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Picq a trouvé le propre de l’homme : la marche bipède
dimanche 12 janvier 2020, par
Seul l’homme est bipède et seul l’homme marche debout ? Sans doute que les singes qui suivent ne sont là que pour se moquer des malheureux paléoanthropologues et "singent" les hommes à moins que ce soit l’homme qui les ait singés ?!!!
Le paléoanthopologue (qui étudie les hommes préhistoriques) Pascal Picq a trouvé le propre de l’homme ou bien il essaie de… nous faire marcher ?!!
On pourrait résumer grossièrement ainsi la nouvelle thèse de Pascal Picq : « je marche, donc je pense, donc je suis… un homme ».
Un homme ? Est-ce un homo, est-ce un homo sapiens, est-ce un sapiens sapiens, est-ce un ancêtre commun de l’homme et du singe qui, pour Picq, serait sorti ainsi de… la marche ? Non c’est un homme au sens du « contraire » de la femme, qui, elle, ne marcherait pas trop ! Bien entendu, Picq sait que les femmes marchent aussi mais elles ne le font pas, selon lui, de manière volontaire et par plaisir mais de manière forcée ! Ne dites pas que Picq est un sale macho : il affirme au contraire défendre les femmes ! Et on remarquera que Picq a en plus trouvé la clef de l’énigme de l’effondrement civilisationnel actuel : nous marchons de moins en moins !!! Et il a des solutions y compris pour l’entreprise : faire marcher les salariés ? Car marcher et évoluer serait synonyme !
Voyons donc avec quels arguments Picq entend nous faire… marcher !
« Ainsi s’achève la longue marche du genre Homo. Pourquoi s’achève ? Parce que, par-delà les promesses utopiques et parfois effrayantes du transhumanisme, l’effondrement de la marche dans nos sociétés brutalement sédentaires et obèses risque d’avoir raison de l’humanité. Il faut se remettre en marche au risque d’être frappé parce que j’appelle le ’’syndrome de la Planète des singes’’. La nouvelle de Pierre Bouille, publiée en 1963, deviendrait alors prémonitoire.
Savez-vous pourquoi les grands singes prennent le pouvoir (les films ne l’indiquent pas) ? Tout simplement parce que les humains ont cessé de marcher et de penser… En effet, c’est bien la marche qui fait de nous des humains. C’est elle qui entraîne les corps et les pensées dans tous les domaines qui édifient la condition humaine : philosophe, religion, histoire, politique et, aussi, science. Nous pouvons ainsi rappeler que tous les grands protagonistes des théories de l’évolution des espèces et de la diversité anthropologique comme ceux, plus tard, de la paléoanthropologie, étaient de grands voyageurs à pied, à cheval et en bateau… Les Homo sapiens n’ont jamais été aussi nombreux sur la Terre, mais ils n’ont jamais si peu marché. Les personnes sédentarisées marchent à peine entre un et trois kilomètres par jour, ce qui vaut pour les milieux urbains, mais la situation est pire dans les banlieues et les campagnes où la voiture se trouve au bas de l’escalier ou de l’autre côté de la porte (pour les podologues, une personne inactive fait moins de 2 000 pas par jour ; les personnes un peu actives et assez actives, entre 5 000 et 10 000 pas par jour et les personnes actives plus de 10 000 pas par jour.) (…) La marche est ce qui a fait le genre Homo depuis plus de 2 millions d’années et elle reste l’activité la plus universelle, et même un art universel pour certains amateurs. La diversité des langues et des cultures s’est construite à pied, et hier comme aujourd’hui, c’est par la marche que tous les humains se reconnaissent et c’est par des marches à travers le monde, entre les cités et dans les cités, que se conquièrent et se défendent les libertés. La marche ouvre à la fois le chemin et l’esprit, elle est la source de l’empathie envers les paysages - la nature, et les autres - les humains… Le bipède humain a besoin de marcher et de parler pour penser, pour créer. Des études récentes menées à l’université de Stanford montrent que les personnes qui marchent ont une créativité supérieures de 60 % à celles et ceux qui restent assis. »
Pascal Picq dans « La marche : sauver le nomade qui est en nous »
Picq a ici des accents bibliques de l’Ancien Testament : « N’oublie jamais que tu es le fils d’un pasteur nomade araméen… »
Picq avait cependant remarqué d’abord que nous avons surtout des points communs avec « les singes », car nous en faisons partie plus que nous n’en descendons :
« Si on fait le bilan de ce que l’on a observé depuis 30 ans chez les chimpanzés, on s’aperçoit que tout ce que l’on avait cru voir se manifester en termes d’adaptation uniquement chez les hommes c’est à dire la bipédie, l’outil, la chasse, le partage de la nourriture, la sexualité, les systèmes sociaux, le rire, la conscience, l’empathie, la sympathie, les chimpanzés le font aussi. Donc, soit ils ont tout acquis indépendamment, soit cela vient du dernier ancêtre commun, ce qui est plus plausible. Cela veut dire que déjà dans le monde des forêts, il y a 6 à 7 millions d’années, toutes ces caractéristiques que l’on a cru propres à l’homme existaient et font partie d’un bagage ancestral commun. »
Pascal Picq. Entretien RFI 2001.
