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L’actualité du programme de transition

mardi 30 avril 2019, par Robert Paris

Léon Trotsky :

"Il y a deux dangers dans l’élaboration du programme. Le premier est de s’en tenir à des lignes générales abstraites et de répéter les mots d’ordre généraux sans aucune relation avec les syndicats locaux. Ceci est la direction du sectarisme abstrait. L’autre danger est l’opposé, celui de trop adapter aux conditions spécifiques, de relacher la ligne révolutionnaire générale. Je pense qu’aux Etats-Unis le deuxième danger est le plus immédiat. Je me souviens à ce sujet tout particulièrement du cas de l’armement des piquets de grèves, etc. Quelques camarades avaient peur que ce ne soit pas approprié aux ouvriers, etc... (...)

Partout je demande : que devrions-nous faire ? Adapter notre programme à la situation objective ou à la mentalité des ouvriers ? Et je pense que cette question doit être posée à tous les camarades qui disent que notre programme n’est pas adapté à la situation en Amérique. Ce programme est un programme scientifique. Il est basé sur une analyse objective de la situation objective. Il ne peut être compris dans son ensemble par les ouvriers. Il serait très bien que l’avant garde le comprenne dans la prochaine période et qu’alors elle s’adres se aux ouvriers : « Vous devez vous défendre du fascisme » Que voulons-nous dire par situation objective ? Ici nous devons analyser les conditions objectives pour une révolution sociale. Ces conditions sont exposées dans les œuvres de Marx-Engels et demeurent inchangées dans leur essence aujourd’hui. D’abord, disait Marx, aucune société ne disparait avant d’avoir épuisé toutes ses possibilités. Qu’est-ce que cela signifie ? Que nous ne pouvons éliminer une société par une volonté subjective, que nous ne pouvons organiser une insurrection comme le firent les Blanquistes. Que signifient les « possibilités » ? Q’une « société ne peut disparaître » ? Tant que la société est capable de développer les forces productives et d’enrichir la nation elle demeure forte et stable. Ce fut la condition de la société basée sur l’esclavage, sur la féodalité, et de la Société capitaliste. Ici nous arrivons à un point très intéressant que j’ai analysé précédemment dans mon introduction au « Manifeste Communiste ». Marx et Engels attendirent une révolution toute leur vie. Et surtout pendant les années 1848-1850, ils s’attendirent à une révolution sociale Pourquoi ? Ils disaient que le système capitaliste était devenu un frein au développement des forces productives. Etait-ce correct ? Oui et non. C’était juste dans le sens que si les ouvriers avaient été capables de satisfaire aux besoins du 19 ème siècle et de prendre le pouvoir, le développement des forces productives aurait été plus rapide et la nation plus riche. Mais étant donné que les ouvriers n’en étaient pas capables, le système capitaliste demeure avec ses crises, etc. Pourtant la ligne générale était ascendante. La dernière guerre de 1914-1918 fut le résultat de l’étroitesse du marché mondial pour le développement des forces productives et chaque nation tentait d’éliminer toutes les autres nations afin de s’emparer du marché mondial. Elles n’y réussirent pas et maintenant nous voyons que la société capitaliste entre dans une nouvelle phase. Ils furent nombreux à dire que c’était le résultat du fait que la société a épuisé ses possibilités."

L’actualité du programme de transition

Un programme de transition est celui qui s’applique dans une période de transition, celle intermédiaire entre la lutte radicale et la révolution sociale, celle qui est située entre la domination incontestée du pouvoir capitaliste et sa chute, en pleine crise économique, sociale et politique pour les classes possédantes mais quand celles-ci ont encore le pouvoir, la dualité de pouvoir n’ayant pas encore développé ses forces. Voilà pourquoi c’est bel et bien le moment de diffuser et de mettre en oeuvre un tel programme.

Le programme de transition n’est pas encore celui de la révolution prolétarienne mais il n’est plus celui des réformes sociales, ni des revendications purement économiques des syndicats, de la social-démocratie, ni des opportunistes des gauches, des gauches de la gauche et des extrêmes gauches opportunistes, tous ces programmes que la réalité de lutte des classes a dépassé et remisé au placard.

