mercredi 9 novembre 2016, par
Edito
L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis n’est pas le produit de l’opinion des Américains, exprimée grâce à une grande démocratie, capable d’aller contre tous les média, comme cela est généralement présenté mais le produit de l’effondrement social et économique subi par la population américaine sous Bush et Obama, c’est-à-dire depuis la crise des années 2000 et l’effondrement du capitalisme en 2007, et jamais relevé depuis.
Jamais les Américains moyens et pauvres n’ont vécu aussi mal. Jamais les travailleurs n’ont été aussi attaqués. Jamais les noirs n’ont été aussi arrêtés injustement et même tués par les forces de l’ordre. Jamais les USA n’ont été autant en guerre aux quatre coins du monde. Jamais les capitalistes n’ont autant fait la loi dans ce pays que toute l’opinion publique appelle « le pays du 1% de riches ». Et la démagogie de ce milliardaire de Trump est de prétendre que lui serait du côté des Américains sacrifiés. Son discours mensonger, c’est le retour vers l’intérêt du pays, vers le nationalisme, contre l’étranger, contre les interventions extérieures. Mais il n’a bien entendu pas plus l’intention de lâcher le système – Wall Street n’a pas l’air de s’inquiéter par exemple et l’ « équipe » du futur président est faite d’hommes du système – que celle d’abandonner les guerres aux quatre coins de la planète…
Certes, il y a eu des gens dans le monde, tous les réformistes en gros, qui avaient été émerveillés que l’Amérique soit une si belle démocratie pour choisir un Noir à la présidence et qui affirmaient que cela correspondait à une nouvelle Amérique ayant rompu avec son passé raciste et violent. Mais, comme tous les discours réformistes, ce n’était qu’un mensonge.
Jamais il n’y a eu autant de racisme anti-Noirs aux USA, jamais autant de milices d’extrême droite fascistes, jamais autant de Noirs emprisonnés à tort que sous la présidence d’Obama. Ce dernier a fait plus de discours pour les policiers attaqués que pour les noirs assassinés par les policiers !
Parce qu’Obama n’était pas le président des Noirs ni des opprimés et des exploités des USA, pas même des migrants, des latino-américains, ni d’aucune catégorie subissant le système capitaliste. Non ! Il était simplement le candidat des 1% de capitalistes ! De ce point de vue, d’ailleurs, même si la préférence des bourses allait à Clinton, Trump et Clinton sont du même côté bien entendu : celui des capitalistes ! Ils ont les mêmes positions sur le terrain économique même si Clinton a eu d’avantage le soutien des appareils syndicaux.
La « grande démocratie » américaine ne peut pas faire autre chose que donner le choix entre deux candidats du système et si jamais, par une radicalisation extraordinaire, elle pouvait donner autre chose, un coup d’Etat militaire ou fasciste donnerait un coup d’arrêt à l’élection.
Mais cela n’est pas propre aux USA. Tout le monde bourgeois fonctionne de même. La démocratie n’y est un jeu dans lequel on demande l’avis des gens que dans la mesure où cela stabilise la domination de l’infime minorité capitaliste qui détient toutes les richesses. Mais, dès que le fossé s’accroît dangereusement entre les grands profiteurs et le reste du monde, les 99%, alors la classe dirigeante laisse tomber le paravent démocratique pour jeter les peuples dans le fascisme, celui des bandes armées d’EI ou celui des bandes armées fascistes américaines, ou celui des dictatures militaires.
Cela n’est pas étonnant qu’au même moment, en France, non seulement la propagande anti-migrants monte, la propagande anti-Roms aussi, mais également que des généraux se permettent de se présenter comme une alternative à un pouvoir civil et politicien discrédité !
Pas un hasard non plus si c’est maintenant que l’on sait que le capitalisme ne se relève pas de son effondrement de 2007-2008, que la bourgeoisie envisage partout, et pas seulement en Egypte, en Libye ou en Turquie, de se passer de la démocratie, des élections, des parlements, des syndicats et autre attirail politique et social du consensus et de se mettre à gouverner par la violence directe, comme on l’a vu dans les régimes fascistes ou des dictatures. Et le fascisme ou la dictature n’est pas opposée à la démocratie puisque ce sont ces fameuses « démocraties » occidentales qui ont soutenu les dictatures d’Afrique, d’Orient, d’Amérique latine et d’Asie. Il y avait des élections « démocratiques » en France en même temps que l’armée française torturait massivement en Algérie et y commettait des atrocités de masse.
