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Quand la bourgeoisie voulait faire crever de faim autant qu’étouffer sous les calomnies le révolutionnaire Karl Marx…

vendredi 2 septembre 2016, par Robert Paris

Quand la bourgeoisie voulait faire crever de faim autant qu’étouffer sous les calomnies le révolutionnaire Karl Marx…

Marx a été, tout au long de sa vie, odieusement calomnié par de nombreux auteurs dont l’un des plus connus est Karl Vogt, un suppôt, mouchard appointé du second empire…

Un exemple des calomnies contre Marx, le journal « L’univers » - 19 mars 1883 écrivait à sa mort :

« Marx fonda l’Internationale, terrible et vaste plan, dont la réalisation amènerait une dictature des travailleurs et conduirait le monde à la « liquidation sociale »... Marx était juif, comme son compagnon socialiste Lassalle. Aussi avait-il à un haut degré toutes les particularités distinctives de sa race. Il aimait le luxe, le faste et le bien-être matériel, tout en fulminant avec indignation contre le capital et la bourgeoisie. Toujours comme Lassalle, époux d’une Allemande d’origine princière, Marx parvint à épouser une jeune fille noble et riche, sœur du comte de Westphalen, le ministre ultraconservateur prussien de la réaction de 1850. Alors le juif put satisfaire ses goûts. Il s’entoura de tout le luxe que lui permit la fortune de sa femme. On possédait un bel hôtel à Londres ; on louait en hiver des villas sur la Riviera ; au printemps, on allait jouir du climat délicieux de l’île de Wight ; on s’installait à Ventnor, l’ancienne résidence de l’impératrice d’Autriche ; puis en été on cherchait la fraîcheur dans un chalet d’Interlaken ou de Brunnen. Tout en menant cette large existence, Marx ne cessait de faire ses plus larges efforts pour révolutionner les travailleurs en les excitant à demander la liquidation sociale. Il se garda bien de donner l’exemple de cette liquidation. Sa générosité pour les travailleurs était toute platonique. Le juif Marx a puisé ses principales idées dans les fameuses doctrines de Luther. « Faites ce que vous voudrez, mentez, parjurez-vous, volez, tuez les riches et les princes, croyez seulement que vous avez bien fait. » Ces infâmes paroles, le fondateur de l’Internationale se les était appropriées ; il les avait arrangées selon les besoins du siècle. Les travailleurs trouvent que l’équité exige la liquidation et que chacun est roi en vertu des principes de la souveraineté nationale. »

Ou encore, ici le journal Le Figaro de mars 1883 : « Bien qu’il soit réellement la père du socialisme moderne, Karl Marx, qui n’a jamais fait que travailler à son bureau et qui était fortuné, n’eût certainement pas tardé à passer pour réactionnaire. Il est mort assez tôt pour n’être pas dédaigné, comme l’ont été et le seront tour à tour tous ceux qu’on appelle aujourd’hui les quarante-huiteux. »

Et jusqu’à nos jours, on trouve encore des calomnies grossières contre Marx…

On peut ainsi lire ici que « à l’époque, peu de gens savaient que Marx dépendait du fils fortuné d’un capitaliste pour vivre et se délectait de sa vie indolente d’homme entretenu… Bien que sa famille et lui manquassent d’argent, Marx refusait de se salir en prenant un métier comme les autres exilés (il considérait cela comme un « vil commerce ») et préférait se débrouiller avec les petites sommes qu’Engels lui envoyait régulièrement. Ce dernier jouissait d’une rente de son père d’un montant de deux cents livres par an (ce qui équivaudrait à environ cent soixante-dix mille euros aujourd’hui) et possédait deux maisons, une en ville, l’autre à la campagne… Marx profitait au maximum de cette générosité. Même dans sa situation précaire, il employait un secrétaire, non parce qu’il en avait vraiment besoin mais parce qu’une personne de son statut et de son ambition se devait de maintenir les apparences. (On l’a même entendu déclarer qu’il refusait de mener une existence « sous-prolétarienne ».) À la même époque, le boulanger refusait de continuer à lui livrer du pain tant qu’il n’aurait pas réglé sa note. Le journaliste Francis Wheen, auteur de l’une de ses biographies, estime que les bonnes années, Marx recevait jusqu’à cent cinquante livres de son bienfaiteur, « une somme permettant à une famille de la petite bourgeoisie de vivre assez confortablement ». À ce moment-là, Marx n’avait encore rien écrit. Il faisait simplement des « recherches » interminables à la British Library depuis des années et menait une vie notoirement dissolue. »

On peut lire chez ses détracteurs actuels des mensonges aussi gros que chez ceux de son époque. On lit ici que Marx engrossait la bonne, profitait de tout le monde et exploitait même honteusement ses filles, ce qui aurait contraint deux d’entre elles au suicide !!!

Cependant, le rapport de la police prussienne sur l’exil de Marx à Londres, peu suspect de sympathie politique, notait :

« Le chef de ce parti (les communistes) est Karl Marx ; les autres dirigeants les plus proches sont Friedrich Engels, qui vit à Manchester et Freiligrath et Wolff « Lupus » à Londres, Heine à Paris, Weydemeyer et cluss aux États-Unis ; Burgers et Daniels sont à Cologne (Köln) et Weerth, à Hambourg. Mais l’esprit actif et créatif, l’âme véritable du parti est Marx ; Je tiens donc à vous parler de sa personnalité… il porte la barbe ; ses yeux sont grands, fougueux et pénétrant, il a quelque chose de sinistre, de démoniaque. Cependant, il montre, à première vue, le regard d’un homme de génie et d’énergie. Sa supériorité intellectuelle exerce une influence irrésistible sur ceux qui l’entourent. Sa femme, la soeur du ministre prussien de Westphalen, est une femme cultivée et agréable, qui, pour l’amour de son mari, s’est adapté à une vie de gitane et maintenant se sent parfaitement bien dans leur environnement, dans cette misère. Il a deux filles et un garçon, tous très mignon et les mêmes yeux intelligents du père… En tant qu’époux et père Marx, malgré son caractère agité et violent, est le plus tendre et le plus doux des hommes qui soit du monde. Marx vit dans un des pires quartiers de Londres et par conséquent l’un des moins onéreux. Son domicile est constitué de deux pièces, celle face à la rue et le Hall et l’autre qui est à l’arrière et sert de chambre pour dormir. Dans toute la maison il n’y a pas un seule meuble propre et en bon état. Tout est en ruine, ébréché, usé, revêtu d’une couche de poussière de l’épaisseur d’un doigt ; partout règne le plus grand désordre. Au milieu de la pièce trône une relique, une grande table, recouverte d’une couche de cire qui n’a jamais été poncée. Ici s’entassent manuscrits, livres et journaux de Marx, jouets pour enfants, pièces pour l’usage des femme, tasses de thé aux bords fissurés, sales, des cuillères, des couteaux, des fourchettes, des chandeliers, des encriers,, des pipes de porcelaine hollandaise, de la cendre de tabac : tout entassé, empilé sur cette unique table. Quand on entre dans la maison de Marx, le charbon et la fumée de tabac est tellement dense que dans un premier temps vous devez aller à tâtons comme dans une caverne ; puis progressivement la vue s’habitue à la fumée et commence à apercevoir quelque chose, comme dans un brouillard. Tout est sale et couverte de poussière, s’asseoir est vraiment une entreprise dangereuse. Ici, une chaise qui tient seulement trois jambes, au-delà les enfants jouent sur une autre chaise, En train de cuisiner par hasard ensemble. Naturellement toute la collation est offerte au visiteur, mais les enfants traînent au milieu des déchets de cuisine, et vous sentez que vous risquez de détruire vos pantalons en les posant sur la dite chaise. Mais tout cela ne cause pas à Marx et à son épouse la moindre gêne. L’hôte est le plus sympathique du monde ; Pipe, tabac et tout ce qui peut être trouvée dans la maison est offert avec la plus grande cordialité. Une conversation intelligente et agréable permet de surmonter les lacunes domestiques, rendre tolérable ce qui dans un premier contact était juste désagréable. Puis, enfin au bout du compte vous trouvez l’atmosphère intéressante et originale. »

Aucun dirigeant politique n’a été autant combattu et calomnié de son vivant que Marx.

Persécuté en Allemagne, Karl Marx se réfugia à Paris, d’où il fut expulsé en 1848 sur la demande du gouvernement prussien.
C’est alors qu’il se réfugia en Belgique.

Banni encore une lois d’Allemagne où il était rentré. Il revint de nouveau Paris et prit part aux journées de Juin.
On l’arrêta et il fut interné dans le Morbihan : Il s’échappa et alla se fixer à Londres.

Marx a été pourchassé dans toute l’Europe, condamné à s’exiler dans le seul pays d’Europe qui n’arrêtait pas pour délit d’opinion, l’Angleterre. Mais ce dernier pays, s’il ne l’a jamais arrêté ni pourchassé, en a fait un banni et un misérable qui ne doit jamais être reconnu ni accepté et qui est censé mourir de faim…

La vie de Marx en exil est extraordinairement difficile comme en témoigne toute sa correspondance, notamment avec Engels. Le soutien financier d’Engels, également installé en Angleterre, lui permet de survivre. Malgré ce soutien, Marx et sa famille doivent faire face à une extrême misère : « Ma femme est malade, la petite Jenny est malade, Léni a une sorte de fièvre nerveuse. Je ne peux et je ne pouvais appeler le médecin, faute d’argent pour les médicaments. Depuis huit jours, je nourris la famille avec du pain et des pommes de terre, mais je me demande si je pourrais encore me les procurer aujourd’hui » (à Engels, 4 septembre 1852). L’un de ses enfants, Edgar, meurt d’ailleurs de sous-alimentation.

Karl Marx a vécu dans la pauvreté et n’a pu survivre et travailler à son œuvre et à l’organisation du mouvement ouvrier que parce qu’il a été soutenu financièrement par son ami et camarade Engels. Ce n’est pas dû au fait qu’il voulait d’abord travailler ses propres écrits mais à la volonté de la bourgeoisie de le faire crever de faim, en lui refusant tout emplois.

Toute la bourgeoisie s’est donné le mot : pas question de donner un emploi ou même une ligne d’article dans un journal à Marx. Il va devoir se faire éditer comme journaliste sous de faux noms… aux USA !!!

Marx n’aura jamais de travail fixe, et vivra dans une pauvreté accablante qui conduira même un de ses fils à mourir de faim. Il écrivit d’ailleurs ironiquement « Je ne pense pas qu’on ait jamais écrit sur l’argent tout en en manquant à ce point ».

Jusqu’à sa mort, Marx restera une sorte d’anachorète à commencer par ses vadrouilles. Il passera plusieurs fois par la France au gré des révolutions, reviendra de temps en temps dans sa patrie natal en Allemagne, et finira par se réfugier en Angleterre.

D’ailleurs ceux qui parlent de son appartement deux pièces de Londres le décrive comme une sorte de taudis, dans lequel les objets s’entassent autant que la famille Marx de façon relativement anarchique.

« Marx, qui avait commencé par être un des chefs de la bourgeoisie radicale, se vit abandonné dès que son opposition se fit résolue, et traité d’ennemi dès qu’il devint communiste. Après l’avoir insulté, calomnié, traqué et expulsé d’Allemagne, on organisa contre lui et contre ses travaux la conspiration du silence. (…)Après l’insurrection du 18 mars 1871, où on voulut voir la main de l’Internationale, et après la défaite de la Commune, que le Conseil général de l’Internationale défendit contre la campagne de calomnies de la presse bourgeoise de tous les pays, le nom de Marx devint célèbre dans le monde entier. »

Lafargue, « Souvenirs personnels sur Karl Marx »

« « Rien d’humain ne m’est étranger », répond-il modestement à ses filles, qui devaient naturellement connaître mieux que quiconque ses faiblesses. Cette réponse, il aurait pu la faire à tous ceux de ses adversaires qui, avec un zèle digne d’une meilleure cause, s’efforçaient de découvrir dans sa vie ou dans ses lettres quelques défauts. Si haut qu’un homme s’élève au-dessus de son milieu, il lui demeure attaché par un grand nombre de liens. Il est difficile, il est presque impossible de dépouiller entièrement le vieil homme. Marx n’y arriva pas plus qu’un autre. Il se trompa aussi, il pécha aussi dans sa vie comme en politique. Quiconque a lu ses lettres à Engels, Becker, Weydemeyer ne peut que s’étonner que Marx ait su, dans les pénibles conditions où il vécut des années durant — Il ne sortit de la gêne qu’à partir de 1869 — garder sa joie de vivre et cette clarté spirituelle qui faisaient l’étonnement de ses amis et de ses connaissances. Les coups terribles du sort lui arrachèrent souvent un mot brutal et cruel, le rendirent parfois même injuste envers ses proches. Mais, chaque fois, secouant d’un geste puissant l’emprise des difficultés quotidiennes, il reprit fièrement sa route, « tenace, ému et pressé », il se remit à l’œuvre toute sa vie. »

« La confession de Karl Marx », David Riazanov

Son compagnon Engels déclarait à l’enterrement de son camarade et ami Karl Marx :
« Marx était avant tout un révolutionnaire. Contribuer, d’une façon ou d’une autre, au renversement de la société capitaliste et des institutions d’Etat qu’elle a créées, collaborer à l’affranchissement du prolétariat moderne, auquel il avait donné le premier la conscience de sa propre situation et de ses besoins, la conscience des conditions de son émancipation, telle était sa véritable vocation. »

