebla et date de vers 1800 av.J.C. De la même époque, la cité est mentionnée dans les archives de Mari.

Ville des dieux, Baal et El notamment, Ougarit est sans doute l’exemple le plus frappant qu’aient eu les Hébreux de la destruction complète d’une ville et d’une civilisation. Et ils y ont vu, dans l’Ancien Testament, l’effet de l’abandon de dieu suite à des croyances et des mœurs (notamment les sacrifices d’animaux aux dieux) qu’ils jugeaient déplorables ! La plupart des rites hébreux sont là pour se démarquer de ce qui se pratiquait à Ougarit ! Les Israélites doivent rejeter les pratiques de sacrifices aux dieux : Deutéronome 18:9-14.
La Loi mosaïque interdit la pratique des prédictions par lectures sur le corps des bêtes. (Lévitique 18:23).

Les Israélites avaient reçu ce commandement : “ Vous ne devez pas vous faire d’entailles dans la chair pour une âme décédée. ” (Lévitique 19:28). En réaction à la mort de Baal, cependant, El “ se taillada la peau avec un couteau, se fit des incisions avec un rasoir ; il s’entailla les joues et le menton ”. La lacération rituelle était apparemment une coutume chez les adorateurs de Baal. — 1 Rois 18:28.

Un poème ougaritique laisse à penser que la cuisson d’un chevreau dans du lait faisait partie d’un rite cananéen de la fertilité. De son côté, la Loi mosaïque ordonnait aux Israélites : “ Tu ne dois pas faire cuire un chevreau dans le lait de sa mère. ” — Exode 23:19.

Les Hébreux avaient un grand besoin de se démarquer de la religion d’Ougarit, vu qu’elle était à l’origine de la leur !!!

Avant le XIIIème siècle av. n. è, le dieu principal d’Ougarit était El (littéralement "Dieu"). Il était considéré comme le père de l’humanité (qui se dit "adm" en langue ougarite), le "créateur de la création". Il était représenté comme un Dieu âgé avec des cheveux blancs, assis sur un trône. La cour du dieu El, peuplée de ses fils et filles, était nommée Elohim (littéralement "la cour des dieux").

Parmi les plus importants des "Elohim", nous pouvons mentionner Baal (le dieu de la fertilité), Asherah (la déesse mère), Yam (le dieu de la mer), et Mot (le dieu de la mort). Yahweh est aussi un des 70 fils du dieu El. Nous le savons grâce à KTU 1.1 IV 14, sur lequel il est inscrit : "Le nom du fils de El, Yahweh".

Les différents noms du dieu unique des Hébreux sont les différents noms des dieux du Panthéon ugaritique, hormis Baal, roi des dieux d’Ugarit, qui est détrôné par les Hébreux ! Baal et Asherah sont désignés dans la Bible comme des faux dieux. La Bible a été écrite pour des hommes qui avaient connu les dieux cananéens et provenaient de son polythéisme.

Ville côtière de la Syrie actuelle, la cité d’Ougarit (Ougarit) est connue maintenant sous le nom de Ras Shamra (cap du fenouil). Le site est situé à 15 Km au Nord de Lattaquié, en bordure de la Méditerranée. Les fouilles archéologiques débutèrent en 1929 suite à une découverte fortuite faite par un paysan labourant son champ et se heurtant à une tombe remplie de céramiques. La Syrie était à cette époque sous mandat français. Le pouvoir mandataire, qui venait de créer un Service des Antiquités sous la direction de René Dussaud, dépêcha sur place l’archéologue Claude Schaeffer qui se consacrera au site jusqu’à sa mort en 1982.

