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La vie, l’homme et la conscience s’opposent-ils aux lois physiques de la matière ?

vendredi 10 novembre 2017, par Robert Paris

L’organisé, l’évoluant, le complexe, le vivant, l’inventif, le créatif, l’imaginatif, le conscient, le pensant, l’intelligent, le libre, le constructeur de sa propre histoire, en somme la vie et l’homme, sont-ils diamétralement opposés à l’inertie, à la perte de niveaux d’organisation due à l’augmentation d’entropie de la thermodynamique, au déterminisme physique des lois de la matière, à l’absence de conscience et de liberté de la matière inerte ? Y a-t-il une dualité du monde qui opposerait deux mondes, l’inerte et le vivant ? D’un côté un monde matériel et de l’autre un monde spirituel ?

Il n’y a pas plus de matière vivante face à une matière inerte que de matière pensante face à une matière non pensante, de matière déterministe face à une matière non déterministe que de matière consciente ni de matière intelligente ou de matière créatrice face à une autre sorte de matière. Il y a seulement la matière qui produit en même temps l’ensemble de tous les phénomènes de manière imbriquée et inséparable…

Il n’y a pas plus de mystère spirituel, pas d’élan vital, pas plus de dynamique libre dans un glucide que dans une roche, dans un ADN que dans un glycol, dans un être vivant que dans une montagne.

Le Vivant, l’Humain et le Conscient est-ce un domaine différent de la Matière inerte ? L’enjeu de cette question est à la fois scientifique, philosophique et même social et politique. Mysticismes, traditionalismes, animismes et religions se sont emparés de la question et les classes possédantes ne veulent pas les empêcher d’influencer les peuples. Tant pis pour les résultats des sciences ! Il n’existe aucun atome, aucun élément chimique propre au Vivant et ne fonctionnant pas dans la matière dite inerte. Il n’existe pas de force spéciale du Vivant qui ne soit pas une force fondamentale de la Physico-chimie de la matière générale. Les éléments qui participent aux molécules actives dans le phénomène de la Vie font partie du tableau de Mendéléïev des éléments trouvés sur Terre. Ce sont simplement les plus légers de ce tableau car cela est nécessaire à la stabilité de ces molécules étant donné qu’elles ont un très grand nombre d’atomes liés les uns aux autres.

Il est du coup fréquent d’entendre dire que le Vivant n’obéirait pas aux lois de la Physique, ou que la conscience et la liberté humaines sont en contradiction avec le déterminisme de la matière exposé par la Physique. On prétend aussi souvent que la créativité du Vivant n’aurait pas d’exemple dans la matière inerte, que la vie serait imprédictible, produirait de la nouveauté a contrario de la matière, que la matière obéit à la loi d’inertie et ne modifie ses états et son mouvement que par un action extérieure alors que la vie se modifie par elle-même, que la matière connaît une entropie croissante et un désordre sans cesse en augmentation alors que la vie est néguentropique et développe une capacité d’augmenter son niveau d’organisation, sa complexité. Les capacités du vivant de s’auto-entretenir, de s’auto-reproduire, de se multiplier, de se modifier, de s’adapter, de se fournir en énergie, de produire de la nouveauté feraient du Vivant un domaine à placer à part de la matière inerte étudiée par la Physique.

Pour ce que nous pouvons en savoir scientifiquement (on peut toujours tout prouver en ne misant que sur ce qu’on ne sait pas), ces affirmations sont fausses point par point. Cela repose sur une méconnaissance à la fois de la matière prétendument inerte et de la matière prétendument vivante. Je dis bien « prétendument » car il n’existe aucune matière inerte ni aucune matière vivante, mais une seule sorte de « matière », qui englobe la matière de masse au repos, la lumière et la matière du vide quantique, matière qui fonde aussi bien les roches, les fluides et le vivant.

Non seulement il est impossible de dresser une barrière infranchissable entre inerte et vivant, impossible de dire si les virus sont ou pas vivants, impossible d’affirmer qu’une protéine est vivante, ni qu’un ADN ou un ARN est vivant. L’ADN est d’ailleurs une molécule très passive puisqu’elle est entièrement inhibée par ses propres gènes et n’est activée que si elle rencontre des protéines convenables qui inhibent ses gènes inhibiteurs. Fondamentalement, l’expression même de « matière inerte » et de « matière vivante » est absolument à proscrire et nous ne l’emploierons qu’aux fins de la démolir plus profondément. Si le Vivant existe bel et bien et repose sur des structurations nouvelles de la matière qui sont apparues dans un monde matériel qui ne les connaissait pas auparavant, il repose néanmoins sur la même matière, possédant les mêmes lois et la physico-chimie est entièrement valide pour le Vivant.

Nous redisons donc que le Vivant n’est rien d’autre qu’un mode d’organisation de « la matière ». Que cette dernière, dans les structures du Vivant, est composée d’atomes qui n’ont rien de neuf, qui sont présentes dans la matière prébiotique, qu’elles ne changent pas de propriétés physico-chimiques parce qu’elles appartiennent au Vivant, que leur fonctionnement particulaire, atomique et moléculaire est exactement le même qu’il s’agisse de roches, de liquides ou de gaz ou d’êtres vivants.

Bien sûr, cela ne tranche pas la question de savoir si la matière s’est structurée sur Terre pour donner la vie ou si certaines molécules qui font partie du phénomène de la vie ont été produits dans l’espace extraterrestre. Mais cette question, qui n’est pas encore tranchée par les scientifiques, est très différente de celle de la fausse « matière vivante » ou que celle de domaines séparés du vivant et de l’inerte, sans parler de celle d’une création de la vie, de forces mystiques qui y seraient incluses, des esprits qui interviendraient là-dedans, et autre idées imaginaires.

La matière de l’espace, du moins celle des météorites qui pourraient avoir ensemencé la Terre dans la thèse dite de « la panspermie », n’est pas fondamentalement différente de celle que l’on trouve sur Terre, même si les proportions des éléments sont différentes. Même si la thèse de la panspermie était partiellement ou totalement reconnue, cela ne signifierait nullement un caractère immatériel ou d’une matière différente à la vie et cela ne signifierait en particulier pas que la vie n’est autre qu’une forme de structuration de la matière dite inerte. L’observation dans les domaines radio, millimétrique et infrarouge des poussières des milieux interstellaires démontre que ces poussières sont constituées essentiellement de carbone, de méthane, d’ammoniac et d’eau, éléments que l’on trouve également sur Terre et qui sont fondamentaux aussi pour démarrer la formation des macromolécules du Vivant. On constate même, sur certaines météorites, que la formation de ces macromolécules a commencé à se réaliser. L’exemple de la météorite de Murchisson est particulièrement parlant : elle contient plus de 70 acides aminés différents, dont huit acides aminés protéiques, utilisés dans la biosphère. La Terre n’est donc pas la seule matière à être capable de développer une synthèse spontanée de molécules organiques, de produire un milieu prébiotique ou biotique. La question de l’existence ou pas de la Vie dans l’espace n’est pas tranchée, mais cette question n’est, là encore, pas similaire à l’idée fausse d’un domaine du Vivant créé sans être produit directement par l’organisation et les propriétés de la matière générale, que ce soit la matière terrestre ou pas.