« Les conditions de cette vie d’émigré étaient extrêmement pénibles, comme le révèle clairement la correspondance entre Marx et Engels (éditée en 1913). Marx et sa famille étaient écrasés par la misère ; sans l’appui financier constant et dévoué d’Engels, non seulement Marx n’aurait pu achever Le Capital, mais il aurait même fatalement succombé à la misère… Plusieurs enfants de Marx moururent tout jeunes, à Londres, alors que la famille souffrait d’une grande misère. »

Lénine, « Karl Marx »

Franz Mehring écrit ainsi dans son « Karl Marx, Histoire de sa vie » :

« Malheur au génie indépendant et incorruptible qui s’oppose fièrement à la société bourgeoise, qui sait lire dans le fonctionnement de ses rouages internes les signes avant-coureurs de sa fin prochaine et qui forge les armes qui lui donneront le coup de grâce. A un tel génie, la société bourgeoise réserve des supplices et des tortures qui peuvent paraître moins barbares que ne l’étaient le chevalet de l’Antiquité et le bûcher du Moyen Agr, mais qui au fond n’en sont que plus cruels. Parmi les hommes de génie du XIXe siècle, nul n’a plus souffert de ce destin que le plus génial d’entre eux, Karl Marx. Déjà, durant les dix premières années de son activité publique, il avait dû lutter jour après jour contre la pauvreté, et avait enduré les affres de l’exil en allant s’établir à Londres. Mais son destin, pour ainsi dire prométhéen, ne commença vraiment qu’au moment où, luttant pour la cause de l’humanité au prix des pires difficultés, il se trouva, à la force de l’âge, confronté dans le même temps aux plus vils soucis de l’existence quotidienne, à la peur démoralisante du lendemain. Jusqu’au jour de sa mort, il ne parvint pas à s’assurer des moyens d’existence, si modestes soient-ils, dans le cadre de la société bourgeoise. En outre, la vie qu’il menait était loin de ressembler à la vie que le philistin croit communément être celle du génie. A ses gigantesques capacités intellectuelles répondait une gigantesque puissance de travail ; le surmenage qu’il s’imposait en travaillant jour et nuit commença à ébranler très tôt la santé de fer qui était la sienne au départ. Etre incapable de travailler, c’était, disait-il, être condamné à mort quand on n’est pas une bête, et en disant cela, il était terriblement sérieux et sincère. (…) Tout chercheur insatiable qu’il était, Marx demeura toujours conscient – cette idée, il l’avait exprimée tout jeune – que si l’écrivain ne doit pas travailler dans un but lucratif, il doit néanmoins gagner sa vie pour pouvoir travailler ; Marx n’a jamais ignoré l’ « impérieuse nécessité d’un travail rémunéré ». Mais toutes ses tentatives dans ce sens échouèrent invariablement devant la suspicion, la haine ou, dans le meilleur des cas, la peur d’un milieu hostile. Même ces éditeurs allemands qui se targuaient d’ordinaire d’être indépendants reculèrent devant le nom décrié de ce démagogue. Tous les partis allemands usèrent uniformément des mêmes calomnies ; quand le brouillard de ces médisances ne réussissait pas à masquer les purs contours de sa silhouette gigantesque, c’est un autre type de méchanceté sournoise qui accomplissait son œuvre infâme : le silence systématique. Jamais une nation n’a banni si longtemps, si complètement de son horizon le plus grand de ses penseurs, comme l’Allemagne le fit dans le cas de Marx. La seule chose qui aurait pu apporter à Marx quelque sécurité matérielle à Londres était son activité pour le « New York Daily Tribune » avec lequel il collabora une bonne dizaine d’années à partir de 1851. Avec ses 200.000 abonnés, le « Tribune » était alors le journal le plus lu et le plus riche des Etats-Unis, et, en se faisant propagandiste du fouriérisme américain, il s’était malgré tout élevé au-dessus de ces entreprises purement capitalistes qui ne recherchent que le profit. En soi, les conditions qui étaient faites à Marx n’étaient pas des plus désavantageuses ; il devait écrire deux articles par semaine et recevoir pour chaque article 2 livres sterling (40 marks). Cela lui aurait fait un revenu de 4000 marks par an, grâce à quoi il aurait pu, même à Londres, surnager… Evidemment, la question n’était nullement de savoir si les honoraires que Marx touchait du journal américain correspondaient tant soi peu à la valeur scientifique et littéraire de ses contributions. Une entreprise de presse capitaliste ne tient compte que des prix du marché, et c’est là son bon droit dans une société bourgeoise. Marx n’a d’ailleurs jamais exigé davantage, mais ce qu’il aurait été néanmoins en droit d’exiger, même dans une société bourgeoise, c’était le respect du contrat conclu, et peut-être aussi une certaine considération pour son travail, choses dont le « New York Daily Tribune » et son éditeur se moquèrent complètement. Dana était certes en théorie fouriériste, mais en pratique c’était un Yankee, un homme d’affaires endurci ; Engels dira un jour dans un accès de colère que Dana le socialiste ne valait pas plus cher que le plus infâme escroc petit-bourgeois. Bien qu’il eût parfaitement conscience de la valeur du collaborateur qu’était Marx – il ne manquait pas d’en faire valoir les mérites auprès de ses abonnés -, Dana ne renonça à aucune des indélicatesses qu’un exploitant capitaliste croit pouvoir se permettre vis-à-vis de quelqu’un dont il exploite la force de travail, allant même jusqu’à détourner purement et simplement les contributions que Marx lui envoyait pour les reprendre à son compte et les publier comme éditoriaux, procédé qui n’arrivait que trop souvent et qui provoquait le légitime courroux de l’auteur. Non content de réduite les appointements de Marx de moitié quand les affaires allaient moins bien, il ne payait que les seuls articles qu’il passait réellement et ne se gênait pas pour mettre au rebut tout ce qui ne cadrait pas avec ses idées. Il arrivait que pendant trois ou six semaines d’affilée les articles de Marx atterrissent dans la corbeille à papier. Au demeurant, les quelques journaux de langue allemande qui ouvrirent temporairement leurs colonnes à Marx, comme la « Wiener Presse », n’agissaient pas différemment. Marx a donc pu dire à juste titre qu’en travaillant pour des journaux, il s’en sortait moins bien que le premier pigiste venu. Dès 1853, il aspira à quelques mois de solitude pour pouvoir mener dans le calme ses travaux scientifiques : « Il semble que je n’y arriverai pas. Gratter continuellement pour les journaux m’ennuie. Ça prend beaucoup de temps, je m’éparpille, et en fin de compte pour rien. On a beau être aussi indépendant que l’on veut, on n’est pas moins lié au journal et à son public, surtout quand on est payé à la ligne comme moi. Des travaux purement scientifiques, c’est tout à fait autre chose… » Après avoir travaillé encore quelques années sous la tutelle de Dana, Marx avait encore changé de ton : « C’est vraiment écœurant d’être embauché par cette feuille de chou. Piler des os, les moudre pour en faire de la soupe, comme les indigents de maison des pauvres, voilà à quoi se réduit le travail politique auquel on est largement condamné dans ce concern ». Marx a partagé le sort d prolétaire moderne, existence misérable, mais aussi totalement précaire. Ce que l’on savait autrefois de façon assez vague, les lettres de Marx à Engels nous le montrent maintenant de façon terriblement saisissante : on le voit cloué chez lui faute de manteau ou de chaussures pour marcher dans la rue, on le voit une autre fois manquant de l’argent nécessaire pour s’acheter du papier ou pour lire les journaux, on le voe courant à droite et à gauche pour trouver les quelques timbres qui lui permettront d’envoyer un manuscrit à son éditeur. A cela s’ajoutaient les éternels démêlés avec les épiciers et autres commerçants à qui il achetait les produits de première nécessité et qu’il était dans l’incapacité de payer, sans parler des menaces du propriétaire prêt à tout instant à lui envoyer l’huissier pour le faire saisir, ou encore des éternelles visites au mont-de-piété dont les taux usuraires engloutissaient les derniers sous qui auraient pu chasser du seuil de la maison le spectre de la misère. Spectre qui ne se contentait pas d’apparaître à la porte, mais trônait effectivement à table. Habitués depuis sa prime jeunesse à une vie sans soucis, sa femme, qui était pourtant le courage et la générosité mêmes, finissait par fléchir sous les assauts et les coups du destin, et souhaitait la mort pour elle et ses enfants. On trouve dans les lettres de Marx certaines allusions à des scènes de ménage, et il lui est arrivé de dire qu’il n’y avait pas plus grande folie, pour les hommes embrassant de grandes causes, que celle de se marier et d’être ainsi infidèle à soi-même en se condamnant pour toujours aux petites misères de la vie domestique. Néanmoins, même si les plaintes de sa femme lui faisaient parfois perdre patience, toujours il lui trouvait excuses et justifications ; elle souffrait incomparablement plus que lui, disait-il, des incroyables humiliations et malheurs qui étaient leur lot, d’autant qu’elle ne pouvait trouver refuge dans le monde de la science qui, pour lui, restait toujours son réconfort et sa sauvegarde. Voir les enfants privés des joies simples de l’enfance leur faisait également mal à tous les deux. Si triste que fut le destin de ce grand penseur, il ne prit cependant une grandeur tragique que parce que Marx choisit de son plein gré d’endurer ces tourments pendant des décennies et qu’il résista à toutes les tentations de trouver un havre de paix au sein d’une profession bourgeoise qu’il aurait pu exercer sans le moindre déshonneur. Il explique lui-même son attitude, avec des mots très simples, et sans la moindre emphase : « Je dois poursuivre mon but envers et contre tout et ne pas laisser la société bourgeoise faire de moi une machine à faire de l’argent. » (lettre de Marx à Weydemeyer le 1er février 1859) (…) A la veille de con cinquantième anniversaire, Marx écrit : « Un demi-siècle sur les épaules et toujours aussi pauvre ! » Aussi lui est-il arrivé un jour de souhaiter plutôt être à cent pieds sous terre que de continuer à végéter comme il le faisait ; à une autre occasion encore le désespoir lui arracha ce cri : « Même à mon pire ennemi je ne souhaite pas de passer comme moi huit semaines enlisé dans le même bourbier » ; Marx était surtout exaspéré de voir ces sordides contingences lui anéantir l’esprit et briser sa puissance de travail. (…) Cependant, ce n’est pas grâce à ses seules et prodigieuses facultés que Marx put triompher des obstacles rencontrés sur sa route. On peut humainement penser qu’il aurait fini par succomber d’une façon ou d’une autre s’il n’avait trouvé en la personne d’Engels un ami dont la fidélité et la totale abnégation ne peuvent commencer à être appréciés à leur juste mesure que depuis la publication de leur correspondance. »

« Marx était avant tout un révolutionnaire. Contribuer, d’une façon ou d’une autre, au renversement de la société capitaliste et des institutions d’Etat qu’elle a créées, collaborer à l’affranchissement du prolétariat moderne, auquel il avait donné le premier la conscience de sa propre situation et de ses besoins, la conscience des conditions de son émancipation, telle était sa véritable vocation. La lutte était son élément. Et il a lutté avec une passion, une opiniâtreté et un succès rares. Collaboration à la première Gazette rhénane en 1842, au Vorwärts de Paris en 1844,48 à la Deutsche Zeitung de Bruxelles en 1847, à la Nouvelle Gazette rhénane en 1848-1849, à la New York Tribune de 1852 à 1861, en outre, publication d’une foule de brochures de combat, travail à Paris, Bruxelles et Londres jusqu’à la constitution de la grande Association internationale des travailleurs, couronnement de toute son œuvre, voilà des résultats dont l’auteur aurait pu être fier, même s’il n’avait rien fait d’autre. Voilà pourquoi Marx a été l’homme le plus exécré et le plus calomnié de son temps. Gouvernements, absolus aussi bien que républicains, l’expulsèrent ; bourgeois conservateurs et démocrates extrémistes le couvraient à qui mieux mieux de calomnies et de malédictions. Il écartait tout cela de son chemin comme des toiles d’araignée, sans y faire aucune attention et il ne répondait qu’en cas de nécessité extrême. Il est mort, vénéré, aimé et pleuré par des millions de militants révolutionnaires du monde entier, dispersés à travers l’Europe, et l’Amérique, depuis les mines de la Sibérie jusqu’en Californie. » affirmait Engels devant le tombeau de Marx…

Ce que la correspondance de Marx et Engels nous enseigne

Le rapport dialectique de Marx et Engels, véritable pierre de touche du marxisme

Friedrich Engels, le compagnon de Karl Marx

Marx et Engels dans la révolution

La confession de Karl Marx », par Riazanov

Riazanov, Karl Marx, homme, penseur et révolutionnaire

Marx sali par la trahison de la social-démocratie ?

Marx sali par la trahison du stalinisme ?

La conception révolutionnaire de Karl Marx

Marx et Engels, une pensée révolutionnaire

Messages

  • En avril 1871, le journal « la Province » recopié par un journal clérical belge :

    « Paris. 2 avril. Une découverte en provenance d’Allemagne a fait sensation ici. On a constaté de manière authentique maintenant que Karl Marx, l’un des chefs les plus influents de l’Internationale a été le secrétaire privé du comte de Bismarck en 1857 et n’a cessé depuis lors de rester en relations avec son ancien patron. »

    Ben voyons, l’info pour les gogos, c’est pas dans la dentelle !!!!

