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Que penser de la notion de « révolution néolithique » ?

mercredi 11 janvier 2017, par Robert Paris

Que penser de la notion de « révolution néolithique » ?

Il s’agit de plusieurs révolutions sociales et pas seulement de révolutions technologiques.

On appelle « révolution néolithique », les trois révolutions : urbaine, agricole et artisanale qui ont fait sortir l’humanité de son stade « chasseur-cueilleur ».

L’homme a été un chasseur-cueilleur jusqu’à la révolution néolithique. Toutes les découvertes archéologiques concordent pour étayer l’hypothèse selon laquelle jusqu’à il y a vingt mille ans, tous les êtres humains étaient des cueilleurs-chasseurs.

Pas plus qu’il n’y a un seul monde du paléolithique qu’il n’y aura un seul monde agricole du néolithique, mais un nombre considérable de manières différentes d’organiser la société et de produire des richesses et ensuite de les distribuer.

Tels que nous, humains, sommes aujourd’hui, nous pouvons nous croire issus essentiellement de la grande révolution à la fois agraire et urbaine du néolithique, oubliant et même méprisant souvent le stade considéré comme arriéré des chasseurs-cueilleurs du paléolithique (d’ailleurs, nous ne parlons de civilisation qu’à partir du stade de l’agriculture !) et ne reconnaissant pas l’apport immense de la plus grande révolution, celle de la chasse et de la cueillette du paléolithique, l’un des facteurs essentiels qui a produit l’humanité.

Si la révolution néolithique a produit notre société actuelle ou ses bases (un univers créé par l’homme, culture et élevage permettant une domination sur la nature, une assurance de survivre, habitat fixe, propriété privée, écriture, Etat, échanges économiques, argent, etc.), la révolution du paléolithique (avec le développement des techniques de chasse et de pêche et notamment le développement d’outils liés à ces activités) a produit quelque chose d’encore plus essentiel sans lequel le stade néolithique n’aurait pas été possible : notre propension à vivre en société et notre capacité sociale et intellectuelle, notamment nos échanges, notre langage, notre goût des autres être humains, notre volonté de partager avec eux. Si nous sommes humains, nous ne le devons pas à l’agriculture mais nous le devons à l’activité sociale des chasseurs-cueilleurs et au développement du goût du partage qui est découlée des modifications de toutes sortes liées à cette activité.

En Histoire comme dans bien d’autres domaines, la seule forme de transformation admise est l’évolution graduelle et continue. Même un historien comme Gordon Childe, chantre de la « révolution néolithique », de la « révolution urbaine » et de la « révolution industrielle », voit dans la transformation du monde plus une action continue du progrès technologique c’est-à-dire essentiellement une capacité des classes dirigeantes, qu’une transformation révolutionnaire, c’est-à-dire l’action des masses, violente et destructrice de l’ancien ordre. « Pour accomplir la révolution néolithique, les hommes, ou plutôt les femmes durent non seulement découvrir les plantes et les méthodes de culture qui leur convenaient, mais encore inventer des instruments pour labourer, moissonner, emmagasiner les récoltes, et les transformer enfin en nourriture. » écrit Gordon Childe. Il rajoute « L’étude de l’histoire de l’humanité depuis ses origines met en relief une évolution économique continue qui abouti aux méthodes employées par les sociétés les plus évoluées pour assurer leur existence.(...) Les sanctuaires ont toujours été reconstruits sur le même emplacement ce qui prouve la continuité des traditions à travers les multiples changements apportés par des civilisations différentes. » Est-il exact que les révolutions sociologiques, économiques et politiques que sont la vie urbaine, l’agriculture et l’élevage, la civilisation et l’apparition de l’Etat soient des progrès dus à évolution graduelle et continue dans une continuité des traditions, des cultures, des techniques, des croyances et des institutions ? La révolution néolithique porte bien son nom de révolution même si bien des auteurs cherchent à l’effacer en soulignant qu’il s’est inscrit dans une continuité sur le long terme. La « longue durée » est ce terme préféré de l’historien Fernand Braudel et qui a marqué nombre d’auteurs, comme on l’a vu précédemment. C’est également cette conception qui sous-tend les travaux de Jean Guilaine comme son ouvrage « De la vague à la tombe » à propos de « la conquête néolithique de la Méditerranée ». Il décrit cette période entre – 8000 avant J.-C et – 2000 qui a connu la sédentarisation des populations et la rupture radicale avec une société de chasseurs-cueilleurs. La civilisation néolithique est marquée par le développement d’un rite des morts, notamment les mégalithes. Evoquant « l’émergence des processus de néolithisation », rejetant le terme de rupture, il appelle évolution les « (dys)continuités entre les périodes ». Bien entendu, l’extension dans l’espace et le temps qu’il décrit est bien réelle, mais la révolution provient de l’interaction d’échelle. L’émergence de l’agriculture, de la sédentarisation, ou du commerce sont des processus relativement rapides et brutaux. C’est une remarque que l’on peut généraliser aux phénomènes d’émergence. La durée des révolutions des extinctions et apparitions d’échelle est courte relativement au temps de quasi conservation des espèces. La durée des changements climatiques comme les périodes où démarrent des glaciations est courte relativement aux périodes de calme climatique. De même, la durée de passage de la vie nomade à la vie sédentaire, de la cueillette à la culture, de la chasse à l’élevage est très courte. Et surtout, c’est le fait de souligner le progrès technique comme seule source de la transformation qui induit en erreur. Tout d’abord, la découverte et le progrès technique sont effectivement relativement lents. Ils n’enclenchent pas directement les changements sociaux nécessités par l’utilisation à grande échelle de ces techniques nouvelles. Les changements ne peuvent être réduits à des modifications graduelles des techniques ou des cultures. En effet, pour passer de la vie de chasseur-cueilleur à celle de cultivateur, c’est une véritable révolution de l’organisation sociale qui est indispensable et ne peut se produire qu’en cassant de multiples traditions et donc un certain type de pouvoir, que ce soit celui des sorciers, des chefs traditionnels, des directions tribales, claniques, religieuses, communales ou urbaines puis celles de l’Etat. La révolution sociale a toujours besoin d’une action vigoureuse et rapide. On ne pénètre pas un bloc de pierre par une action lente et continue en surface mais par un choc énergique, par la pénétration brutale d’une pointe !