« Et l’on peut dire adieu à la vieille classification qui plaçait l’Homme avec un grand H d’un côté, et tous les "pongidés" (les grands singes) de l’autre »
Il affirme que « le propre de l’homme, il y a de quoi rire ! »
Pascal Picq écrit dans « L’humain à l’aube de l’humanité » :
« Tous les critères qui fondent l’homme sont préservés, qu’on se rassure, mais ils sont plus ou moins partagés avec nos frères les grands singes, notamment les chimpanzés et les bonobos. La bipédie : caractère anatomique étonnant qui porte notre tête au dessus de nos instincts se retrouve chez les grands singes et surtout chez les bonobos, les plus arboricoles de tous, sans oublier la vingtaine d’espèces d’hominidés fossiles qui déambulent sur les multiples chemins de nos origines depuis plus de sept millions d’années. L’outil : les chimpanzés utilisent des outils et se transmettent des traditions ; bref ils possèdent des comportements culturels. Ça aussi, Darwin le savait, car des observations et des descriptions avaient été faites depuis 1844. Mais il a fallu attendre les années 1970 pour que des éthologues aillent en Afrique de l’Ouest et « redécouvrent » que des chimpanzés brisent des noix à l’aide de pierres ou de bouts de bois. Il fallut attendre aussi une grande synthèse de centaines de milliers d’heures d’observation à partir de sept populations de chimpanzés pour que l’on démontre, enfin, qu’ils ont des cultures. Sans surprise, on constate qu’il en est de même chez les orangs-outans, nos lointains et magnifiques cousins d’Asie. La guerre : hélas, les chimpanzés sont aussi enclins à agresser leurs voisins que les hommes…. L’interdit sexuel : Chez tous les singes, l’un des deux sexes quitte le groupe natal au moment de l’adolescence pour se reproduire. Dans la très grande majorité des cas, chez les singes, les femelles restent ensemble alors que les mâles migrent. En fait, l’homme se révèle être le singe le plus incestueux. La vie sociale : les hommes, les chimpanzés et les bonobos vivent dans des sociétés de fusion-fission. Plus explicitement, les individus se séparent pour vaquer à leurs occupations et retrouvent le groupe pour nouer d’autres relations sociales. Ce qui nous semble si simple est loin d’être une évidence et requiert des codes sociaux très complexes. (…) Conscience de soi : leur comportement devant des miroirs comme, et surtout, leurs stratégies sociales impliquent qu’ils sont capables de se représenter les états mentaux des autres. Ils font donc preuve d’empathie et de sympathie, ce qui suggère aussi mensonges, réconciliations, etc… »
Et pourtant, Picq se lance maintenant dans la recherche éperdue d’un critère unique du « propre de l’homme » : la marche, le nomadisme en somme…
Marcher est indispensable pour penser nous dit Picq
Picq : « La marche. Sauver le nomade qui est en nous »
Picq pense que l’homme est un produit de la bipédie, même s’il peut sembler dire le contraire dans un premier temps :
« Ce n’est pas la bipédie qui fait l’homme, mais l’homme qui fait et adapte sa bipédie. En effet, la famille des grands singes pratique des formes de bipédies arboricoles et parfois terrestres depuis plus de dix millions d’années, alors que tous vivaient dans le monde des forêts. Comme l’avaient bien vu Darwin et les grands évolutionnistes de son temps, les bipèdes descendent tout droit des arbres et sur deux pieds. Et dans cette nouvelle perspective ouverte par la paléoanthropologie moderne, l’homme n’apparaît, selon l’expression de Desmond Morris, ni comme un ange déchu, ni comme un singe élu. Quant à la bipédie humaine, la nôtre, elle apparaît vers deux millions d’années et entraîne de nombreuses conséquences sur notre physiologie, notre sexualité, nos cultures tout en mettant notre lignée en danger à cause des difficultés de l’accouchement… La vraie question est alors de voir en quoi la bipédie et