Ougarit, le grand port cananéen connu jusque là uniquement à travers les archives antiques d’Amarna (capitale d’Akhénaton), anéanti par les invasions des Peuples de la mer en 1186 av.J.C., était prêt à livrer ses secrets. Le site d’Ougarit, l’un des plus anciens du Proche-Orient Antique, fut occupé dès le néolithique (6500 av.J.C.). L’industrie du cuivre y fait son apparition au début du IV° millénaire. Aux alentours de 3000 av. J.-C. une cité importante émerge, pourvue de fortifications. Le début du II° millénaire marque un tournant dans l’histoire de la ville avec l’arrivée de groupes nomades, les Amorrites, artisans spécialisés dans la fonte du bronze. Ougarit est alors la capitale d’un royaume florissant positionné au croisement des voies terrestres du Proche-Orient et des voies maritimes de la Méditerranée. La cité était située sur un axe stratégique de l’époque, ses rois avaient à se défendre face aux puissances en présence : au Sud, les Pharaons d’Egypte, au Nord, sur les contreforts du Taurus, le royaume de Mitanni et par la suite les Hittites, à l’Est le monde mésopotamien et à l’Ouest la Méditerranée (monde Egéen). Cette position, à un carrefour d’échanges commerciaux et culturels, à un croisement nord-sud (monde hittite - Egypte) et est-ouest (monde mésopotamien - Méditerranée), va enrichir ce royaume grâce au commerce et au développement de l’artisanat du luxe. Ougarit se trouvait au débouché d’une plaine fertile, on y cultivait la vigne, le blé et l’olivier ce qui encouragea l’exportation du vin et de l’huile d’olive. Son port accueillait les navires égyptiens et crétois qui déchargeaient l’albâtre, le cuivre et les précieux cratères mycéniens. Des terres intérieures arrivaient les caravanes remplies des richesses venues des contrées lointaines : les archéologues ont ainsi retrouvé du lapis-lazuli d’Afghanistan, de l’ivoire de l’Inde, de l’ambre de la Baltique.

Ougarit a été détruite trois fois : au quatorzième siècle avant J.-C., puis au XIIIe siècle avant J.-C., enfin en 1180 ou 1200 avant J.-C. !!! Elle a été une fois détruite par le feu, une fois par un tremblement de terre et une fois par une invasion, dit-on souvent… Mais cela n’est pas aussi simple car les habitants ne sont pas revenus après l’incendie qui n’a pourtant détruit qu’une partie de la ville. De même, elle a été abandonnée après le tremblement de terre qui n’a pas détruit tous les bâtiments et maisons. L’invasion n’était pas qu’extérieure puisque le peuple envahisseur faisait partie des exploités de la cité !!!

Mais on dit aussi qu’elle a été détruite par une famine générale à toute la région qui a entraîné des débordements explosifs des peuples. Bien des catastrophes naturelles, des changements climatiques, des guerres et des invasions ont été incriminées dans ces destructions : invasions hittites et hourrites, peuples de la mer, Pharaons d’Egypte Ramsès III, etc. Cependant les révolutions sociales sont elles aussi une hypothèse à envisager en complément de désordres naturels ou guerriers…

Au milieu du XIIIe siècle (Bronze Récent), un violent tremblement de terre a complètement détruit la ville et c’est à ce moment que les deux temples de Baal et de Dagan ont dû s’effondrer. Il est possible que le peuple opprimé y ait vu un signe de désaveu céleste et en ait profité pour prendre sa liberté…

En 1370-1350 : le royaume hittite, qui est suzerain d’Ougarit, est lui-même pillé et brûlé par une révolution sociale !!! lire ici

La Palais Nord d’Ougarit a été détruit au quatorzième siècle et systématiquement démantelé sans que cela soit le fait d’une guerre.

