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Vers un gouvernement des travailleurs ?

lundi 29 janvier 2018, par Robert Paris

Edito

Et si nous, travailleurs, décidions de gouverner par nous-mêmes la société ?

C’est bien connu : tous les présidents, tous les chefs d’Etat des pays riches comme des pays pauvres, des dictatures comme des démocraties, sont d’abord et avant tout liés aux trusts et aux banques, qu’ils soient nationaux ou étrangers, même si dans leur bouche, ils n’ont que les mots « peuple » et « citoyens ». Il n’est pas besoin d’être communiste révolutionnaire pour le savoir. Par contre, cela est indispensable pour penser qu’à l’avenir, on va renverser leur pouvoir et que les travailleurs vont gouverner par eux-mêmes en se débarrassant du pouvoir capitaliste. Même dans les printemps arabes et autres révolutions récentes, les travailleurs n’ont pas renversé le pouvoir capitaliste et c’est même là que réside la source de l’échec de ces mouvements.

Dans tous les pays du monde, c’est moins d’un pourcent de la population, les détenteurs de capitaux, qui détiennent la réalité du pouvoir : l’économie (entreprises privées, publiques, mixtes), capitaux, banques, finance, appareil d’Etat et administration. Les gouvernants, même élus de manière soi-disant démocratique, ne sont rien d’autre que les représentants de l’infime minorité capitaliste. Qu’ils s’appellent Obama ou Trump, Sarkozy, Hollande ou Macron, qu’ils gouvernent en Europe, en Asie ou aux Amériques, peu importe et n’importe pas non plus leur couleur politique. ils appartiennent tous au grand capital et le servent sans discontinuer.

Depuis la dernière crise de 2007, les gouvernants se cachent moins de leurs liens avec le grand capital. Ce serait difficile : dans cette crise, ils ont mis tous les moyens financiers dont ils disposaient, et même plus, au service du sauvetage des banques et des trusts. Cela a représenté des milliers de milliards de dollars et cela a mis en faillite tous les Etats et les banques centrales du monde. Pas un pays qui s’y soit soustrait.

Vues les politiques d’aide publique aux capitalistes et de destruction des aides sociales, des services sociaux et des services publics, vues les politiques d’imposition des pauvres et pas des riches, il est de plus en plus difficile de continuer à faire croire que l’Etat servirait à combler le fossé entre les classes ! Un fossé que la crise a aggravé et non comblé…

Du coup, on voit de plus en plus clairement que les gouvernants ne sont nullement au service du peuple, et sont les valets du grand capital. Ils font même venir directement les milliardaires des trusts dans le gouvernement, comme aux USA. Quant aux travailleurs, ils en viennent à ne plus être du tout présents dans les parlements et autres positions élevées de la société. Les couches populaires et les petits bourgeois qui n’exploitent personne n’y sont pas davantage représentés. Cela signifie que les 99% de la population n’ont aucune influence dans le pouvoir d’Etat qui est exclusivement et ouvertement un pouvoir capitaliste.

Bien sûr, une telle situation est plus instable que celle où la démocratie semblait permettre d’équilibrer les classes sociales, l’Etat se faisant passer pour un tampon ou une passerelle. Mais le fossé s’est tellement ouvert que c’est un abime. Et la capacité de l’Etat à faire accepter la dictature du capital ne durera pas plus que sa capacité à faire croire qu’il a résolu les problèmes posés par la crise de 2007-2008. C’est dire que le temps de cette tromperie est compté…

En attendant, il n’a jamais été aussi clair que le monde du travail est totalement exclu du pouvoir d’Etat. Même l’intégration, plus poussée que jamais, des dirigeants syndicaux à la bourgeoisie, n’est en rien une représentation des travailleurs au sein du pouvoir mais une représentation des capitalistes au sein des travailleurs ! Même les syndicats ouvriers sont devenus des institutions de la bourgeoisie et les travailleurs n’ont donc aucune maîtrise des luttes organisées par les syndicats, devenus l’école de collaboration de classe et plus de lutte des classes.

