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« Lénine philosophe », ou comment Pannekoek critique Lénine

lundi 9 juillet 2018, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

« Lénine philosophe », ou comment Pannekoek critique Lénine

Lire ici « Lénine philosophe » de Pannekoek

Lire ici l’ouvrage de Lénine dont Pannekoek se fait le critique acerbe et même malhonnête

La « philosophie » de Pannekoek en question ici consiste à jeter le bébé avec l’eau sale de la baignoire, à jeter Lénine avec Staline. La bourgeoisie avait déjà bien pavé cette voie…

En 1938, dans son « Lénine philosophe », Pannekoek écrit en effet :

« Le Parti communiste, bien qu’il puisse perdre du terrain chez les ouvriers, tente de former avec les socialistes et les intellectuels un front uni, prêt, à la première crise importante du capitalisme, à prendre le pouvoir sur les ouvriers et contre eux. Le léninisme et son manuel philosophique servira alors, sous le nom de marxisme, à intimider les ouvriers et à s’imposer aux intellectuels, comme un système de pensée capable d’écraser les puissances spirituelles réactionnaires. Ainsi la classe ouvrière en lutte, s’appuyant sur le marxisme, trouvera sur son chemin cet obstacle : la philosophie léniniste, théorie d’une classe qui cherche à perpétuer l’esclavage et l’exploitation des ouvriers. »

Il est clair dans ce texte que Pannekoek y dresse un signe égal entre la philosophie léniniste et l’idéologie stalinienne !!! Et ce n’est pas qu’une erreur philosophique mais une erreur politique majeure !!!

Pour démontrer que la philosophie de Lénine n’est pas marxiste et que cela explique le stalinisme (une belle ineptie alors même que le stalinisme se prétend le successeur du léninisme et que la bourgeoisie mondiale le soutient !!!), Pannekoek va s’appuyer sur les propositions physico-philosophiques des physiciens Mach et Avenarius, les deux grands ennemis de l’atomisme et du matérialisme (ils lui préfèrent l’empirisme des sensations humaines), et sur… la philosophie de Dietzgen, que Marx et Engels estimaient sympathique mais laborieuse !!!

« La lutte, qui aboutit à la Révolution de 1848, dut d’abord être menée au niveau théorique, par le développement d’idées nouvelles et par une critique des conceptions dominantes », nous dit Pannekoek et il dresse une évolution des idées qui part de Hegel pour parvenir à Marx, en passant par Feuerbach. Mais nous ne soutiendrons pas l’idée que la révolution de 1848 a eu énormément besoin de Hegel et de Marx… Parce que c’est un point de vue idéaliste.

La révolution de 1848 est d’abord le produit du développement du capitalisme, ensuite le développement d’une situation sociale et politique en Europe où la révolution française a d’abord conquis toute l’Europe, avec les armées de la révolution puis celles de Napoléon, pour finir par l’échec qui ramène à l’ordre antérieur sans être capable d’y ramener tout à fait, en semant les germes de la révolution, et aussi ceux du nationalisme bourgeois.

Ensuite Pannekoek en vient aux relations de la science et du matérialisme dialectique. Les scientifiques ignorent cette science de Marx. Pannekoek le commente ainsi :

« Les sciences de la nature mêmes n’en souffrent pas trop. Elles surmontent leurs difficultés et leurs contradictions dans la pratique en révisant sans cesse leur formulation, en s’intéressant à des détails de plus en plus fins, en améliorant, grâce aux formules mathématiques, les distinctions qualitatives, en étendant et en corrigeant ces formules, amenant ainsi l’image de plus en plus près de l’original, c’est-à-dire du monde des phénomènes. L’absence de la dialectique ne se fait sentir que le jour où le savant passe de son domaine spécialisé de la connaissance à des considérations philosophiques générales, comme par exemple dans le cas du matérialisme bourgeois. »

N’en souffrent pas trop… Voire. Ce n’est nullement ce que disent les scientifiques les plus avisés comme Gould, Bak ou Cohen-Tannoudji.

Pannekoek en vient ensuite à un grand éloge de Dietzgen :

« Dietzgen était un artisan tanneur qui vécut en Rhénanie puis émigra aux États-Unis où il participa au mouvement ouvrier. C’était un autodidacte socialiste qui devint écrivain et philosophe. II se considérait comme un disciple de Marx dans les domaines sociaux et économiques, et il assimila parfaitement la théorie de la valeur et du capital. En philosophie, c’était un penseur original qui développa les conséquences philosophiques de cette nouvelle conception du monde. Tout en le qualifiant de philosophe du prolétariat Marx et Engels n’approuvaient pas tout ce qu’il écrivait, ils lui reprochaient ses répétitions, le trouvaient souvent confus, et on peut même se demander s’ils ont vraiment compris la nature de son argumentation, qui était bien éloignée de leur propre mode de pensée. Marx pour présenter la vérité nouvelle de ses conceptions les exprime sous forme d’affirmations précises, et d’arguments nets et logiques, Dietzgen au contraire estime que son rôle principal est de stimuler le lecteur pour qu’il réfléchisse par lui-même sur le problème de la pensée. C’est dans ce but qu’il répète ses arguments sous des formes différentes, expose le contraire de ce qu’il affirmait auparavant, et assigne à chaque vérité les limites de sa validité, craignant par dessus tout que le lecteur n’accepte une affirmation quelconque comme un dogme. S’il lui arrive parfois d’être confus, surtout dans ses derniers textes on trouve, en particulier dans l’Essence du Travail cérébral de l’Homme (1869), le premier de ses ouvrages, comme dans Incursions d’un Socialiste dans le Domaine de l’Epistémologie (1877) et d’autres petites brochures, des exposés clairs et lumineux sur la nature du processus de la pensée, lesquels confèrent à ces œuvres un intérêt exceptionnel et en font une partie intégrante voire essentielle du marxisme. La première grande question de la théorie de la connaissance est l’origine des idées. Marx et Engels démontrèrent qu’elles sont produites par le milieu extérieur. La deuxième question, qui lui est reliée, porte sur la transformation en idées des impressions fournies par ce milieu. C’est Dietzgen qui y a répondu. Marx montra que les réalités sociales et économiques déterminent la pensée. Dietzgen a explicité la relation entre la pensée et la réalité. Ou pour reprendre une phrase d’Herman Gorter :
« Marx a montré comment la matière sociale forme l’esprit, Dietzgen nous montre ce que l’esprit lui-même fait. »
Dietzgen part des expériences de la vie quotidienne et plus particulièrement de la pratique des sciences de la nature.
« Systématiser, telle est l’essence, l’expression générale de l’activité scientifique. La science ne vise à rien d’autre que de mettre en ordre et classer dans notre cerveau les objets du monde extérieur. »