la marche sont ce qui fait de nous des humains. En effet, c’est bien la marche qui fait de nous des humains. C’est elle qui entraîne les corps et les pensées dans tous les domaines qui édifient la condition humaine : philosophie, religion, histoire, politique et, aussi, science. Nous pouvons ainsi rappeler que tous les grands protagonistes des théories de l’évolution des espèces et de la diversité anthropologique comme ceux, plus tard, de la paléoanthropologie, étaient de grands voyageurs à pied, à cheval et en bateau… Cet essai a donc pour but à la fois ultime et évolutionniste : repenser notre évolution et remettre l’humanité sur Terre et en marche, par la grâce d’un pas de deux rythmé par la paléoanthropologie et la philosophie… Les longues jambes sont la marque d’une adaptation à la marche et à la course, que l’on retrouve chez toutes les espèces cursives et terrestres, mais unique aux hommes parmi les hominoïdes. Le col et la tête du fémur sont développés et robustes… Le tibia assure l’essentiel du travail et s’appuie sur une merveille architecturale de pied. La cheville a un talon important sur lequel s’insère un ligament puissant : le talon d’Achille. Une double courbure définit une arche plantaire qui unit les os du métatarse à un tissage ligamentaire solide et complexe. Cette anatomie absorbe les chocs et transmet efficacement la poussée du talon à la naissance du gros orteil… L’homme est le seul mammifère capable de courir debout, le buste redressé et sur de très longues distances grâce à une endurance exceptionnelle… On ne refait pas l’évolution, mais une chose est certaine, tout a commencé par les pieds et la marche. »
Voici quelques vidéos de Picq illustrant cette idée :
Le propre de l’homme pour Picq, ce n’est pas seulement la station debout mais la marche
Pascal Picq remet en cause le principe d’acquisition de la bipédie. Il a déclaré, le 10 août 2003, lors d’une émission consacrée aux bonobos (sur France Inter) : « ... la bipédie, les bipédies sont certainement plus anciennes qu’on ne le pense... j’avais fait l’hypothèse... la bipédie est ancestrale. »
Comme plusieurs autres scientifiques, Picq ne voit plus la bipédie comme une acquisition récente des hominidés. Ils avancent la théorie que nous avons, au contraire, un ancêtre dont la bipédie était le principal mode de locomotion. Deux idées en découlent naturellement :
– les grands singes actuels utilisent moins la bipédie que leur (notre) ancêtre commun, et sont devenus arboricoles.
– la lignée humaine n’a pas adopté ce mode de locomotion puisque nos ancêtres le maîtrisaient déjà...
« Aujourd’hui, la famille des hominidés se compose des grands singes africains : gorilles, chimpanzés, bonobos et hommes. C’est tout simplement que nos origines sont africaines. » rappelle Picq…
La bipédie existe depuis plus de 6 millions d’années, elle est utilisée aussi bien par nos ancêtres que par de grands singes actuels... Chez les hominidés, cette aptitude s’est amplifiée au fur et à mesure du temps pour devenir chez les hommes modernes l’unique moyen de locomotion, ce n’est donc pas un trait de différenciation. source
Voir aussi la bipédie de l’orang-outan
Quel est le plus vieux bipède humanoïde au monde ?
Picq va plus loin : il fait le lien entre bipédie, pensée et création....et notamment comment la bipédie des femmes est contrainte.
Les sources de l’oppression de la femme et de la domination masculine remonteraient de fait pour lui déjà à Lucy et non à l’apparition des sociétés de classe.
Toujours dans « La marche. Sauver le nomade qui est en nous », il écrit que la marche est plus masculine que féminine. Ainsi, il n’a pas trouvé beaucoup de femmes pour écrire des ouvrages intéressants sur la marche non pas parce que les femmes ne marcheraient pas mais parce qu’elles ont plus de contraintes pour le faire et le font avec moins de plaisir.