Le réformisme politique est lui aussi plus clairement éloigné de la classe ouvrière, les expressions classe ouvrière, lutte de classes et prolétariat ayant même disparu de son vocabulaire. Faux socialistes, faux communistes, faux trotskistes et faux révolutionnaires préfèrent souvent parler de peuple, de citoyens, de gens et autre vocables qui ne font pas classistes ! Et même certains de ceux qui parlent encore de classe se satisfont tranquillement des stratégies des centrales syndicales bureaucratiques qui n’ont pourtant rien à voir avec une politique de classe du prolétariat.

Du coup, la propagande de la bourgeoisie enfonçant ce clou, bien des travailleurs ne sont pas loin d’imaginer que les classes sociales, c’était bon seulement à l’époque de Marx et de Lénine.

Cependant, les contradictions de classe n’ont pas cessé de s’exacerber. Ce sont elles qui érodent les mensonges « démocratiques ». Ce sont elles qui dévoilent le caractère de classe des Etats. Ce sont elles qui radicalisent à nouveau les luttes sociales dans le monde, de la Serbie au Maroc, de la Tunisie à la Roumanie, de l’Inde au Cambodge, de l’Iran à la Grèce, etc.

La comédie démocratique a fait place aux scandales politiciens : corruption, concussion, scandales, conflit d’intérêt sont dénoncés sur toute la planète. Mais le paravent politicien a beau être plus agité que jamais, cela ne suffira pas bien longtemps à détourner la lutte des classes de sa véritable cible : les classes possédantes et, en particulier, la petite poignée de magnats financiers et industriels qui détient le véritable pouvoir.

Les présidents ont tout particulièrement pour rôle de polariser sur leur personne tous les espoirs, tous les désespoirs et toutes les haines, comme si tout dépendait d’eux, mais c’est une mascarade.

Ce cirque n’aura qu’un temps et les capitalistes ne l’ignorent pas. Ils ont préparé bien d’autres pièges que les scandales politiciens. Ils ont d’autres crises ou fausses crises, pour occulter la crise historique de la domination capitaliste : migrants, musulmans, Corée du nord, Iran, terrorisme, banlieues, insécurité, climat, racisme, fascisme, guerres de toutes sortes, nationalismes à toutes les échelles, et autres affrontements et guerres civiles interraciales, interreligieuses ou interethniques…

Ils ont programmé que la fin du capitalisme sera accompagnée de sang et de chaos. Tout sauf quitter le pouvoir mondial évidemment ! Même s’il s’avère que l’économie cesse de fonctionner, que les palliatifs à coups d’aides publiques ne soignent plus rien, même si les caisses des banques centrales ne peuvent plus combler les trous financiers devenus de véritables abîmes…

En attendant et tant que l’effondrement économique n’est qu’un horizon incontournable mais impossible à dater, tant que les interventions étatiques et institutionnelles maintiennent le mythe d’une reprise économique, ce qui domine, c’est la pression énorme qu’exerce la menace du chômage et de la précarité sur la classe ouvrière, menace qui souligne d’abord et avant tout la dépendance sociale des travailleurs sous le capitalisme, et qui souligne aussi que les luttes sociales menées par les réformistes s’avèrent impuissantes…

Il n’y a donc rien d’étonnant que la plupart des travailleurs soient encore très loin d’envisager le moment où il sera nécessaire que la classe ouvrière prenne ses responsabilités, se positionne comme future classe dirigeante, se dote de ses propres organisations de classe, ses conseils ouvriers, défende son programme de classe, ses propres perspectives économiques, sociales et politiques face au monde capitaliste en crise violente. Bien des travailleurs ont même continué à croire que ce qui doit primer, c’est l’intérêt du pays, l’intérêt de l’entreprise, l’intérêt de la profession, quand ce n’est pas l’intérêt du groupe (ethnie, religion, culture, nation, sexe, etc.)

Dans cette situation transitoire, il est fondamental de combattre le poids de l’idéologie sociale et politique dominante qui impose l’idée que la classe ouvrière ne peut pas mener la société, ne peut pas diriger les entreprises, ne peut pas prendre le pouvoir aux capitalistes, ne peut pas casser le gouvernement bourgeois et instaurer le gouvernement ouvrier.

