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Afrique : programme de transition

dimanche 17 mars 2019, par Robert Paris

Programme de transition révolutionnaire pour les exploités et opprimés d’Afrique

La transition, c’est le passage de la situation ordinaire où les pauvres sont silencieux et désorganisés à celle où ils deviennent le véritable pouvoir de la société : cette transition, c’est leur organisation par eux-mêmes et pour eux-mêmes au cours du combat. La transition, ce n’est pas des exploiteurs ni des oppresseurs que l’on doit l’attendre. Inutile d’écouter les bandits et les voleurs nous annoncer leurs programmes pour lutter contre le banditisme et le vol. Inutile d’écouter les candidats dictateurs nous expliquer comment lutter contre le dictateur et le remplacer par un autre. Inutile d’écouter les partisans du pouvoir d’une minorité de riches nous expliquer que les pauvres doivent distinguer entre les bons riches, les démocrates ou les opposants, et les mauvais riches. La transition doit d’abord transformer les travailleurs, les chômeurs, les femmes, les jeunes, les exploités et les opprimés, de manière qu’ils cessent de suivre les classes dirigeantes et qu’il mettent en place l’organisation du monde du travail par lui-même et contre le monde du capital.

1°) Nous, travailleurs des villes et des champs, des mines et des ports, des bureaux et des ateliers, actifs comme chômeurs, en fixe comme précaires, du nord comme du sud, de l’est comme de l’ouest, sédentaires comme nomades, villageois comme citadins, de toutes ethnies, de toutes religions, de toutes origines, de toutes castes, nationaux comme étrangers, hommes et femmes, jeunes et vieux, sommes un même monde du travail que nos ennemis se sont ingéniés à diviser, à opposer, à affaiblir, à tromper. Ils ont prétendu que les exploiteurs nationaux étaient plus proches des nationaux que des étrangers. Ils ont prétendu que les exploiteurs de la même ethnie, de la même religion, de la même région, de la même nationalité allaient nous défendre et tout cela s’est révélé faux.

Le monde du Capital n’est proche que du Capital, ne défend que les intérêts du Capital, ne connaît que la loi du Capital et le monde du Travail ne doit défendre que les intérêts du Travail, faute de quoi il lui arrive tout ce que nous avons connu avant les indépendances et dans la néo-dépendance qui a suivi.

Tout ce qui nous divise ne sert que nos exploiteurs et nos oppresseurs et ce qui nous unit, ce n’est pas la corporation, ce n’est pas l’ethnie, ce n’est pas la religion, ce n’est pas la région, ce n’est pas la nation, ce n’est pas la langue, ce n’est pas la caste, ce n’est pas le sexe, ce n’est pas la tribu, ce n’est pas la race, ce n’est pas la nationalité, ce n’est pas l’âge, ce n’est pas la couleur de peau.

Ce qui nous unit, c’est que nous faisons partie du même monde du travail opposé au monde qui vit de notre exploitation. Nous tous, exploités et opprimés, ne vivons que de notre travail et sommes, du coup, inévitablement les adversaires du monde du capital, qui ne vit que de l’exploitation des travailleurs. Que les exploiteurs soient nationaux ou pas, de notre ethnie ou pas, de notre religion ou pas, de notre tribu ou pas, de notre région ou pas, importe peu. Ce qui importe, c’est où ces gens-là se situent dans la grande lutte entre exploiteurs et exploités. Quiconque refuse de voir ainsi les combats qui seront menés nous entraîne à notre perte, qu’il le fasse consciemment ou pas.

2°) Toutes les sortes de régimes politiques ont été tentés en Afrique dans tous les pays dépendants, puis soi-disant indépendants ou néo-dépendants et le résultat a été exactement le même : une dictature sociale et politique contre les exploités et les opprimés, le vol de toutes les richesses par l’infime minorité des profiteurs et leurs serviteurs au pouvoir sur le dos du peuple travailleur, des massacres sans nombre pour empêcher le peuple travailleur de s’exprimer et de lutter, aucun pouvoir à ceux qui travaillent et tout le pouvoir à ceux qui les exploitent, derrière les fusils des polices et des armées chargés de nous réprimer pour assurer le pouvoir de cette minorité et derrière les dictateurs qui imposent cet ordre inique.

Même quand ces régimes ont été dirigés par des dirigeants soi-disant radicaux, qu’ils soient civils ou militaires, qui se sont dits du côté du peuple, qui se sont même dits révolutionnaires, communistes ou socialistes, syndicalistes, nationalistes, cela n’a rien changé, à part des discours parce qu’aucun n’a réellement voulu que le peuple travailleur s’organise par lui-même, se constitue en une véritable force sociale et politique. Et c’est justement cela qui doit changer. Ce qui importe c’est, au travers des mobilisations et luttes, que nous, travailleurs, soyons organisés, soyons les maîtres de nos choix, apprenions de nos luttes, devenions ainsi capables demain de décider de notre avenir.