  • Ces calom­nies avaient éclaboussé Marx lui-même, que l’on pré­sen­tait désor­mais comme le « grand chef de l’Internationale », l’ins­ti­ga­teur de l’insur­rec­tion depuis Londres, mais aussi comme « l’ex-secré­taire privé du comte de Bismarck » sans doute encore en rela­tion avec son ancien patron. Dès les débuts de la guerre franco-prus­sienne, la rumeur d’un Marx pan­ger­ma­niste avait cir­culé dans les milieux révo­lu­tion­nai­res hos­ti­les à Marx. Félix Pyat, l’oppo­sant his­to­ri­que à l’Empire, aurait même pré­tendu que Marx avait été payé 250 000 ­francs par Bismarck. « Si l’on consi­dère, d’une part, l’idée que l’on se fait en France d’une telle somme et, d’autre part, la radi­ne­rie prus­sienne, c’est pour le moins une esti­ma­tion de qua­lité ! » avait iro­nisé Marx dans une lettre à Engels du 3 août 1870.

    Au début des hos­ti­li­tés, dans un élan de haut stra­tège, Marx n’avait-il pas effec­ti­ve­ment tonné contre le chau­vi­nisme fran­çais et sou­haité la défaite de la France, consi­dé­rée comme l’agres­seur ? Cela fait-il pour autant de Marx un agent de l’impé­ria­lisme prus­sien dans ce conflit pure­ment dynas­ti­que ? Certainement pas. Avant même que l’Empire s’effon­dre à Sedan et que se pré­ci­sent les pro­jets d’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne, Marx n’hési­tait pas à rap­pe­ler les prin­ci­pes de soli­da­rité inter­na­tio­nale au pro­lé­ta­riat alle­mand, lui-même pris de convul­sions bel­li­queu­ses. Marx sou­tint les efforts de défense natio­nale fran­çaise contre le mili­ta­risme prus­sien. Ainsi début avril 1871, son ami Engels, féru de stra­té­gie mili­taire, établissait un mémo­ran­dum sur la défense de Paris à la demande du gendre de Marx, Paul Lafargue. À la mort d’Engels, August Bebel et Eduard Bernstein, lea­ders de la social-démo­cra­tie alle­mande et ses léga­tai­res poli­ti­ques, détrui­si­rent le docu­ment pour ne pas four­nir de preuve aux forces réac­tion­nai­res de sa déloyauté vis-à-vis de l’Allemagne.

  • L’infor­ma­tion selon laquelle Marx était l’unique rédac­teur du texte "La guerre civile en France, adresse de l’Association internationale des Travailleurs" fuita et il en reven­di­qua rapi­de­ment la pater­nité dans un cour­rier adressé au Daily News le 26 ­juin. La nou­velle fit les déli­ces de la pro­pa­gande ver­saillai­se : c’était bien la preuve que l’ins­ti­ga­teur de la Commune était alle­mand ! Le scan­dale agis­sant comme la plus puis­sante des publi­ci­tés, La Guerre civile fut réé­di­tée trois fois en deux mois et dif­fu­sée dans la presse mon­diale, hos­tile ou amie, en plu­sieurs lan­gues. « L’Adresse fait un bruit du diable, écrivait Marx en se délec­tant de sa célé­brité tar­dive, et j’ai l’hon­neur d’être, en ce moment, l’homme le plus calom­nié et le plus menacé de Londres. Cela fait vrai­ment du bien, après vingt ans d’une ennuyeuse idylle9. » Dans le jour­nal conser­va­teur bri­tan­ni­que Pall Mall Gazette du 20 ­juillet, on pou­vait lire : « Marx, d’ori­gine israé­lite, a pour res­pon­sa­bi­lité d’avoir fait émerger l’utopie dans la réa­lité en se met­tant à la tête d’une vaste cons­pi­ra­tion dans le but d’établir une poli­ti­que com­mu­niste. » De quoi pren­dre ses rêves pour la réa­lité !

  • Victor Serge écrivait : "(…) c’est une tradition : les ennemis de l’action, les lâches, les biens installés, les opportunistes ramassent volontiers leurs armes dans les égouts ! Le soupçon et la calomnie leur servent à discréditer les révolutionnaires."

    On pouvait lire dans le « National-Zeitung » de Berlin en août 1872 :

    « Le Capital - aux dires de Karl Marx - fait commerce de la force et de la vie des travailleurs. Mais, ce nouveau Messie a été incapable de faire mieux : il tire de la poche de l’ouvrier l’argent que le capitaliste lui a payé pour son travail et lui donne en échange une traite sur un État qui sans doute n’existera même pas encore d’ici mille ans. Chacun a été édifié par les Congrès et les journaux de ce parti : affaires scandaleuses sur la basse corruption des agitateurs socialistes ; détournements éhontés des fonds qu’on leur confie, et accusations réciproques des pires malversations. De tout cet immense volcan d’ordures il ne pouvait rien sortir d’autre qu’une Commune de Paris. »

    L’un des plus acharnés à diffuser des calomnies contre Marx dans le le « National-Zeitung » était Karl Vogt qui accusait Marx de « mener une existence luxueuse aux dépens des ouvriers » et d’être un agent apointé de la police. Vogt avait traduit en procès les militants communistes allemands comme Liebnecht (accusé par Vogt de ne pas éccrire une ligne sans être soumis à Marx) et leur presse.

    Vogt écrivit une brochure intitulée « Mon procès contre la Gazette générale ». Dans la préface, Marx était accusé d’être un agent provocateur.

    La campagne de calomnies de Vogt devait considérablement affaiblir la femme de Marx, déjà affectée par de nombreuses attaques, et elle tomba gravement malade.

    Pour se blanchir, Marx devait écrire tout un ouvrage « Herr Vogt », quasiment introuvable en français, afin de démonter les mensonges de Vogt et il accusait ce dernier d’être un mouchard apointé de l’empire de Napoléon III. Lire : « Herr Vogt », de Karl Marx, pour répondre aux calomnies de ce sinistre individu (en anglais) Marx y affirmait qu’il avait « la conviction absolue que Vogt était de connivence avec la propagande bonapartiste. »
    Marx écrivait : « Dans son factum, que la Nationalzeitung a résumé à sa façon, Vogt m’a reproché toute une série d’actes infamants qui, la réfutation publique devant les tribunaux m’étant définitivement interdite, réclament une réfutation écrite. En dehors de cette considération, qui ne me laissait pas le choix, j’avais d’autres raisons de traiter en détail, puisqu’il le fallait, les histoires de chasse répandues par Vogt sur mes camarades de parti et moi-même : d’une part, les cris de triomphe presque unanimes avec lesquels la presse allemande dite libérale accueillit ses prétendues révélations ; et d’autre part l’occasion que l’analyse de ce factum m’offrait de tracer le caractère de cet individu, représentatif de toute une tendance. »
    « Chose bizarre, il ne raconte que des conflits qu’il n’a jamais vécus et ne vit que des conflits qu’il n’a jamais racontés. A ses histoires de chasse il me faut donc opposer un peu d’histoire réelle. »

    « En tout lieux et en tous temps les sycophantes de la classe dirigeante ont calomnié de cette façon infâme les champions littéraires et politiques des classes opprimées. »

    Les accusations de Marx contre Vogt trouvèrent une preuve éclatante onze ans plus tard, après la chute de l’Empire.

    « La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40.000 francs en août 1859 », pouvait écrire Marx à son ami Kugelmann, dans une lettre datée du 12 avril 1871.

    Le « grand scientifique », soi disant Darwinien, Karl Vogt écrivait : « Le cerveau sécrète la pensée comme l’estomac secrète le suc gastrique, le foie la bile, et les reins l’urine. »

    Lire encore sa conférence Leçons sur l’homme, sa place dans la création et dans l’histoire de la Terre :

    « M. Paul Broca, un des plus habiles anthropologistes français, a pu, en compulsant les registres du recrutement en France, d’après le chiffre proportionnel des recrues réformées pour défaut de taille, signaler la distribution, sur le sol français, des deux races distinctes, les
    grands Kymris ou Gaëls, et les Celtes, de taille plus faible,
    et distinguer les régions où elles se sont conservées plus
    pures, de celles où elles se sont mélangées. Vous voyez donc, messieurs, par cet exemple, qu’on peut, pour les recherches des détails des différentes races, employer les mêmes principes que ceux que la physique ,
    la météorologie et les sciences voisines se sont dès long-
    temps appropriés. »

    Il faut savoir aussi que Bakounine est très proche la famille Vogt depuis 1848. Cela n’avait certainement pas contribué à les rapprocher !

    Lire aussi à ce propos : Révélations sur le procès des communistes de Cologne de 1852

    Et aussi : Le combat de Marx contre la calomnie (en anglais)

  • « Tout ce choeur de calomnies que le parti de l’ordre ne manque jamais dans ses orgies de sang, d’entonner contre ses victimes, prouve seulement que le bourgeois de nos jours se considère comme le successeur légitime du seigneur de jadis, pour lequel toute arme dans sa propre main était juste contre le plébéien, alors qu’aux mains du plébéien la moindre arme constituait par elle-même un crime. »

    Karl Marx, La guerre civile en France

  • « Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire,
    d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de "consoler" les classes
    opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire. »

    Lénine, L’État et la révolution, chap. 1

  • Voici un exemple de courrier de Marx, taxé par ses calomniateurs de "richissime profiteur" :

    « Ma femme est malade, la petite Jenny est malade, Léni a une sorte de fièvre nerveuse. Je ne peux et je ne pouvais appeler le médecin, faute d’argent pour les médicaments. Depuis huit jours, je nourris la famille avec du pain et des pommes de terre, mais je me demande si je pourrais encore me les procurer aujourd’hui » (à Engels, 4 septembre 1852).

    L’un de ses enfants, Edgar, meurt d’ailleurs de sous-alimentation.

  • Parmi les calomniateurs racistes antisémites de Marx, citons aussi Bakounine :

    « Ce monde est à présent, du moins dans la majeure partie, à la disposition de Marx d’un côté, et de Rothschild de l’autre. Cela parait étrange. Que peut-il bien y avoir de commun entre le socialisme et une banque de premier plan ? La raison en est que le socialisme autoritaire, le Communisme Marxiste, exige une forte centralisation de l’État. Et là où il se produit une centralisation de l’État, il doit nécessairement y avoir une banque centrale, et lorsqu’une telle banque existe, nous trouvons obligatoirement derrière la nation Juive parasitique, spéculant sur le travail du peuple. »

    Mikhaïl Bakounine, Profession de foi d’un démocrate socialiste russe

    • Citons « Etude sur les Juifs allemands », premier chapitre — le seul qui ait été écrit — d’une brochure ou d’un livre qui devait s’appeler « Profession de foi d’un démocrate socialiste
      russe » :

      « Eh bien, Messieurs les bourgeois juifs et allemands, venez en Russie, vous serez les bienvenus.
      Dans cet immense pays, il y aura de la place pour tout le monde. Mais en venant chez nous, renoncez à l’espoir de nous imposer vos gouvernements réguliers et votre civilisation bourgeoise. Nous n’en voulons pas, et le peu qu’on nous en a importé de chez vous, nous allons le détruire.
      Cette haute culture dont les Allemands se prévalent, et que le journalisme allemand nous reproche de ne point respecter, nous la méprisons en effet ; car nous la jugeons par ses œuvres, et elle n’a produit qu’un peuple esclave et une foule de littérateurs et de politiciens pareils à M. Maurice Hess… Mais je ne pense pas, pourtant, que ni M. Borkheim, un Juif allemand ami de M. Maurice Hess et qui encore plus que lui s’est fait de la calomnie contre moi un métier, ni M. Maurice Hess, aient jamais eu à démêler quoi que ce soit avec la diplomatie russe. Ils s’inspirent de leur malignité et de leur sottise, voilà tout… Je le répète encore, depuis que MM. les 120 Juifs allemands s’exercent dans l’art de la calomnie, jamais ils ne sont parvenus à découvrir l’ombre d’un fait pour appuyer leurs vilaines accusations contre moi. »

      Bakounine écrit dans Lettres aux internationaux de Bologne - Pièces explicatives et justificatives no 1 de décembre 1871 :

      « Les Juifs constituent aujourd’hui en Allemagne une véritable puissance. Juif lui-même, Marx a autour de lui tant à Londres qu’en France et dans beaucoup d’autres pays, mais surtout en Allemagne, une foule de petits Juifs, plus ou moins intelligents et instruits, vivant principalement de son intelligence et revendant en détail ses idées. Se réservant à lui-même le monopole de la grosse politique, j’allais dire de la grosse intrigue, il leur en abandonne volontiers le côté petit, sale, misérable, et il faut dire que, sous ce rapport, toujours obéissants à son impulsion, à sa haute direction, ils lui rendent de grands services : inquiets, nerveux, curieux, indiscrets, bavards, remuants, intrigants, exploitants, comme le sont les Juifs partout, agents de commerce, bellettrists, politiciens, journalistes, courtiers de littérature en un mot, en même temps que courtiers de finance, ils se sont emparés de toute la presse de l’Allemagne, à commencer par les journaux monarchistes les plus absolutistes, et depuis longtemps ils règnent dans le monde de l’argent et des grandes spéculations financières et commerciales : ayant ainsi un pied dans la Banque, ils viennent de poser ces dernières années l’autre pied dans le socialisme, appuyant ainsi leur postérieur sur la littérature quotidienne de l’Allemagne... Vous pouvez vous imaginer quelle littérature nauséabonde cela doit faire.
      Eh bien, tout ce monde juif qui forme une seule secte exploitante, une sorte de peuple sangsue, un parasite collectif dévorant et organisé en lui-même, non seulement à travers les frontières des États, mais à travers même toutes les différences d’opinions politiques, ce monde est actuellement, en grande partie du moins, à la disposition de Marx d’un côté, et des Rothschild de l’autre. Je sais que les Rothschild, tout réactionnaires qu’ils sont, qu’ils doivent être, apprécient beaucoup les mérites du communiste Marx ; et qu’à son tour le communiste Marx se sent invinciblement entraîné, par un attrait instinctif et une admiration respectueuse, vers le génie financier des Rothschild. La solidarité juive, cette solidarité si puissante qui s’est maintenue à travers toute l’histoire les unit. »

    • Marx écrit à Engels le 3 août 1870 :

      « Bakounine répand la rumeur selon laquelle je suis un « normal agent de Bismarck » : chose étonnante à dire ! C’est vraiment drôle, le même soir (mardi dernier), Serraillier me communiquait que Chatelain, membre de la Branche française et ami particulier de Pyat, avait informé la Branche française, réunie en assemblée générale, du montant que Bismarck m’avait payé, rien moins que 250 000 francs ! Si l’on considère, d’une part, l’idée que l’on se fait en France d’une telle somme et, d’autre part, le radinisme prussien, c’est pour le moins une estimation de qualité ! »

  • Citons encore, parmi les odieuses inepties, le livre Der preußische Regierungsagent Karl Marx de Wolfgang Waldner, suggère qu’initialement Marx travaillait comme indicateur de police pour le régime Prussien.