Cl. Schaeffer, d’un consensus. J.-Cl. Courtois, É. et J. Lagarce s’accordaient sur une date à la fin du BR I / début BR II, autour de 1450/1400 av. J.-C. : « La céramique fragmentaire recueillie sur le sol du palais date dans l’ensemble de la fin de l’Ougarit moyen et de l’Ougarit récent 1. (…) Dans la partie septentrionale du chantier, un ensemble de vases dont le dépôt est postérieur à la destruction du mur nord du palais donne une date limite pour l’abandon de ce monument ; il comprend des tasses et des cruches en céramique Base Ring II, mais aussi quelques éléments de Base Ring I et doit se placer au début du Bronze récent II ». Hormis quelques tessons et fragments d’objets divers retrouvés sur les sols du palais, celui-ci paraît avoir été systématiquement vidé peu avant son abandon définitif. Le Palais a été abandonné aux environs de 1450/1400 av. J.-C. voir ici

Au XIVe siècle avant J.-C., le palais d’Ougarit fut détruit par le feu à l’époque du roi Niqmaddu (avec perte de toutes les tablettes d’écrits du pouvoir)…

Les chercheurs ont remarqué qu’au XVe siècle avant J.-C., c’est le peuple de la ville collé au Palais qui faisait peur aux classes dirigeantes : « Dès le XVe siècle, la porte principale du Palais Royal tournait le dos au centre religieux de la cité, mais le palais, inséré progressivement dans un complexe fortifié indépendant, fut complètement isolé du reste de la ville. Cl. Schaeffer ignorait la raison d’une telle réorganisation du secteur royal. Nous proposons une interprétation, la séparation palais/ville a une double signification politique : d’abord, en cas de crise intérieure, il était souhaitable pour le roi de disposer d’un centre politique et économique isolé de la cité. » voir ici

Puis, à nouveau, une vague de destruction se produit vers 1200 avant J .-C. et frappe Ugarit….

Lire ici « La fin d’Ugarit »

Un extrait du texte précédent :

« La tendance de l’archéologie contemporaine est, par réaction contre les excès commis en ce domaine depuis Maspéro, de limiter le plus possible le rôle des mouvements de peuples et des invasions dans l’explication des phénomènes observés sur les nombreux sites des pays égéens de l’Anatolie et du Levant où ont été mises à jour des couches de destruction souvent épaisses, datées de la fin de l’âge du Bronze, des dernières années du XlIIème siècle ou des premières décennies du XIIème siècle avant notre ère…

Les Ougaritologues ont en général adopté des positions plus nuancées et cherché à faire la part de la « cause extérieure », l’invasion brutale jugée« à mon sens convaincante » par Liverani, et des causes internes à rechercher dans l’évolution d’une société qui aurait été en crise du fait même de sa structure économique et sociale. La population villageoise aurait été écrasée par le poids excessif que faisaient peser sur elle les exigences d’une petite classe de privilégiés gravitant autour du palais et d’une minorité urbaine dépendant largement de celui-ci. Les dernières recherches archéologiques ont montré, semble-t-il, que Hattusa et Ougarit avaient été abandonnées avant d’être partiellement ou totalement détruites. II paraît cependant difficile de croire, si des famines et des dissensions intestines avaient été la cause de leur fuite que les habitants de ces cités ne soient pas revenus après la fin des troubles et n’aient pas reconstruit leurs maisons et leurs temples…

Klengel et Singer ont fait remarquer que le manque d’approvisionnement n’a pas attendu la fin du XIIème siècle av. J.-C. pour se faire sentir en pays hittite, comme il résulte d’un passage de la célèbre lettre de la reine Pudubepa à Ramsès II concernant les chevaux, le petit et le gros bétail constituant une part du douaire de la princesse qui devait l’épouser et qu’elle demandait au pharaon de prendre en charge le plus rapidement possible du fait que, écrivait-elle « je n’ai plus de grains dans mon pays »…

Le Grand Roi, vraisemblablement Tubaliya IV, reprochait à son vassal d’avoir éludé les instructions du roi de Karkemis, Ini-Tesub probablcment, lui intimant l’ordre d’expédier un convoi de grains provenant du pays de Mukis et destiné à Ura. Reconnaissant que son interlocuteur avait été libéré de certaines obligations il l’avertissait que cela ne l’autorisait pas à se soustraire aux ordres : « C’est une question de vie ou de mort »…

La tablette RS34.152, retrouvée dans la « maison d’Urtenu », appartient à la même époque tardive. Un dénommé Eniya (ou Banniya) avait écrit à « son seigneur » (Urtenu ?) pour lui affirmer ceci : « Comme il y a famine dans votre maison, nous allons mourir de faim ! » Il suppliait son maitre de venir en aide à ses serviteurs avant qu’ils ne succombassent aux privations. Toute en négociant la vente d’un cheval, il avait pris sur lui d’envoyer ses hommes et des étrangers au pays de Hatti mais ceux-ci refusaient de « faire une sortie » ( ?).