Puis Pannekoek donne son avis sur ce qu’il estime l’erreur de l’éther… Manque de chance : l’éther, devenu vide quantique, va se révéler une idée tout à fait valable.

Voici ce que dit Pannekoek :

« Comment se fait-il alors que les physiciens aient pu parler de l’éther et de ces ondes comme d’une réalité ? Tout d’abord en tant que modèle obtenu par analogie. Nous savons d’expérience que des ondes se propagent dans l’eau et dans l’air. Si nous admettons qu’il existe une substance extrêmement fine, l’éther, qui remplit l’espace et dans laquelle se propagent des ondes, nous pourrons y transposer un certain nombre de phénomènes ondulatoires bien connus dans l’air et dans l’eau et constater par la suite que les hypothèses faites se trouvent confirmées. Cette analogie a eu pour effet d’élargir notre monde réel. Par nos « yeux spirituels », nous voyons de nouvelles substances, de nouvelles particules se déplacer, invisibles, car trop petites pour être vues aux meilleurs microscopes, mais concevables d’après le modèle que nous fournissent les substances et les particules macroscopiques plus volumineuses que nous pouvons voir directement.
Mais en voulant considérer l’éther comme une réalité nouvelle invisible les physiciens se sont heurtés à de grandes difficultés. L’analogie n’était pas parfaite. Il fallait attribuer à cet éther remplissant tout l’espace des propriétés bien différentes de celles de l’eau ou de l’air. Bien qu’on le considérât comme une substance, il différait tellement de toutes les substances connues qu’un physicien anglais le compara un jour à la poix. Quand on découvrit plus tard que les ondes lumineuses sont des vibrations électromagnétiques, il fallut attribuer à l’éther la propriété de transmettre tous les phénomènes électriques et magnétiques. Pour que l’éther puisse remplir ce rôle on dut imaginer une structure compliquée, un système de mécanismes combinant des mouvements, des tensions et des rotations, qui pouvait bien servir de modèle grossier mais que personne ne pouvait admettre comme étant la vraie nature de ce fluide le plus impalpable de tous, censé remplir l’espace entre les atomes. Les choses s’aggravèrent quand, au début du XX° siècle, l’existence même d’un éther fut remise en cause par la théorie de la relativité. Les physiciens s’habituèrent à un espace vide auquel toutefois ils attribuaient certaines propriétés traduites en formules et équations mathématiques. Avec ces formules on a pu calculer l’évolution des phénomènes ; les symboles mathématiques étaient tout ce qui restait de l’éther. Les modèles et les images ne sont qu’accessoires et la vérité d’une théorie n’est rien d’autre que l’exactitude des formules mathématiques.
La situation empira encore lorsqu’on découvrit des phénomènes explicables seulement en supposant la lumière formée d’un courant de particules discrètes (bien séparées), les quanta, se déplaçant à grande vitesse à travers l’espace. L’ancienne théorie ondulatoire restait pourtant valable et selon les besoins il fallait recourir soit aux ondes, soit aux quanta. Les deux théories étaient en contradiction manifeste, mais elles étaient toutes deux exactes, c’est-à-dire vraies dans les limites de leur champ d’application. Ce n’est qu’à ce stade que les physiciens commencèrent enfin à soupçonner que les entités physiques qu’ils considéraient autrefois comme étant la réalité se cachant derrière les phénomènes, n’étaient en fait que des images, ce que nous appelons des concepts abstraits, des modèles construits pour obtenir plus facilement une vue d’ensemble des phénomènes. Quand, un demi-siècle avant ces découvertes, Dietzgen publiait les remarques critiques qu’il déduisait simplement du matérialisme historique, il n’y avait pas un physicien pour douter de la réalité de l’éther et de son rôle dans la propagation des vibrations lumineuses. Mais la voix de l’artisan socialiste ne pénétra pas dans les amphithéâtres des universités. Aujourd’hui ce sont justement les physiciens qui affirment ne manier que des modèles et des images, qui discutent sans cesse des bases philosophiques de leur science et font remarquer que le seul but de la science en général est de découvrir des relations et des formules permettant de prévoir, à partir d’expériences connues, des phénomènes inconnus. »

Nous ne le reprochons absolument pas à Pannekoek ni à Dietzgen mais la suite de la physique quantique allait révéler qu’ils avaient tort !!!

Le lecteur aura l’occasion de s’en convaincre en lisant des articles sur le vide quantique

Il s’avère que l’éther matériel existe bel et bien, qu’il s’agit d’une matière éphémère car elle change sans cesse et est fondée sur des discontinuités fondamentales. La « vraie » matière est ce que l’on appelait le « virtuel » et la matière à notre échelle, y compris la particule dite élémentaire, est le véritable virtuel…

Donc il y a bien une base de tous les champs de la physique : c’est le vide quantique !

Cependant, Pannekoek développe des arguments faux les uns à la suite des autres :

« Les ondes ne sont pas des ondes de matière ; ce qui bouge ne peut même pas être qualifié de substance. »

Là, Pannekoek ne fait que reprendre les discours des plus antimatérialistes des physiciens de l’école de Copenhague : « les électrons sont des ondes de probabilité. » !!!