3°) Comment distinguer nos faux amis qui sont de vrais ennemis ? Il suffit de leur demander s’ils se battent pour la constitution du peuple travailleur en force organisée, autonome, sous la forme d’assemblées générales souveraines des luttes, élisant des comités de direction de ces luttes, les choisissant en son propre sein, de manière totalement libre, prenant eux-mêmes les décisions des revendications, des modes d’action, des objectifs et des perspectives, sans laisser aucune organisation ni syndicale ni politique ni associative prendre les décisions à leur place. C’est très simple : ceux qui répondent non, quel qu’en soit le prétexte, ne sont pas nos amis ! Ils peuvent dire que nous ne sommes pas encore mûrs pour cela, que le peuple sera manipulé, que leurs organisations sont là pour diriger le peuple et autres balivernes, cela signifie qu’ils se considèrent comme des encadreurs du peuple et nous traitent comme des moutons. Si nous les suivons, sachons que, comme les précédents, ils nous conduiront aux abattoirs…

Oui, en Afrique, toutes les sortes de régimes ont été tentés, toutes les couleurs politiques et sociales ont été affichées, et rien n’a changé. Une seule sorte de régime n’a jamais été tentée : c’est le pouvoir aux travailleurs organisés en assemblées souveraines et en comités, dans les entreprises et les quartiers, comités de salariés et de chômeurs, de travailleurs, de femmes et de jeunes, de petits paysans, de petits commerçants, de petits pêcheurs, de nomades et de petits soldats, comités insurrectionnels prenant toutes les décisions sans dépendre aucunement du monde des exploiteurs et de leurs serviteurs.

Sans ce pouvoir des exploités, aucune démocratie n’est possible. Sans lui, aucun changement social ni politique n’est possible.

Ce régime-là n’est pas un changement politicien, n’est pas un replâtrage ni un changement de façade de la dictature. Il ne change pas à changer la personne du dictateur par une autre. Il ne consiste pas à changer quelques personnes au pouvoir en créant une petite alternance, sans changer du tout les fondements de la société, c’est-à-dire ceux qui profitent, l’infime minorité, et ceux qui souffrent, soit l’immense majorité.
Dans les révoltes et révolutions sociales qui ont marqué l’Afrique, jamais une vague d’organisation n’a marqué la situation de crise. Par exemple, dans les années 1988-1991, l’Afrique a connu des crises et des soulèvements, allant jusqu’au renversement du dictateur Moussa Traore au Mali mais jamais les exploités et les opprimés n’ont mis en place leur propre organisation. Ceux qui se sont organisés, ce sont leurs faux amis et leurs ennemis et ils se sont partagé le pouvoir après la chute du dictateur, faisant en sorte que rien ne change à part quelques noms des bénéficiaires du pouvoir.

Dans leurs concertations nationales, nous, les exploités et opprimés n’étions nullement représentés puisque nous n’étions pas organisés. Il en va de même dans les appareils syndicaux et les partis d’opposition que dans les appareils du pouvoir d’Etat. Aucun d’entre eux ne représente les plus démunis et les plus opprimés ni ne peut les représenter puisque nous devons nous représenter nous-mêmes et décider pour nous-mêmes.

Cela commence par nos luttes, où nous ne devons déléguer à personne notre pouvoir de décider dans la lutte, et c’est jusqu’à la société tout entière où c’est encore nous, travailleurs, chômeurs, pauvres et misérables, femmes et jeunes, qui devons tout décider au lieu de laisser des menteurs professionnels décider à notre place et se dire nos représentants.

L’échec de toutes les tentatives de changement en Afrique s’expliquent par le fait que les leaders politiques et sociaux voulaient pactiser en partie avec les dominants et les possédants alors qu’en fait, on peut ou tout changer ou rien changer. Tous les dirigeants africains ont voulu respecter les forces adverses, admettre les pouvoirs ennemis comme interlocuteurs, respecter les réactionnaires locaux ou internationaux, contourner les bandits de l’économie, les bandits de l’appareil militaire ou les bandits politiciens.

Seul le pouvoir des comités de travailleurs, d’exploités et d’opprimés, contrôlé par eux, choisi et révocable sans cesse par eux, par des comités du peuple travailleur, siégeant en permanence, peut agir autrement et ne pas se faire manipuler par les puissants et les possédants.