Avant même l’apparition de l’Etat, avant même la naissance des villes, le néolithique est une véritable révolution sociale, le renversement de la société nomade des chasseurs-cueilleurs, la remise en cause de leurs croyances autant que de leur mode de vie. Les dernières études sur la néolithisation vont dans le sens d’une transformation par bonds et non d’une évolution continue et graduelle, qu’il s’agisse d’une population exportant ses coutumes et modes sociales en se déplaçant, ou d’une transplantation d’idées, de culture, d’idées, de progrès technologiques et conceptuels et d’un mode de vie et de travail. Ces hypothèses ont longtemps été agitées par les spécialistes mais diverses études commencent à trancher le débat, montrant que de tels changements sont des révolutions sociales. Au Néolithique, agriculture et élevage ont remplacé cueillette et chasse. Là où le nomadisme avait laissé place à des villages, des villes se sont développées à une vitesse étonnante, des inégalités sociales sont apparus. Cela s’est déroulé il y a 12.000 ans en Anatolie, dans le Sud-Est de la Turquie et au sein de la Turquie, atteignant la côte ouest (de la Turquie à la Palestine) 9300 ans avant J.-C, mais ensuite il s’agit véritablement de bonds : 7000 ans avant J.-C en Grèce, 5500 ans avant J.-C en Europe centrale puis 4500 avant J.-C en France du sud et en Espagne. Des études du matériel génétique portant sur des squelettes anciens, notamment les travaux de l’équipe de l’anthropologue Wolfgang Haak en 2005, ne décèlent « aucune trace de mélange génétique », comme le rappelle un article d’Agnès Trimoreau dans « Sciences et vie » d’août 2006. D’où la conclusion provisoire contre la thèse de la colonisation par une population. Les dates reconnues de néolithisation notamment dues aux recherches sur les dépôts de graines contraignent également à renoncer à la thèse d’une progression « culturelle » lente. Il s’agit bien d’une révolution sociale avec tout ce que cela suppose de changement brutal, radical, renversant un ordre ancien. Cela amène l’auteur de l’article précédemment cité à conclure que « En trois millénaires, l’agriculture a progressé par bonds. » L’idée d’une progression culturelle se propageant continûment et pourtant même leurs adeptes reconnaissent des constatations qui ne vont nullement dans ce sens. C’est le cas de l’historien Paul Radin dans « la civilisation indienne » qui y défend la progression continue de l’influence Maya. Pourtant il écrit que « L’influence Maya s’étendit vers le nord. Au delà du Rio Grande ou du Golfe du Mexique, elle formait le centre de toute vie sociale, économique et religieuse. Là où la culture du maïs s’arrêtait, finissait également la civilisation. Parvenue à l’isthme de Panama, nous nous trouvons devant une solution de continuité. (...) Nous nous attendions à voir la civilisation décroître graduellement au sud de l’isthme au fur et à mesure que nous pénétrions en Amérique du sud. Pourtant en Colombie, en Equateur, au Pérou et en Bolivie, le niveau atteint par les Maya se maintient presque partout. » On retiendra non seulement la « solution de continuité », c’est-à-dire la discontinuité mais aussi le fait que la civilisation s’arrête là où se termine la culture du maïs. Cela signifie que ce n’est pas seulement un concept culturel qui s’impose mais un système d’exploitation fondé sur une forme de travail de la terre.