Il rajoute :

« Aujourd’hui la physique se heurte à des contradictions insolubles tant qu’on s’efforce de conserver rigidement sous forme d’entités bien délimitées ces concepts fondamentaux qui ont nom : matière, masse, énergie. La contradiction disparaît dès qu’on les considère pour ce qu’ils sont vraiment : des abstractions servant à représenter le monde des phénomènes qui s’élargit constamment. »

Drôle de marxiste qui craint que le monde subisse des contradictions… dialectiques !!! Et qui se rabat sur l’abstraction pour… supprimer la contradiction de la réalité observée !!!

Pannekoek en vient à soutenir Mach contre le matérialisme :

« Mach exprimait ainsi son opposition à la physique traditionnelle de son époque :
« Ce ne sont pas les corps qui produisent les sensations, mais les complexes d’éléments (complexes de sensations) qui forment les corps. Et si le physicien considère que les corps sont une réalité permanente et ses « éléments » une apparence passagère et éphémère, c’est qu’il ne se rend pas compte que tous les corps ne sont que les symboles mentaux de complexes d’éléments (complexes de sensations). » (Analyse der Empfindungen (Analyse des sensations), p. 23).

« La nature se compose d’éléments fournis par les sens. L’homme primitif saisit d’abord parmi eux certains complexes de ces éléments qui se reproduisent avec une certaine constance et qui sont pour lui les plus importants. Les premiers mots, les plus anciens sont des noms de « chose ». Mais ici on fait abstraction de l’environnement, des petites modifications que ces complexes subissent sans cesse et qui, parce que moins importantes, ne sont pas retenues. Il n’existe pas dans la nature de chose invariable. La chose est une abstraction, le nom est un symbole d’un complexe d’éléments dont nous négligeons les changements. Et si nous désignons le complexe dans son ensemble par un seul mot, par un seul symbole cela vient de ce que nous éprouvons le besoin d’éveiller d’un seul coup toutes les impressions qui se rattachent à ce complexe (...) Les sensations ne sont pas des « symboles des choses ». Au contraire, la « chose » est plutôt un symbole mental pour un complexe de sensations d’une stabilité relative. Ce ne sont pas les choses ou les corps, mais les couleurs, les sons, la pression, l’espace, le temps (ce que nous appelons ordinairement les sensations) qui sont les véritables éléments du monde. Le processus tout entier a un sens d’économie. En décrivant les faits nous commençons par les complexes les plus stables, les plus habituels et les plus courants, et par la suite nous ajoutons ce qui est inhabituel comme correction. » (Die Mechanik in ihrer Entwicklung (Le développement de la mécanique), 1883, p. 454).
Dans l’ouvrage que nous venons de citer et où il traite du développement historique des principes de la mécanique, Mach est très proche de la méthode du matérialisme historique. »

Proche du matérialisme historique, un Mach qui dit qu’il n’existe que des sensations, donc pas de matière existant de manière objective, indépendamment de l’homme-observateur, et qui soutient ainsi le positivisme antimatérialiste !!!

Ce positivisme s’exprimait ainsi :

« Nous devons limiter notre science physique à l’expression des faits observables, sans construire d’hypothèses derrière ces faits, où plus rien n’existe qui puisse être conçu ou prouvé. »

Pour Mach, la réalité de la matière n’est pas prouvée. Le scientifique, pour lui, n’a pas besoin du matérialisme !!!!

Le physicien Ernst Planck écrivait dans « Initiation à la physique » :

« Ma réponse va à l’encontre de certains courants d’opinion philosophiques auxquels l’autorité d’Ernst Mach a donné beaucoup de prestige, précisément dans les milieux scientifiques. Suivant cette opinion, il n’existe pas d’autre réalité que nos propres sensations (...). Maintenant nous avons encore à nous demander pourquoi la théorie de la connaissance de Mach a obtenu tant de succès dans le monde scientifique. Si je ne m’abuse, c’est parce qu’elle est au fond une sorte de réaction consécutive à la déception des vastes espérances conçues par la génération qui nous a précédés après la découverte du principe de la conservation de l’énergie. (...). Le positivisme de Mach n’est que le contre coup sur la philosophie de la désillusion qui devait nécessairement succéder à la période d’enthousiasme. »

Kant, le premier physicien quantique critique le positivisme, de Mach et de certains physiciens quantiques

Pour Pannekoek, la relativité et la physique quantique donnent raison à Mach :

« Ce n’est qu’au XX° siècle lorsque la théorie atomique et celle de l’électron eurent pris un essor remarquable et que la théorie de la relativité eut fait son apparition que de graves contradictions internes se firent jour dans la physique. Les principes de Mach se révélèrent alors les meilleurs guides pour vaincre ces difficultés. »

Einstein, fondateur de la théorie de la relativité, n’en est nullement convaincu !!!

Lettre d’Einstein à Schrödinger :
Le 9 août 1939

« Reste le mystique interdisant en général tout questionnement (En matière de mystique, il s’agit de Mach, de Bohr et Heisenberg et des positivistes quantiques évidemment – note M et R) sur quoi que ce soit qui existerait indépendamment de l’observateur (c’est-à-dire la question de savoir si, à un instant donné avant l’observation, le chat est vivant ou mort), sous prétexte que cela ne serait pas scientifique. »

Albert Einstein écrivait contre le positivisme, dans l’article « L’opportunisme du savant » :

« La relation réciproque de la théorie de la connaissance et de la science est d’un genre remarquable : elles dépendent l’une de l’autre. La théorie de la connaissance sans contact avec la science n’est qu’un schéma vide. La science sans théorie de la connaissance – pour autant qu’elle est concevable – est primitive et confuse ; mais, dès que le théoricien de la connaissance, dans sa recherche d’un système clair, y est parvenu, il est enclin à interpréter le contenu de pensée de la connaissance dans le sens de son système et à écarter tout ce qui n’y est pas conforme. (...) Il apparaît comme un réaliste dans la mesure où il cherche à se représenter un monde indépendant des actes de perception ; comme un idéaliste dans la mesure où il considère les concepts et les théories comme des libres inventions de l’esprit humain (non dérivables logiquement du donné empirique) ; comme positiviste dans la mesure où il considère ses concepts et théories comme fondés seulement pour autant qu’ils procurent une représentation logique des relations et expériences sensorielles. »