Certes on trouve des particularités aux molécules de la Vie et particulièrement la propriété de rotation des molécules puisque le Vivant fonctionne sur la base de molécules qui tournent dans le sens « gauche » alors que la matière est généralement également distribuée statistiquement en molécules « droites » et « gauches ». C’est un argument qui montre que la brisure de symétrie joue un rôle dans la nouvelle structuration de la matière et ce n’est pas le seul cas d’un tel phénomène : les structurations nouvelles de la matière reposent elles aussi sur des brisures de symétrie. D’autre part, cette brisure de symétrie n’est inventée par le Vivant ni pour lui. On la trouve dans la matière générale, dans les lois de la Physique. Si elle n’existe pas dans trois des forces fondamentales de la Physique (gravitationnelle, électromagnétique, nucléaire forte), elle existe bel et bien dans la quatrième, la force nucléaire faible. Celle-ci privilégie elle aussi l’hélicité gauche et cette asymétrie de la matière « inerte » se traduit par un avantage énergétique pour les molécules « gauches » et un avantage dans la vitesse de réaction chimique, avantage qui pour être très faible quantitativement n’en joue pas moins face au nombre considérable de réactions chimiques se réalisant au point de faire basculer l’équilibre racémique entre molécules gauches et droites.

Il est exact que la biochimie est particulière par rapport à la chimie, et celle-ci par rapport à la physique, mais jamais cela n’a signifié que les lois physiques ne s’appliqueraient pas à un quelconque domaine du monde réel. Certes, la Vie repose sur des structures carbonées alors que la matière inerte est plus fréquemment structurée par des squelettes moléculaires fondés sur le silicium mais les deux existent sur Terre de manière courante. Il est aisé de comprendre pourquoi les structures carbonées ont eu un avantage pour former des macromolécules de grande taille plus stables qu’avec du silicium, malgré l’utilisation de liaison intermoléculaires faibles (stéréochimiques) afin de permettre de relier et de rompre la liaison avec le plus d’économie d’énergie. Toutes ces liaisons des molécules de la biochimie, qu’il s’agisse de glucides, de lipides, d’acides aminés, de nucléotides ou de groupes phosphates notamment, sont entièrement fondés sur des lois de la physico-chimie qui n’ont même pas besoin d’être adaptées quand il s’agit du Vivant.

La stabilité de la matière impliquée dans le phénomène vivant (expression bien plus juste que celle de « matière vivante ») est fondée sur la mise en commun d’électrons périphériques par fusion des orbitales électroniques externes, liaison faible qui permet une dynamique très active des interactions moléculaires, avec de très nombreuses liaisons et coupures, très rapides et peu gourmandes en énergie. Ces relations obéissent aux lois électromagnétiques et quantiques de la matière des atomes et pas à des lois particulières au phénomène de la vie. Il n’y a aucun « mystère de la vie » là-dedans pour la science.

Certes, la formation des macromolécules du Vivant n’est à l’heure actuelle pas entièrement connue mais ce n’est pas non plus à proprement parler un mystère scientifique. Une connaissance incomplète qui progresse toujours dans le même sens ne signifie pas ignorance totale.

C’est en 1828 que Wöhler a réalisé à Berlin la synthèse chimique de la molécule d’urée en mélangeant des solutions d’ions ammonium NH4+ et cyanate CNO. C’était la première fois qu’était mise en cause par une expérience la notion de « force vitale » du Vivant puisqu’un chimiste était capable de produire en laboratoire une molécule du Vivant sans faire intervenir un être vivant, seulement par des interactions de molécules chimiques. Loin d’être une exception, cela n’a été qu’un début et les expériences du même type se sont multipliées depuis et les interprétations de la formation des molécules intervenant dans le Vivant aussi.

En 1924 avec Oparin et en 1929 avec Haldane, un premier schéma proposant une synthèse des macromolécules du vivant à partir de petites molécules telles que l’acide cyanhydrique (HCN) et le formaldéhyde (HCNO). Mais c’est Stanley Miller qui, en 1953, réalisa la première expérience tentant de reproduire en laboratoire l’équivalent d’un milieu sans oxygène, riche en dioxyde de carbone, en méthane et en ammoniac et montra qu’en une semaine cela produisait de nombreuses molécules organiques : acide cyanhydrique, formaldéhyde, urée et plusieurs acides aminés. Cependant, la suite des expériences multiples a montré que la synthèse des acides aminés (indispensables à la vie) nécessite des milieux gazeux réducteurs dans lesquels le carbone est présent en abondance accompagné de quantités importantes d’hydrogène et avec d’importantes sources d’énergie.

S’il est clair que la découverte des milieux prébiotiques qui ont réellement été à l’origine de la vie n’a pas encore été réalisée, il est tout aussi clair que de multiples expériences de laboratoire démontrent que la formation chimique, dans des conditions favorables, des acides aminés n’a rien d’impossible, n’a besoin d ‘aucun miracle et est de moins en moins une inconnue et pas du tout un mystère inconnaissable, nécessitant des pouvoirs spirituels.

L’expérience de Miller fournissait déjà une dizaine d’acides aminés sur la vingtaine nécessaire au vivant. Il est vrai que la chimie prébiotique a encore du pain sur la planche, notamment pour comprendre la formation de trois acides aminés fondamentaux (la lysine, l’arginine et l’histidine), des acides gras (nécessaires à la confection des membranes cellulaires) et de la plupart des coenzymes (comme les vitamines) dont la présence est indispensable aux fonctions métaboliques. La ribose, partie intégrante des nucléotides, n’est pas encore synthétisée dans les expériences actuelles dans des proportions significatives alors qu’il devrait être plus abondant dans un milieu prébiotique donnant la vie.

Ces insuffisances de la chimie prébiotique peuvent parfaitement provenir du fait que les expériences ont eu lieu séparément les unes des autres, que les produits synthétisés dans ces expériences ne pouvaient donc pas interagir entre eux alors que c’est le grand nombre de ces interactions qui a sans doute permis la formation de la vie. Cependant, cette chimie prébiotique est suffisamment avancée pour qu’on puisse dire qu’elle fonde parfaitement solidement l’idée que la vie est issue de la chimie et n’a besoin d’aucun coup de pouce divin ni mystique.

Une des suggestions particulièrement intéressante pour permettre d’imaginer le milieu matériel qui aurait permis toutes les conditions nécessaires à l’émergence terrestre de la vie est celle d’un milieu argileux. Dans les années 1980, Cairns-Smith a proposé un scénario permettant, dans un milieu argileux, de cumuler de nombreux éléments favorables à la vie : propriétés catalytiques, séparation avec le milieu, structures en feuillets permettant d’absorber de nombreuses molécules organiques, formation de pentamère de glycine et de longues chaînes peptidiques de plus de 50 acides aminés. Les argiles auraient ainsi été à la base de la formation des premiers ARN. Cette proposition n’est pas la seule. Citons également celle de Wächterhäser qui, pour sa part, privilégie l’hypothèse de la pyrite. On voit que la recherche se poursuit et qu’elle n’est pas forcément encore au point mais on voit aussi que toutes les recherches tendent à montrer que des mécanismes matériels suffisent à produire les molécules du vivant.