Certes, les exemples historiques de prise du pouvoir par les exploités semblent bien lointains. Spartacus semble faire partie de l’Histoire plus que de l’actualité, presque autant que la Commune de Paris de 1871, que les Révolutions russes de 1905 et 1917, que les révolutions allemande, finlandaise, hongroise, ou italienne de 1918-1919, que les révolutions européennes de 1923, que la révolution chinoise de 1926-1927, que la révolution espagnole de 1936, que la révolution hongroise de 1956, etc.

Depuis plusieurs décennies, suite au stalinisme, une catastrophe pour le mouvement ouvrier, puis à sa chute et réintégration dans le monde capitaliste, l’idée même que les luttes ouvrières visent le pouvoir ouvrier a été détournée, dévoyée, discréditée, au point de sembler effacée des mémoires et des consciences. Mais ce n’est qu’une impression trompeuse. La révolution soviétique de 1905 n’avait-elle pas semblé effacée des mémoires et des consciences ouvrières de Russie lors de la première guerre mondiale, pour finalement réapparaître dans la révolution prolétarienne de 1917…

Certes, les réformistes politiques et syndicaux, de la gauche, de la gauche de la gauche, de l’extrême gauche opportuniste prétendent que l’on devrait s’en tenir à « protester », à « résister », à « se faire entendre », à « proposer de bonnes réformes », en faisant des journées d’action sans action, des démonstrations… de faiblesse, des propositions… à nos ennemies, en négociant des reculs, en manifestant derrière des dirigeants qui sont nos pires ennemis, en votant bien… dans des élections qui ne sont pas les nôtres pour des candidats et des partis qui ne sont pas les nôtres !!!

Toutes ces agitations sont stériles et pas essentiellement parce qu’elles ne font pas peur aux classes possédantes et ne les font pas reculer sur leurs projets destructeurs, mais parce qu’elles ne construisent ni la perspective du pouvoir ouvrier ni ses bases : les conseils ouvriers, qu’elles ne développent nullement le programme ouvrier révolutionnaire, qu’elles ne renforcent pas la conscience et l’organisation de classe du prolétariat.

Bien sûr, le bon sens réformiste affirme que, si on n’a pas la force de réaliser de bonnes réformes, on ne peut pas non plus imposer de grandes révolutions. Mais les périodes de changement brutal, révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, se moquent bien du bon sens réformiste.

Les projets réformistes et opportunistes sont stériles parce qu’ils refusent de reconnaître la réalité du monde capitaliste : son impasse et son absence de perspective pour la société humaine. Du coup, ils refusent de reconnaître que l’avenir est à la destruction du pouvoir d’Etat de la bourgeoisie capitaliste et à la construction du pouvoir d’Etat des prolétaires.

Réclamer des emplois, de la sécurité, de la paix, des logements, des conditions de travail, des salaires, des services publiques, des aides sociales au monde capitaliste sur sa fin, c’est réclamer du lait à un bouc.

Quelle que soient les catastrophes dans lesquelles vont nous plonger les capitalistes, cela ne convaincra jamais les réformistes et les opportunistes de constituer la classe ouvrière en classe de pouvoir, en classe dominante. Ils ne se convaincront jamais de constituer des conseils ouvriers révolutionnaires qui aillent vers le renversement du pouvoir bourgeois.

Tant qu’on les suivra, on ira de défaite en défaite et ces défaites ne seront même pas porteuses d’enseignements tant que nous ne dirigerons pas nous-mêmes nos luttes.

Assez protesté ! Assez pleurniché ! Assez marché ! Prendre le taureau par les cornes, c’est prendre aux classes possédantes leur pouvoir d’Etat et construire le pouvoir des conseils ouvriers dans le monde entier ! Que cette idée soit très minoritaire ne doit surtout pas nous freiner dans notre confiance dans l’avenir et dans notre volonté de diffuser cette idée. C’est la situation objective, celle d’un capitalisme à l’agonie, qui lui donnera toute son actualité.