Einstein écrivait ainsi à Karl Popper une lettre le 11 septembre 1935 sur le « Statut théorique de la mécanique quantique » dans laquelle il affirmait :

« Je n’aime pas du tout cette tendance à la mode qui consiste à coller de façon « positiviste » aux données observables. (…) je pense que la théorie ne peut pas être fabriquée à partir des résultats de l’observation, qu’au contraire elle ne peut être qu’inventée. »

Lettre d’Einstein à Max Born 18 mars 1948 :

« J’adorerais déchirer ta philosophie positiviste moi-même, mais il y a peu de chances que cela se produise durant nos vies. »

« A la source de ma conception, il y a une thèse que rejettent la plupart des physiciens actuels (école de Copenhague) et qui s’énonce ainsi : il y a quelque chose comme l’état "réel" du système, quelque chose qui existe objectivement, indépendamment de toute observation ou mesure, et que l’on peut décrire, en principe, avec des procédés d’expression de la physique. » écrit Einstein, dans "Remarques préliminaires sur les concepts fondamentaux".

Einstein est ainsi bien plus matérialiste que Mach et Pannekoek !!!

Lénine, lui, écrivait :

« L’idée fondamentale de cette école de physique nouvelle, c’est la négation de la réalité objective qui nous est donnée dans la sensation et que reflètent nos théories, ou bien le doute sur l’existence de cette réalité. Cette école s’écarte sur ce point du matérialisme (improprement appelé réalisme, néo mécanisme, hylocinétique et que les physiciens mêmes n’ont pas développé de façon plus ou moins consciente), qui de l’aveu général prévaut parmi les physiciens ; elle s’en écarte comme école de l’idéalisme « physique ». »

Examinons ici : Lénine avait-il raison, dans « Matérialisme et Empiriocriticisme » contre le positivisme de Mach, Ostwald et Avenarius ?

Lénine écrivait :

« Nous devons, en passant à J. Dietzgen, noter avant tout une des innombrables façons de déformer le problème, familières à nos disciples de Mach. Un des auteurs des Essais « sur » la philosophie marxiste, M. Hellfond, nous déclare : « Les points fondamentaux de la conception de Dietzgen peuvent être résumés comme suit » : « ... 9. Les rapports de causalité que nous attribuons aux choses n’y sont pas contenus en réalité » (p. 248). C’est une absurdité d’un bout à l’autre. M. Hellfond, dont les idées propres représentent une véritable salade de matérialisme et d’agnosticisme, a faussé terriblement la pensée de J. Dietzgen. Certes, on peut relever chez J. Dietzgen nombre de confusions, d’inexactitudes et d’erreurs de nature à réjouir les disciples de Mach, et qui contraignent tout matérialiste à voir en Dietzgen un philosophe pas tout à fait conséquent. Mais seuls les Hellfond, seuls les disciples russes de Mach sont capables d’attribuer au matérialiste Dietzgen la négation pure et simple de la conception matérialiste de la causalité.
« La connaissance scientifique objective, écrit Dietzgen dans l’Essence du travail cérébral (édition allemande, 1903), recherche les causes non dans la foi ou dans la spéculation, mais dans l’expérience, dans l’induction, non a priori, mais a posteriori. Les sciences de la nature recherchent les causes non en dehors des phénomènes, ni derrière les phénomènes, mais en eux ou par eux » (pp. 94 95), « Les causes sont des produits de la faculté de penser. Mais ce ne sont pas des produits purs : elles sont nées de l’union cette faculté avec les matériaux fournis par la sensibilité. Les matériaux fournis par la sensibilité donnent à la cause ainsi engendrée une existence objective. De même que nous exigeons de la vérité qu’elle soit celle d’un phénomène objectif, de même nous exigeons de la cause qu’elle soit réelle, qu’elle soit la cause de l’effet objectivement donné » (pp (p 98 99). « La cause d’une chose est sa liaison » (p. 100).
Il s’ensuit que l’affirmation de M. Hellfond est absolument contraire à la réalité. La conception matérialiste monde, exposée par J. Dietzgen, admet que les « rapports de causalité » sont contenus « dans les choses mêmes ». Hellfond a dû, pour confectionner sa salade machiste, confondre dans la question de la causalité les tendances matérialiste et idéaliste. »

Y a-t-il une objectivité de la matière ?

Pannekoek conclue cette discussion :

« La thèse de Mach selon laquelle le monde se compose de nos sensations contient cette vérité fondamentale que nous ne connaissons le monde qu’à travers nos sensations. Elles sont le seul matériau avec lequel nous pouvons construire notre monde. C’est dans ce sens que le monde, y compris le « moi », se « compose » uniquement de sensations. Mais pour Mach cette thèse contient quelque chose de plus et il met l’accent sur le caractère subjectif des sensations, révélant ainsi la même tendance idéologique bourgeoise que nous retrouvons dans les autres philosophies de la même époque. Cette tendance est encore plus manifeste quand il remarque que ses conceptions sont en mesure de faire disparaître le dualisme, cet éternel antagonisme philosophique entre les deux mondes de la matière et de l’esprit. Selon Mach le monde physique et le monde psychique se composent des mêmes éléments, mais combinés différemment. La sensation de « vert » que j’éprouve en voyant une feuille, reliée avec toutes les sensations que moi ou d’autres avons pu éprouver face à des feuilles, est un élément de la feuille « matérielle » ; cette même sensation liée cette fois à ma rétine, mon corps et mes souvenirs devient un élément de mon moi, et, jointe à d’autres impressions que j’ai eues auparavant, un élément de mon esprit. »

Mais est-il exact que l’empirisme de Mach ait triomphé en physique ?