D’autres arguments doivent être étudiés qui prétendent fonder une séparation nette et même une opposition diamétrale entre vivant et non-vivant. Ils prétendent souligner l’existence de lois de la Physique qui ne seraient pas valides pour la matière intervenant dans le vivant mais ces arguments reposent sur une incompréhension à la fois des lois physiques de la matière et des lois évolutives, biochimiques, génétiques et épigénétiques de la vie.

La loi d’inertie de la matière en est un premier exemple. Certains auteurs affirment tout simplement que la matière y obéit mais pas la vie ! La remarque part du fait qu’un être vivant peut changer son état de repos et de mouvement sans action extérieure alors que la loi d’inertie affirmerait, selon eux, l’inverse. L’argument n’est pas idiot mais il est faux. Là encore, la vie n’a aucune particularité par rapport à la loi. Elle ne concerne pas que la matière… inerte mais la matière tout court !

La loi d’inertie de la matière n’est pas bien comprise par ceux qui l’utilisent ainsi. Elle sert surtout à définir la notion de force et pas seulement de « force extérieure ». D’ailleurs, l’extérieur et l’intérieur sont bien difficiles à définir pour des objets interagissant avec le milieu, échangeant par exemple de l’énergie avec le milieu, en interaction avec d’autres objets également, ce qui est le cas de tous les objets.

Le terme extérieur n’est pas nécessaire à la loi d’inertie. Newton, qui l’avait formulée, ne l’employait d’ailleurs pas : « Chaque corps continue d’être en son état de repos ou de mouvement régulier tant qu’il n’a pas été forcé de changer son état par des forces le contraignant. » (Citation de « Les fondements mathématiques de la philosophie naturelle » de 1867). On trouve dans cette loi d’inertie la notion de contrainte, celle de force, mais mention d’extérieur ni d’intérieur. La force peut tout à fait être « intérieure », de même que la contrainte. Ce qu’affirme cette loi, c’est la nécessité d’un forçage pour changer d’état de mouvement. Si le mouvement ne change pas, c’est que la force qui s’exerce est nulle et on dit qu’il s’agit d’un mouvement inertiel.

Certes, les êtres vivants peuvent se mettre en mouvement (passer du repos au mouvement) et changer ce mouvement par eux-mêmes. Mais les objets aussi ! Par exemple, une fusée qui démarre passe du repos au mouvement sans action extérieure. Et ce n’est qu’un exemple. Une pile électrique entre en action sans intervention extérieure. Un nuage se met à projeter de la pluie sans action extérieure. Peut-on vraiment dire « sans action extérieure » ? Pas plus pas moins que pour les êtres vivants.

Chez les êtres vivants comme pour les objets matériels, les forces intérieures comme extérieures peuvent mettre en mouvement et changer l’état de mouvement. Par exemple, quand un homme marche, il se propulse en avant par sa jambe mais le reste du corps est projeté alors en arrière, mouvement qui est inhibé par le freinage des pieds, par le frottement. C’est le caractère contradictoire du mouvement qui impose qu’une force intérieure soit compensée par une force intérieure opposée. C’est le frottement qui permet le mouvement : l’action négative de friction qui permet l’action positive du mouvement. C’est encore l’inertie qui impose cela. Et cela s’exprime aussi par la loi de l’action et de la réaction. Tout cela est vrai mais l’est tout autant pour le vivant, n’en déplaise aux partisans des domaines séparés et opposés inerte et vivant !

Une autre loi de la Physique est souvent utilisée pour affirmer la dichotomie de l’inerte et du vivant : la loi thermodynamique de l’entropie.

Cette loi affirme qu’un système isolé (on retrouve ici le problème intérieur/extérieur) ne peut que faire croître son entropie. La fonction d’état appelée entropie mesure le niveau qualitatif de l’énergie. On constate en effet que l’énergie ne change pas seulement quantitativement mais effectue des sauts de niveaux d’organisation au sein de la hiérarchie des structures de la matière. Ce sont ces sauts que mesure l’entropie ainsi que le sens dans lequel ces sauts sont faits, c’est-à-dire l’irréversibilité de certaines transformations d’énergie. L’énergie la plus basse qualitativement est la plus dispersée, la moins organisée, ou organisée au niveau le plus bas de la hiérarchie des structures. Par exemple, dans la matière la plus basse est la chaleur. Bien sûr, il existe encore plus bas si on étudie le vide quantique : les fluctuations du vide sont encore plus éphémères et agitées. En dessous du niveau du virtuel, on trouve encore le niveau du virtuel du virtuel… En somme, la loi thermodynamique affirme qu’un système qui se transforme sans échange avec l’extérieur ne peut que voir son entropie augmenter, c’est-à-dire perdre en qualité de l’énergie, en organisation, en complexité en somme.

Il n’y a plus qu’à remarquer que le vivant connaît, dans son évolution, une croissance de son organisation, de la qualité de son énergie, une néguentropie, et la dichotomie est ainsi affirmée : le vivant romprait avec la deuxième loi de la Thermodynamique !!! CQFD

Pas tout à fait ! D’abord la vie est très loin d’être un système isolé ! Elle a besoin, pour subsister, d’un apport d’énergie de l’extérieur. Les êtres vivants, à commencer par les cellules, ne sont pas isolés les uns des autres, sinon ils se suicident.

Mais ce n’est pas tout. Fort heureusement, cette interprétation de la deuxième loi de la Thermodynamique ne s’applique pas non plus à la matière « inerte ». Il n’est pas vrai que la matière ne peut que perdre en organisation, en niveaux qualitatifs d’énergie, qu’augmenter en entropie. Si cela était vrai, les atomes, les molécules ne se seraient jamais formés, les planètes, les étoiles, les galaxies, les amas de galaxie non plus, et pas d’avantage la biologie et les macromolécules !

Comment cela est-il possible sans violer la deuxième loi de la Thermodynamique ? Eh bien, c’est tout simplement que l’entropie globale augmente effectivement mais que l’entropie d’une partie du tout, elle, peut diminuer, les niveaux d’énergie augmenter et l’organisation et la complexité aussi pour une partie aux dépens du reste.

Pour le vivant, il en va de même, l’entropie diminue aux dépens du milieu qui, lui, s’agite (chauffe par exemple, vibre, se déstructure) et se désorganise plus.

Si ce n’était pas le cas, on n’assisterait jamais à la formation et au développement de cristaux, à la formation des roches, à la formation des structures fractales, des structures dendritiques, des structures organisées diverses de la matière. Il serait ainsi impossible de passer du fluide au liquide et au solide car ces changements d’état sont néguentropiques eux aussi. La matière « inerte » peut subir des changements néguentropiques tout autant que le vivant, du moment que le bilan global entre l’objet et le milieu est une augmentation de l’entropie. Par exemple, l’entropie sur Terre peut diminuer du moment que le système Terre-Soleil voit son entropie augmenter.

On n’a donc nullement démontré, par cet argument thermodynamique, la particularité de la vie par rapport à la matière, mais, au contraire, l’obéissance des deux aux mêmes lois.