Ce qui est remarquable, ce n’est pas seulement l’élection d’un démagogue populiste aux USA qui n’est pas un cas d’exception ni l’élection d’un candidat qui a eu contre lui les appareils des grands partis et tous les média. Ce qui est remarquable, c’est que l’élection américaine ne serve plus à réconcilier les deux Amériques mais, au contraire, à développer les ferments d’une guerre civile intérieure, entre petits blancs racistes d’un côté et de l’autre les Noirs, les latinos, les musulmans, les étrangers, les migrants et tous ceux qui sont favorables à une société ouverte et pacifique.
Ce qui est remarquable, c’est le tournant vers le fascisme dans le pays le plus puissant et riche du monde !
Et c’est bel et bien un nouveau signe des conséquences politiques de l’effondrement du capitalisme.
Le discours guerrier, favorable à la guerre contre la Russie et à la guerre mondiale, qui était celui de la candidate Clinton n’était pas moins significatif de ce tournant de la situation mondiale engendré par le fait que le système capitaliste n’est jamais sorti de la chute économique phénoménale de 2007-2008, n’a pas connu de véritable reprise, n’a pu se maintenir en place qu’en effectuant une ponction historique des fonds publics (Etats et banques centrales) sans parvenir à développer l’économie réelle d’une simple fraction significative des sommes colossales publiques mises sur les marchés. Cette politique qui a été menée dans le monde entier n’a pas eu plus d’effet aux USA qu’en Europe, en Russie qu’en Chine, en Inde ou au Japon. Partout au monde, le capitalisme ne tient plus que par des ficelles et les bulles spéculatives fondées sur des dettes publiques et privées sont la véritable source des profits privés qui se détournent toujours autant des investissements productifs. C’est cela le signe évident de l’autodestruction du système.
L’investissement productif a toujours été le fondement de l’accumulation du capital. La distribution de dividendes aux autres sortes d’investissements, commerciaux, de distribution, de transport, de prêts financiers, n’est qu’une répartition de la plus-value extraite du travail humain dans la production capitaliste. Il n’y a pas d’autre moyen d’accroître le capital mondial et ce moyen-là est en panne depuis les années 2000. Ce n’est pas en spéculant sur les dettes qu’on accumule de la plus-value : on accumule que de nouvelles dettes et on ne prépare que des faillites de plus en plus retentissantes. Chacun sait aujourd’hui que les Etats et les banques centrales seront complètement démunis dans le prochain effondrement bancaire et financier !
Aussi, depuis 2008, les politiques mondiales menées n’ont pas servi à faire réellement repartir la machine économique, ce qui n’est pas plus possible que de réparer un ressort cassé mais seulement à préparer socialement et politiquement la classe dirigeante à écraser la classe exploitée !
Les média et les officiels font mine de s’inquiéter effectivement maintenant que l’élection de Trump n’entraîne une récession mondiale mais c’est inverser les rôles. Ce n’est pas la vie politicienne qui détermine l’évolution du système capitaliste mais l’inverse. Quand le FMI, dans sa réunion mondiale, affirmait : « Nous entrons dans un territoire inexploré et inquiétant. », ce n’était pas à propos des élections américaines mais de l’absence d’investissements productifs dans le monde et de la situation du capitalisme mondial. D’ailleurs, alors, Trump était donné largement perdant par les sondages…
Quand le système capitaliste favorise partout dans le monde des hommes politiques démagogiquement anti-système, tout à fait pro-capitalistes en réalité, sur des bases nationalistes radicales, racistes, anti-femmes violentes, sécuritaires violentes, c’est pour détourner la colère des milieux de la petite bourgeoisie menacés par la crise et qui risqueraient sinon d’être entraînés par le prolétariat.
L’élection d’un Trump aux USA est notamment la preuve que les femmes, loin d’être plus respectées dans le pays occidental le plus riche du monde, y sont de plus en plus attaquées, en liaison avec l’effondrement du système. La situation des femmes se dégrade en système capitaliste à chaque fois que les classes dirigeantes ont peur pour leur pouvoir. La division hommes/femmes est un des moyens les plus puissants de maintenir la société d’exploitation et d’oppression en place…
C’est absurde de présenter Trump comme plus dangereux que Clinton alors qu’il est le produit de la politique d’Obama-Clinton, politique montrant aux Américains que leurs ennemis sont les étrangers, politique par laquelle les classes moyennes sont volées au profit des grands capitalistes et les travailleurs dévalorisés, démoralisés et écrasés, politique de guerres tous azimuts, de dénonciations des musulmans comme les ennemis à l’extérieur ou à l’intérieur. Le « noir » Obama-Clinton ont cautionné les forces de police qui arrêtent arbitrairement les Noirs ou les tuent. Ils ont appuyés les groupes terroristes qu’ils prétendent combattre.