L’origine serait que l’homme-chasseur marcherait plus que la femme, plus sédentaire et plus attaché au foyer et aux enfants. Mais la cueillette, activité majoritairement féminine de ce point de vue, semble nécessiter autant de marche que la chasse.
L’enfantement ne dure qu’un temps et on peut cueillir en s’accompagnant d’enfants en bas âge comme le montrent les femmes cueilleuses du monde entier...
Effectivement, il oublie assez vite que les humains (hommes et femmes) chasseurs cueilleurs ne sont pas que chasseurs mais cueilleurs aussi. Tâches qui supposent aussi de marcher... Il oublie aussi le rôle certainement jouer par les femmes dans la découverte de l’agriculture liée aux tâches de cueillettes...
La cueillette des femmes serait donc à l’origine d’une des plus grandes révolutions, le néolithique.
Derrière son apparente dénonciation de la domination masculine, il me semble qu’il y a l’enjeu de remettre en cause que les premières sociétés d’hominidés étaient égalitaires et supposaient l’entraide de toutes et de tous. Une manière de remettre en cause le communisme primitif.
Dans « Un antropologue dans l’entreprise », Picq semble oublier qu’il est « paléoanthropologue et devient un chercheur des « solutions » dans l’entreprise capitaliste et voudrait la « faire évoluer en se servant des leçons de l’évolution des espèces » ( !!!) et faire ainsi marcher... les salariés !
Voici des extraits de l’ouvrage de Picq
Et il préconise rien moins qu’un « nouvel humanisme » ! Et il le propose… aux entrepreneurs, traduisez aux capitalistes !!!
Il arrive aussi à Picq de trouver d’autres "propres de l’homme" comme la cuisson
Lire aussi des extraits d’autres ouvrages de Picq :
Les origines de l’homme expliquées à nos petits-enfants
Le sexe, l’homme et l’évolution
L’homme est-il un grand singe politique ?
Il était une fois la paléoanthropologie
Conclusion, tout ce que nous sommes vient de la marche. Le même Picq affirmait le 15 mars 2015 :
« Tout ce que nous sommes vient du monde des forêts. C’est fabuleux ! Quand les dinosaures disparaissent – prenons du recul – il y a 65 millions d’années, la terre n’est qu’une vaste forêt qui couvre tout d’un pôle à l’autre : cela va durer 30 millions d’années. Et nous, les primates, les premiers, commençons une coévolution extraordinaire avec ces forêts. Les plantes à fleurs et à fruits – ce que sont les arbres -, ont besoin de fleurs pour leur reproduction, et donc d’insectes pour les butiner et les polliniser. Les fruits, eux, sont « faits » pour être mangés, notamment par les singes qui vont disperser leurs graines par leurs fèces. Et participer ainsi à la biodiversité. Vous savez, manger des fruits, cela nous paraît fort simple à nous, parce que nous sommes faits pour cela, mais c’est très compliqué. Tenez, ces incisives, devant, qui nous permettent d’arracher un morceau et ensuite de la mastiquer derrière, mais c’est une invention extraordinaire ! Elle nous a permis d’assurer notre succès. En fait, et je suis bien sûr que les lecteurs de Terre Sauvage seront sensibles à cela, nous sommes les enfants des fruits et des fleurs… Si Ergaster est le premier à couper le cordon ombilical avec les arbres et les Tropiques, c’est qu’il est un vrai chasseur. Tous les hominidés qui vivent autour d’Ergaster utilisent très intelligemment les ressources de leur environnement, mais lui va commencer à transformer cet environnement, ce qui n’est pas du tout la même chose. Les autres retournent dormir dans les arbres le soir, mais Ergaster va lui construire des abris, et apprivoiser le feu. Ce gars-là devient capable de se procurer de la nourriture en toute saison, c’est-à-dire la viande. Ah oui, pour moi, c’est le vrai homme. Heureusement qu’il était là ! Les grands singes, trop dépendants des arbres, disparaissent ou se raréfient. En Afrique, toutes les espèces qui dépendent des arbres vont connaître la décimation. Sauf Homo. Et bien sûr les chimpanzés, les bonobos, et les gorilles là où les arbres se maintiennent. On nous racontait jadis qu’on avait le singe à quatre pattes, qui donnait le grand singe, qui donnait l’homme. Mais non, ce n’est