La loi en question affirme que des systèmes maintenus loin de l’équilibre par un apport extérieur d’énergie régulier sont capables de produire de nouvelles structures d’organisation, de faire émerger de nouvelles formes, de créer de la nouveauté. La vie n’en est qu’un exemple très frappant, très important pour nous bien sûr, mais pas le seul et pas en opposition diamétrale avec le reste du fonctionnement matériel pour lequel aussi bien pour l’inerte que pour le vivant, une fraction du monde matériel peut monter les échelons de structures de la hiérarchie à condition que l’ensemble les descende, que l’agitation globale et la déstructuration de l’ensemble augmente. On peut citer sur cette question les travaux de Prigogine et Nicolis et ces derniers ont donné un grand nombre d’exemples de ce type de situations, prises dans la physique comme dans la chimie. Ils ont montré que l’auto-organisation ne concerne pas seulement le vivant mais toute la matière. Et la création de structures nouvelles concerne l’ensemble des systèmes matériels non-linéaires hors équilibre et dissipatifs (recevant de l’énergie de l’extérieur), systèmes matériels dont le vivant n’est qu’un exemple.

Cela montre que l’ordre n’est pas seulement positif, il est produit en même temps que le désordre. De même qu’on a vu précédemment, à propos de l’inertie, que le mouvement ne peut pas être produit sans mouvement inverse. De même aussi que la conservation en physique ne signifie pas l’absence de changement mais la nécessité de produire autant d’une propriété que de son inverse. On peut conserver la quantité d’électricité à condition de produire autant d’électricité positive que négative. C’est ce que fait, par exemple, en permanence le vide quantique ! Les contraires se composent et ne se contentent pas de s’opposer, au contraire de la vision dichotomique des partisans des oppositions diamétrales…

Dans la relation matière quantique-vide quantique, l’équilibre signifie que le vide peut créer de la matière à condition de créer autant d’antimatière puis de les transformer en énergie en les couplant, et créer de l’énergie à condition d’en absorber autant. Se fondant sur ce processus, le vide quantique peut créer toutes les sortes de particules de la matière ! Comme on le voit, le vivant n’est pas le seul à créer des structures nouvelles !!! Bien sûr, les structures du vide quantique ne sont qu’éphémères mais elles peuvent devenir durables (on dit « réelles » au lieu de « virtuelles » pour celles du vide) si elles gagnent un boson de Higgs. Et voilà formées toutes les particules de matière de notre univers matériel.

Mais ce n’est pas fini : d’autres lois de la Physique semblent, à ces auteurs, contradictoires diamétralement au fonctionnement du Vivant.

Ainsi, ils voient dans les lois physiques un déterminisme qui ne leur semble pas s’appliquer au Vivant qui est imprédictible (personne ne peut dire quelle espèce vivante nouvelle va apparaître, quelle espèce va disparaître, quel être vivant va mourir, quel fonctionnement vivant va s’altérer, etc.).

Tout d’abord, le déterminisme physique n’est pas aussi absolu que veulent le croire ces auteurs. Là aussi le déterminisme est inséparable et couplé à l’indéterminisme, de manière dialectique, aussi bien dans la matière « inerte » que dans la matière « vivante » (ceci étant dit par ironie, je le reprécise, puisque cela n’existe pas comme on n’a cessé de le montrer).

De multiples domaines de la physique démontrent que la matière elle-même est un couplage du hasard et de la nécessité, du déterminisme et de l’indéterminisme pas seulement la vie… Ils démontrent même mieux : que l’on ne peut augmenter le déterminisme d’un côté qu’en accroissant l’indéterminisme d’un autre.

C’est ce qu’avait découvert Heisenberg pour le monde au niveau microscopique et qu’il a formulé par les fameuses « inégalités d’Heisenberg ».

C’est aussi ce qu’exprime la notion de dualité onde-corpuscule, les deux étant inséparables dans la description du monde matériel et lumineux ainsi que du vide quantique. L’expression « onde » étant plus étalée et déstructurée que l’expression « corpuscule ». On ne peut produire l’un qu’en produisant l’autre, augmenter l’ordre qu’en augmentant le désordre, et inversement, produire des structures qu’en produisant de l’agitation, de l’énergie, de la lumière, de la chaleur, des « ondes »...

C’est également ce qu’avait découvert la thermodynamique avec la loi d’entropie : la structuration spontanée de la matière est possible si une autre partie, en interaction avec la première, se déstructure.

C’est encore ce qu’affirme la Physique dite du « chaos déterministe ». Le déterminisme n’y est pas diamétralement opposé au désordre et l’ordre y est intimement mêlé au désordre, difficile même à distinguer d’un « désordre pur », d’un pur hasard. Pourtant, il suffit qu’un système soit non-linéaire pour être capable d’exhiber un tel chaos déterministe. C’est dire que tous les systèmes matériels ne sont différents d’un chaos déterministes qu’exceptionnellement, qu’approximativement, qu’à la marge ! La chaos et le déterminisme ne s’opposent pas diamétralement mais dialectiquement, car ils sont inséparables, y compris dans des systèmes qui n’ont pas un grand nombre d’éléments, y compris dans des systèmes macroscopiques.

La physique statistique regorge d’exemples de mélange dialectique d’ordre et de désordre.

L’univers matériel est bien plus « au hasard » que le pense le grand public ou, plus exactement, c’est l’agitation et le désordre qui font émerger l’ordre et la loi, comme c’est le cas pour la fission nucléaire spontanée (l’émission nucléaire est imprédictible), pour la rupture ou la fissure due à la « fatigue » des matériaux, pour l’apparition d’une structure nouvelle, d’un changement d’état, pour toutes les formes de structurations de la physique, de la chimie, de la biochimie, de la génétique, de l’épigénétique, etc.

Pour passer ensuite du biochimique aux organes, aux organismes, aux êtres vivants, aux espèces, aux écosystèmes, à la vie, à l’homme, au cerveau, à la conscience et à l’inconscient, il y a encore bien des sauts qualitatifs, mais il n’y a jamais de contradiction diamétrale avec les lois de la physico-chimie. On a trouvé dans le corps humain de très nombreux fonctionnements physiques et chimiques, utilisant l’électricité, utilisant les propriétés matérielles, mais jamais un fonctionnement diamétralement contraire à ces propriétés. Désolé pour les adeptes des divers mysticismes, spiritualismes, créationnismes, etc.

On ne peut pas défendre un réductionnisme qui ramènerait la pensée au neurone, mais de la même manière on ne peut pas défendre un réductionnisme qui ramène la Terre à l’atome et à la particule. Car on étudie là des niveaux d’organisation de la matière différents. Cependant, de la particule à la Terre et au système solaire, c’est la même matière que l’on étudie, et aussi de la cellule vivante neuronale au système nerveux, à son centre cérébral, à ses réseaux neuronaux, à son organisation de relations, c’est de la même matière qu’il s’agit. Ce n’est nullement un point de vue réductionniste mais matérialiste que de dire cela.

