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Ni Dieu Ni Maître ! Les "Gilets jaunes" sont-ils les héritiers des "Capuchons blancs", anarchistes de l’an 1200 ?

dimanche 25 novembre 2018, par Robert Paris

Le premier ministre Edouard Philippe à voulu imiter la « chienlit » de de Gaulle en 68, en lançant aux gilets jaune l’anathème : La France, ce n’est pas l’anarchie !

Or il se trompe ! L’anarchie est bien un des constituant de cette « Identité de la France », si chère aux nationalistes, de Mélenchon à Le Pen, en passant par les rédacteurs des manuels scolaires. Et ceci dès 1200, période que les patriotes préparant idéologiquement la boucherie impérialiste déclenchée en 1914 présentaient comme la naissance de « notre patrie » :

Dans ces manuels scolaires, Bouvines [victoire en 1214 du roi de France Philippe IV contre l’empereur Otton], est présentée avec insistance comme une victoire du peuple sur la féodalité, sur ce régime funeste qui fit se perdre la conscience nationale :« La multitude des seigneuries avait en quelque sorte détruit l’idée de patrie. Cette idée, toutefois, n’avait pas complètement péri, le sang des Français s’échauffa lorsqu’on apprit l’approche d’une armée où dominaient les Allemands » (Histoire élémentaire de la France. G. Ducoudray.1884). Qui donc « frappa de découragement l’ennemi », qui décida de la victoire ? Les milices communales. Que les petits paysans s’en persuadent, eux aussi seront victorieux, s’ils ne se montrent pas seulement obéissants, polis, respectueux, probes, mais aussi courageux, autant que le furent leurs ancêtres : ils délivreront l’Alsace et la Lorraine. Les Frères des écoles chrétiennes emboîtent le pas, en précisant pourtant que la monarchie avait fait les communes, et que celles-ci l’aimaient bien. En tout cas, après Alésia, Bouvines est la seconde manifestation du patriotisme français. « Première victoire nationale », dit le Cours dirigé par E. Lavisse (1894), « toutes les classes de la nation, chevaliers, clergé, milices des communes, avaient pris part aux combats, et pour la première fois, la France entière se réjouit d’un triomphe ». C’est bien en effet d’unité nationale qu’il s’agit.
Autour du peuple, devenu souverain. « La victoire de Bouvines est due au courage des braves bourgeois des communes », affirme sans ambages en 1901 le Cours d’histoire à l’usage de l’enseignement primaire de D. Blanchet et J. Périard.

Georges Duby. Le Dimanche de Bouvines. (Trente journées qui ont fait la France) 1973.

Le XIIIème a donc une place d’honneur dans la généalogie de l’« identité de la France ». Or il mit aussi à l’honneur des bandes anarchistes ! Si monsieur le premier Ministre, la France, c’est aussi l’anarchie :

L’abbé Lebeuf, chanoine et sous chantre de l’église cathédrale d’Auxerre, que ses patientes recherches et son docte langage conduisirent à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nous conte qu’à la fin du XII ème siècle, il se trouva, en France, une secte d’illuminés qui soutenaient que tous les hommes devaient être d’égale condition. Ils s’étaient ligués sous prétexte de charité mutuelle avec de grands serments de s’aider les uns les autres. Pour se reconnaître, ils portaient sur leurs capuchons de toile des figures de plomb de Notre-Dame du Puy-en-Velay. « Ces sortes de gens, dit notre savant auteur, ne portoient aucun respect aux puissances, et ignorant que la servitude est l’effet du péché, ils se disoient être dans l’état de liberté ou le premier homme fut créé. Cette hérésie répandue en France, l’était encore davantage dans le Berri et dans la Bourgogne. Ceux qui la soutenoient étoient principalement dans les terres appartenant à l’évêque d’Auxerre, et ils songeoient pas moins qu’à tirer l’épée, pour s’assurer cette liberté qu’ils vantaient si fort. »

L’évêque Hugues de Noyers qu’on surnomma « le Marteau des Hérétiques » fit l’essai de ses forces sur ceux qui demeuraient à Gy, village situé à deux lieues d’Auxerre. Il y vint avec une troupe de soldats et se mit à la recherche des Caputiés—c’était le nom qu’on donnait à ces audacieux paysans à cause de leurs capuchons ou chaperons qui leur servaient de signe de ralliement. Il en extermina un certain nombre, arrêta les survivants, les condamna à une amende, fit couper leurs capuchons et leur ordonna de passer une année entière tête nue.

Les historiens ne se sont pas davantage étendus sur le drame de Gy. C’est dommage. On eût aimé connaître avec plus de précisions le combat de ces révoltés de l’an 1200, qui osaient braver l’ordre établi, revendiquer l’égalité de tous les hommes et une liberté totale, s’unir dans la lutte contre les pouvoirs constitués.

Ce que nous savons de leur doctrine subversive—car il s’agissait déjà d’une doctrine sommaire certes, mais contenant un certain nombre d’idées-forces qu’Hugues de Noyers ne parvint pas à extirper, malgré la rigueurs de sa répression—se rapproche de façon curieuse des théories que sept siècles plus tard , à la lumière de plusieurs révolutions, élaborèrent les réformateurs qui définirent la société idéale « celle où les citoyens seraient assez éclairés, assez pénétrés de sentiments de fraternité et d’égalité pour vivre en parfait accord, sans règlementation, sans législation, sans police, sans Gouvernement. »

L’hérésie des Egaux à capuchon blanc qui se développa à quelques heures de marche de Vézelay, peu de temps après que Saint Bernard y eût préché la II-ème Croisade, si on devait, aujourd’hui, lui donner un nom, on l’appellerait : Anarchie.

Le même mot s’appliquerait aux trois révoltes de pastoureaux qui se déroulèrent un peu plus tard.

En 1214, l’année de Bouvines, des paysans armés de fourches et de faux, proclamèrent le règne de l’égalité universelle. Quelques charges de chevaliers bardés de fer vinrent à bout de ces pauvres gens. Toutefois, l’esprit qui les animait survécut puisque en 1250, sous la conduite du mystérieux moine Jacob, surnommé le « maître de Hongrie », un nouveau soulèvement se produisit qui rassembla—dit-on—jusqu’à cent milles hommes. « Les humbles et les pauvres sont les seuls amis du Christ », avait annocé Jacob. Il traversa la France du Nord au Sud, ordonna le pillage des châteaux et des monastères, passa par Paris et finit par se faire battre près de Bordeaux. Au siècle suivant, en 1320, une troisième randonnée de pastoureaux se termina par le grand massacre d’Aigues-Mortes. Elle annonçait la Jacquerie de Guillaume Charlet qui, pendant deux ans, fut maîtresse d’une partie du pays.

Ces poussées virulentes,—on pourrait en relever d’autres dans l’histoire du moyen-âge—sans doute, eurent-elles, presque toujours la misère pour cause profonde. Mais la soudaineté des éruptions et leur violence, l’universalité des principes idéologiques qui les accompagnèrent et les justifièrent, la tactique qu’elles engendrèrent—les révoltés cherchaient moins à s’approprier des biens qu’à détruire le mal en supprimant ses symboles et les institutions qui le perpétuaient—montrent la permanence, sur notre sol, du ferment libertaire. A
cette époque, déjà, l’anarchie constituait un des traits du tempérament national.

Sous les plis du drapeau noir. Le drame de l’anarchie R. Manevy et P. Diole.

E. Philippe n’est donc que l’auteur d’une « fake news » car si, la France, et c’est tout à son honneur, c’est aussi l’Anarchie.

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