Pire encore, Pannekoek en vient à dissocier Mach et Avenarius et à faire la publicité des thèses de l’empiriocriticisme d’Avenarius. Pourtant, l’empiriocriticisme se présente ouvertement comme ennemi du matérialisme !!! Tout est bon pour noyer « le philosophe Lénine » !!!

Et il conclue :

« C’est avec un grand soulagement qu’il accueille la démonstration de Descartes : « Je pense, donc je suis. »

Voilà pourquoi nous ne le suivrons pas dans son soulagement ! La thèse de Descartes est dualiste !!!

Pannekoek ne peut tout de même pas s’appuyer sur un dualiste pour développer les erreurs du bon Lénine !!! Le matérialisme, rappelons-le, est un monisme et non un dualisme !!!

Alors, Pannekoek nous explique que Avenarius serait un matérialiste… bourgeois !!! Belle invention !

Voyons maintenant ce que dit Pannekoek de Lénine

Là, il fait mine de revenir en arrière :

« Lénine, bien sûr, avait parfaitement raison de s’y opposer. La théorie marxiste ne peut rien tirer d’important des idées de Mach. Dans la mesure où les socialistes ont besoin d’une connaissance plus approfondie de la pensée humaine, ils peuvent la trouver dans l’œuvre de Dietzgen. L’œuvre de Mach était importante parce qu’il déduisait de la pratique des sciences de la nature, des idées analogues à celles de Dietzgen et qui étaient utiles aux savants pour leurs travaux. Il est d’accord avec Dietzgen lorsqu’il ramène le monde à l’expérience, mais il s’arrête à mi-chemin, et, imprégné des courants anti-matérialistes de sa classe sociale et de son époque, il donne à ses conceptions une forme vaguement idéaliste. Ceci ne peut en aucune manière se greffer sur le marxisme et bien plus, c’est justement ici que la critique marxiste devient nécessaire. »

Tout cela pour nous dire finalement que « la theorie marxiste ne peut rien tirer d’important des idées de Mach » !!!

Mais si ! Elle peut en tirer quelque chose de très important : ne pas suivre des philosophes ou scientifiques qui lui proposent le dualisme, l’anthropocentrisme, l’empirisme et le positivisme !!! C’est là que la critique marxiste se serait révélée nécessaire… pour Pannekoek !

Pannekoek reprend. Il fallait bien critiquer Mach, mais pas comme Lénine, ouf !

« Cependant Lénine, lorsqu’il attaque les conceptions de Mach, commence par présenter cette opposition d’une façon inexacte. Partant d’une citation d’Engels, il dit :
« Or, il ne s’agit pas pour l’instant de telle ou telle définition du matérialisme, mais de l’antinomie entre matérialisme et idéalisme, de la différence entre les deux voies fondamentales de la philosophie. Faut-il aller des choses à la sensation et à la pensée ? Ou bien de la pensée et de la sensation aux choses ? Engels s’en tient à la première voie, celle du matérialisme. Mach s’en tient à la seconde, celle de l’idéalisme. » (Matérialisme et empiriocriticisme, Editions sociales, 1962, p. 140)
Il est clair que ce n’est pas là l’expression véritable de l’antithèse. »

Il n’est pas clair déjà que Pannekoek soit l’antithèse de Mach !!! Par contre, il est clair qu’il souhaite être l’antithèse de Lénine…

« Ici apparaît clairement la méthode suivie par Lénine dans sa controverse. II essaie d’imputer à Mach des conceptions que celui-ci n’a jamais eues. »nous dit Pannekoek…

Il paraît, selon Pannekoek, que Lénine attribue à tort à Mach et Avenarius de tomber dans le solipsisme (thèse selon laquelle l’existence du monde en dehors de soi-même n’est pas assurée). Pannekoek ignore sans doute que le positivisme affirme que l’on ne peut rien affirmer sur le monde en dehors de nos sensations qui sont purement personnel. Donc la seule conclusion possible de ces thèses est : le monde existe puisque j’existe mais rien ne prouve que le monde existe de la même manière pour l’autre que moi. C’est une version du solipsisme.

Pannekoek, lui, affirme :

« Or, s’il y a quelque chose qu’on peut affirmer sans aucun doute possible à propos de Mach et d’Avenarius, c’est bien que leur doctrine n’a rien à voir avec le solipsisme… »

Belle défense de Mach et Avenarius dont Pannekoek disait pourtant qu’il n’y avait rien d’intéressant à en tirer pour le marxisme !!!

Pour Pannekoek, « Lénine sait très bien que Mach parle de la réalité objective du monde ».

Mais Pannekoek « oublie » que l’objectivité pour Mach réside dans nos sensations d’être humain individuel !!!

« Lénine n’aurait-il pas mieux fait d’essayer de comprendre le sens que Mach donne à l’affirmation que les objets se composent de sensations ? »déclare Pannekoek qui ne semble pas comprendre décidément que l’affirmation positiviste est hostile au matérialisme.

C’est visiblement Pannekoek qui a du mal à comprendre ce que dit l’affirmation selon laquelle les objets se composent de sensations : elle nie la réalité objective de la matière puisqu’elle la rend dépendante des sensations humaines !!!

Comme disait Einstein, combattant le positivisme antimatérialiste, « je suis persuadé que la lune existe même si je ne la regarde pas ».

Pannekoek continue à défendre Mach contre Lénine :

« Voici ce que Mach affirme en réalité : chaque élément, bien que décrit par de nombreux mots, est une unité inséparable, qui peut faire partie d’un complexe que nous appelons physique, mais qui, combiné à d’autres éléments différents, peut former un complexe que nous appelons psychique. »

Eh, eh ! La réalité dépend d’éléments psychiques !!!

« Mach ne sépare à aucun moment les éléments en éléments physiques et éléments psychiques, pas plus qu’il ne distingue dans ces mêmes éléments une partie physique et une partie psychique ; le même élément sera physique dans un certain contexte et psychique dans un autre. » nous dit encore Pannekoek !!!

Et il se dit matérialiste, et même marxiste, voyez-vous !!!

Mais il ne faut pas seulement défendre Mach : aussi Avenarius, vous savez la science bourgeoise, comme disait Pannekoek plus haut !