Trump et Clinton sont les deux bouts d’un même bâton chargé de frapper la classe ouvrière et les peuples. Prétendre qu’avoir le choix entre ces deux politiques, ce serait la démocratie, c’est bien montrer où en est arrivée la démocratie bourgeoise, au point où elle-même se détruit toute seule comme le capitalisme organise méthodiquement la destruction de son propre système.
Maintenant que toutes les politiques bourgeoises, de la gauche et de la droite, dans tous les pays, poussent les populations dans les bras des diverses extrêmes droites, les mêmes hommes politiques, dont le discours et les actes basculent de plus en plus à l’extrême droite, se présentent eux-mêmes comme des recours pour nous sauver du fascisme !!! En réalité, même s’ils le voulaient, ils en seraient bien incapables car, lorsque le fascisme est véritablement nécessaire à la bourgeoisie, comme la dictature et la guerre, aucun parti bourgeois n’est capable de le combattre comme l’ont parfaitement démontré les partis de gauche et staliniens et les autres partis bourgeois dans les montées fascistes en Italie, en Allemagne, en Espagne, en France ou au Portugal ou encore au Chili.
Et dans tout ce jeu politicien, le grand absent politique est la classe ouvrière. Ce n’est pas par hasard. Elle est en réalité exclue de toute représentation politique et sociale, même si les syndicats font semblant de la représenter et s’en servent pour soutenir des candidatures politiciennes bourgeoises qui ne sont en rien plus favorables à la lutte et aux revendications des travailleurs.
Il n’y a pas de représentants des travailleurs, ni dans les parlements, ni dans les gouvernements, ni dans les appareils d’Etat et il n’y en aura pas, quels que soient les résultats des élections, que ce soit aux USA ou dans n’importe quel nation bourgeoise, parce que les élections ne sont pas du tout faites pour permettre des changements sociaux mais pour les empêcher en faisant croire que les changements politiciens les permettraient.
Et, lorsque le système est dans l’impasse, comme actuellement, la politique fasciste a pour objectif de tromper les milieux moyens et de les empêcher de risquer d’être entraînés par la classe ouvrière.
L’élection présidentielle américaine est une nouvelle démonstration de l’incapacité des classes moyennes d’exprimer une révolte indépendante contre le système : leur « candidat anti-système » est un milliardaire américain qui ne gênera nullement « le système » !!! C’est la classe ouvrière qui devrait prendre la tête des luttes contre le système capitaliste, y compris en entraînant les classes moyennes paupérisées mais les « gauche » type Sanders et les appareils syndicaux en font des dernières roues du carrosse de tous les Clinton, c’est-à-dire du capitalisme !
Bien sûr, me direz-vous, où voyez-vous ces travailleurs, cette classe ouvrière mondiale qui serait la véritable menace pour les classes dirigeantes ? Et effectivement, les travailleurs sont les plus persuadés qu’ils n’ont non seulement aucun moyen de peser politiquement sur l’évolution de la société mondiale mais même aucun moyen de se défendre dans une période de chômage massif permanent et de précarité de l’emploi accrue pas les attaques contre les emplois fixes et contre les emplois de fonctionnaires.
Eh bien, par exemple aux USA, jamais une période électorale aux USA n’a vue une montée aussi importante des grèves ouvrières ! Et il en va de même dans le monde. L’Inde a connu sa plus grande grève historique au moment même où elle est gouvernée par un dirigeant d’extrême droite nationaliste et raciste, Modi, un chef de bandes armées pogromistes !
C’est la classe ouvrière qui a renversé les dictateurs égyptien et tunisien et c’est encore elle qui a débuté nombre de mobilisations d’Orient et du Maghreb, comme en Algérie ou en Syrie. L’Asie est le théâtre de grèves plus impressionnantes que jamais.
Mais, sur le terrain politique, la classe ouvrière ne dispose toujours d’aucune organisation de classe, d’aucune organisation internationale, d’aucune manière d’exprimer politiquement son programme et ses perspectives d’avenir afin d’y gagner toute la population, y compris les classes moyennes menacées ou déjà paupérisées.