  • Marx

    Au directeur de « Public Opinion »

    Monsieur,

    Dans votre édition d’aujourd’hui, vous traduisez un article publié par la National-Zeitung de Berlin, l’organe bien connu de Bismarck. Il contient des calomnies d’une bassesse insigne sur l’Association internationale des travailleurs, et notamment le passage suivant :
    « Le Capital - aux dires de Karl Marx - fait commerce de la force et de la vie des travailleurs. Mais, ce nouveau Messie a été incapable de faire mieux : il tire de la poche de l’ouvrier l’argent que le capitaliste lui a payé pour son travail et lui donne en échange une traite sur un État qui sans doute n’existera même pas encore d’ici mille ans. Chacun a été édifié par les Congrès et les journaux de ce parti : affaires scandaleuses sur la basse corruption des agitateurs socialistes ; détournements éhontés des fonds qu’on leur confie, et accusations réciproques des pires malversations. De tout cet immense volcan d’ordures il ne pouvait rien sortir d’autre qu’une Commune de Paris. »

    En réponse à l’auteur stipendié de la National Zeitung, il suffit de déclarer que je n’ai jamais demandé ni reçu le moindre centime de la classe ouvrière de quelque pays que ce soit.
    À l’exception du secrétaire général qui touche un salaire de 10 shillings par semaine, tous les membres du Conseil général de l’Internationale accomplissent leur travail gratuitement. Le rapport financier du Conseil général, présenté chaque année devant le Congrès général de l’Association, a toujours été approuvé à l’unanimité, sans jamais susciter la moindre discussion.

    Je demeure, monsieur, votre respectueux

    Karl Marx

    Haverstock Hill, 19 août 1871.

  • Marx

    À la direction de l’ « Evening Standard »

    Monsieur,

    Dans l’Evening Standard du 2 septembre, votre correspondant berlinois publie la « traduction d’un article intéressant de la Gazette de Cologne sur l’Internationale », où l’on m’accuse de vivre aux frais de la classe ouvrière. Or, jusqu’au 30 août, date de la lettre de votre correspondant, la Gazette de Cologne n’avait pas publié un tel article. En conséquence, votre correspondant était bien empêché de le traduire. En revanche, l’article en question fut publié il y a déjà plus de quinze jours dans la National-Zeitung de Berlin, et une traduction anglaise - qui correspond mot pour mot à celle de votre correspondant - en a été publiée dès le 19 août dans l’hebdomadaire anglais Public Opinion. Le numéro suivant de Public Opinion contenait ma réponse à ces crachements, et je vous mets en demeure par la présente de la publier dans le prochain numéro de votre journal. Vous en trouverez une copie ci-inclus. Le gouvernement prussien a des raisons évidentes pour obtenir par tous les moyens dont il dispose que la presse anglaise diffuse de telles calomnies. Ces articles ne sont que l’annonce des persécutions que les gouvernements ont l’intention de faire subir bientôt à l’Internationale.

    Je demeure, Monsieur, votre dévoué

    Karl Marx

    HaverstockHill,

    4 septembre 1871.

  • Marx

    Lettre du Conseil général à la rédaction du « Standard »

    Londres, le 20 juin 1871

    Au Directeur du Standard,

    Vous affirmez dans votre éditorial (du 19 juin) sur l’Internationale : « Des deux programmes (l’un de Londres, l’autre de Paris) qui viennent d’être publiés, celui de la section parisienne de l’Association a le mérite d’être plus honnête et plus sincère. »
    Malheureusement pour vous, le manifeste « parisien » n’a pas été publié par notre section de Paris, mais par la « police versaillaise ».

    Vous affirmez : « Les Internationalistes de Londres expriment pour le moins aussi fermement que leurs frères de Paris « la volonté et la nécessité de détruire la vieille société ». Ils parlent d’incendier les édifices publics et de fusiller les otages en tant que « gigantesque effort pour abattre la société » - et, même après un échec, ils entendent poursuivre cela jusqu’à ce que le but soit atteint. »

    Le Conseil général de cette Association vous met au défi de nous indiquer dans notre Adresse la page et les lignes exactes où l’on trouve les mots que vous nous attribuez.

    Karl. Marx.

  • Jenny Marx à Wilhelm Liebknecht

    Dimanche, le 26 mai 1872

    Mon cher Library,

    ... Vous ne pouvez avoir idée de ce que nous avons enduré ici à Londres, depuis la chute de la Commune. Toute cette misère indescriptible et ce malheur infini. Et en plus le travail presque insoutenable pour l’Internationale ! Toute la racaille s’est tue, tant que notre Maure [Karl Marx] a réussi à grand-peine par son travail, sa diplomatie et ses louvoiements, à tenir ensemble - aux yeux du monde et de la multitude de nos ennemis - les éléments récalcitrants, à sauver l’Association du ridicule et à inspirer crainte et terreur à la masse de ceux qui tremblaient, tout en ne participant à aucun congrès officiel et en prenant sur lui toute la peine sans en avoir l’honneur. À présent que nos ennemis l’ont tiré de l’ombre et l’ont placé à l’avant-scène en pleine lumière, la meute se rassemble, et policiers et démocrates clament le même refrain à propos de son « despotisme, de son autoritarisme et de son ambition » ! Certes, il se fût infiniment mieux porté s’il avait continué tranquillement son travail et élaboré pour les combattants la théorie de la lutte à mener. Mais il n’a eu ni trêve ni repos, jour et nuit ! Et pour nos affaires privées, ce fut ruineux : la gêne - et quelle gêne - s’est installée chez nous. Précisément au moment où nos filles avaient besoin d’aide...

    Jenny MARX

  • Citons notamment A. J. Dalesme, qui écrit dans « Les mystères de l’Internationale » écrit : « Karl Marx, l’étudiant allemand formé à l’école du maître, Karl Marx créature du comte de Bismarck », ce que « Paris Journal » et « Le Soir » reprennent dans leurs éditions d’avril 1872, en affirmant que Marx « a été, en 1857, le secrétaire de Bismarck » !!!

  • L’article de la Nouvelle Gazette rhénane du 4 juillet qui vaudra au gérant Korff, au rédacteur en chef Marx et au rédacteur de ce journal Engels de comparaître devant les Assises le 20 courant, se termine par ces mots :

    « Voilà donc les actes du ministère d’action, du ministère du centre gauche, du ministère de transition à un ministère de la vieille noblesse, de la vieille bureaucratie, de la vieille Prusse. Dès que M. Hansemann aura rempli son rôle de transition, on le congédiera.
    Mais la gauche de Berlin doit se rendre compte que l’ancien pouvoir ne peut lui abandonner tranquillement de petites victoires parlementaires et de grands projets de constitution que s’il s’empare entre-temps de toutes les positions réellement décisives. Il peut tranquillement reconnaître à la Chambre la révolution du 19 mars pourvu que celle-ci soit désarmée à l’extérieur de la Chambre. La gauche pourrait trouver un beau matin que sa victoire parlementaire et sa défaite effective coïncident. Le développement de l’Allemagne a peut-être besoin de tels contrastes. Le ministère d’action reconnaît la révolution, en principe, pour effectuer, en pratique, la contre-révolution. »

    Les faits ont montré combien la Nouvelle Gazette rhénane a calomnié le gouvernement et ses satellites.

    K. Marx

    Les calomnies de la Nouvelle Gazette rhénane

    n° 168,14 décembre 1848

  • Trotsky, dans « Terrorisme et commme » :

    « Pour réagir contre une campagne internationale qui représentait les communards comme des souteneurs et les femmes de la Commune comme des prostituées, contre les calomnies infâmes qui attribuaient aux combattants vaincus des traits de sauvagerie issus de l’imagination pervertie des bourgeois vainqueurs, Marx mettait en lumière et soulignait certains traits de douceur et de grandeur d’âme qui n’étaient souvent, à vrai dire, que l’envers de l’irrésolution. On comprend qu’il l’ait fait : Marx était Marx. Ce n’était pas un vulgaire pédant, encore moins le procureur de la révolution : il unissait l’analyse scientifique de la Commune avec son apologie révolutionnaire. Il ne se contentait pas d’expliquer et de critiquer, il défendait et combattait. Mais tout en faisant ressortir la clémence de la Commune qui avait succombé, Marx ne laissait aucun doute sur les mesures que la Commune aurait absolument dû prendre pour ne pas succomber. »

  • Engels

    L’Adresse sur la Guerre Civile en France et la presse anglaise

    Londres, le 30 juin 1871

    Depuis que Londres existe, aucun imprimé n’a eu un retentissement aussi profond que l’Adresse du Conseil général de l’Internationale. La grande presse a éprouvé pour commencer son moyen de prédilection : tuer une idée en faisant le silence le plus complet sur elle. Mais il suffit de quelques jours pour établir que cette méthode ne convenait pas. Le Telegraph, le Standard, le Spectator, la Pall Mall Gazette et le Times durent se résoudre les uns après les autres à parler dans leurs éditoriaux de ce « remarquable document ». Ensuite, ce furent les lettres de lecteurs aux journaux pour souligner tel ou tel point particulier. Puis de nouveau des éditoriaux, et ce weekend les hebdomadaires revinrent une fois de plus sur ce sujet. Toute la presse unanime a dû reconnaître que l’Internationale était une grande puissance européenne, avec laquelle il fallait compter et que l’on ne pouvait éliminer, en faisant le silence sur elle. Tout le monde a dû reconnaître la maîtrise de style de l’Adresse - une langue aussi puissante que celle de William Cobbett, à en croire le Spectator.

    Il fallait s’attendre à ce que cette presse bourgeoise dans sa quasi-unanimité tombe à bras raccourcis sur un exposé aussi radical des positions prolétariennes et sur une justification aussi éclatante de la Commune de Paris. De même, on pouvait s’attendre à ce que la presse policière de Paris fabrique des faux sur le modèle de Stieber et que Jules Favre exhibe les écrits de l’Alliance de la démocratie socialiste de Bakounine (qui n’a rien à voir avec notre Association) pour nous les attribuer, malgré les dénégations publiques du Conseil général. Cependant, tout ce tapage finit par agacer les philistins eux-mêmes. Le Daily News commença à se modérer, et l’Examiner, la seule feuille qui se comporta vraiment comme il faut, prit nettement parti pour l’Internationale dans un article de fond. (…)

  • Le procès contre la Nouvelle Gazette rhénane eut lieu le 7 février 1849. Karl Marx, rédacteur en chef, Friedrich Engels, rédacteur et Hermann Korff, gérant responsable comparurent devant les Assises de Cologne. On leur reprochait l’article « Arrestations » paru dans le n° 35, du 5 juillet 1848 de la Nouvelle Gazette rhénane , contenant une offense au procureur général Zweiffel et une diffamation des gendarmes ayant procédé à l’arrestation de Gottschalk et d’Anneke. Bien que l’action juridique ait débuté le 6 juillet 1848, le procès avait été fixé au 20 décembre, mais il avait été ensuite repoussé. Au procès du 7 février Marx et Engels étaient défendus par l’avocat Schneider II, et Korff par l’avocat Hagen. Le jury prononça l’acquittement des accusés, nouvelle qui, suivant les minutes du procès, fut accueillie avec des cris de joie par le public présent à l’audience.