« Lénine déforme de la même façon Avenarius. »

Peut-on en vouloir à ce point à l’empiriocriticisme ? Pas Pannekoek en tout cas !

Voyons où est l’erreur de Lénine sur la sensation !!!

« L’ingénuité avec laquelle Lénine s’appuie sur ces deux autorités (d’une façon inexacte d’ailleurs) apparaît clairement quand il dit :
« Pour tout savant que la philosophie professorale n’a pas dérouté, de même que pour tout matérialiste, la sensation est en effet le lien direct de la conscience avec le monde extérieur, la transformation de l’énergie de l’excitation extérieure en un fait de conscience. »

Sensationnelle, en effet, que la critique de Pannekoek…

Où réside donc l’ingénuité de ce passage ?

Pannekoek écrit :

« Lénine prend cette vérité dans un sens si absolu qu’il croit exprimer un fait observé « admis par tous les matérialistes », alors qu’il expose en fait une théorie physique. »

« Cette confusion entre les faits réellement observés et les concepts physiques, se retrouve tout au long du livre de Lénine. »

« Pour Lénine, nature et matière physique sont identiques ; le mot matière a pour lui, le même sens que « monde objectif ».

Eh oui ! Il faudrait donc au « matérialiste » Pannekoek que la matière ait un sens… subjectif ?!!!

Il poursuit :

« Mach pense que les causes, les effets, les lois naturelles, n’existent pas en fait dans la nature mais sont des formulations élaborées par l’homme d’après certaines régularités observées dans les phénomènes naturels. Et Lénine affirme que cette conception est identique à celle de Kant. »

Ce n’est nullement une lubie de l’ignare Lénine que le positivisme qui s’est développé chez quelques physiciens reprend les idées de Kant

« pour Lénine « la nature » se compose non seulement de la matière, mais aussi des lois naturelles qui gouvernent ses phénomènes, flottant quelque part dans l’univers comme des commandements rigides, auxquels les choses doivent obéir. Donc pour lui, nier l’existence objective de ces lois, c’est nier l’existence même de la nature ; faire de l’homme le créateur des lois naturelles signifie pour lui, faire de l’esprit humain le créateur du monde. » nous dit Pannekoek.

Ma foi ! Eh oui ! Nier l’existence objective de la matière et ses lois, c’est les rendre subjectifs, dépendant de l’homme-observateur, et c’est du kantisme. Quel mal y a-t-il à dire tout cela ?

Panekoek persiste et signe…. en faveur de Mach… dont le marxisme n’a rien de positif à tirer !!!

« nous savons que Mach accepte bel et bien la réalité objective du monde… »

Faire dépendre l’existence du monde des sensations individuelles, subjectives, pour Pannekoek, c’est accepter sa réalité objective !!!

« Mach part ici de l’expérience ; nos sensations sont la seule source de notre connaissance… »

Comme le dit Pannekoek et comme le lecteur l’a compris, « Ce n’est pas Mach que nous voulons discuter dans cet ouvrage mais Lénine. »

Et Pannekoek fait feu de tout bois, y compris Mach et Avenarius, contre Lénine !

Pour Pannekoek, identifier la réalité objective et la matière physique, ce n’est pas tout simplement du matérialisme mais… du léninisme, qui n’est rien d’autre qu’une version du matérialisme bourgeois !!!

« Le matérialisme bourgeois, en identifiant la réalité objective avec la matière physique, devait faire de toute autre réalité, comme les choses spirituelles, un attribut ou une propriété de cette matière. Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce que nous trouvions des idées analogues chez Lénine. »

Rien d’étonnant… qu’un révolutionnaire communiste prolétarien soit un matérialiste bourgeois, nous dit bizarrement Pannekoek…

On remarquera dans la suite du texte que Pannekoek attribue le même type de position à Diderot et Plekhanov et les rejette tous les deux !

« Nous sommes en droit de nous demander si la conviction, qu’Engels partageait les vues de Lénine et de Diderot, repose sur des preuves précises… Cette manière de généraliser à la matière en général des propriétés qui n’ont été observées que dans certains cas particuliers, relève d’une tournure d’esprit bourgeoise non dialectique. On peut ici remarquer que Plekhanov affiche des idées semblables à celles de Lénine. »

« La parenté entre la pensée de Lénine et le matérialisme bourgeois qui est manifeste dans son livre, n’est pas une déformation du marxisme propre à Lénine. On trouve des idées analogues chez Plekhanov, qui, à l’époque, était considéré comme le premier et le plus important théoricien du socialisme russe. »

Exit donc la philosophie matérialiste de Diderot et celle de Plekhanov, comme celle de Lénine !

Après son passage par les sciences et la philosophie, Pannekoek en vient… à la révolution russe

Le rapport avec ce qui a précédé ? C’est la bizarrerie proprement russe, bien sûr !!! Plekhenov et Lénine, deux russes… comme Staline !!!

« Qu’il y ait eu convergence des idées philosophiques de base entre Plekhanov et Lénine, et divergence commune par rapport au marxisme, voilà qui révèle leur origine à l’un comme à l’autre : les conditions sociales de la Russie. »