pas du tout ça… On a longtemps pensé que l’homme, c’est surtout le langage. Et on avait d’ailleurs découvert dans son cerveau gauche les aires de Wernicke et de Broca, précisément dédiées au langage, mais sans aller regarder dans la tête des grands singes. Et là, grand gag : quand des anatomistes l’ont fait, ils ont trouvé chez les chimpanzés les aires de Wernicke et de Broca, ce qui explique d’ailleurs pourquoi ces derniers réussissent si bien dans l’apprentissage du langage des sourds-muets ou encore artificiel. En fait, notre dernier ancêtre commun nous a laissé cette possibilité d’un mode de communication symbolique… Et nous avons été obligés d’admettre – mais c’est tout récent, et très contesté par ailleurs – que toutes les grandes caractéristiques de l’homme se trouvent partagées, de manière multiforme, et à des degrés bien sûr différents, avec les grands singes. Les bonobos sont bipèdes, mais ce n’est pas la bipédie humaine. Les chimpanzés ont des cultures, dont une partie des fondements sont proches de ceux des premiers hommes, et ils font de la politique, ont une notion du bien et du mal, une certaine conscience de soi, ils ont le sens du rire et même de l’humour. Mais pas autant que nous ! »
Il y a des groupes d’extrême gauche que tout cela emballe
Mais pas nous !
Nous ne sommes pas emballés qu’on nous trouve une fois de plus une prétendue particularité de l’homme tout en nous disant qu’elle n’est en fait pas si particulière mais qu’il l’a utilisée particulièrement. D’autre part, on peut penser en marchant mais on peut aussi penser en dormant, en rêvant, en restant à révasser, en se contentant de s’ennuyer intelligemment, etc… Hawking coincé dans son fauteuil n’est pas plus bête que Bohr et Heisenberg qui marchent ou Nietzsche que Picq cite à tort et à travers… Nous ne sommes pas emballés que la marche devienne une différence entre la femme et l’homme préhistoriques, la femme étant cataloguée comme plus casanière que l’homme-chasseur. Nous ne sommes pas emballés que Picq nous parle ainsi de « l’homme » sans préciser si c’est seulement du néandertalien-chasseur qu’il s’agit ou de l’homo sapiens sapiens. Nous ne sommes pas emballés parce que nous n’avons pas trouvé d’élément nouveau paléoanthropologique mais seulement des considérations philosophiques et littéraires très superficielles pour étayer une thèse de paléoanthopologie… Picq, ami de Coppens qui l’a attaché à sa chaire de Paléoanthropologie et Préhistoire et pris comme associé au Collège de France, serait-il tombé dans un piège scientifique monté par Coppens, celui qui l’a poussé, aidé, soutenu… Et, en effet, l’auteur de la fausse thèse de l’ « East Side Story », est à l’origine de cette thèse de « la bipédie est le propre de l’homme ».
Yves Coppens rajoute avec une grande audace qui ne doit rien à la science : « N’ayons pas peur des mots, nous sommes un organisme supérieur. L’homme est au sommet de l’échelle du vivant. » Sur ce point, Picq semble en désaccord… Il expose sur France Inter : « ... la bipédie, les bipédies sont certainement plus anciennes qu’on ne le pense... j’avais fait l’hypothèse... la bipédie est ancestrale. »
La bipédie de Coppens a ceci de particulier qu’il estime que c’est l’homme qui l’a décidée par sa simple volonté !!!
« D’un côté, la grande forêt a disparu. Les singes de la savane sont menacés d’extinction. Les singes se partagent les derniers arbres survivants. Le malheur (du futur homme) va le pousser à faire une découverte prodigieuse. Se déplaçant dans les grandes herbes de la savane, il ne voit rien. Alors, il se dresse sur ses pattes arrière. Et là, c’est fantastique : il voit. Etre à quatre pattes dans la savane l’empêche de voir. Alors, il a une intuition. Il va marcher sur deux pattes le plus longtemps possible. Ca y est : il est bipède. La longue marche commence. A 2000 kilomètres de là, un autre homme s’est dressé sur ses pattes arrière. La nouvelle s’est-elle répandue jusque là ? Ou est-ce pure coïncidence ? Personne ne le sait. Ils auront des enfants et des petits-enfants auxquels ils légueront leur formidable découverte. » écrit Coppens !!!