  • Le journal bourgeois « Les Echos » du 19/08/2013 :

    « Contraint de s’exiler à Londres, privé de ressources, il s’installe avec sa famille dans un deux-pièces près de Soho Square. Ce sont les années noires. Trois enfants meurent sous le coup des privations. Marx est brisé. Deux personnages l’aideront à traverser cette période dramatique. Sa femme, d’abord, Jenny von Westphalen, baronne de son état. Elle est belle, cultivée, sensible, courtisée par tous les jeunes héritiers de la haute société prussienne. Mais c’est Marx qu’elle a choisi, son ami d’enfance, son « sanglier noir ". Rien ne séparera ce couple fusionnel. Ni les drames, ni la pauvreté, ni la liaison que, selon plusieurs sources, Marx entretient un temps avec Hélène Demuth, la gouvernante, entrée très jeune au service de son épouse, qui suivra les Marx jusqu’au bout de l’exil et dont le philosophe, dit-on, eut un enfant. Lorsqu’il ne travaille pas jusqu’à une heure avancée de la nuit au milieu d’un capharnaüm de livres et de papiers, lorsqu’il n’arpente pas son bureau de long en large, creusant à force d’usure un chemin sur son tapis, lorsqu’il ne s’accorde pas quelques moments de « détente » en lisant une vie de Spartacus en grec dans le texte, Marx est un père aimant et tendre. Bien après sa mort, l’une de ses filles révélera un jeu de questions-réponses auquel il s’était livré pour faire plaisir à ses enfants. Une forme d’autoportrait rarissime chez cet homme pudique, direct, peu porté sur l’introspection. A la question : « votre idée du bonheur », Marx a répondu « lutter ». Quant à son « idée du malheur », il la résume en deux mots : « se soumettre ». L’autre personnage qui l’accompagnera toute sa vie d’homme, c’est Friedrich Engels, l’alter ego, le frère d’armes, rencontré en août 1844. C’est lui, l’héritier de l’entreprise de textile familiale de Manchester, qui le soutiendra financièrement dans les années de misère. Lui avec qui Marx écrira le « Manifeste du parti communiste » en 1848. Lui, surtout, qui l’aidera à accoucher du fameux « Capital » qu’il lui faudra vingt ans pour écrire. Vingt années d’un travail harassant, minutieux, précis jusqu’à l’obsession. Acharné à démonter les rouages les plus intimes du capitalisme, à en percer les faiblesses, Karl Marx va plonger au plus profond des documentations les plus improbables. Pour écrire les 10 pages du « Capital » consacrées à la législation sur la protection du travail en Angleterre, il compulse l’intégralité des rapports produits par les inspecteurs des fabriques. Epuisé par des céphalées chroniques, accaparé par ses activités de dirigeant de la Première Internationale, inhibé par l’angoisse d’écrire une phrase ou un paragraphe qui ne soit pas scientifiquement juste, Marx, malgré l’insistance amicale d’Engels, ne parvient pas à « lâcher " ses manuscrits. Le livre I est publié en 1867. Les livres II et III en 1885 et 1894, après sa mort. Rien de mieux n’a jamais été écrit depuis sur la formation du profit, la valeur d’usage et d’échange, la journée de travail... L’écriture est laborieuse, rébarbative. Mais Marx est devenu une star. Au Highgate Cemetery de Londres, il ne se passe plus un jour sans que des anonymes fleurissent sa tombe. »

    source

  • Pas étonnant que les classes dirigeantes aient voulu étouffer la parole de Marx :

    « Avant de réaliser un changement socialiste, il faut une dictature du prolétariat, dont une condition première est l’armée prolétarienne. Les classes ouvrières devront conquérir sur le champ de bataille le droit à leur propre émancipation. La tâche de l’Internationale est d’organiser et de concerter les forces ouvrières dans le combat qui les attend. »

    (Marx, Discours à l’occasion du 7° anniversaire de la I° Internationale, Londres, 25-11-1871.)

  • Le 14 mars, à trois heures moins un quart de l’après-midi, le plus grand des penseurs vivants a cessé de penser. Laissé seul deux minutes à peine, nous l’avons retrouvé, en entrant, paisiblement endormi dans son fauteuil, mais pour toujours.

    Ce qu’a perdu le prolétariat militant d’Europe et d’Amérique, ce qu’a perdu la science historique en cet homme, on ne saurait le mesurer. Le vide laissé par la mort de ce titan ne tardera pas à se faire sentir.

    De même que Darwin a découvert la loi du développement de la nature organique, de même Marx a découvert la loi du développement de l’histoire humaine, c’est-à-dire ce fait élémentaire voilé auparavant sous un fatras idéologique que les hommes, avant de pouvoir s’occuper de politique, de science, d’art, de religion, etc., doivent tout d’abord manger, boire, se loger et se vêtir : que, par suite, la production des moyens matériels élémentaires d’existence et, partant, chaque degré de développement économique d’un peuple ou d’une époque forment la base d’où se sont développés les institutions d’Etat, les conceptions juridiques, l’art et même les idées religieuses des hommes en question et que, par conséquent, c’est en partant de cette base qu’il faut les expliquer et non inversement comme on le faisait jusqu’à présent.

    Mais ce n’est pas tout. Marx a également découvert la loi particulière du mouvement du mode de production capitaliste actuel et de la société bourgeoise qui en est issue. La découverte de la plus-value a, du coup, fait ici la lumière, alors que toutes les recherches antérieures aussi bien des économistes bourgeois que des critiques socialistes s’étaient perdues dans les ténèbres.

    Deux découvertes de ce genre devraient suffire pour une vie entière. Heureux déjà celui auquel il est donné d’en faire une seule semblable ! Mais dans chaque domaine que Marx a soumis à ses recherches (et ces domaines sont très nombreux et pas un seul ne fut l’objet d’études superficielles), même dans celui des mathématiques, il a fait des découvertes originales.

    Tel fut l’homme de science. Mais, ce n’était point là, chez lui, l’essentiel de son activité. La science était pour Marx une force qui actionnait l’histoire, une force révolutionnaire. Si pure que fut la joie qu’il pouvait avoir à une découverte dans une science théorique quelconque dont il est peut-être impossible d’envisager l’application pratique, sa joie était tout autre lorsqu’il s’agissait d’une découverte d’une portée révolutionnaire immédiate pour l’industrie ou, en général, pour le développement historique. Ainsi Marx suivait très attentivement le progrès des découvertes dans le domaine de l’électricité et, tout dernièrement encore, les travaux de Marcel Deprez.

    Car Marx était avant tout un révolutionnaire. Contribuer, d’une façon ou d’une autre, au renversement de la société capitaliste et des institutions d’Etat qu’elle a créées, collaborer à l’affranchissement du prolétariat moderne, auquel il avait donné le premier la conscience de sa propre situation et de ses besoins, la conscience des conditions de son émancipation, telle était sa véritable vocation. La lutte était son élément. Et il a lutté avec une passion, une opiniâtreté et un succès rares. Collaboration à la première Gazette rhénane en 1842, au Vorwärts de Paris en 1844,48 à la Deutsche Zeitung de Bruxelles en 1847, à la Nouvelle Gazette rhénane en 1848-1849, à la New York Tribune de 1852 à 1861, en outre, publication d’une foule de brochures de combat, travail à Paris, Bruxelles et Londres jusqu’à la constitution de la grande Association internationale des travailleurs, couronnement de toute son œuvre, voilà des résultats dont l’auteur aurait pu être fier, même s’il n’avait rien fait d’autre.

    Voilà pourquoi Marx a été l’homme le plus exécré et le plus calomnié de son temps. Gouvernements, absolus aussi bien que républicains, l’expulsèrent ; bourgeois conservateurs et démocrates extrémistes le couvraient à qui mieux mieux de calomnies et de malédictions. Il écartait tout cela de son chemin comme des toiles d’araignée, sans y faire aucune attention et il ne répondait qu’en cas de nécessité extrême. Il est mort, vénéré, aimé et pleuré par des millions de militants révolutionnaires du monde entier, dispersés à travers l’Europe, et l’Amérique, depuis les mines de la Sibérie jusqu’en Californie.
    Et, je puis le dire hardiment : il pouvait voir encore plus d’un adversaire, mais il n’avait guère d’ennemi personnel.

    Son nom vivra à travers les siècles et son œuvre aussi !

    Discours d’Engels sur la tombe de Karl Marx

  • Marx a toujours combattu le culte de la personnalité dans le mouvement ouvrier !

    Lettre de Marx à Wilhelm Blos du 10 novembre 1877 :

    « Ich grolle nicht », je ne t’en veux pas (comme dit Heine) [Heine, Intermezzo lyrique. (N.R.).], et Engels non plus. Pour nous deux, la popularité ne vaut pas un sou. En voici une preuve, entre autres par aversion de tout culte de la personnalité, je n’ai jamais laissé publier, du temps de l’existence de l’Internationale, les nombreux messages, en provenance de divers pays, dans lesquels il était question de mes mérites et dont on m’importunait ; je n’y répondais même jamais si ce n’était pour en sermonner, de temps en temps, les auteurs. La première adhésion d’Engels et la mienne propre à la société clandestine des communistes [La Ligue des communistes. (N.R.).] se sont faites à la condition sine qua non que serait rayé dans les Statuts tout ce qui contribue à l’admiration superstitieuse devant les sommités (Lassalle, plus tard, a fait juste le contraire). »

  • Courrier de Karl Marx et Friedrich Engels au rédacteur en chef de la « Neue Deutsche Zeitung »

    Londres, le 25 juin 1850,

    Déclaration

    Dans la chronique de votre journal en date du 22 juin courant, vous m’avez reproché de préconiser « la domination et la dictature de la classe ouvrière » en m’opposant « l’abolition de toutes les différences de classe ». Je ne comprends pas le sens de cette rectification.

    Vous saviez très bien qu’on lit dans le « Manifeste du Parti communiste » à la page 16 :

    « Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue nécessairement en classe, s’il s’érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l’ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de l’antagonisme des classes, il détruit les classes en général et, par là même, sa propre domination en tant que classe. »

    Vous savez que dans la « Misère de la philosophie » écrite contre Proudhon avant février 1848, j’ai défendu le même point de vue.

    Enfin, dans l’article même que vous critiquez, p32, n°3 Neue Rheinische Zeitung, on lit :

    « Ce socialisme (c’est-à-dire le communisme) c’est la déclaration de la permanence de la révolution, c’est la dictature de classe du prolétariat, en tant que point de passage nécessaire pour abolir l’ensemble des relations sociales correspondant à ces rapports de production, pour changer radicalement l’ensemble des idées résultant de ces relations sociales. »

    Juin 50

    K. Marx.

    Dans la chronique de votre journal du 22 juin, vous avez la bonté de reconnaître que l’interdiction de la Neue Rheinische Zeintung a créé une « lacune sensible » dans la presse quotidienne d’Allemagne, mais vous protestez contre « l’assertion de Monsieur Engels » selon qui la Neue Rheinische Zeitung aurait été le seul organe de presse à représenter le prolétariat, si l’on ne s’en tient pas seulement aux formules et aux déclarations d’intention. Dans mon article sur la Campagne pour la Constitution du Reich n°1 de la Neue Rheinische Zeitung, j’ai fait effectivement une telle déclaration.

    Au cas où vous seriez d’avis que, par cette déclaration, on a été injuste de quelque façon envers la Neue Deutsche Zeitung, feu organe officiel de l’extrême-gauche francfortoise, vous obligeriez fort sans aucun doute les ouvriers en prouvant quand, où et comment, la Neue Deutsche Zeitung a défendu le prolétariat allementd ou ses intérêts de classe.

    Londres, 25 juin 1850.

  • Lettre de Marx à Engels

    Londres, le 19 novembre 1850,

    Mon cher Engels,

    Deux lignes seulement. Föxchen, notre petit est mort ce matin à dix heures… Si tu t’en sent le cœur, écris quelques lignes à ma femme. Elle est folle de douleur.

    Ton Marx.

    Lettre de Marx à Engels

    Londres, le 23 novembre 1850,

    Mon cher Engels,

    Ta lettre a fait beaucoup de bien à ma femme. Elle asubi un très grand choc et se trouve dans un état de nervosité inquiétant. Elle avait allaité le petit elle-même et, dans sa situation matérielle extrêmement difficile, elle l’avait fait vivre au prix des plus grands sacrifices. A cela s’ajoute l’idée que le pauvre enfant est victime de notre misère matérielle…

    Lettre d’Engels à Marx }

    Manchester, le 25 novembre 1850

    Mon cher Marx,

    Je t’écris aujourd’hui uniquement pour t’annoncer que je suis encore dans l’impossibilité de t’envoyer la somme (deux livres) que dans ma lettre je te promettais pour aujourd’hui.

    F.E.

  • Lettre de Karl Marx au rédacteur en chef du « Globe »

    Londres, juin 1850

    Monsieur,

    Permettez-moi, par la voix de votre journal, d’attirer l’attention de l’opinion publique sur un fait qui, à n’en pas douter, regarde plus ou moins l’honneur de la nation britannique. Vous savez qu’après la défaite du parti du mouvement, en 1849, les divers gouvernements du continent ont réussi à traquer les nombreux réfugiés politiques, obligeant tout particulièrement les Allemands, les Hongrois, les Italiens et les Polonais à changer sans cesse d’asile jusqu’à ce qu’ils trouvent ici, en Angleterre, à la fois une protection et la paix… J’ai l’honneur d’être au nombre de ceux qui, partout, où qu’ils soient allés, ont été en butte aux persécutions du gouvernement prussien. C’est en tant que rédacteur de la Rheinische Zeintung (de Cologne) en 1842 et de la Neue Reinische Zeitung en 1848 et 1849, journaux qui furent tous deux suspendus par un acte d’arbitraire du gouvernement prussien, que je fus expulsé de France en 1845 et en 1849, de Belgique en 1848, sur demande expresse de la légation de Prusse ou à la suite de pressions exercées par elle ; et pendant mon séjour en Prusse en 1848 et 1849, on intenta contre moi une douzaine d’actions en justice environ qui toutes furent abandonnées après que la cour d’Assises m’eut acquitté deux fois. De nombreuses mises en garde me sont parvenues récemment et qui prêtent au gouvernement anglais l’intention d’entreprendre une action contre moi, en se fondant sur de semblables accusations, confirment que, même dans ce pays, le gouvernement prussien ne m’a pas perdu de vue. Le fait que depuis plusieurs jours des individus soient postés juste devant ma porte pour noter toutes les entrées et sorties en est aussi une confirmation….

  • Les mésaventures des courriers de Marx et Engels avec les interventions de la police prussienne et anglaise à Londres :

    Courrier de Marx à Engels (à Manchester) :

    Londres, le 28 septembre 1852

    Cher Engels,

    Voilà pas mal de temps que je ne t’ai pas écrit… Je n’ai encore pu ni travailler à un article ni même ébaucher l’article de conclusion sur l’Allemagne. Les innombrables lettres que le merdier familial m’impose d’écrire m’absorbent tellement que je n’ai pas mis les pieds à la bibliothèque depuis trois semaines ; je l’ai fait également pour remonter le moral de ma femme pendant cette période si dure pour elle…

    Ton

    Karl Marx

    On a effectivement essayé d’ouvrir l’enveloppe que tu m’as envoyée. Mais manifestement maladroitement et sans résultat.