« Marx et Engels, dans leur jeunesse, participèrent activement aux luttes contre l’absolutisme des classes moyennes allemandes, dont les diverses tendances sociales étaient encore indifférenciées. Leur passage progressif au matérialisme historique fut donc le reflet, sur le plan de la théorie, de l’évolution de la classe ouvrière, qui s’orientait vers l’action indépendante contre la bourgeoisie… Il en allait tout autrement en Russie. La lutte contre le régime tsariste y ressemblait en effet de près à la lutte contre l’absolutisme, telle qu’elle avait été poursuivie autrefois en Europe. En Russie également, l’Eglise et la religion étaient les piliers les plus solides du régime ; elles maintenaient les masses paysannes, encore au stade de la production agricole primitive, dans l’analphabétisme et la superstition la plus noire. C’est pourquoi la lutte contre la religion y était, socialement parlant, de toute première nécessité. Etant donné qu’il n’existait pas en Russie de bourgeoisie suffisamment forte pour se lancer dans cette lutte en qualité de future classe dominante, cette mission échut à l’intelligentsia ; pendant des dizaines d’années, ses membres s’efforcèrent avec ardeur et ténacité d’éclairer les masses et de les dresser ce faisant contre le régime. Et, dans cette lutte, ils ne pouvaient en rien tabler sur la bourgeoisie occidentale, devenue réactionnaire et anti-matérialiste, ils se virent donc contraints d’avoir recours aux ouvriers socialistes, seuls à faire preuve de sympathie envers eux, et, pour cela, de reprendre leur théorie proclamée : le marxisme. C’est ainsi que des intellectuels, tels que Piotr Strouvé et Tougan-Baranovski, qui s’instituaient les porte-parole d’une bourgeoisie encore embryonnaire, aimaient à se dire marxistes. Ces personnages n’avaient rien de commun avec le marxisme prolétarien d’Occident ; tout ce qu’ils retenaient de Marx, c’était sa théorie de l’évolution selon laquelle la prochaine étape du développement serait le capitalisme. Une force révolutionnaire véritable ne surgit en Russie qu’à partir du moment où les ouvriers entrèrent en lice, en premier lieu au moyen de la grève exclusivement, puis en associant à celle-ci des revendications politiques. Dès lors, les intellectuels s’aperçurent qu’il existait une classe révolutionnaire et firent leur jonction avec elle, en vue de devenir ses porte-parole au sein d’un parti socialiste. Ainsi donc la lutte de classe prolétarienne se doublait-elle en Russie d’une lutte contre l’absolutisme tsariste, menée sous la bannière du socialisme. Telle est la raison pour laquelle le marxisme, devenu la théorie de ceux qui participaient au conflit social, y prit un caractère tout autre qu’en Europe occidentale. »

Le marxisme russe a pris un caractère tout autre qu’en Europe occidentale. Lénine est donc un produit de l’arriération de la Russie ! Tout comme Trotsky d’ailleurs !!!

« Lénine était le chef du mouvement révolutionnaire russe et ceci sur le plan pratique. C’est pourquoi les conditions pratiques et les buts politiques de ce mouvement transparaissent plus clairement dans ses idées théoriques. »

« Cette identification était favorisée par un autre facteur encore. En Russie, le capitalisme ne s’était pas développé de façon graduelle, à partir de petites entreprises aux mains des classes moyennes, comme en Europe occidentale. La grande industrie y avait été importée par les soins du capital étranger. Outre cette exploitation directe, le capital financier des pays de l’Ouest pressurait, par l’intermédiaire de ses prêts au régime tsariste, la paysannerie russe, condamnée à payer de lourds impôts pour en acquitter les intérêts. Le capitalisme intervenait en l’occurrence sous sa forme de capital colonial, utilisant le tsar et ses hauts fonctionnaires comme ses agents, Dans les pays soumis à une exploitation de type colonial, toutes les classes ont un intérêt commun à s’affranchir du joug imposé par le capital usuraire étranger, pour jeter les bases d’un libre développement économique, lequel aboutit en général à la formation d’un capitalisme national. Cette lutte vise le capital mondial ; elle est donc souvent menée au nom du socialisme et les ouvriers des pays occidentaux, ayant le même ennemi, en sont les alliés naturels. En Chine, par exemple, Sun Yat-sen était socialiste ; étant donné toutefois que la bourgeoisie chinoise, dont il se faisait le porte-parole, était une classe nombreuse et puissante, son socialisme était « national » et combattait les « erreurs » marxistes. Lénine, au contraire, devait prendre appui sur la classe ouvrière, et, parce qu’il lui fallait poursuivre un combat implacable et radical, il adopta l’idéologie la plus extrémiste, celle du prolétariat occidental combattant le capitalisme mondial, à savoir : le marxisme. »

Lénine est le contraire de… Sun Yat-sen, pour Pannekoek mais… en pire !!!!

Pannekoek parle de « lutte menée au nom du socialisme » et dit que Lénine, au contraire de Sun Yat-sen le révolutionnaire bourgeois, « devait prendre appui sur la classe ouvrière » et « adopter l’idéologie la plus extrémiste ». Ce qui sous-entend clairement que Lénine, en adoptant cette idéologie, adopte une attitude trafiquée et usurpe ainsi le rôle de dirigeant du prolétariat !!!

« Mais il est clair que le marxisme de Lénine, déterminé par la situation particulière de la Russie vis-à-vis du capitalisme, différait de manière fondamentale du marxisme d’Europe occidentale, conception planétaire propre à une classe ouvrière qui se trouve devant la tâche immense de convertir en société communiste un capitalisme très hautement développé, le monde même où elle vit, où elle agit. »

Qu’y a-t-il de clair dans la prétention de voir un Lénine ayant développé un marxisme proprement russe ?

D’ailleurs, Pannekoek écrit tout de suite après que les conceptions de Lénine et les actes étaient les mêmes que ceux de Staline et que le fait que des léninistes russes combattent courageusement et activement le stalinisme n’y change rien :