François Jacob dans sa conférence pour l’Université de tous les savoirs de 2000 intitulée « Qu’est-ce que la vie ? » :

« « Qu’est-ce que la vie ? Cette question me paraît d’autant plus appropriée qu’elle n’a pas de réponse. (...) Mais si chacun parle de la vie en relation avec la mort, rares sont ceux qui en parlent en relation avec les choses inanimées, avec les montagnes, les rochers, le sable, l’eau, etc. En effet, en science, la division entre vivant et non vivant est relativement récente. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle… on faisait de l’histoire naturelle…

Longtemps savants et philosophes ont cherché à élucider la nature de la vie. L’idée de vie suggérait l’existence de quelque substance ou de quelque force spéciale. On pensait que la « matière vivante », comme on disait alors, différait de la matière ordinaire par une substance ou une force qui lui donnait des propriétés particulières. Et pendant des siècles, on a cherché à découvrir cette substance ou cette force vitale. En réalité, la vie est un processus, une organisation de la matière. Elle n’existe pas en tant qu’entité indépendante qu’on pourrait caractériser. On peut donc faire l’étude du processus ou de l’organisation, mais pas de l’idée abstraite de la vie. On peut tenter de décrire, on peut tenter de définir ce qu’est un organisme vivant. Mais il n’y a pas de « matière vivante ». Il y a de la matière qui compose les êtres vivants et cette matière n’a pas de propriété particulière que n’aurait pas ce qui compose les corps inertes. (...)

Quand on analyse les composants de la cellule, on constate que celle-ci est formée de molécules de deux types : des petites molécules et de très grosses molécules. Les petites molécules sont formées par une chaîne de réactions successives. A chaque étape un petit groupe d’atomes est ajouté ou retranché. Chaque réaction est catalysée de manière spécifique par un enzyme particulier. Les grosses molécules sont fabriquées de manière très différente. Ce sont des polymères formés par la répétition d’une même réaction. A chaque étape est ajouté un même type de petite molécule. Ces polymères peuvent ainsi contenir des centaines, voire des milliers de résidus. Il en existe deux sortes qui jouent chacune un rôle primordial dans la cellule :

 Les acides nucléiques, polymères des bases puriques et pyrimidiques…ADN et ARN…

 Les protéines, polymères d’acides aminés dont il existe vingt sortes…

Plus se précisent la composition des êtres vivants et les réactions dont elles sont le siège, moins elles se distinguent de celles réalisées en laboratoire. L’originalité des êtres vivants réside surtout dans les enzymes, dans leur fonction de catalyseurs. C’est grâce à la précision, à l’efficacité et à la spécificité de la catalyse enzymatique que peut se tisser le réseau de toutes les opérations chimiques dans l’espace minuscule de la cellule. Ces activités enzymatiques sont associées à la présence de protéines. Si la chimie des êtres vivants a un secret, c’est dans la nature et les qualités des protéines qu’il faut le chercher. »

Jean-Pierre Changeux dans sa conférence de l’Université de tous les savoirs de 2000 intitulée « Le cerveau : de la biologie moléculaire aux sciences cognitives » :

« François Jacob a montré que les êtres vivants peuvent se décrire comme des états privilégiés d’organisation de la matière et qu’on peut rendre compte de leurs propriétés sans faire appel à d’autres forces que celles de la physique et de la chimie. Il a souligné que les progrès de la biologie moléculaire, la compréhension des êtres vivants au niveau des molécules et des atomes, ont signé, en quelque sorte, la mort du vitalisme, l’appel des forces vitales immatérielles. Qu’en est-il de notre cerveau et de ses fonctions ? Qu’en est-il de l’esprit humain ?

Mon propos ne va pas être de répondre d’une manière définitive à cette question difficile, mais de tenter d’étendre ce raisonnement, amorcé par François Jacob, à cet état d’organisation de la matière, beaucoup plus complexe que celui de la cellule bactérienne ou de l’embryon : le cerveau de l’homme…

Ma conclusion sera qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à des forces nouvelles, à de quelconques influences mystérieuses et immatérielles pour rendre compte de l’origine des productions les plus nobles de notre espèce et que l’on qualifie le plus souvent de « spirituelles »…

Notre cerveau n’est pas une machine inerte. Divers types de signaux circulent à l’intérieur de la machine neurale. Les principaux signaux sont des impulsions électriques qui circulent à une vitesse qui est inférieure à la vitesse du son et se retrouvent de la méduse au cortex cérébral de l’homme. Celles-ci se propagent le long de l’axone d’une manière discrète, de « tout ou rien », du corps cellulaire jusqu’à la terminaison nerveuse… Chaque onde électrique individuelle peut elle-même être expliquée intégralement par des transports de particules chargées, des ions, à travers la membrane. L’activité électrique élémentaire du cerveau se réduit sans difficulté à des processus strictement physico-chimiques, conclusion importante sur le plan philosophique et idéologique, j’en prends le risque…

Il apparaît que nos activités cérébrales sont le fait non seulement d’activités électriques qui se propagent dans nos nerfs, mais également de transductions chimio-électriques par des systèmes moléculaires de neurotransmetteurs et de leurs récepteurs… »

Christopher Wills dans « La sagesse des gènes » :

« A quel point l’évolution est-elle en fait improbable ? Cela dépend de quelle évolution il s’agit, et à qui vous parlez. Pour un créationniste, le processus semble terriblement improbable... Le créationniste supposera que l’évolution travaille de la manière la plus maladroite et la plus simpliste imaginable. Suivons le raisonnement créationniste typique...

Si vous vous contentez d’enfiler des acides aminés dans un laboratoire pour fabriquer une protéine aléatoire, vous obtiendrez une affreuse molécule contorsionnée, ayant peu ou pas d’hélices élégantes ni de feuillets plissés qui caractérisent les protéines qui constituent notre organisme. De telles protéines ont peu de chances d’avoir une fonction décelable quelle qu’elle soit. L’écrasante majorité des protéines aléatoires tomberont dans cette catégorie... S’il y a vingt possibilités pour la première position dans la protéine, vingt pour la seconde, etc., le nombre de toutes les protéines possibles ayant 347 acides aminés sera donc de 20x20x20.... 347 fois multiplié par lui-même soit 20 à la puissance 347. Ainsi, la chance de réussir la bonne protéine du premier coup n’est que de une chance sur vingt puissance 347, soit une chance sur dix puissance quatre mille quatre cent quarante quatre, un nombre excessivement, excessivement petit....

Voilà, dans l’essentiel, l’un des arguments créationnistes les plus puissants qui aient jamais été soulevés contre les défenseurs de l’évolution. Le nombre de possibilités pour la structure biologique même la plus simple est tellement immense que la probabilité que l’une d’entre elles se soit produite dépasse les bornes de toute vraisemblance, même au cours de tout le temps écoulé depuis que l’univers existe.

