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Jean Sénac, poète, révolutionnaire, militant, homme déchiré

mardi 29 mai 2018, par Robert Paris

« Ne rugis pas du pain, ni de tes mots. La poésie est juste. Elle n’aime pas les rénégats.

Poèmes, j’ai payé pour que vous ne soyez pas seulement des strophes mais peut-être un cri résolu dans ce grand chaos qui nous couvre. »

Qui était Jean Sénac ?

Jean Sénac naquit le 29 novembre 1926 à Béni-Saf en Algérie d’une mère d’origine espagnole, Jeanne Coma, qui exerçait le métier de modiste et d’un père inconnu. Il apprit tardivement et douloureusement qu’il était le fruit d’un viol. Il adopta plus tard le nom de Sénac qui était celui de son beau-père. Toute sa vie, il cherchera d’une façon ou d’une autre ce père qu’il n’a jamais eu. Il laissera un roman inachevé, « L’ébauche du père », qui exprime cette quête. Il grandit dans un quartier populaire, au milieu d’une communauté aux origines mélangées, multiconfessionnelle, dans des lieux chargés de vie, d’odeurs, de paroles échangées avec un verbe haut. C’est là puis grâce aux rencontres amicales et littéraires qu’il fonda l’attachement viscéral qui fut le sien à son pays de naissance. C’est à Albert Camus qu’il doit sa première publication, Poèmes, dans la collection « Espoir » chez Gallimard, avec une préface de René Char. Entre 1954 et 1962, Jean Sénac s’installe en France, mais participe à la lutte du peuple algérien. Quand il retourne en Algérie, il prend des fonctions officielles dans l’Union des écrivains. Son homosexualité affichée, sa critique d’une nouvelle nomenklatura ne plaisent pas. Dans la nuit du 29 au 30 août 1973, il est poignardé dans le taudis où il vivait.

« Si nos poèmes ne sont pas aussi des armes de justice dans les mains de notre peuple, oh, taisons-nous. »

« Alger la Blanche dort en paix

vont et viennent les cars de police…

Ici on meurt en silence

sans trace au soleil épais… »

« Que cherches-tu depuis seize ans, quelle racine,

Ou quelle écharde dans ton corps à retirer ? »

« Ceux qui n’ont rien appris sont les bourreaux du peuple.

Et les bourreaux ce soir pavanent dans les rues. »

« L’artiste, parce qu’il s’adresse à tous, est responsable de la misère, des espoirs de tous... Sa place est sur les barricades partout où souffle la révolte. »

« Que ce soit en arabe, en kabyle, en français, une même gorge mitraillée, pas même cicatrisée, inlassablement module la peine, l’acharnement, l’espérance têtue ».

« Comme on l’empêchait de vivre

il se fit poème et se tut

Comme on voulait le dessiner

il se fit arbre et se tut

Comme on arrachait ses branches

il se fit houille et se tut

Comme on creusait dans ses veines

il se fit flamme et se tut

Alors ses cendres dans la ville

portèrent son défi »

« Je parle pour boucher les trous de ton étoffe
amour
je continue mon sommeil animant
Si tu ne viens pas
que sera ma strophe
un rail de plainte interminable
hache de sanglots contre mes lecteurs »

« Le monde a-t-il tellement besoin de poèmes ?

N’a-t-il pas besoin d’hommes heureux »

« Une fois pour toutes, tu avais élu ton peuple, et ton peuple c’était tout ce pays autour de toi qui t’apportait la nourriture, le sentiment, le rêve ».

« Je suis de ce pays. Je suis né arabe, espagnol, berbère, juif, français. Je suis né mozabite et bâtisseur de minarets, fils de grande tente et gazelle des steppes. Soldat dans son treillis sur la crête la plus haute à l’affût des envahisseurs. Je suis né algérien, Comme Jugurtha dans son délit, comme Damya la Juive – la Kahéna ! – comme Abd-el-Kader ou Ben-M’hidi, algérien comme Ben-Badis, comme Mokrani ou Yveton, comme Bouhired ou Maillot. Voilà. Il faut lâcher des mots comme s’ils pouvaient faire balle. Je gueulerai pour mon pouvoir ».

« Maman, je vous aime, maman, vous étiez païenne ! Que n’avez-vous pas été, sans le savoir et le sachant ! Catholique, israélite, adventiste, musulmane et guèbre, adoratrice du soleil. Et parfois hindoue et libre-penseuse. Et tout cela sans le chercher, sans le savoir, du bout de l’âme, et chaque fois profondément. Oh, combien ! La liberté, c’est vous qui me l’avez apprise ! »

« Comme ils ont frappé l’Espagne,
ils frappent l’Algérie.

Comme ils ont trompé l’Espagne,

ils trompent l’Algérie.

Comme ils ont mangé l’Espagne,

ils mangent l’Algérie.

Bourreaux de carton,

des hommes de feu se lèvent !

La liberté, le pain.

L’amour aux yeux ouverts.

La paix ».

« Ce soir nous déclarons l’Algérie Terre Ouverte

Avec ses montagnes et sa mer,

Notre corps avec ses impasses »

« Citoyens innommés nos Portes sont atteintes.

Ne tardez plus ! »

« Tes mots sont des mots de sang

pour la mère et pour l’enfant

Les mots droits qui se faufilent

entre les feuilles les mains

les mots proches éclatés

dans la gorge avant le cœur

Moi je les connais tes mots

lorsqu’on les fait trop parler

ils ont des sueurs d’homme. »

« Mon peuple m’entoure et murmure... qu’importe maintenant la haine et l’indifférence de nos pères puisque voici la vérité en route et que je marche dans ses rangs ».

« Cette nuit dans ma minuscule cave, après avoir franchi les ordures, les rats, les quolibets et les ténèbres humides à la lueur d’une bougie, dix ans après l’indépendance, interdit d’une vie au milieu de mon peuple, écrire… »

Jean Sénac

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