C’est cette situation qui est catastrophique : un capitalisme à bout de souffle face à un prolétariat qui ne s’est pas relevé politiquement des trahisons stalinienne, social-démocrate et réformistes en général (syndicats, associations et partis) ou opportunistes.
La seule réponse à l’effondrement capitaliste est le programme communiste prolétarien (rien à voir avec le stalinisme !), celui de la suppression du pouvoir de moins d’1% de capitalistes, de la suppression de leur propriété des moyens de production et des capitaux comme de l’éradication de leur pouvoir d’Etat, sur les armées, sur les polices, sur les administrations, sur la justice, sur les prisons, etc…. C’est sur ce programme seul que les travailleurs peuvent offrir un autre avenir à l’immense majorité de la population du monde, aux jeunes, aux femmes, aux chômeurs, aux petits-bourgeois, à tous les peuples opprimés et exploités !
Ce n’est pas les Trump qui sont un danger, c’est tous ceux qui démoralisent tous les jours les travailleurs en les présentant comme des assistés des gouvernants, en les présentant comme des assistés par les « entrepreneurs » qui leur « donnent » du travail, c’est tous ceux qui, se disant dans le camp des travailleurs, désamorcent complètement sa capacité de changer le monde, changement aujourd’hui inévitable et sans lequel ce monde est capable non seulement de mener à la barbarie capitaliste de fascisme et de guerre mondiale mais même à une barbarie pré-capitaliste !!!!
Si la classe ouvrière ne s’appuie pas sur les avancées économiques, sociales et techniques du capitalisme, alors que ce dernier n’est plus capable de les mettre en œuvre, alors qu’il a atteint ses limites et ne peut plus développer la production que… des dettes massives et de leur financiarisation, alors l’humanité risque de connaître la loi des bandes armées féodales… armées de bombes atomiques !!!
La classe dirigeante en est déjà à généraliser sa prétendue « guerre contre le terrorisme », elle en est déjà à la transformer en « guerre de civilisation » contre les musulmans, elle en est déjà à mettre en place des milices, des gardes nationales, des services civils, diverses mobilisations liées ou pas à l’état d’urgence, c’est-à-dire à légitimer et à préparer l’état de guerre. Mais, comme le disait mensongèrement Poincaré, les gouvernants peuvent bien prétendre que « la mobilisation n’est pas la guerre », on voit bien tous les signes précurseurs de la mobilisation générale.
N’attendons pas d’être les « rappelés » de la prochaine der des ders ! N’attendons pas qu’on nous réquisitionne avec nos enfants pour la guerre, pour la milice, pour la garde nationale et pour le service civique de sécurité, n’attendons pas qu’on nous encadre policièrement et militairement et qu’on aille au boulot avec un fusil dans le dos et un général au pouvoir ! Préparons-nous, tant qu’il est encore temps, à un autre avenir que celui d’un esclavage armé et des bombardements et massacres planétaires !!!
Ce qui serait nécessaire, dans la situation d’effondrement mondial du vieux monde capitaliste, c’est que la lutte de classes des travailleurs développe un programme politique et social d’alternative à la vieille société d’exploitation, que ce programme ne consiste nullement en un plan de réformes du capitalisme dans lequel on proposerait aux classes dirigeantes, qui nous attaquent plus violemment que jamais, de se transformer brusquement et on ne sait pour quelle raison, de loups en moutons ! Non, il nous faut un programme socialiste révolutionnaire des travailleurs qui parte des besoins de toute la société, non seulement les travailleurs, les chômeurs, les retraités, les jeunes, les femmes, les sans papiers, les sans logis, mais aussi les petits paysans, les petits artisans, les pêcheurs, les petits commerçants. Il faut que la classe ouvrière, au travers de ses luttes, n’apparaisse pas du tout comme une corporation visant des intérêts égoïstes mais comme une classe d’avenir proposant un autre avenir que le capitalisme, puisque celui-ci a atteint ses limites et n’est plus capable d’offrir un avenir à l’humanité.
Loin de nous sacrifier inutilement pour sauver un capitalisme auquel la classe dirigeante elle-même ne croit plus, elle qui est frappée toutes les formes de pessimisme social et économique, nous, la classe des travailleurs avons besoin de développer la confiance dans la perspective d’avenir que représente notre classe, si elle décide de prendre le pouvoir et de bâtir la société nouvelle.