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Histoires drôles… si elles ne s’avèrent pas vraies…

dimanche 15 juillet 2018, par Robert Paris

Histoires drôles… si elles ne s’avèrent pas vraies…

La dernière révolte

 Tu crois que ce sont eux ?

La sonnette avait égrené ses trois notes. Papi Frédéric et Mamie Lucette se terraient comme des animaux apeurés.

 Non, non. Nos enfants ne les laisseraient jamais venir.

 Seb et Nanou ne nous ont pas donné de nouvelles depuis trois semaines. Il paraît que les enfants font toujours ça avant que le CDPD arrive.

Les deux retraités se collèrent à la fenêtre et reconnurent le grand bus grillagé du CDPD, le fameux Centre de Détente Paix et Douceur. Le sigle était clairement affiché sur le véhicule, ainsi que le logo de ce service administratif : un fauteuil à bascule, une télécommande et une fleur de camomille. Des préposés en uniforme rose en sortirent, l’un d’eux dissimulant de son mieux le grand filet servant à attraper les retraités récalcitrants…

Depuis quelques années, les militants antivieux se faisaient moins discrets. Le gouvernement avait d’abord soutenu les anciens, puis les avait vite livrés à la vindicte populaire. Aux actualités du soir, un sociologue avait démontré que l’essentiel du déficit de la Sécurité sociale était imputable aux plus de soixante-dix ans…

En premier lieu, le gouvernement interrompit la fabrication de cœurs artificiels. Puis l’administration gela les programmes régissant la mise au point de peau, de reins et de foies de remplacement…

Après 75 ans, on ne remboursait plus les anti-inflammatoires, à partir de 80 ans, les soins dentaires, à partir de 85 ans, les pansements gastriques, à partir de 90 ans, les analgésiques. Toute personne dépassant les 100 ans n’avait plus droit à aucun acte médical gratuit…

Pendant ce temps, le ministère de la Santé placardait une affiche : « 65 ans, ça va, 70 ans bonjour les dégâts ! »

Peu à peu, l’image de la vieillesse fut associée à tout ce que la société produisait de négatif. La surpopulation, le chômage, les taxes : la faute aux anciens qui « refusent de quitter le manège une fois leur tour de piste terminé ».

Il n’était pas rare de trouver aux portes des restaurants la pancarte : ENTREE INTERDITE AUX PLUS DE 70 ANS. Plus personne n’osait prendre leur défense, de crainte d’apparaître comme un réactionnaire.

Le carillon de la porte résonna encore. Fred et Lucette eurent un haut-le-corps…

En bas, les sbires du CDPD faisaient sauter la porte avec un pied-de-biche…

Dans un geste de désespoir, Fred attrapa Lucette par la taille et d’un bond, ensemble, ils sautèrent par la fenêtre. Le tas de poubelles amortit leur chute. Fred, déterminé, bondit, tira Lucette par le bras, se précipita dans le bus du CDPD et, devant les préposés médusés restés sur le trottoir, il s’installa au volant et démarra en trombe.

Il roula longtemps vers la montagne. A l’arrière, les vingt autres anciens étaient encore sous le choc. Lorsque le moteur s’arrêta, il y eut un silence.

 Je sais, remarqua Fred. Nous avons peut-être commis une grosse sottise, mais j’ai pour habitude d’écouter mes intuitions et là, le CDPD ne me disait rien qui vaille.

Les autres le regardaient, toujours ébahis.

Ils hésitèrent, puis M. Foultrant lança un « Hourra ! » qui après un temps fut repris pas les passagers… »

Du pain et des jeux

« Après la Coupe du monde de 2022, l’humanité entière fut gagnée par la fièvre du ballon rond et ce sport s’imposa comme la meilleure façon de régler les problèmes internationaux. Grâce à lui, les pays les plus pauvres, les plus petits ou les plus inconnus furent capables d’accéder au rang des nations de tout premier ordre.

Dans ce stade, on avait désormais la possibilité de se livrer à un simulacre de guerre, pendant une heure trente minutes, sans jamais avoir recours aux armes…

Le football permettait aux peuples de briller à la face du monde sans tenir compte des différences de langues, de religions, de cultures ou de richesses.

Très vite, le moindre tournoi de dimensions planétaire garantissait un audimat record. On estima que le dernier match avait mobilisé deux milliards de spectateurs. Un tiers de l’humanité…

Le phénomène se développa et une première métamorphose d’importance fut constatée : les effets du football se diversifiaient. La pratique dépassa le simple jeu pour devenir une sorte d’analgésique destiné à l’humanité souffrante…

Puis on modifia le relief du terrain : on ajouta tumulus, mares, bassins de sable…. Les attaquants avaient désormais toute latitude pour se cacher derrière une dénivellation…

On allongea le temps des parties. Six heures pour un match permettaient de mieux développer combinaisons complexes et offensives séduisantes…

Le match de la Coupe du monde 2030 était en tout point exceptionnel. D’abord parce que, pour la première fois, les joueurs étaient autorisés à se blesser, voire à se tuer, si les nécessités du jeu l’imposaient…

Alors, la partie s’accéléra. Le ballon fut intercepté en vol par un missile air-air…

La sirène de fin de match retentit sur ces entrefaites. Score : 1 à 1. Egalité.

Il importait coûte que coûte de départager les équipes : les joueurs survivants se firent donc face sur la colline pour l’épreuve des tirs au but…

Suite à ce match, les Pompes funèbres décidèrent, enthousiastes, de sponsoriser la prochaine rencontre.

Un monde trop bien pour moi

« Bougon, Luc se redressa au bord du lit…

 Allez, en avant ! fredonnèrent les chaussons à l’unisson.

Luc se laissa conduire jusqu’à la cuisine en ébouriffant ses cheveux.

 Bonjour ! lui lança avec entrain la porte en s’ouvrant largement.

 Bonjour, quel bonheur de te voir ! reprirent en chœur les divers ustensiles sur les étagères.

Dire que jadis il appréciait ces prévenances…

 Un grand crème bien mousseux avec des toasts et de la marmelade, ça te revigorera ! dit la chaise en s’écartant obligeamment.

Luc avait de plus en plus de mal à supporter ces objets conviviaux. Cette mode était devenue pesante…

Grâce à l’électronique miniaturisée, on avait pu installer des micros et des synthétiseurs vocaux absolument partout. La présence quasi humaine des gadgets n’avait d’autre fin que de rendre la vie plus douce car on s’était aperçu que de plus en plus d’habitants vivaient seuls. Mais trop, c’est trop ! Les moindres ustensiles finissaient par prendre des initiatives. Les chemises se boutonnaient d’elles-mêmes…

Les phrases prononcées par les objets étaient mémorisées sur des supports magnétiques. Un système informatique permettait de donner le change en singeant les dialogues humains…

 J’en ai marre de ces objets qui parlent, marmonna Luc entre ses dents. »

Les histoires qui précèdent sont des extraits de « L’arbre des possibles » de Bernard Werber

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