La suite

Messages

  • Dans un rapport sur l’Enseignement commandité par le ministre Blanquer, Aurore Bergé sous-entend que les enseignants sont déconnectés de la réalité !!!

    Dedans, il est expliqué que les professeurs ne sont plus en phase avec les quartiers dans lesquels ils enseignent. « Lorsqu’ils sont affectés dans des quartiers difficiles, ils n’en sont le plus souvent pas originaires, ils n’en connaissent pas les spécificités et vivent de moins en moins là où ils enseignent », expliquent-elles. Aurore Bergé va même plus loin en déclarant qu’il existe un « écart sociologique croissant » entre les enseignants et leurs élèves.

    Et l’écart « sociologique » entre les gouvernants et les travailleurs ?!!!!

  • Le gouvernement a lancé jeudi un pavé dans la mare en envisageant un plan de départs volontaires inédit pour les fonctionnaires afin d’accompagner la réforme de l’État, une nouvelle "attaque" qui a pris de court les syndicats.
    Il s’agit d’"imaginer avec les agents publics un plan de départs volontaires pour ceux qui souhaiteraient partir, en conséquence de la réforme de l’État", a déclaré le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin devant la presse, au terme d’un comité interministériel ayant réuni une quinzaine de ministres.

    Par ailleurs, Édouard Philippe a annoncé vouloir étendre "largement" le recours aux contractuels ne bénéficiant pas de l’emploi à vie "notamment pour les métiers ne relevant pas d’une spécificité propre au service public".

    Les discussions avec les syndicats sur ce thème porteront en outre sur deux autres chantiers délicats : la simplification des instances représentatives du personnel et le développement d’une rémunération au "mérite".

    Autre mesure : dans toutes les administrations qui accueillent du public (écoles, tribunaux, hôpitaux, CAF...) des indicateurs de résultats et de qualité de service prenant en compte la satisfaction des usagers seront rendus publics fin 2018.

    On continue à suivre les gentillettes promenades syndicales ou on se fâche et on prend nous-mêmes en mains nos luttes ?!!!

  • quelle différence cela ferait un gouvernement des travailleurs, à part de changer des personnes pour d’autres personnes ?

  • La différence essentielle d’un « gouvernement ouvrier » n’est pas dans le caractère des personnes qui le composent mais dans le fait que ce gouvernement, au lieu d’être contrôlé par les trusts et les banques, par le grand capital, l’est par les prolétaires organisés en soviets, en conseils de travailleurs, que ces conseils guident toutes les décisions du gouvernement, contrôlent tous ses actes, tous ses membres, les démettent à tout moment si nécessaire. Bien entendu, si les conseils de travailleurs n’ont pas toute la direction de la société, il n’y a pas de gouvernement ouvrier. Ensuite, il y a d’autres points moins cruciaux : tous les membres du pouvoir sont payés au salaire minimum (ou pas loin), tous sont reconnus par l’assemblée centrale des conseils, tous sont révocables à tout moment à la demande des conseils. Les délégués des conseils sont eux-mêmes élus et révocables. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs : pas d’autre pouvoir que celui des travailleurs, pas d’assemblée réactionnaire ayant le pouvoir de bloquer les décisions des travailleurs. Bien entendu, cela ne signifie pas que tous les problèmes attenants à la bureaucratie soient ainsi miraculeusement résolus. Il n’y a pas de tels miracles, sauf dans la bouche des trompeurs. C’est la dynamique de la révolution mondiale qui décide et pas des « mesures » aussi bonnes soient elles. Et les dangers de la bureaucratie sont bien réels, et pas seulement dans un pays arriéré et isolé comme l’était la Russie. Ou la révolution socialiste triomphe du capitalisme et alors elle va vers un Etat en voie de disparition comme des classes sociales en voie de disparition. Ou ce n’est pas le cas et alors, bureaucratie ou réaction sanglante, toute forme de pouvoir des travailleurs sera mortellement menacé.

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