On ne sait pas si Picq soutient cela. Auquel cas, il essaie véritablement de nous faire marcher et pas seulement dans l’entreprise !!!
Pourquoi vouloir que l’homme représente une révolution essentielle, qui serait la bipédie et la marche, et qu’on néglige bien d’autres changements tout aussi révolutionnaires : néoténie, modification du bassin de la femme, pouce opposable aux autre doigts, modification de l’axe crânien, modification du crâne et du cerveau, le feu, la maison, la cueillette, découverte de la culture des plantes, les interdits sexuels et sociaux, organisation des femmes et leur science de l’enfantement, des plantes, des médicaments, la vie collective et la production collective, la chasse, et bien d’autres capacités physiologiques, mentales, sociales ou techniques des hommes…
Quant à la division hommes/femmes, nous ne croyons pas qu’elle soit essentiellement déterminée par la marche. En effet, l’homme a nomadisé, ce qui lui a permis de conquérir tous les continents. Mais s’il l’avait fait sans femmes, il n’y aurait pas eu d’enfants donc les femmes ont autant nomadisé que les hommes quand ceux-ci ont essaimé sur toute la planète. Il est inutile de voir des particularités quelconques qui expliqueraient que les femmes marchent moins ou moins facilement puisqu’elles ont marché autant…
De l’homme et de la femme préhistoriques
« L’évolution humaine a commencé par les pieds aimait à dire par provocation André Leroi-Gourhan, insistant sur le fait que l’acquisition de la bipédie précède dans l’histoire humaine précède dans l’histoire humaine le développement du cerveau. De fait, des découvertes récentes ont montré que la bipédie a sans doute été acquise très tôt dans l’histoire de la famille humaine, il y a 3 ou 4 millions d’années. Les études menées sur la locomotion des australopithèques ont conclu que ceux-ci marchaient déjà sur leurs deux pieds, même s’il leur arrivait parfois de se déplacer par brachiation – en se suspendant à l’aide des bras. Les traces de pas découvertes en 1977 à Laetoli (Tanzanie) et datées de 3,6 millions d’années sont bien celles de deux individus parfaitement bipèdes, marchant côte à côte… Elles ont confirmé le fait que la station redressée et la marche bipède étaient déjà acquises par ces hominidés primitifs – bien avant que la taille du cerveau n’atteigne son développement actuel. Le développement du cerveau est certainement le trait le plus remarquable de la morphologie humaine. (...) La question reste cependant posée du « Rubicon cérébral » - elle implique qu’il existerait une capacité endocrânienne au delà de laquelle on pourrait légitimement considérer qu’on a affaire à des représentants du genre Homo, dignes d’entrer dans la galerie de nos ancêtres…La définition, longtemps discutée, d’Homo Habilis comme premier représentant du genre humain, a fait reculer cette frontière à 600 cm3 … et peut-être encore moins : il faut bien admettre que le développement du cerveau n’a pas été l’unique « moteur » du développement humain ; il s’associe à d’autres traits anatomiques propres à l’homme, station redressée, bipédie, morphologie de la main, fabrication et utilisation d’outils, usage d’un langage articulé… (...) L’avènement d’une « conscience » proprement humaine se situerait donc du côté de ses productions techniques. L’outil est-il autant qu’on le pensait naguère porteur de la différence irréductible de l’homme ? (...) Si l’outil définit l’homme, l’apparition de l’homme proprement dit ne coïncide pas avec celle de l’outil. Certains grands singes savent utiliser et même fabriquer des outils. (...) Certains chercheurs n’hésitent pas à parler de « comportements culturels » chez ces singes. D’autre part, les première industries de pierre sont probablement l’œuvre des australopithèques : ces hominidés au cerveau guère plus volumineux que celui d’un gorille sont-ils des auteurs des pebble tools ou des industries sur éclats vieilles d’environ 2,5 millions d’années – qui ont été trouvées associées à eux dans certains sites africains ? (...) Il a donc fallu repenser les « seuils » qui naguère semblaient infranchissables, non seulement entre grands singes et premiers hominidés, mais aussi entre les différents représentants de la famille humaine… La multiplicité des espèces d’hominidés fossiles connues dès les époques les plus anciennes rend désormais impossible toute conception finaliste et linéaire de ce devenir. C’est un schéma arborescent, buissonnant même, qui rend le mieux compte de la profusion des espèces d’hominidés, parfois contemporaines entre elles, qui nous a précédé. » explique la biologiste Claudine Cohen dans sa conférence pour l’Université de tous les savoirs en janvier 2000.