II est donc certain, à la lecture de ces textes et d’autres, que les problèmes de ravitaillement dont la réalité est assurée par une documentation s’étalant sur un demi-siècle environ, ont joué un rôle important dans les origines et le déroulement de la crise qui a abouti à la ruine d’Ugarit et de l’empire hittite. »

(Fin de la citation de « La fin d’Ugarit et de l’empire Hittite »)

Si la famine frappait Ougarit, l’une des cités les plus prospères peu avant, il n’y a rien d’étonnant que la population se soit révoltée, aussi bien à l’intérieur des cités que venant de l’extérieur pour piller…

Jéricho (Jordanie), Ougarit (Syrie), Cnossos (Crête), Troie (Turquie), les villes mycéniennes et Tyr (Canaan) subissent en même temps des révolutions sociales, notamment au quatorzième siècle avant J.-C.et en 1200 avant J.-C. (vague révolutionnaire qui concerne la Grèce, l’Asie mineure, la Syrie). Effondrement d’âge en bronze est le nom donné par ces historiens qui voient la transition du Défunt âge en bronze au Âge jeune de fer, comme violent, soudain et culturellement disruptif, exprimé par l’effondrement de économies de palais du Égéen et Anatolie, qui ont été remplacés après un hiatus par les cultures d’isolement de village du Période foncée d’âge de l’histoire du Moyen-Orient antique. L’effondrement culturel du Royaumes de Mycenaean, Empire hittite dans Anatolie et La Syrie, et Empire égyptien dans La Syrie et La Palestine, apportant la scission des contacts du commerce de distance et l’éclipse soudaine de l’instruction, produite entre 1206 et 1150 BCE. Dans la première phase de cette période, presque chaque ville entre Troie et Gaza a été violemment détruit, et inoccupé souvent gauche ensuite (par exemple, Hattusas, Mycenae, Ougarit).

Les premières villes du monde antique (comme Jéricho, Ougarit, Tyr et Troie) sont nées avant l’Etat et avant le grand développement économique (agriculture, céramique, métaux) et elles ont chuté par des révolutions sociales.
Les premières villes du monde antique (comme Jéricho, Ougarit, Tyr et Troie) sont nées avant l’Etat et avant le grand développement économique (agriculture, céramique, métaux) et elles ont chuté par des révolutions sociales.
Vers 1200, on note la destruction d’Ougarit, Tyr, Sidon, Troie, Cnossos, Pylos, Mycènes, Hattousa et de tous les centres hittites comme grecques et de toute la région. Disparition du système palatial en Grèce. Des troubles sont notés à Iolkos, Korakou, Mycènes, Tirynthe puis Lefkandi en Eubée et Teikhos Dymaion près de Patras. Effondrement des Puissances maritimes. Disparition du commerce et de l’écriture. Diminution considérable de l’espérance de vie. Effondrement complet de l’empire hittite.
En 1200 av J.-C, c’est la crise économique : le commerce du Delta avec le monde égéen est tari, Pharos est presque ruinée, les ports phéniciens sont dans une situation critique. 1200, c’est aussi la période de la chute de la civilisation minoenne et l’entrée dans une période de troubles marquée notamment par l’écrasement de Troie. En Egypte, une situation plus ou moins anarchique marque la fin de la XIXe dynastie en 1188-1186. À la mort de Ramses 2, la crise dynastique évitée jusque-là ne peut être contenue et la dispute qui s’en suit risque d’entraîner le pays dans une période d’anarchie.
Le pouvoir se morcelle entre Thèbes et la cour restée à Pi-Ramsès et la dynastie s’achève dans le trouble de règnes successifs courts et sans portées réelles, laissant la situation externe se dégrader peu à peu... Il faudra attendre la reprise en main des rênes du pouvoir par l’armée avec l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle famille pour éviter la désagrégation complète de l’empire de plus en plus menacé par les changements inexorables de la politique internationale et des mouvements des populations cherchant à fuir les zones de guerre, poussées par la recherche d’un refuge que l’Égypte symbolise encore. La crise du système sociale et économique méditerranéen est évidente et elle se propage à la région Hittite. Sous Tudhaliya IV, ses fils Arnouwanda III (1220-1200) et son frère Souppilouliouma II (ou Suppiluliuma, 1200-1170), les textes hittites nous indiquent que le pays Hittite doit subir des périodes de grandes famines.