Bien sûr, comme beaucoup d’évolutionnistes l’ont souligné, ce raisonnement ignore le processus de l’évolution lui-même. Si un organisme a avantage à fabriquer ou à consommer de l’alcool, alors n’importe quelle protéine que l’organisme se trouve posséder et qui agit sur l’alcool sera sélectionnée. Toutes les améliorations concernant cette protéine seront aussi rapidement sélectionnées, parce que l’information génétique codant cette protéine et se améliorations ultérieures sera transmise de génération en génération...
Marshall Horwitz et Lawrence Loeb de l’université de Washington à Seattle entreprirent de chercher s’ils pouvaient sélectionner un morceau d’ADN fonctionnel à partir d’une collection de molécules essentiellement aléatoires, d’une longueur déterminée, qui avaient été insérées à la place de la séquence originelle... Horwitz et Loeb fabriquèrent au hasard un nombre énorme de séquences d’ADN de dix-neuf bases, utilisant une machine qui peut synthétiser des brins courts d’ADN... Ils ont pu facilement synthétiser la plupart des quatre puissance 19 soit grosso mode dix puissance onze, c’est-à-dire cent milliards de molécules différentes possibles, même si chacune n’était peut-être représentée qu’une seule fois ou peu de fois dans leur échantillon. Ils fournirent à leurs molécules aléatoires deux extrémités « collantes » hautement spécifiques... Ainsi, l’ADN ne pouvait se reconstituer que si l’une des dix puissance onze différentes petites séquences aléatoires avait été insérée... Horwitz et Loeb trouvèrent de nombreux mutants différents de la sorte... Certains étaient même meilleurs que l’original... Cette expérience remarquable révèle des possibilités fascinantes. En utilisant la sélection pour départager des morceaux aléatoires d’ADN, les expérimentateurs devaient pouvoir faire faire des sauts évolutionnistes impressionnants à des gènes ayant des propriétés qui n’ont tout simplement pas fait leur apparition dans le monde vivant.

En même temps, cette expérience souligne certains faits importants concernant l’évolution. L’expérience, quand elle est faite correctement, démontre que même l’évolution la plus maladroite n’est pas si improbable après tout. »

Stephen Jay Gould :

« La principale critique que Darwin adresse au créationnisme ne porte pas tant sur son caractère erroné, qui peut être démontré, mais sur le fait qu’il est dépourvu de toute valeur en tant que raisonnement, car déclarer que tel ou tel organisme ou tel ou tel trait ont été créés ne nous apprend absolument rien, mais ne fait qu’affirmer qu’ils existent, ce qu’un simple coup d’œil nous apprend : « Il n’est pas de tentative plus vaine que de vouloir expliquer cette similitude de type chez les membres d’une classe par l’utilité ou par la doctrine des causes finales… Dans l’hypothèse de la création indépendante de chaque être, nous ne pouvons que constater ce fait en ajoutant qu’il a plu au Créateur de construire ainsi tous les animaux et toutes les plantes. »
En outre, et plus négativement, invoquer la création revient à renoncer à tout espoir de comprendre les relations et les structures. On ne formule pas la moindre explication en termes de causes lorsqu’on déclare que l’ordre taxinomique reflète le plan du Créateur, car, à moins de connaître la volonté de Dieu, une telle affirmation revient à constater que l’ordre est l’ordre. Darwin, qui garda toujours une grande bienveillance malgré les multiples assauts mettant à l’épreuve sa patience, dirigea plusieurs de ses rares commentaires virulents contre l’argument, interdisant toute possibilité de recherche, qui consistait à dire : Dieu l’a fait ainsi, gloire à son nom. Il remarque, par exemple, que les chevaux parfois à la naissance une robe marquée de légères zébrures. Un créationniste ne peut que se contenter d’affirmer que Dieu a fait les espèces d’équidés (cheval, zèbre, âne) sur le même modèle, en les dotant de la capacité à varier par rapport à celui-ci et de la possibilité d’exprimer, dès lors, le type le plus complet, bien que rarement. L’évolution, d’un autre côté, fournit une vraie explication en termes de causes pour cette anomalie, en affirmant que ces différentes espèces descendent d’un même ancêtre et que les zébrures correspondent à la rétention de caractères ancestraux par l’hérédité : c’est une explication qui peut être mise à l’épreuve de nombreuses façons différentes, dès lors que l’on comprend les mécanismes de l’hérédité.

Darwin se moque de l’ « explication » fournie par le créationniste au sujet des zébrures du cheval :

« Admettre semblable hypothèse, c’est vouloir substituer à une cause réelle une cause imaginaire, ou tout au moins inconnue ; C’est vouloir en un mot faire de l’œuvre divine une caricature et une illusion. Quant à moi, j’aimerais tout autant admettre, avec les cosmogonistes ignorants d’il y a quelques siècles, que les coquillages fossiles n’ont jamais vécu, mais qu’ils ont été créés en pierre pour imiter ceux qui vivent sur le rivage de la mer. »

Si l’on doit fonder sa confiance en l’évolution sur des preuves tirées de l’histoire (en partie fournies directement par les archives fossiles, mais généralement obtenues indirectement car déduites de l’observation des organismes modernes), sur quelles règles rationnels ou quels critères s’appuyer pour reconstituer cette dernière ? Selon moi, la meilleure façon de comprendre « la longue argumentation » de Darwin est de la voir comme une réponse complexe à cette question, illustrée par de nombreux exemples…

De nombreux auteurs définissent la science comme l’étude des processus déterminés par des causes. Les processus qui se sont déroulés dans le passé ne sont, en principe, pas observables. On doit donc travailler par déduction, en se fondant sur les résultats des processus passés, préservés dans les archives historiques. Il faut étudier les résultats actuels de processus pouvant être directement observés et même manipulés par expérimentation, et l’on doit ensuite déduire les causes des processus passés grâce à leur « ressemblance suffisante » avec les résultats actuels. Cette méthode demande de faire l’hypothèse que les lois de la nature ne varient pas au cours du temps. Les études historiques sont donc très particulières en ceci qu’elles s’appuient sur des méthodes faisant appel à la comparaison et au degré de ressemblance plutôt que sur celles, classiques, se fondant sur la simplification, la manipulation, les expériences contrôlées et la prédiction…

Je considère que chacun des livres de Darwin se présente, tout à la fois, comme l’analyse de telle ou telle énigme, comme une argumentation en faveur d’une vision du monde évolutionniste et comme un traité de méthodologie historique. Cependant, on n’a généralement pas aperçu cette dernière préoccupation méthodologique, parce que Darwin a choisi de la présenter en l’appliquant à des cas concrets plutôt que d’en discourir.
Le fondateur de l’évolutionnisme a compris qu’il fallait mettre au point plusieurs méthodes de déduction en histoire, chacune d’entre elles devant être adaptée à la nature et à la qualité des données offertes à l’analyse. On peut les classer en fonction de la quantité décroissante d’informations disponible… L’Origine des espèces présente de manière globale sa façon de voir la nature et recourt à l’ensemble des quatre méthodes : elle peut donc être lue comme le récapitulatif de ses contributions originales à la méthodologie des sciences historiques…

Darwin se moque des arguments tirés par les cheveux des créationnistes, les qualifiant de contes fantaisistes n’expliquant rien du tout :

« On dit généralement dans les ouvrages d’histoire naturelle que les organes rudimentaires ont été créés « en vue de la symétrie » ou pour « compléter le plan de la nature » ; or ce ne sont là que des expressions tautologiques, et non des explications… Que penserait-on d’un astronome qui soutiendraient que les satellites décrivent autour des planètes une orbite elliptique en vue de la symétrie et pour compléter le plan de la nature, parce que les planètes décrivent de pareilles courbes autour du soleil ? »