Elle écrit encore :
« Cependant, dans les sociétés actuelles de chasseurs cueilleurs, comme c’était sans doute le cas dans les groupes préhistoriques, les activités productrices des femmes sont loin de se limiter à l’espace du « foyer ». Elles se déplacent sur de longues distances, tout en portant leurs enfants. Les activités de cueillette - souvent négligées ou sous-estimées par les ethnologues ou les archéologues mâles - les obligent à parcourir de vastes territoires. En outre, l’espacement voulu des naissances n’oblige pas à une immobilisation constante auprès de nourrissons. La division sexuelle du travail dans ces sociétés ne peut être justifiée par une sédentarité nécessaire des femmes. Qui plus est, les femmes ne sont pas toujours exclues de la chasse, elles y participent de maintes façons : chasse au petit gibier en Australie (elles déterrent le bandicoot à l’aide d’un bâton à fouir, ou l’opossum en l’enfumant), mais aussi au gros gibier, souvent pour le rabattre, tandis que l’homme reste immobile, à l’affût. « Partout dans le• monde, chez les Indiens d’Amérique du Nord comme chez les Aborigènes d’Australie ou chez les Pygmées, les femmes participent aux chasses collectives qu’au titre de rabatteur, s’intégrant donc au groupe le plus mobile » : intéressante inversion des rôles classiquement attribués aux femmes, celles-ci étant alors plus mobiles que les hommes. Si elles ne mettent pas à mort, les femmes peuvent jouer un rôle à toutes les étapes de la chasse - déchiffrer des traces du gibier, le poursuivre, le rabattre. Elles se chargent aussi de ramasser des animaux tués au piège. Un autre type d’activité de subsistance souvent dévolu aux femmes est la récolte d’insectes, de larves, d’escargots ou de coquillages sur les bords de rivières ou au bord de la mer. Ce ramassage constitue un apport important en protéines animales. .. »
Picq et Coppens dans « Aux origines de l’humanité – Le propre de l’homme » :
« On a longtemps considéré que le fai de se tenir debout, de se déplacer debout – en un mot la bipédie – était le propre de l’homme en lui conférant une suprématie sur le reste du règne animal. Les études récentes sur la locomotion des animaux, enrichies par les hypothèses locomotrices bâties sur des fossiles comme Lucy, montrent pourtant qu’il ne s’agit pas d’un comportement exclusivement humain, mais qu’il existe dans notre lignée des caractéristiques spécifiques progressivement acquises… On a souvent prétendu que la bipédie avait permis à l’être humain de libérer ses mains de leur fonction locomotrice afin d’utiliser des outils. Pourtant, la comparaison avec des singes communs montre que l’utilisation d’outils est liée à la position assisse, et non à la position debout…Le terme de bipédie inclut plusieurs comportements, généralement confondus lorsqu’on parle de la bipédie humaine. Il s’agit de la possibilité de s’asseoir, de la station debout, de la marche bipède et de la course. Bien qu’ils n’aient pas la même signification fonctionnelle, ces comportements impliquent plus ou moins directement une certaine verticalité du corps. Il importe néanmoins d’exclure de la définition de la bipédie non seulement la position assise, où seule le tronc est érigé, mais aussi tout comportement arboricole redressé (le saut, le grimper) qui du point de vue fonctionnel, s’éloigne par trop d’un comportement bipède terrestre. Ainsi, seules la station debout et la course bipède sont caractéristiques de l’homme. En revanche, il semble que la marche bipède pratiquée par l’homme ne soit pas très différente de celle d’autres primates bipèdes. »
En fait, contrairement à ce qui vient d’être dit, il semble que rien ne soit le propre de l’homme mais qu’au contraire, certaines activités soient propres aux singes. Cela signifie que la marche n’est pas propre à l’homme, pas plus que la course mais ce qui est remarquable c’est ce que l’homme ne fait pas : il ne marche pas à quatre pattes et il ne grimpe pas aux arbres !