« Selon une opinion très répandue, le parti bolchevique était marxiste, et c’est seulement pour des raisons pratiques que Lénine, ce grand savant et leader marxiste, donna à la révolution russe une orientation qui ne correspondait guère à ce que les ouvriers d’Occident appelaient le communisme - prouvant de la sorte son réalisme, sa lucidité de marxiste. Face à la politique de la Russie et du Parti communiste, un courant critique s’efforce bien d’opposer le despotisme propre à l’Etat russe actuel - dit stalinisme - aux « vrais » principes marxistes de Lénine et du vieux bolchevisme. Mais c’est à tort. (Non seulement parce que Lénine fut le premier à appliquer cette politique, mais aussi parce que son prétendu marxisme était tout bonnement une légende. Lénine a toujours ignoré en effet ce qu’est le marxisme réel. Rien de plus compréhensible. Il ne connaissait du capitalisme que sa forme coloniale : il ne concevait la révolution sociale que comme la liquidation de la grande propriété foncière et du despotisme tsariste. On ne peut reprocher au bolchevisme russe d’avoir abandonné le marxisme, pour la simple raison que Lénine n’a jamais été marxiste. Chaque page de l’ouvrage philosophique de Lénine est là pour le prouver. Et le marxisme lui-même, quand il dit que les idées théoriques sont déterminées par les nécessités et les rapports sociaux, explique du même coup pourquoi il ne pouvait pas en être autrement. Mais le marxisme met également en lumière les raisons pour lesquelles cette légende devait forcément apparaître : une révolution bourgeoise exige le soutien de la classe ouvrière et de la paysannerie. II lui faut donc créer des illusions, se présenter comme une révolution de type différent plus large plus universel. En l’occurrence, c’était l’illusion consistant à voir dans la révolution russe la première étape de la révolution mondiale, appelée à libérer du capitalisme le prolétariat dans son ensemble ; son expression théorique fut la légende du marxisme. »

Il affirme tranquillement que « On ne peut reprocher au bolchevisme russe d’avoir abandonné le marxisme, pour la simple raison que Lénine n’a jamais été marxiste. »

Il affirme que la révolution d’Octobre était une révolution bourgeoise qui a eu besoin du soutien des ouvriers et des paysans et a pris l’idéologie qui convenait pour cela, un pseudo-marxisme proprement russe :

« une révolution bourgeoise exige le soutien de la classe ouvrière et de la paysannerie. II lui faut donc créer des illusions, se présenter comme une révolution de type différent plus large plus universel. En l’occurrence, c’était l’illusion consistant à voir dans la révolution russe la première étape de la révolution mondiale »

Venons-en à la révolution prolétarienne, version Lénine et version Pannekoek

Selon Pannekoek, le but de Lénine est… la dictature de la bureaucratie d’Etat contre le prolétariat, exactement comme celui de Staline !!!

« La Troisième Internationale vise à la révolution mondiale d’après le modèle de la révolution russe et avec le même but. Le système économique de la Russie est le capitalisme d’Etat, appelé là-bas socialisme d’Etat ou même parfois communisme, ou la production est dirigée par une bureaucratie d’Etat sous les ordres de la direction du Parti communiste. Cette bureaucratie d’Etat, les hauts fonctionnaires, qui forment la nouvelle classe dirigeante, dispose directement de la production, donc de la plus-value, alors que les ouvriers ne reçoivent que des salaires, constituant ainsi une classe exploitée. Il a été possible de cette manière, dans le temps très court de quelques dizaines d’années, de transformer une Russie primitive et barbare en un état moderne dont l’industrie se développe rapidement, utilisant le science et les techniques les plus modernes. D’après le Parti communiste, une révolution analogue est nécessaire dans les pays capitalistes avancés, la classe ouvrière étant la force active, qui amènera la chute de Ia bourgeoisie et l’organisation de la production par une bureaucratie d’Etat. La Révolution russe n’a pu vaincre que parce que les masses étaient dirigées par un parti bolchevik uni et très discipliné, et parce que dans le parti c’est la perspicacité infaillible et l’assurance inébranlable de Lénine et de ses amis qui montraient à tous la bonne voie. Il faut donc que dans la révolution mondiale, les ouvriers suivent le Parti communiste, lui laissent la direction de la lutte et, après la victoire, le gouvernement ; les membres du parti doivent obéir à leurs chefs dans la plus stricte des disciplines. Tout dépend donc de ces chefs du parti capables et qualifiés, de ces révolutionnaires éminents et expérimentés ; il est absolument indispensable que les masses croient que le parti et ses chefs ont toujours raison. »

« Le but du Parti communiste - ce qu’il appelle la révolution mondiale - est d’amener au pouvoir, en utilisant les ouvriers comme force de combat, une catégorie de chefs qui pourront ensuite mettre sur pied, au moyen du pouvoir d’Etat, une production planifiée ; ce but, dans son essence, coïncide avec le but final de la social-démocratie. Il ne diffère guère aussi des idées sociales qui arrivent à maturation au sein de la classe intellectuelle, maintenant qu’elle s’aperçoit de son importance toujours accrue dans le processus de production, et dont la trame est une organisation rationnelle de la production, tournant sous la direction de cadres techniques et scientifiques. Aussi le P.C. voit en cette classe un allié naturel et cherche à l’attirer dans son camp. Il s’efforce donc, à l’aide d’une propagande théorique appropriée, de soustraire l’intelligentsia aux influences spirituelles de la bourgeoisie et du capitalisme privé en déclin, et de la convaincre d’adhérer à un révolution destinée à lui donner sa place véritable de nouvelle classe dominante. Au niveau de la philosophie, cela veut dire la gagner au matérialisme. Une révolution ne s’accommode pas de l’idéologie douceâtre et conciliante d’un système idéaliste, il lui faut le radicalisme exaltant et audacieux du matérialisme. »

La boucle est bouclée : le matérialisme « dur » de Lénine a pour but la dictature « dure » de la bureaucratie d’Etat, russe ou à visée internationale cela ne change rien !!!

Conclusion de Pannekoek :

« Ainsi la classe ouvrière en lutte, s’appuyant sur le marxisme, trouvera sur son chemin cet obstacle : la philosophie léniniste, théorie d’une classe qui cherche à perpétuer l’esclavage et l’exploitation des ouvriers. »

Conclusion de Matière et Révolution :

Le découragement de Pannekoek devant le stalinisme triomphant ne l’a pas élevé jusqu’à la compréhension de ce phénomène de bureaucratisation d’un Etat ouvrier, ni à celle d’Etat ouvrier, ni même à celle de la philosophie scientifique.

L’œuvre de Pannekoek

Le débat sur Pannekoek reste d’actualité :

Voilà pourquoi les gauches communistes combattent notre thèse de la fin du capitalisme : un écrit de Pannekoek de 1934 pour contredire une situation de 2007-2008 !!!

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