    Lettre de Marx à Engels :

    Londres, le 25 octobre 1852

    Cher Engels,

    Nous devons nous arranger autrement en ce qui concerne notre correspondance. Il est sûr et certain qu’au ministère Derby quelqu’un lit nos lettres. En outre il y a de nouveau un factionnaire qui surveille mon domicile (le soir), du moins à titre d’essai. Il m’est donc absolument impossible de t’écrire quoi que ce soit dont je ne souhaite pas que le gouvernement prussien ai connaissance actuellement…

    Lettre de Engels à Marx :

    Manchester, le 27 octobre 1852

    Cher Marx,

    … La lettre que j’ai reçue de toi aujourd’hui a été ouverte, car le sceau n’adhérait plus très bien aux 4 pointes de l’enveloppe. Il est difficile de dire si ta lettre à Strohn a subi le même sort, étant donné que c’est la firme qui a décacheté l’enveloppe extérieure. Mais elle a eu si peu de mal à le faire que j’ai tout lieu d’en déduire qu’on y avait déjà touché précédemment. Donc l’adresse de Steinthal ne peut plus servir non plus. Envoie tes lettres à notre vieux James Belfield, Golden, Lion, Deansgate, Manchester, avec une enveloppe intérieure portant « F.E. », et c’est tout. Quand il s’agit de choses très importantes et qui présentent un risque, fais comme moi maintenant : un paquet dont le contenu n’importe guère, dans lequel tu glisses ta lettre, et que tu envoies à mon domicile par l’intermédiaire de Pickford and Co, ou, pour varier, par Chaplin, Horne et Carver, adresse Ermen et Engels, en port dû. C’est un moyen très sûr. Mais notamment en ce qui concerne les paquets qui partent par la poste, fais écrire les adresses par des mains différentes, quant à ceux que tu confies à des expéditeurs, il faut éviter que ce soit toujours le même qui vienne le chercher au même endroit pour le transporter à l’agence. Si tu fais comme ça, ce dernier moyen est absolument sûr. Procède ainsi pour m’indiquer à Londres une adresse sûre pour mes lettres, ou bien demande à quelqu’un, dont le logeur n’est pas soupçonneux, de prendre une fausse identité à la Williams ; ou bien dis-moi si Lupus habite toujours 4 Broad Street, Dronke toujours dans son foyer modèle, et où habitent les autres gars dont nous sommes sûrs, pour que je puisse varier les adresses. Tous ces moyens, mis en œuvre alternativement, nous offriront des garanties suffisantes. De plus, pour qu’il n’y ait rien d’insolite, écris-moi directement des lettres anodines ; je ferai de même…

  • Karl Marx et Friedrich Engels au rédacteur en chef du « Times » (et envoyée aussi au « Daily News » - aucun des deux ne les publia…)

    Londres, le 29 janvier 1852

    Monsieur,

    (…) Permettez-moi de soumettre à l’opinion publique, par l’intermédiaire de votre journal, un fait prouvant qu’en Prusse les juges ne se distinguent en rien des hommes de main de Louis-Napoléon.

    Vous savez quel précieux moyen de gouvernement peut être un complot bien monté, si on le « sert » au moment opportun. Au début de l’an passé, le gouvernement prussien avait besoin d’un complot de ce genre pour s’assurer la docilité de son Parlement. En conséquence de quoi un nombre respectable de personnes furent arrêtées et la police mise en branle dans l’Allemagne entière. Mais on ne trouva rien du tout et en fin de compte on ne maintint en détention que quelques personnes de Cologne, sous prétexte qu’elles auraient été les chefs d’une organisation révolutionnaire aux vastes ramifications. Pour l’essentiel, il s’agit du Dr. Becker et du Dr. Bürgers, deux journalistes, du Dr. Daniels, Dr. Jacobi et Dr. Klein trois médecins praticiens, dont deux remplissent avec honneur les fonctions difficiles de médecins des pauvres et de M. Otto, directeur d’une entreprise chimique, bien connu dans son pays pour les résultats qu’il a obtenus dans le domaine de la chimie. Mais comme il n’existait pas de preuves contre eux on s’attendait chaque jour à leur mise en liberté. Or, tandis qu’ils étaient en prison, fut promulguée la « loi disciplinaire » qui donne au gouvernement la possibilité de se débarrasser par une procédure très expéditive de tout fonctionnaire de justice qui lui déplaît.

    L’effet de cette loi sur l’instruction du procès des susnommés, qui jusqu’alors traînait, a été quasi instantané. On ne s’est pas borné à les mettre au secret, à leur interdire toute correspondance entre eux ou avec leurs familles et à leur refuser des livres et de quoi écrire (ce qui en Prusse est accordé au plus fieffé filou tant qu’il n’est pas condamné) : l’ensemble de la procédure a pris, de ce moment, un caractère tout différent.

    La Chambre du Conseil (vous savez qu’à Cologne nous sommes jugés en application du Code Napoléon) se déclara aussitôt prête à les mettre en accusation et l’affaire vint devant le Sénat des mises en accusation, collège de juges qui remplit les fonctions du Grand Jury en Angleterre. Je vous prie de me permettre d’attirer votre attention sur l’arrêt de ce collège qui n’a pas de pareil. Dans ce jugement on lit l’extraordinaire passage que voici (je le traduis littéralement) :

    « Attendu qu’il n’a pas été produit de preuves indiscutables et que dès lors, puisque la preuve d’un délit n’a pas été apportée il n’existe pas de motif de maintenir en accusation » (vous supposez que la conclusion nécessaire est : les accusés doivent être remis en liberté ? Pas question !) « tous les actes et les pièces du dossier doivent être remis au juge d’instruction pour qu’il procède à une nouvelle instruction. »

    Cela signifie donc, qu’après dix mois de détention pendant lesquels ni le zèle de la police ni la perspicacité du procureur n’ont pu prouver l’ombre du moindre délit, toute la procédure doit recommencer depuis le début, pour être, qui sait, après une seconde année d’enquête, renvoyée une troisième fois au juge d’instruction.

    Comment expliquer que l’on foule aux pieds la loi si ouvertement : le gouvernement est en train de préparer la constitution d’une Haute Cour composée des éléments les plus dociles. Comme devant les Assises il ferait sans aucun doute fiasco, le gouvernement est forcé de retarder l’ouverture de ce procès jusqu’au jour où l’affaire pourra venir devant cette nouvelle juridiction, qui naturellement donnera toutes garanties à la Couronne en n’en donnant aucune aux accusés.

    Ne serait-il pas plus honorable pour le gouvernement prussien de prononcer sans plus tarder sa sentence contre les prévenus par décret royal, comme l’a fait Monsieur Louis Bonaparte ?

    Je reste, Monsieur, votre très dévoué serviteur.

    Un Prussien

    Karl Marx

    Lettre de Engels à Wedemeyer

    Manchester, le 30 janvier 1852

    Cher Weydemeyer,

    (…)

    Les prisonniers de Cologne sont dans une situation grave. Comme il n’y a absolument rien contre eux, la Chambre des mises en accusation ne les a ni libérés ni traduits devant la Cour d’Assises, mais a renvoyé l’affaire au premier juge d’instruction pour une nouvelle enquête ! C’est-à-dire qu’ils resteront provisoirement sous les verrous, sans livres, sans lettres, sans communication entre eux ni avec le monde extérieur, jusqu’à ce que le nouveau Tribunal d’Etat soit fin prêt. Nous essayons justement de dénoncer cette infamie dans la presse bourgeoise d’Angleterre.

    Bien des amitiés,

    Ton.

    F. Engels

    Lettre de Jenny Marx (à Londres) à Adolf Cluss (à Washington) :

    Cher Monsieur Cluss,

    Vous avez sans doute suivi le procès monstre des communistes dans la « Kölnische Zeitung ». Avec la séance du 23 octobre tout a pris une tournure si magnifique, si intéressante et si favorable aux accusés, que nous reprenons un peu confiance (1). Vous pouvez imaginer que le « parti de Marx » travaille jour et nuit et qu’il doit donner de la tête, des pieds et des mains. Cette surcharge de travail explique aussi pourquoi vous me retrouvez aujourd’hui faisant fonction de correspondant par intérim. Monsieur Dietz, intime de Monsieur Willich, et qui se trouve aussi désormais en Amérique, s’est fait voler tous les documents, lettres, procès verbaux, etc., etc. de la clique de Willich. Ils ont été produits par l’accusation comme preuve des activités dangereuses du parti. Pour établir une corrélation entre les accusés et tout cela on a inventé des liens qui n’existent pas entre mon mari et Cherval, cet espion notoire. Mon mari devenait ainsi le pont, le chaînon manquant entre les hommes de Cologne, les théoriciens, et ceux de Londres, les hommes de l’action, les pilleurs et incendiaires. Stieber et l’accusation se promettaient de cette machination qu’elle fasse l’effet d’une bombe. Ça a été un pétard mouillé. Il fallait d’autres coups de théâtre et on a donc fabriqué le tissu de mensonges de l’audience du 23 octobre. Tout ce que la police a allégué n’est que mensonge. Elle vole, fait des faux, force les secrétaires, prête de faux serments, fait de faux témoignages et pour couronner le tout prétend à tous les droits contre les communistes qui sont « hors la société » ! (…)

    (1) Au cours de la séance du 23 octobre 1852, Stieber présenta au tribunal un « registre des procès-verbaux ». Mais contre toute attente, la production de cette « preuve », qui était, selon le tribunal, « une falsification manifeste », contribua à renforcer la position de la défense en lui donnant une nouvelle occasion de dénoncer tous les faux de l’acte d’accusation.

    Déclaration de Marx et Engels sur le procès de Cologne (lettre au « Morning Adviser » publiée le 29 novembre 1852) :

    Londres, le 20 novembre 1852

    Au rédacteur en chef du Morning Adviser,

    Monsieur,

    Les soussignés ont le sentiment de remplir un devoir envers eux-mêmes et envers leurs amis récemment condamnés à Cologne, en soumettant au public anglais une série de faits en relation avec le procès monstrueux qui vient d’avoir lieu dans cette ville et sur lequel la presse londonienne n’a donné que des informations insuffisantes.

    On a passé dix-huit mois à préparer des preuves pour le procès. Pendant tout ce temps nos amis ont été maintenus en cellule, privés de toute possibilité de s’occuper, même de livres ; s’ils tombaient malades, on leur refusait le secours d’un médecin normal ou, s’ils l’obtenaient, l’état dans lequel ils se trouvaient faisait qu’ils n’en tiraient nul profit. Même après leur avoir communiqué les « actes d’accusation » on leur a interdit – ce qui est contraire à la loi – de se concerter avec leurs avocats. Et quels prétextes avançait-on pour justifier cette détention cruelle et prolongée ? Au terme des neuf premiers mois, la « Chambre des mises en accusation » déclara qu’il n’existait pas de base objective justifiant l’accusation et que l’enquête devait donc être reprise. On recommença à zéro. Trois mois plus tard, à l’ouverture de la session des Assises, l’avocat général prétexta que le dossier s’était enflé à un point tel qu’il n’avait pu étudier la masse des documents à charge. Et après trois nouveaux mois, le procès fut encore remis, cette fois parce qu’un des principaux témoins du gouvernement était malade.

    La véritable raison de tous ces retards était la peur du gouvernement prussien de devoir confronter la maigreur des faits aux « révélations sensationnelles » qu’on avait annoncées à son de trompe. Finalement le gouvernement réussit à mettre sur pied un jury tel que la province rhénane n’en avait jamais vu, composé de six nobles réactionnaires, de quatre membres de la haute finance et de deux membres de la bureaucratie prussienne ;

    En quoi consistaient les preuves soumises à ce jury ? En tout et pour tout les proclamations absurdes et les lettres d’un groupe d’illuminés ignorants, de conspirateurs qui voulaient faire les importants, d’hommes de main, complices d’un certain Cherval, qui a avoué être au service de la police… Mais voilà que le procès de Cologne apporta la preuve que ces conspirateurs et leur agent parisien Cherval étaient précisément les adversaires politiques des accusés et de leurs amis de Londres qui s’adressent aujourd’hui à vous…

    Et tandis que de la sorte on rendait les accusés de Cologne responsables des actes de leurs ennemis déclarés, le gouvernement fit venir les amis jurés de Cherval et de ses alliés, non pour les placer comme les prévenus dans le box des accusés, mais pour les citer à la barre des témoins et les faire déposer contre les accusés. Mais cela fit une impression par trop mauvaise. L’opinion publique contraignit le gouvernement à se mettre en quête de preuves moins équivoques.

    Sous la direction d’un certain Stieber, témoin principal du gouvernement à Cologne, qui était conseiller de police royal et chef de la police criminelle de Berlin, tout l’appareil de la police fut alors mis en branle. A la séance du 23 octobre, Stieber annonça qu’un courrier spécial de Londres lui avait apporté des documents d’une extrême importance qui prouvaient irréfutablement que les accusés avaient participé avec les soussignés à une prétendue conjuration. « Entre autres documents, dit-il, ce courrier lui avait apporté le registre où étaient consignés les procès-verbaux des séances de la société secrète, présidée par le Dr. Marx, avec qui les accusés avaient correspondu. »

    Cependant, Stieber s’enferra, donnant des indications contradictoires sur la date à laquelle le courrier serait arrivé…

    En ce qui concerne le registre des procès-verbaux, Stieber déclara à deux reprises, sous la foi du serment, qu’il s’agissait du « registre authentique de la Ligue des Communistes de Londres », mais par la suite, poussé dans ses retranchements par la défense, il a reconnu qu’il pouvait s’agir d’un simple carnet, sur lequel un de ses mouchards avait mis la main. Finalement, il apparut que ce registre, de l’aveu même de Stieber, était un faux délibéré et on attribua sa fabrication à trois agents londoniens de Stieber : Greif, Fleury et Hirsch… Sur ce point, les preuves apportées à Cologne étaient si concluantes que le procureur lui-même qualifia cet important document de Stieber de « registre vraiment malheureux », de faux pur et simple…

  • Face aux calomnies de Vogt, Marx se défendit par un long ouvrage « Herr Vogt » où il décortiquait les mensonges et les prétentions politiques d’un vendu à Louis-Bonaparte que Marx dévoilait alors qu’il était resté caché.