Recherchant toujours des comparaisons avec des exemples tirés de l’histoire humaine que nous ne pouvons nier, même si les durées en jeu sont bien plus courtes que dans l’évolution des êtres vivants, Darwin compare les organes rudimentaires aux lettres qui, dans l’orthographe des mots, ne sont plus prononcées, mais l’ont été jadis :

« On peut comparer les organes rudimentaires aux lettres qui, conservées dans l’orthographe d’un mot, bien qu’inutiles pour sa prononciation, permettent d’en retracer l’origine et la filiation. »
Darwin emploie encore la même argumentation pour étayer la discussion de tous les autres aspects des formes organiques. Il introduit la morphologie comme « l’une des parties les plus intéressantes de l’histoire naturelle, dont elle peut être considérée comme l’âme. » et continue immédiatement en illustrant cette proposition d’un exemple d’application de la méthode :
« N’est-ce pas une chose des plus remarquables que la main de l’homme faite pour saisir, la griffe de la taupe destinée à fouir, la jambe du cheval, la nageoire du marsouin et l’aile de la chauve-souris soient toutes construites sur un même modèle, et renferment des os semblables, situés dans les mêmes positions relatives ? »
La thèse centrale de la section sur la taxinomie expose le même point sous une forme différente : si les animaux n’avaient connu aucune histoire de changement et s’ils n’avaient été créés en fonction des nécessités présentes, alors pourquoi des configurations anatomiques similaires sont-elles incarnées par des êtres vivants dont le style de vie est tellement différent ?...

Darwin s’est particulièrement attelé à la tâche de répondre à l’ouvrage de William Paley : « Théologie naturelle » dont voici un extrait significatif :

« Les charnières des ailes d’un forficule et les pièces articulées de ses antennes sont aussi bien façonnées que si le Créateur n’avait rien eu d’autre à faire que de mettre au point les détails de l’anatomie de cet insecte. Nous n’apercevons aucun signe de diminution du soin en raison de la multiplicité des objets ou de distraction de la pensée en raison de leur diversité. Nous n’avons, par conséquent, aucune raison de craindre d’être oubliés ou négligés. »

Darwin soutenait au contraire qu’on ne pouvait en aucun cas fonder la morale dans la nature, ni trouver en elle de réconfort. »

Quelques idées fausses sur la matière nous poussent à l’opposer à la vie

Et aussi quelques idées fausses sur la vie

Nous sommes également victimes de la philosophie de la dichotomie qui impose des oppositions diamétrales

Certes nous constatons le dynamisme révolutionnaire du Vivant

Mais la matière dite inerte est tout aussi révolutionnaire

Le monde matériel subit, lui aussi, sans cesse des transformations spontanées qualitatives

Le Vivant, rétroaction de la vie et de la mort

La Matière, rétroaction des Corps matériels et du Vide

Et l’évolution du Vivant, quelle philosophie du Vivant et du monde elle nous apporte ?

La matière a une histoire, comme la vie

Qu’est-ce que la vie ? Un processus d’auto-organisation de la matière

Pourquoi la matière s’organise spontanément et de manière stable ?

La matière inerte est issue du vide

La matière inerte est elle-même issue d’un processus d’auto-organisation

L’émergence de structures nouvelles existe dans la matière inerte

La matière inerte obéit au strict déterminisme

La matière inerte obéit à la loi de l’inertie

La matière inerte obéit à l’augmentation de l’entropie

La matière non vivante est inerte

La matière est historique comme le vivant

Que savons-nous du passage de l’inerte au vivant ?

Et les virus, nos ancêtres

Les virus sont inertes ou vivants ?

Que savons-nous de la matérialité de l’esprit ?

Comment la matière fabrique un cerveau humain

Le cerveau c’est la physique du chaos déterministe

D’où vient la conscience humaine ?

D’où vint l’intelligence humaine ?

Quelques idées fausses sur l’intelligence humaine

La philosophie dualiste de Descartes

Le dualisme de Bergson

Le dualisme de Popper

Vie et matière pour Lucrèce

La conception dichotomique

La fin de l’opposition diamétrale entre hasard et nécessité pour Prigogine

Faut-il opposer diamétralement l’homme au reste de l’Univers ?

Un seul monde, deux mondes ou plusieurs mondes ?

Un seul monde !

Le vivant, c’est la complexité ?

Le monde obéit-il à un principe anthropique ?

Quelle leçon tirer de l’existence de la vie, de l’existence de l’homme ?

La matière comme la vie, c’est l’émergence, la création sans créationnisme ni créateur

Quelques questions clefs pour le vivant

Dialectique naturelle et sociale

L’intelligence dialectique du Vivant

La dialectique de la matière

Evolution des espèces et contradictions dialectiques

Entropie et Dialectique

Qu’est-ce que l’entropie ?

Loi d’inertie

Qu’est-ce que l’auto-organisation ?

Loin de l’équilibre et Prigogine

Le fonctionnement révolutionnaire du vivant

La discontinuité de la vie : de la création d’espèces à la création de l’homme et à la création humaine et des civilisations

La nature (et notamment la vie) n’a pas de but, pas de plan, pas de dessein

Une leçon : ne pas placer l’homme au centre si on veut comprendre l’Univers

Faut-il opposer diamétralement la matière vivante et la matière inerte

Messages

  • Bonjour,
    En complément à votre excellent article, comme le détail François Roddier dans "Thermodynamique de l’évolution", peut-on considérer l’évolution de l’Univers mais aussi la vie, l’évolution des espèces ou les civilisations comme des processus de maximisation du taux de dissipation de l’énergie (loi MEP - Maximum Entropy Production) ?
    Ainsi l’astronome américain Eric Chaisson a tracé une courbe montrant l’efficacité avec laquelle les structures (galaxies, étoiles, animaux, etc.) dissipent l’énergie en fonction de l’âge de l’univers.
    Qu’en pensez-vous ?
    Merci

  • Richard Feynman dans son « Cours de Physique – Mécanique 1 » :