Le Néolithique, qui représente pour l’homme la phase de sortie de la préhistoire depuis le changement climatique vers 10 000 av. J.-C., s’est particulièrement accéléré en quelques endroits de la planète pour conduire, à partir de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C., à l’éclosion des premières sociétés historiques. Dans le Croissant fertile sont ainsi apparues nos civilisations antiques ; dans la moyenne vallée du fleuve Jaune, la civilisation chinoise ; et enfin, dans la région de l’Indus, la civilisation indienne. On suit cette accélération « indienne » à partir du VIIe millénaire av. J.-C. dans un petit secteur de collines du Baloutchistan, le site de Mergahr. De là les innovations se répandent en éventail jusqu’à conduire, à partir de 3500 av. J.-C., à la colonisation de la vallée de l’Indus par des sociétés de villages agraires, développant en parallèle artisanat et commerce. Au terme d’un millénaire de transition éclot la civilisation de l’Indus.

Aux marges de l’espace indien, dans le Baloutchistan (site de Mehrgarh), apparaît l’un des premiers foyers mondiaux de développement néolithique. Au cours du VIII e millénaire s’y amorce le passage d’une économie fondée sur la cueillette et la chasse à une économie productrice, comparable à celle des civilisations du Proche-Orient.

Pendant quatre millénaires, les innovations s’y succèdent, conduisant des premières agglomérations en briques crues, des domestications animales (chèvres, moutons, bovins) et des cultures végétales (orge) à un néolithique avec céramique à son apogée vers 6000, puis à l’adoption des techniques des métaux vers 5000. Après 4000, la diversification de l’agriculture autorise la formation d’un réseau d’agglomérations, puis une maîtrise de l’espace qui favorise la colonisation de la vallée de l’Indus vers 3000. Celle-ci devient alors l’une des voies axiales des échanges et le foyer de convergence des cultures régionales.

Parallèlement, les techniques du Baloutchistan ont rayonné en direction du Gange, où elles se sont mêlées aux innovations locales, si bien que les chasseurs-cueilleurs de l’Inde continentale adoptèrent à leur tour des pratiques agricoles.

La progression des peuples noirs africains à la fin du paléolithique supérieur et au néolithique est constatée par les spécialistes. Selon F. WENDORF et R. SCHILD, l’orge était connue dans la vallée du Nil, en Haute-Égypte et y faisait l’objet d’une pré-agriculture vers 14 000/12 000 avant JC. Les bovins domestiques du Sahara oriental (sites de Nabta Playa et de Kir Kiseiba, à l’ouest d’Abou Simbel) ont été datés de 10 000 à 9000 avant JC.

P. F. WENDORF, A. CLOSE, A. GAUTIER, et R. SCHILD, en concluent qu’ils sont "légèrement plus anciens que ceux de l’Eurasie" . Le processus de domestication se serait réalisé, en fait, dans la vallée du Nil, en Basse Nubie, au cours du 9e millénaire avant JC, approximativement. Bien qu’il pense que la domestication des plantes et des animaux s’est accomplie de façon beaucoup plus lente et progressive, A. MUZZOLINI n’en écrit pas moins :

"On constate qu’en Afrique aussi les groupements humains sont devenus importants, et concentrent désormais leurs activités sur des territoires limités... L’augmentation de population paraît une évidence. Les sites atériens se comptent par dizaines, ceux de l’épipaléolithique par centaines ; quant aux sites néolithiques... on en rencontre partout, par milliers certainement"].

C’est entre 8000 et 6000 avant JC que s’est épanouie, selon J. E. SUTTON, une civilisation révélée par de nombreux sites archéologiques, caractérisée par une grande consommation de poissons et de mollusques et qui occupe une aire immense : hauts plateaux du sud du Kenya et du nord de la Tanzanie, Rift Valley, Nil moyen, Tchad, Haut-Niger, hautes terres du Sahara [8]. Les populations noires couvraient le Sahara jusqu’aux côtes de la Méditerranée comme le prouvent les "Capsiens négroïdes" de Tunisie, les gravures rupestres du Sahara, et les premières représentations des Libyens dans l’iconographie égyptienne [9]. Elles occupaient aussi l’Égypte. Vers 8000 avant JC, les outils polis commencent à apparaître dans le Nachikoufien, en Zambie septentrionale. La céramique est attestée vers 7500 avant JC dans le massif de l’Aïr.

En Afrique occidentale, à la lisière forêt/savane, notamment à Iwo Eleru (Nigéria), le passage à la production alimentaire débute vers 4000 avant JC, à peine plus tard que le Néolithique de Khartoum (site de Shaheinab).

La civilisation de Nok, également au Nigéria, a perduré de 3500 avant JC à 200 après JC, relayée semble-t-il par la civilisation d’Ifé.

par Jean-Paul Demoule

par Wikipedia
Les mégalithes, des civilisations de néolithqiue

Quelques grands sites du néolithique

Ceux qui remettent en cause la r »volution néolithique

par Hominidés

par Jean-Paul Demoule et Jean Guilaine

par Pierre-Louis Viollet

par Yves Renouard

par Jacques Neirynck

pas Guillaume Jean

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