    Le fin mot de l’histoire fut connu 11 ans plus tard, comme Marx l’écrivit à L. Kugelmann le 12 avril 1871 : « La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40.000 francs en août 1859 ! »

  • Lettre de Marx à Engels

    Londres le 24 juillet 1857

    Cher Engels,

    … Si tu as la possibilité, envoie-moi un peu d’argent. Je suis menacé lundi de l’huissier pour les impôts et du propriétaire. De plus cette dèche totale m’a empêché depuis quinze jours de procurer à ma femme, dont la convalescence est très lente et qui s’affaiblirait plutôt de jour en jour, les petits fortifiants que le docteur a prescrits.

    Pendant tout ce temps, j’ai tenté, mais toujours en vain, de faire escompter une traite ou, ce qui est très courant à Londres, d’obtenir un prêt d’une société de crédit. Pour cette dernière opération, il faut deux garants respectables, et j’ai échoué complètement dans nos tentatives pour les dénicher.

    Mes arriérés au « Tribune » sont si insignifiants que je ne puis songer à tirer une traite sur lui avant deux semaines. Ils seraient plus importants si, d’une part, je n’avais pas été forcé avant de tirer de l’argent sans avoir la provision nécessaire et si, d’autre part, je n’avais pas été forcé avant de tirer de l’argent sans avoir la provision nécessaire et si, d’autre part, les perturbations domestiques n’avaient pas entraîné quelques manques à gagner.

    Rien n’est plus pénible que de t’importuner avec mes misères alors que tu es malade, mais je suis tellement isolé qu’il ne me reste rien d’autre à faire.

    J’espère que tu te rétabliras bientôt au bord de la mer…

    Lettre d’Engels à Marx

    Waterloo le 30 juillet 1857

    Cher Marx,

    Me voici enfin à la mer depuis avant-hier soir, à trois miles au-delà de Newbrighton, mais sur la rive nord de la Mersey ; malheureusement, je suis arrivé avec un bon refroidissement, qui aggrave momentanément mon histoire glandulaire, me fait beaucoup souffrir et m’empêche de dormir. Le pire, c’est que je suis pour quelques jours autant dire totalement incapable de travailler – mon rapport quotidien à Heckescher et les quelques mots que j’ai par ailleurs à écrire, voilà tout ce que j’arrive à faire. Le soir, je suis tellement accablé de douleurs et de lassitude que je ne suis pas même parvenu jusqu’ici à lire. Il a fallu encore que cette sacrée histoire arrive juste à présent ! Depuis vendredi soir et samedi matin, j’ai perdu tout mon temps à cause des dérangements et maintenant de la maladie. Je t’assure que je fais pitié à voir, tout voûté, paralysé et faible et, en ce moment, je ne sais que faire, tant je souffre…

    J’espère que l’air de la mer me mettra bientôt en état de boulonner comme il faut ; comme vont les choses, je m’ennuie à mourir…

    Lettre de Marx à Engels

    Londres, le 9 août 1857

    Je ne suis pas en mesure aujourd’hui d’écrire plus que quelques lignes. Seulement mes meilleurs vœux pour ta guérison. Ta santé est pour moi un souci aussi grand, plus grand même que si j’étais moi- même malade. Où en est ta toux ? D’après tes lettres, il semble que tu sois au moins tranquille de ce côté.

    Mon docteur me dit que, dans des cas comme le tien, si l’état du malade ne permet pas les bains de mer, il a employé de l’eau de mer chauffée pour laver tout le corps, en utilisant graduellement de l’eau de moins en moins chaude.

    Dis-moi si on t’ordonne du fer ? Le fer, dans les cas de cette sorte comme dans beaucoup d’autres, semble d’un grand secours.

  • Marx, lui-même, l’expose ainsi dans une lettre à Wilhelm Liebknecht du 17 septembre 1859 :

    « Vogt était l’instrument à la solde de Bonaparte (Louis Napoléon) pour corrompre les libéraux en Allemagne et les révolutionnaires allemands à l’étranger. Ainsi, Vogt avait offert à un écrivain libéral allemand la somme de trente mille florins pour le circonvenir dans l’intérêt de la propagande bonapartiste. »

    Engels rapporte dans son article « Karl Marx » de 1877 :

    « Pendant la guerre italienne, Marx combattit, dans le journal allemand Le Peuple (Das Volk) paraissant à Londres, le bonapartisme qui se drapait alors dans le libéralisme et jouait au libérateur des nationalités opprimées, ainsi que la politique prussienne qui cherchait à pêcher en eau trouble sous le couvert de la neutralité. A cette époque il eut également à attaquer Karl Vogt, qui était à la solde de Louis Napoléon et qui, sur les directives du prince Plon-plon, faisait alors de l’agitation pour la neutralité, et même pour la sympathie de l’Allemagne à l’égard du Second Empire. Odieusement calomnié par Vogt, Marx lui répondit par Monsieur Vogt (Londres 1860), ouvrage dans lequel il dévoila les Vogt et consorts de la bande impérialiste de faux démocrates, et où il démontra, par des preuves directes et indirectes, que Vogt avait été acheté par le Second Empire. C’est ce qui fut confirmé dix années, plus tard : dans la liste des pensionnés de Bonaparte trouvée aux Tuileries en 1870 et publiée par le gouvernement de Septembre, il y avait à la lettre V : « Vogt, versé en août 1859, 40.000 francs ». »

    source

    Karl Marx écrit ce livre en réponse à Carl Vogt, qui l’a accusé dans des articles d’être un espion prussien, par des accusations de connivences avec la police, des menaces, du chantages envers les travailleurs. Et enfin, selon William Vogt, dans La vie d’un homme sur Karl Marx :

    « Un autre moyen d’arriver à ses fins, en jetant le trouble dans les esprits par la terreur, consistait à s’opposer aux efforts individuels tentés par les affamés dans le but d’assurer leur existences et celle de leur famille. Quiconque se permettait de se retourner, d’accepter une place, de chercher une situation, de quémander de la besogne, de solliciter quelque emploi ou de s’établir, était immédiatement et sans autre, avec grossissements d’épithètes, déclaré traître à la Révolution qui avait besoin de tous ces défenseurs. ; car à en croire ces phraseurs, l’Allemagne allaient s’insurger d’un moment à l’autre... C’est avec de semblable billevesées, qu’elle savait mensongères, que la "bande soufrée" forma une troupe de fainéants, "fortes en gueule", qui, sacrifiant sans cesse sur l’autel de la patrie, repoussaient, avec un dégoût patriotique, toute occupation, et passaient leur temps dans les bouges et les cafés à déblatérer sur les "transfuges" et les "corrompus". »

    Herr Vogt, de Karl Marx

  • Engels à W. Liebknecht

    Londres, le 14 mars 1883.

    Mon cher Liebknecht[1]

    Mon télégramme à Mme B…[2], la seule adresse que je possède, vous aura appris la perte immense que le parti socialiste révolutionnaire d’Europe vient d’éprouver. Vendredi dernier, le médecin, l’un des meilleurs de Londres, nous avait encore fait espérer qu’il recouvrerait la santé et qu’il s’agissait seulement de le nourrir pour maintenir ses forces. En effet, depuis lors, l’appétit, lui était revenu. Or, cet après-midi, après 2 heures, je trouvais toute la maison en larmes : il était, paraît-il, d’une faiblesse extrême. Lenchen[3] me pria de monter en disant qu’il s’était assoupli, et lorsque j’arrivai – à peine venait-elle de quitter la chambre deux minutes auparavant — il était endormi, mais du sommeil éternel. Le plus grand cerveau de la seconde moitié du dix-neuvième siècle avait cesser de penser.

    Je ne me risquerai pas à me prononcer sur la cause immédiate de la mort, sans l’avis du docteur. Au reste, son cas était si compliqué que, même pour les médecins, il faudrait tout un livre pour le bien décrire. Mais, en fin de compte, cela n’est plus tellement important. Pendant les six dernières semaines, j’ai éprouvé les plus grandes angoisses, et je puis seulement dire que, selon moi, la mort de sa femme d’abord et, ensuite, dans une période très critique, celle de Jenny, avaient précipité la crise finale.

    Bien que je l’aie vu étendu ce soir dans sou lit, l’immobilité de la mort glaçant ses traits, je ne puis me faire à l’idée que ce cerveau génial ait cessé de féconder le mouvement prolétarien des deux mondes. Ce que nous sommes, nous le sommes grâce à lui ; ce que le mouvement est aujourd’hui, c’est à son activité théorique et pratique qu’il le doit. Sans lui, nous serions encore à tâtonner dans la confusion.

    À toi,

    F. ENGELS.

    1- Liebknecht, Wilhelm, (1826-1900). — L’un des fondateurs et des leaders de la social-démocratie allemande.

    2- Bebel, Julie (113-1910). — Femme d’Auguste Bebel, chef de la social-démocratie allemande (1840-1913).

    3- Lenchen (Demuth Hélène). 1723-1890). — Servante de la famille Marx depuis 1837, fut l’amie la plus constante et la plus dévouée de la famille.

  • A la mort de Marx, voici l’éloge funèbre du « Journal des Débats » le 25 mars 1883 :

    « Marx est devenu de la sorte un des plus grands et des plus nuisibles propagateurs des anciens microbes d’ignorance qui peuplent l’atmosphère de la science, et son originalité propre est d’avoir donné une apparence encore plus spécieuse que ne l’avait fait Proudhon aux critiques dont peut être l’objet la formation et l’emploi des capitaux dans la société économique… Marx est resté pontife jusqu’au bout, persuadé peut-être qu’il rendait à l’humanité un service de premier ordre en mettant toute son énergie à la dépouiller de la plus scientifique et de la plus précieuse de ses découvertes, la création de la propriété individuelle, le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. »

    Voici le commentaire du journal français « L’Univers » le 19 mars 1883 :

    « Le juif Marx a puisé ses principales idées dans les fameuses doctrines de Luther. « Faites ce que vous voudrez, mentez, parjurez-vous, volez, tuez les riches et les princes, croyez seulement que vous avez bien fait. » Ces infâmes paroles, le fondateur de l’Internationale se les était appropriées ; il les avait arrangées selon les besoins du siècle. Les travailleurs trouvent que l’équité exige la liquidation et que chacun est roi en vertu des principes de la souveraineté nationale. »

  • Karl Marx et Friedrich Engels au rédacteur en chef du « Times » (et envoyée aussi au « Daily News » - aucun des deux ne les publia…)

    Londres, le 29 janvier 1852

    Monsieur,

    (…) Permettez-moi de soumettre à l’opinion publique, par l’intermédiaire de votre journal, un fait prouvant qu’en Prusse les juges ne se distinguent en rien des hommes de main de Louis-Napoléon.

    Vous savez quel précieux moyen de gouvernement peut être un complot bien monté, si on le « sert » au moment opportun. Au début de l’an passé, le gouvernement prussien avait besoin d’un complot de ce genre pour s’assurer la docilité de son Parlement. En conséquence de quoi un nombre respectable de personnes furent arrêtées et la police mise en branle dans l’Allemagne entière. Mais on ne trouva rien du tout et en fin de compte on ne maintint en détention que quelques personnes de Cologne, sous prétexte qu’elles auraient été les chefs d’une organisation révolutionnaire aux vastes ramifications. Pour l’essentiel, il s’agit du Dr. Becker et du Dr. Bürgers, deux journalistes, du Dr. Daniels, Dr. Jacobi et Dr. Klein trois médecins praticiens, dont deux remplissent avec honneur les fonctions difficiles de médecins des pauvres et de M. Otto, directeur d’une entreprise chimique, bien connu dans son pays pour les résultats qu’il a obtenus dans le domaine de la chimie. Mais comme il n’existait pas de preuves contre eux on s’attendait chaque jour à leur mise en liberté. Or, tandis qu’ils étaient en prison, fut promulguée la « loi disciplinaire » qui donne au gouvernement la possibilité de se débarrasser par une procédure très expéditive de tout fonctionnaire de justice qui lui déplaît.

    L’effet de cette loi sur l’instruction du procès des susnommés, qui jusqu’alors traînait, a été quasi instantané. On ne s’est pas borné à les mettre au secret, à leur interdire toute correspondance entre eux ou avec leurs familles et à leur refuser des livres et de quoi écrire (ce qui en Prusse est accordé au plus fieffé filou tant qu’il n’est pas condamné) : l’ensemble de la procédure a pris, de ce moment, un caractère tout différent.