Si l’époque n’est plus aux luttes réformistes, ce n’est pas parce que les prolétaires ne souhaiteraient plus de réformes, qu’ils seraient désireux d’accéder rapidement à une phase où serait mis à l’ordre du jour l’offensive révolutionnaire, pour renverser le pouvoir capitaliste et l’ordre économique et social capitaliste. Cela viendra dans un deuxième temps, dans la période révolutionnaire, mais nous n’en sommes pas encore là et il ne faut pas se tromper sur la signification de la situation. L’insurrection devient d’actualité mais le prolétariat n’est pas encore en situation de devenir révolutionnaire et les classes possédantes pas encore assez bousculées pour déclencher non plus la contre-révolution. C’est une situation intermédiaire et il faut, pour y faire face, un programme de transition, c’est-à-dire un programme qui permette de passer des revendications à la prise du pouvoir, de la lutte à la révolution.

Un programme n’est absolument pas un catalogue destiné à s’adresser aux adversaires, ni de les amadouer, ni de leur faire peur, ni de les faire reculer. Le programme de transition est adressé aux exploités et aux opprimés et destiné à les rendre conscients des tâches de l’heure et des moyens de les réaliser, pour les unir dans ce but et les armer de la volonté de s’organiser et de s’armer socialement, politiquement comme matériellement. Aussi forte objectivement que soit le prolétariat, il ne peut l’être sans la conscience de la situation, des forces des deux camps, de leurs potentialités, de leurs perspectives et des moyens de transformer une situation de crise de la domination capitaliste en révolution prolétarienne, comme de la nécessité de cette dernière.

Le premier point de ce programme est nécessairement celui-ci : la conscience que le système capitaliste a atteint ses limites et que tout le réformisme imaginable ne pourra pas le rendre pérenne, lui redonner dynamisme et efficacité, empêcher qu’il ne bascule dans l’horreur de la contre-révolution à moins que les prolétaire ne profitent de l’occasion pour le renverser.

Certes, on n’en est pas encore à la révolution parce que l’on assiste seulement aux signes avant-coureurs, aux grondements de l’édifice en train de vaciller et que le prolétariat mondial ne va pas se lancer en masse dans la révolution avant que le système ne s’effondre vraiment.

Mais, dans l’intervalle, les classes possédantes ont déjà changé leur fusil d’épaule car, elles, elles savent que tout va mal pour le système mondial et que les temps sont comptés. En somme, le réformisme est mort et la révolution n’est pas encore née, on est dans l’entre-deux et la stratégie du prolétariat, celle qui est concernée dans un programme de transition, en dépend directement.

Cela signifie que les bases de départ du programme de transition sont encore dans la revendication mais que les conclusions n’y sont déjà plus…

Les revendications parlent de salaires, d’emplois, de conditions de travail, de services publiques, d’aides sociales, de licenciements, d’impôts, d’exigences et de nécessités sociales et économiques de toutes sortes, de droits et libertés des exploités et des opprimés, et, pour les réaliser, elles montrent les premiers pas à faire, des pas qui nécessitent clairement de sortir du cadre légal de la société bourgeoise, de cesser de respecter la loi bourgeoise, de ne plus faire confiance à la justice bourgeoise, de ne surtout pas compter sur la police et l’armée bourgeoises, de ne rien attendre des politiciens bourgeois, et surtout de ceux qui se prétendent du côté du peuple, des radicaux, des démagogues populistes et bien entendu aussi des autres, de ne faire aucune confiance aux militaires radicaux non plus, de ne compter que sur l’organisation en masse des opprimés et des exploités et sur aucune autre organisation exigeant de prendre la direction des luttes, et particulièrement sur aucun syndicat, ceux-ci s’étant révélés partout les meilleurs instruments de tromperie des luttes des prolétaires !

Le programme de transition n’est pas un programme d’un syndicat, ni adoptable par des dirigeants syndicaux, pas davantage que par des politiciens ni d’autres leaders bourgeois, même s’ils s’affirment démocrates, proches du peuple, et autres balivernes.

La première base de la conscience des travailleurs, ce sont les nécessités du monde du travail, pour vivre et survivre face à la misère et aux mesures antisociales violentes des classes possédantes.

La première base du programme de transition est différente : ce sont les nécessités des classes possédantes face à l’effondrement de leur système.

Si ce système n’avait pas atteint ses limites, le capitalisme serait en pleine prospérité, à peine éventuellement dans un recul conjoncturel, mais pas devant un abime, devant sa propre mort. Mais toute la question, c’est pourquoi l’effondrement de 2007-2008 démontre que le capitalisme arrive au bout de ses possibilités et qu’est-ce que cela change pour les luttes des opprimés et des exploités, pourquoi cela signifie que l’on ne va pas vers des luttes pacifiques, vers des grèves visant des réformes, mais vers des insurrections et des révolutions… ou des contre-révolutions et des terreurs blanches des classes possédantes contre les exploités.

Léon Trotsky, Programme de Transition, lire ici

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