Dans les textes exhumés à Ougarit et à Tell Amarna, on note : paupérisation d’une partie de la population, migrations dues à des dettes trop lourdes, constitution d’un ensemble de populations incontrôlables par les cités États (les habiru), qui constituent une menace pour l’ordre social. Peu de temps avant l’effondrement de l’Empire hittite, les chroniques anatoliennes font état de bouleversements climatiques qui provoquent des famines...

Après il faut poser la question du déclin des deux puissances tutélaires de la région au même moment : Egypte et Grèce (et Crête) Mycénienne. C’est une période qui n’est pas seulement celle d’une grande agitation des peuples mais aussi celle d’une chute de la base même des systèmes sociaux de l’époque, à savoir le grand commerce international. A remarquer : c’est également l’époque de la guerre de Troie et de l’écrasement du régime crétois par une révolution sociale...

Antikforever :

« Niqmaddou III (ou Niqmaddu, 1225 à 1215 ou 1220 à 1215 ou 1199 à 1192) arriva sur le trône. Il n’est connu que par un sceau dynastique scellé, qui rapporte dans un texte qu’il fut le fils d’Ibiranou V et une lettre de Kushmeshusha (ou Kušmešuša ou Kuszmeszusza, v.1210-v.1190), le Roi de Chypre (ou Alasia ou Alašija), qui documente la livraison de cuivre par Niqmaddou III. Hammourabi III (1215 à 1180 ou 1194 à 1188 ou 1191 à 1182) lui succéda. On ne sait pas si les deux dirigeants furent liés. Il fut le dernier Roi d’Ougarit. Ce fut un contemporain du dernier Empereur Hittite Souppilouliouma II (1213-v.1190).

Il écrivit une lettre (RS 18,17) en réponse à un plaidoyer en faveur d’une aide du Roi de Chypre (ou Alasia ou Alašija) qui a été préservée. C’est de cette époque que datent la plupart des sources épigraphiques retrouvées sur le site de Ras-Shamra. Hammourabi III dans son courrier met en lumière la situation désespérée d’Ougarit face aux attaques des Peuples de la mer :

"Mon père, voici les ennemis qui nous ont été expédiés, mes villes (?) ont été brûlées et ils ont fait des mauvaises choses dans mon pays. Est-ce que mon père sait que toutes mes troupes et mes chars (?) sont dans le pays de Hatti et tous mes navires sont dans le pays de Lukka ... Ainsi, mon pays est abandonné à lui-même. Mon père vous le savez, les sept navires de l’ennemi qui sont venu ici nous ont infligés beaucoup de dommages...".

Dans le même temps, les textes Hittites nous indiquent que leur pays du Hatti subit une période de grande famine, accompagnée de forts mouvements de population qui minèrent complètement l’Empire jusqu’a amener sa disparition. Selon les textes Égyptiens, la destruction du Hatti serait due aux Peuples de la mer, qui ravagèrent toute la région, mais il est peu probable que ceux-ci se soient avancés aussi loin à l’intérieur des terres. Il est plus vraisemblablement que ce sont d’autres tribus ennemies qui ont profité de l’affaiblissement de l’Empire pour abattre définitivement les Hittites et leurs vassaux.