4°) Cette nouvelle perspective, celle qu’avaient inauguré les travailleurs français en 1871 dans la Commune de Paris et les travailleurs russes dans la révolution d’Octobre 1917, modifie toute la manière de mener les luttes, qu’elles soient politiques ou sociales et il n’y a pas besoin d’attendre des occasions particulières pour l’appliquer : toute lutte, quelle qu’en soit l’ampleur, est l’occasion pour les travailleurs de s’organiser en comités de travailleurs, de se lier avec d’autres secteurs du monde du travail et des opprimés, avec les chômeurs, avec les jeunes, avec les femmes, avec les paysans, etc…

Cela signifie qu’il ne faut plus accepter que d’autres dirigent les luttes à notre place, les appareils syndicaux, ou les chefs militaires prétendument radicaux, ou encore les politiciens de l’opposition soi-disant du côté du peuple. Personne ne peut nous remplacer, personne ne peut s’organiser à notre place, et quiconque prétend le faire n’est pas un véritable ami ou allié mais un adversaire.

Il faut changer notre manière de lutter si voulons développer une perspective qui soit vraiment celle de nous libérer de l’exploitation et de l’oppression.
5°) Il faut prendre conscience que, si nous ne le faisons pas, non seulement l’oppression et l’exploitation continueront mais c’est bien pire que cela : l’aggravation des horreurs va prendre des proportions phénoménales parce que la domination des classes possédantes est menacée désormais d’effondrement, le système capitaliste mondial étant en voie d’effondrement et n’ayant fait que retarder celui-ci depuis la chute mondiale de 2007-2008.

C’est cet effondrement qui rend indispensable que nous passions désormais à la phase révolutionnaire : celle où les masses pauvres s’organisent par elles-mêmes en vu de prendre le pouvoir et pas en vue d’un arrangement quelconque avec le pouvoir des possédants.

6°) Bien des gens nous ont dit, dans le passé, que cela, c’était la lutte des classes, que c’était le communisme, que c’était le marxisme et que cela ne s’appliquait pas à l’Afrique et que ce qui s’y appliquait c’était l’indépendance, la démocratie, le développement, etc. Mais on a bien vu le résultat de ces mensonges.

On nous a dit que ce qui primait sur la lutte des classes, c’était la lutte pour l’indépendance, ou la lutte pour le multipartisme, ou la lutte pour l’alternance au pouvoir, ou la lutte pour la paix, etc. Mais, sans la lutte des classes sociales, tous ces combats sont voués à l’échec et toutes ces dernières années nous n’avons fait qu’en faire la démonstration puisque nous n’avons ni l’indépendance, ni la démocratie, ni le développement, ni la paix !

On nous a dit que l’Afrique ne connaissait pas la lutte des classes, et pourtant ce que défendent les puissants et les possédants d’Afrique et des autres régions en Afrique, ce sont bien les intérêts du grand capital, intérêts défendus par nos Etats comme par les Etats des puissances occidentales ou par de nouvelles puissances comme la Chine.

Tous nos ennemis sont liés par mille liens au grand capital mondial, c’est-à-dire à moins de un pourcent de la population du monde qui profite sur notre dos comme il profite sur le dos de tous les exploités du monde.

Toutes les luttes passées, politiques comme sociales, limitées comme de grande ampleur, ont été menées par des gens qui souhaitaient parvenir à un accord avec les possédants et les dominants et nous ont imposé leurs arrangements et leurs négociations. La lutte d’avenir n’a pas besoin de telles magouilles dans le dos des opprimés et des exploités, car elle ne vise pas à concilier les intérêts irréconciliables des possédants et des masses pauvres.

7°) Ayons conscience que nous ne ferons pas un seul pas en avant tant que nous ne déciderons pas par nous-mêmes dans nos luttes, par nous-mêmes dans nos grèves, dans nos manifestations, dans la rédaction de nos revendications, de nos mots d’ordre, de nos plateformes, de nos méthodes d’action et de nos perspectives.

Ayons conscience que toute forme de mouvement qui nous divise ne fait que renforcer nos adversaires, en particulier toute action politique ou sociale corporatiste, religieuse, ethnique, raciale, de caste, de langue, de couleur de peau, de régions, de sexe et autres.

A l’inverse, faisons en sorte que toute action des exploités, organisée par les exploités eux-mêmes, entièrement dirigée et décidée par eux, se fondant sur des délégués élus au cours de la lutte et révocables par les assemblées de la lutte et personne d’autre, indépendante du pouvoir et de l’opposition bourgeoise ainsi que des bureaucraties syndicales, vise à accroitre notre unité, notre organisation, notre conscience, l’expression de notre programme d’action et nos perspectives d’avenir. C’est seulement ainsi que nous apprendrons ce qui nous est indispensable pour demain nous gouverner par nous-mêmes.

Soyons conscients qu’il n’y aura pas d’autre avenir que celui que nous organiserons nous-mêmes, en prenant le pouvoir des mains de nos oppresseurs et en l’exerçant au moyen des comités révolutionnaires de travailleurs.

En Afrique, c’est la lutte des classes

La perspective en Afrique, c’est le socialisme révolutionnaire

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