    « En principe, l’électrodynamique quantique est la théorie de toute la chimie et de toute la vie, puisque la vie en dernière analyse se réduit à de la chimie et donc finalement à de la physique – la chimie étant à l’heure actuelle déjà ramenée à de la physique… Si nous regardons les processus biologiques des animaux vivants de plus près, nous voyons de nombreux phénomènes physiques : la circulation du sang, les pompes, la pression, etc. Il y a les nerfs : nous savons ce qui se passe lorsque nous marchons sur une pierre pointue, et que, d’une manière ou d’une autre, l’information remonte depuis la jambe. Il est intéressant de savoir comment cela se passe. Dans leurs études des nerfs, les biologistes sont arrivés à la conclusion que les nerfs sont des tubes très fins avec une paroi complexe qui est très mince ; au travers de cette paroi, la cellule pompe des ions, de telle sorte qu’il y a des ions positifs à l’intérieur et des ions négatifs à l’extérieur, comme dans un condensateur. Cette membrane a une intéressante propriété ; si elle se « décharge » en un endroit, c’est-à-dire si certains des ions sont capables de traverser en un endroit, alors l’influence électrique se fait d’elle-même sentir sur les ions du voisinage, et elle affecte la membrane d’une manière telle qu’elle laisse également traverser les ions aux points voisins. Ceci, à son tour, a un effet un petit peu plus loin, etc., et il apparaît ainsi une onde « de pénétrabilité » de la membrane qui court le long de la fibre lorsqu’elle est « excitée » à une extrémité en marchant sur une pierre pointue. Cette onde est quelque peu analogue à une longue séquence de dominos verticaux ; si celui de l’extrémité est renversé, celui-ci pousse le suivant, etc. Bien sûr, ceci ne transmettra qu’un seul message tant que les dominos ne sont pas relevés ; et de manière semblable dans la cellule nerveuse, il y a des processus qui pompent les ions lentement en sens inverse vers l’extérieur, pour rendre le nerf prêt à transmettre l’impulsion suivante. C’est ainsi que nous pouvons savoir ce que nous faisons (ou au moins, où nous sommes). Bien sûr, les effets électriques associés avec cette impulsion nerveuse peuvent être détectés avec des instruments électriques, et puisque « ce sont » des effets électriques, il est évident que la physique des effets électriques a eu une forte influence sur la compréhension du phénomène… Pour les problèmes les plus fondamentaux de la biologie, nous devons regarder plus en profondeur ; lorsque nous le faisons, nous découvrons que toutes les choses vivantes ont un grand nombre de caractéristiques en commun. Le trait le plus commun est qu’elles sont faites de « cellules », à l’intérieur de chacune desquelles se trouve un mécanisme complexe pour fabriquer chimiquement des produits… Dans les cellules des systèmes vivants, il y a de nombreuses réactions chimiques compliquées, dans lesquelles un composé est transformé en un autre, et en un autre encore… Les protéines sont des substances très caractéristiques de la vie : d’abord elles forment tous les enzymes, et deuxièmement, elles forment la plupart du reste des matériaux vivants. Les protéines ont une structure très simple et très intéressante. Elles ont une série, ou chaîne, de différents « acides aminés ». Il y a vingt acides aminés différents, et tous peuvent se combiner les uns avec les autres pour former des chaînes des divers représentants de ces vingt acides aminés, chacun de ces acides aminés a probablement une fonction spéciale. Certains, par exemple, ont un atome de soufre en un certain endroit ; lorsque deux atomes de soufre se trouvent dans la même protéine, ils forment une liaison, c’est-à-dire qu’ils lient la chaîne ensemble en deux points et forment une boucle. Un autre possède des atomes d’oxygène en plus qui en font une substance acide, un autre a un caractère basique… Si nous voulions fabriquer une protéine particulière, nous donnerions ces instructions : plaçons un de ces crochets soufre en cet endroit ; ensuite ajoutons quelque chose pour occuper la place ; ensuite plaçons quelque chose pour introduire un coude dans la chaîne. De cette manière, nous aurons une chaîne d’apparence compliquée d’un seul tenant et ayant une certaine structure complexe ; ceci est probablement la manière selon laquelle les différents enzymes sont construits. Un des grands succès récents (depuis 1960) fut de découvrir enfin l’arrangement atomique spatial exact de certaines protéines, qui comportent entre cinquante-six et soixante acides aminés consécutifs… Il n’y a certainement pas de sujet ou de domaine qui fasse, à l’heure actuelle, davantage de progrès sur autant de fronts que la biologie, et s’il fallait nommer l’hypothèse la plus puissante de toutes, celle qui nous guide perpétuellement dans notre tentative pour comprendre la vie, nous dirions : « tous les objets sont formés d’atomes » et tout ce que les objets vivants peuvent faire peut être compris à partir des mouvements d’agitation et de vibration des atomes. »

  • Merci pour ces articles forts intéressants qui m’ont poussé à relire cette semaine le livre de Peter W. Atkins "Comment créer le monde" avec ci-dessous quelques extraits.
    « La complexité apparente est en dernière analyse de la simplicité organisée. »
    « Il est essentiel de dissiper l’illusion de la complexité pour accéder à la simplicité sous-jacente. »
    « Les formes du changement, des plus rudimentaires aux plus sophistiqués sont différentes manifestations des mêmes phénomènes primitifs. »
    « Tous les évènements, autour de nous et en nous, ont la même cause : une tendance aveugle à la désorganisation. »
    « La structure profonde du changement, c’est la dégradation. Ce qui se dégrade, ce n’est pas la quantité, mais la qualité de l’énergie. »
    « La qualité de l’énergie est semblable à un ressort de montre qui se détend lentement. La qualité décroit à mesure que le ressort universel se détend et actionne, ce faisant, comme les engrenages d’une machine très compliquées, les processus interdépendants qui sont à l’œuvre en nous et autour de nous. La machine est d’une telle complexité que la désorganisation, ici où là, peut temporairement disparaître au profit de la qualité. C’est ce qui se produit quand sont construites des cathédrales ou jouées des symphonies. Mais ce ne sont que des illusions locales et éphémères : le ressort universel, inéluctablement, continue à se détendre. Tout naît de la désorganisation. Une désorganisation aveugle et sans motif. »
    « Toute l’évolution peut être considérée comme une dissipation contrôlée d’énergie. »
    « Aussi longtemps que nous pouvons recharger nos cellules avec de l’énergie de qualité, de l’énergie concentrée prie dans le monde extérieur, et en transférer un peu à nos cellules, nous pouvons entretenir notre complexité. Une interprétation déprimante, mais honnête, consiste à dire que la vie est une lutte (non pas volontaire mais engendrée par dispersion) pour prendre dans l’environnement de l’énergie de haute qualité et y rejeter de l’énergie de basse qualité. D’une certaine façon, nous devons désorganiser le monde extérieur afin d’avoir une vie intérieure. Une chaine alimentaire, les hommes mangeant les vaches, les vaches mangeant l’herbe, et l’herbe se nourrissant de terre et de soleil, est le dispositif mis en place par l’évolution pour coordonner la tendance à la dispersion de l’énergie. Nul besoin de chercher un but derrière tout cela : l’énergie s’est tout simplement dispersée, et cette dispersion a généré des éléphants et des idées passionnantes. »

  • Jacques Reisse dans « Les premières formes de vie » :

    « Tous les êtres vivants qui peuplent ou ont peuplé la Terre fonctionnent ou ont fonctionné selon les mêmes modes en utilisant les mêmes molécules. »

    Et il précise :

    « Tous les êtres vivants actuels, et tous ceux aujourd’hui disparus mais dont on retrouve des fossiles moléculaires, fonctionnent ou ont fonctionné sur la base de molécules d’ADN (constituées des mêmes nucléotides), relayées par des molécules d’ARN-messager selon un mode de traduction pratiquement universel. Ces molécules d’ARN-messager elles-mêmes conditionnent la synthèse des protéines (enzymes protéiniques) dont le rôle catalytique permet la régulation, au cours du temps, des réactions chimiques qui se déroulent au sein des cellules. Par ailleurs, le stockage d’énergie libre dans les cellules des organismes vivants utilise le même ATP. »

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