Ce qui est sûr c’est qu’Hattousa et les principales villes Hittites furent détruites et ne se relevèrent jamais. Ougarit fit parti de ces nombreux États du Proche-Orient qui furent détruits ou abandonnés au cours de l’effondrement. La ville fut prise, pillée et détruite et plus habitée après. Une tablette cunéiforme trouvée en 1986 montre qu’Ougarit fut détruite après la mort du Pharaon Mérenptah (ou Mineptah, 1213-1203). Il est généralement aussi admis qu’elle était déjà détruite lors de la 8e année du règne de Ramsès III (1184-1153), soit en 1176. Qu’Ougarit fut détruite avant ou après la capitale Hittite Hattousa, généralement donné en 1190, est toujours débattue. La destruction fut suivie par une interruption de règne. »

Ivar Lissner écrit dans « Civilisations mystérieuses » :

« Il y a trente ans, on ignorait tout du peuple des Cananéens. En 1929, l’explorateur français Claude Schaeffer mit à jour, près de Ras Shamra, la vieille ville d’Ougarit. Il mit ainsi en évidence l’une des civilisations les plus intéressantes de l’histoire humaine. (…) C’est seulement il y a trente ans qu’on a réussi à déchiffrer les tablettes d’Ougarit. On a pu ainsi se faire une idée de la vie intellectuelle et spirituelle d’une ville dont on avait perdu la trace pendant plus de 3.000 ans. La bibliothèque de tablettes d’argile d’Ougarit est une des découvertes les plus importantes que l’on ait faite. (…)

« Quoique le palais d’Ougarit ne soit encore que partiellement dégagé, il est dès maintenant possible de dire qu’il se classe parmi les demeures royales les plus grandes et les plus somptueuses jusqu’ici connues dans le Proche-Orient au second millénaire. » (Claude F.A. Schaeffer, « Le palais royal d’Ougarit », Paris, 1955.) Le peuple dont on a ainsi découvert la civilisation il y a trente ans est le peuple des Cananéens. (…) Ce peuple, les grecs l’appelaient plus tard les Phéniciens. C’est à eux qu’appartenaient les villes maritimes puissantes de Tyr et Sidon. Ils étaient les navigateurs les plus hardis de l’Antiquité. (…) Les Phéniciens se firent navigateurs aux environs de 1250 avant J.-C. seulement. Leur renommée est grande comme navigateurs, comme inventeurs de la pourpre, comme commerçants, comme fondateurs de villes, comme dangereuse puissance maritime. Leurs ancêtres sont les Cananéens.

Ce n’est qu’en ces derniers temps qu’on commence à s’intéresser à la civilisation si importante de ce vieux peuple. Depuis 3000 avant J.-C. environ les Cananéens s’étaient établis en Syrie et en Palestine. Ils édifièrent leurs villes sur les ruines des villes anciennes. Ils mirent au point un style de vie et un ordre social qui semblait très raffiné aux yeux des bergers israélites qui arrivèrent plus tard dans ce pays. (…) Les fortifications, les immeubles, les rues, les villes entières des Cananéens entre 3000 et 1200 avant J.-C. étaient de vrais prodiges. Ces populations avaient inventé des canalisations extrêmement pratiques. Elles possédaient des potiers très qualifiés, le premier âge du bronze fut inauguré par elles. (…) Les Cananéens construisirent des forteresses puissantes telles que Meggiddo, Beth-shean, Taanak, Gezer, Beth-shemesh, Hazor. (…) En 1929, l’archéologue français Claude F.A. Schaeffer fit une découverte extrêmement intéressante. Il mit, en effet, à jour sur la côte septentrionale de la Syrie, face à l’île de Chypre, à Ras Shamra, près de la ville moderne de Lattakie, la très vielle cité d’Ougarit. Depuis des millénaires, des hommes y avaient vécu. Leurs traces remontent jusqu’au paléolithique. (…) 6.000 ou 5.000 ans avant J.-C. un lien semble avoir existé entre les habitants de Ras Shamra (de l’âge de pierre) et ceux de Jéricho ce qu’on peut conclure de certaines ressemblances entre les premiers récipients de pierre. (…) Nous abordons une époque dont les vestiges se trouvent à 7,5 mètres environ sous le niveau du sol. On a découvert les tombeaux de cette époque les premiers bracelets, des aiguilles à coudre munies d’un trou, des colliers et d’autres bijoux de bronze ainsi que des vestiges d’Européens venus des Balkans, du Danube, des bords du Rhin, du Caucase. Ils avaient envoyé à Ougarit les produis de leur industrie, puisqu’on a y a trouvé des objets similaires. (…) Il est difficile de savoir ce qui se passe ensuite : une puissance inconnue détruisit les statues égyptiennes qui se trouvaient à Ougarit. (…) Vers le milieu du quatorzième siècle avant J.-C., on trouve à Ougarit des maisons écroulées, des murs lézardés, dont les blocs de pierre s’étaient disloqués, des traces d’incendie. Abimilki, roi de Tyr, annonça au pharaon Aménophis IV la catastrophe : « La ville royale d’Ougarit a été détruite par le feu. La moitié de la ville a été la proie des flammes. L’autre moitié n’existe plus. » On se demande encore à la suite de quels événements du quatorzième siècle avant J.-C. Ougarit, la ville de Cnossos en Crète, Troie et d’autres métropoles ont subi au même moment de vastes destructions. Un tremblement de terre peut-il toucher simultanément tant de centres fort éloignés les uns des autres ? »

La réponse est oui : en cas de tremblement de terre social et politique ! L’auteur reprend :

« Une fois de plus Ougarit se relève de ses cendres. On reconstruit maisons et palais. Une fois de plus, les dames de la ville portent les beaux vêtements de mode égyptienne et surtout mycénienne, car les Crétois comptent parmi les habitants les plus riches et ce sont eux qui déterminent le goût du jour.

Soudain, vers 1200 avant J.-C., la catastrophe finale éclate. (….) La ville est effacée de la carte du monde. Elle disparut avec l’âge du bronze. Les commerçants cessèrent de calculer ; les écrivains déposèrent leur style. Les tablettes en argile furent dispersées à tous les vents par les destructions de cette ville prestigieuse. Les grandes dames arrêtèrent de rire. L’herbe se mit à pousser sur la colline où les fouilles se poursuivent à l’heure actuelle. (…) Schaeffer constata la présence de cinq couches successives en mettant à jour la ville d’Ougarit, sous la colline de Ras-Shamra. Ces couches représentent cinq civilisations de l’humanité, de l’âge de pierre jusqu’à 1100 avant J.-C. environ, date de la disparition d’Ougarit. La cinquième couche est la plus ancienne et se trouve de ce fait tout en bas. La couche supérieure contient les ruines d’une ville qui avait prospéré entre 1500 et 1100 avant J.-C. environ. C’est à ce niveau que Schaeffer découvrit les restes d’une grande bâtisse (…) Ce bâtiment qui ressemble à un palais avait dû être une véritable université de l’art d’écrire. On étudiait dans la ville cananéenne les langues akkadienne, sumérienne, hurrite et surtout l’alphabet proto-phénicien des ancêtres de Phéniciens, l’alphabet des Cananéens. L’art d’écrire, autrement dit l’art d’imprimer des signes dans les tablettes d’argile était à l’époque un art difficile et demandait des études approfondies. (…) Il est très intéressant de se pencher sur la vie d’une ville qui nous a donné l’une des inventions les plus importantes, l’alphabet, avant de périr, il y a 3.000 ans environ. »

Fouilles archéologiques à Ougarit

La date de la chute d’Ougarit

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