    La Chambre du Conseil (vous savez qu’à Cologne nous sommes jugés en application du Code Napoléon) se déclara aussitôt prête à les mettre en accusation et l’affaire vint devant le Sénat des mises en accusation, collège de juges qui remplit les fonctions du Grand Jury en Angleterre. Je vous prie de me permettre d’attirer votre attention sur l’arrêt de ce collège qui n’a pas de pareil. Dans ce jugement on lit l’extraordinaire passage que voici (je le traduis littéralement) :

    « Attendu qu’il n’a pas été produit de preuves indiscutables et que dès lors, puisque la preuve d’un délit n’a pas été apportée il n’existe pas de motif de maintenir en accusation » (vous supposez que la conclusion nécessaire est : les accusés doivent être remis en liberté ? Pas question !) « tous les actes et les pièces du dossier doivent être remis au juge d’instruction pour qu’il procède à une nouvelle instruction. »

    Cela signifie donc, qu’après dix mois de détention pendant lesquels ni le zèle de la police ni la perspicacité du procureur n’ont pu prouver l’ombre du moindre délit, toute la procédure doit recommencer depuis le début, pour être, qui sait, après une seconde année d’enquête, renvoyée une troisième fois au juge d’instruction.

    Comment expliquer que l’on foule aux pieds la loi si ouvertement : le gouvernement est en train de préparer la constitution d’une Haute Cour composée des éléments les plus dociles. Comme devant les Assises il ferait sans aucun doute fiasco, le gouvernement est forcé de retarder l’ouverture de ce procès jusqu’au jour où l’affaire pourra venir devant cette nouvelle juridiction, qui naturellement donnera toutes garanties à la Couronne en n’en donnant aucune aux accusés.

    Ne serait-il pas plus honorable pour le gouvernement prussien de prononcer sans plus tarder sa sentence contre les prévenus par décret royal, comme l’a fait Monsieur Louis Bonaparte ?

    Je reste, Monsieur, votre très dévoué serviteur.

    Un Prussien

    Karl Marx

    Lettre de Engels à Wedemeyer

    Manchester, le 30 janvier 1852

    Cher Weydemeyer,

    (…)

    Les prisonniers de Cologne sont dans une situation grave. Comme il n’y a absolument rien contre eux, la Chambre des mises en accusation ne les a ni libérés ni traduits devant la Cour d’Assises, mais a renvoyé l’affaire au premier juge d’instruction pour une nouvelle enquête ! C’est-à-dire qu’ils resteront provisoirement sous les verrous, sans livres, sans lettres, sans communication entre eux ni avec le monde extérieur, jusqu’à ce que le nouveau Tribunal d’Etat soit fin prêt. Nous essayons justement de dénoncer cette infamie dans la presse bourgeoise d’Angleterre.

    Bien des amitiés,

    Ton.

    F. Engels

    Lettre de Jenny Marx (à Londres) à Adolf Cluss (à Washington) :

    Cher Monsieur Cluss,

    Vous avez sans doute suivi le procès monstre des communistes dans la « Kölnische Zeitung ». Avec la séance du 23 octobre tout a pris une tournure si magnifique, si intéressante et si favorable aux accusés, que nous reprenons un peu confiance (1). Vous pouvez imaginer que le « parti de Marx » travaille jour et nuit et qu’il doit donner de la tête, des pieds et des mains. Cette surcharge de travail explique aussi pourquoi vous me retrouvez aujourd’hui faisant fonction de correspondant par intérim. Monsieur Dietz, intime de Monsieur Willich, et qui se trouve aussi désormais en Amérique, s’est fait voler tous les documents, lettres, procès verbaux, etc., etc. de la clique de Willich. Ils ont été produits par l’accusation comme preuve des activités dangereuses du parti. Pour établir une corrélation entre les accusés et tout cela on a inventé des liens qui n’existent pas entre mon mari et Cherval, cet espion notoire. Mon mari devenait ainsi le pont, le chaînon manquant entre les hommes de Cologne, les théoriciens, et ceux de Londres, les hommes de l’action, les pilleurs et incendiaires. Stieber et l’accusation se promettaient de cette machination qu’elle fasse l’effet d’une bombe. Ça a été un pétard mouillé. Il fallait d’autres coups de théâtre et on a donc fabriqué le tissu de mensonges de l’audience du 23 octobre. Tout ce que la police a allégué n’est que mensonge. Elle vole, fait des faux, force les secrétaires, prête de faux serments, fait de faux témoignages et pour couronner le tout prétend à tous les droits contre les communistes qui sont « hors la société » ! (…)

    (1) Au cours de la séance du 23 octobre 1852, Stieber présenta au tribunal un « registre des procès-verbaux ». Mais contre toute attente, la production de cette « preuve », qui était, selon le tribunal, « une falsification manifeste », contribua à renforcer la position de la défense en lui donnant une nouvelle occasion de dénoncer tous les faux de l’acte d’accusation.

    Déclaration de Marx et Engels sur le procès de Cologne (lettre au « Morning Adviser » publiée le 29 novembre 1852) :

    Londres, le 20 novembre 1852

    Au rédacteur en chef du Morning Adviser,

    Monsieur,

    Les soussignés ont le sentiment de remplir un devoir envers eux-mêmes et envers leurs amis récemment condamnés à Cologne, en soumettant au public anglais une série de faits en relation avec le procès monstrueux qui vient d’avoir lieu dans cette ville et sur lequel la presse londonienne n’a donné que des informations insuffisantes.

    On a passé dix-huit mois à préparer des preuves pour le procès. Pendant tout ce temps nos amis ont été maintenus en cellule, privés de toute possibilité de s’occuper, même de livres ; s’ils tombaient malades, on leur refusait le secours d’un médecin normal ou, s’ils l’obtenaient, l’état dans lequel ils se trouvaient faisait qu’ils n’en tiraient nul profit. Même après leur avoir communiqué les « actes d’accusation » on leur a interdit – ce qui est contraire à la loi – de se concerter avec leurs avocats. Et quels prétextes avançait-on pour justifier cette détention cruelle et prolongée ? Au terme des neuf premiers mois, la « Chambre des mises en accusation » déclara qu’il n’existait pas de base objective justifiant l’accusation et que l’enquête devait donc être reprise. On recommença à zéro. Trois mois plus tard, à l’ouverture de la session des Assises, l’avocat général prétexta que le dossier s’était enflé à un point tel qu’il n’avait pu étudier la masse des documents à charge. Et après trois nouveaux mois, le procès fut encore remis, cette fois parce qu’un des principaux témoins du gouvernement était malade.

    La véritable raison de tous ces retards était la peur du gouvernement prussien de devoir confronter la maigreur des faits aux « révélations sensationnelles » qu’on avait annoncées à son de trompe. Finalement le gouvernement réussit à mettre sur pied un jury tel que la province rhénane n’en avait jamais vu, composé de six nobles réactionnaires, de quatre membres de la haute finance et de deux membres de la bureaucratie prussienne ;

    En quoi consistaient les preuves soumises à ce jury ? En tout et pour tout les proclamations absurdes et les lettres d’un groupe d’illuminés ignorants, de conspirateurs qui voulaient faire les importants, d’hommes de main, complices d’un certain Cherval, qui a avoué être au service de la police… Mais voilà que le procès de Cologne apporta la preuve que ces conspirateurs et leur agent parisien Cherval étaient précisément les adversaires politiques des accusés et de leurs amis de Londres qui s’adressent aujourd’hui à vous…

    Et tandis que de la sorte on rendait les accusés de Cologne responsables des actes de leurs ennemis déclarés, le gouvernement fit venir les amis jurés de Cherval et de ses alliés, non pour les placer comme les prévenus dans le box des accusés, mais pour les citer à la barre des témoins et les faire déposer contre les accusés. Mais cela fit une impression par trop mauvaise. L’opinion publique contraignit le gouvernement à se mettre en quête de preuves moins équivoques.

    Sous la direction d’un certain Stieber, témoin principal du gouvernement à Cologne, qui était conseiller de police royal et chef de la police criminelle de Berlin, tout l’appareil de la police fut alors mis en branle. A la séance du 23 octobre, Stieber annonça qu’un courrier spécial de Londres lui avait apporté des documents d’une extrême importance qui prouvaient irréfutablement que les accusés avaient participé avec les soussignés à une prétendue conjuration. « Entre autres documents, dit-il, ce courrier lui avait apporté le registre où étaient consignés les procès-verbaux des séances de la société secrète, présidée par le Dr. Marx, avec qui les accusés avaient correspondu. »

    Cependant, Stieber s’enferra, donnant des indications contradictoires sur la date à laquelle le courrier serait arrivé…

    En ce qui concerne le registre des procès-verbaux, Stieber déclara à deux reprises, sous la foi du serment, qu’il s’agissait du « registre authentique de la Ligue des Communistes de Londres », mais par la suite, poussé dans ses retranchements par la défense, il a reconnu qu’il pouvait s’agir d’un simple carnet, sur lequel un de ses mouchards avait mis la main. Finalement, il apparut que ce registre, de l’aveu même de Stieber, était un faux délibéré et on attribua sa fabrication à trois agents londoniens de Stieber : Greif, Fleury et Hirsch… Sur ce point, les preuves apportées à Cologne étaient si concluantes que le procureur lui-même qualifia cet important document de Stieber de « registre vraiment malheureux », de faux pur et simple…

  • « Pour qui a connu Marx, aucune légende n’est plus ridicule que celle qui le représente comme un homme hargneux, sombre, inflexible et inabordable, une sorte de Jupiter tonnant retranché dans l’Olympe d’une solitude impénétrable, constamment occupé à lancer ses foudres et sans jamais le moindre sourire sur les lèvres. Une description pareille du plus gai et joyeux des hommes, de l’homme à l’humour pétillant et au rire contagieux, du plus gentil, tendre et sympathique des camarades de jeu constitue une source permanente de stupéfaction et d’amusement pour quiconque l’ait connu. »

    Eleanor Marx-Avelling (1895)

  • Les calomnies et condamnations morales contre Marx n’ont pas manqué…

    Par exemple, écrit Raddatz (1975), Marx était un « petit bourgeois » (p. 143) ayant conservé « l’habitude d’une existence bourgeoise » (p. 78) et mené un « mode de vie nettement bourgeois » (p. 58) : « goût de Marx pour la [hauteJ société et les salons » (p. 66) ; « habitudes bourgeoises -vêtements sur mesure, monocle et vins fins » (p. 84) ; recherche d’appartements « dans les beaux quartiers » (p. 85) qui va jusqu’à la location en 1864 d’une « luxueuse demeure, presque un palais » (p. 147) ; hébergement en voyage dans des « hôtels élégants » (p. 112) -parfois même dans les « meilleurs hôtels » (p. 149) ; entretien « à certaines périodes LdeJ deux domestiques » (p. 149) ; éducation bourgeoise des trois filles Marx où « on préfère acheter un piano, donner des bals, ou accepter, au grand ravissement de Mn.e Marx, des invitations dans l’aristocratie anglaise » (p. 153) -ce qui mènera d’ailleurs Marx dans le salon de la fille aînée de la reine Victoria (p. 313) ; utilisation de « cartes de visite au nom de ’Jenny Marx, née baronne Westphalen’ » (p. 217), sans compter, comme ne cesse de le rappeler Raddatz tout au long de sa biographie, que Marx ne travaillait pas en tant que tel mais se faisait surtout entretenir (notamment par Engels), s’adonnait à une sieste l’après-midi, était un grand buveur et un adepte de bons repas, un fêtard et un grand dépensier -d’où les périodes de misère profonde qui ponctuent son existence. Par ailleurs, Elleinstein (1981, pp. 393-4) estime, à partir d’une lettre écrite à Paul.

    Lafargue concernant le mariage de sa fille Laura (Marx à Lafargue, 13 août 1866) que « Marx est bourgeois dans sa conception du rôle de la sexualité et ge la femme. Il est le reflet de l’idéologie dominante au XIX siècle ». Frànçoise P. Lévy (1976) surenchérit de quelques autres dimensions l’acte d’accusation contre Marx pour . achever, selon le titre de sa biographie, l’histoire de ce bourgeois allemand : collaboration « au très bourgeois New York Tribùne »(p. 8) ; importance constante accordée par Marx à des apparâts comme l’argenterie » (pp. 179 sq) ; revenus de diverses sources qui auraient situé Marx quasi en permanence entre la low middle class et la upper middle class (p. 2000)

  • « Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire. » (Lénine, ‘L’État et la révolution’, chap. 1).

    “Marx était l’homme le plus haï et le plus calomnié de son temps. Les gouvernements absolutistes ou républicains l’ont déporté. Bourgeois, conservateurs ou démocrates se sont unis contre lui”. Déclaration d’Engels lors des funérailles de Marx.

    Franz Mehring :

     » Malheur au génie indépendant et incorruptible qui s’oppose fièrement à la société bourgeoise, qui sait lire dans le fonctionnement de ses rouages internes les signes avant-coureurs de sa fin prochaine et qui forge les armes qui lui donneront le coup de grâce. A un tel génie, la société bourgeoise réserve des supplices et des tortures qui peuvent paraître moins barbares que ne l’étaient le chevalet de l’Antiquité et le bûcher du Moyen Age, mais qui au fond n’en sont que plus cruels. »

    Marx écrit par ironie : « Je ne pense pas qu’on ait jamais écrit sur l’argent tout en en manquant à ce point ».
    « Ma femme est malade, la petite Jenny est malade, Léni a une sorte de fièvre nerveuse. Je ne peux et je ne pouvais appeler le médecin, faute d’argent pour les médicaments. Depuis huit jours, je nourris la famille avec du pain et des pommes de terre, mais je me demande si je pourrais encore me les procurer aujourd’hui » (écrit Marx à Engels le 4 septembre 1852). L’un de ses enfants, Edgar, meurt d’ailleurs de sous-alimentation.

    Le journal « L’univers » se répand, dans un article où la calomnie le dispute au mensonge, en une diatribe ignoble. Le journal écrit le 19 mars 1883 :

    « Marx fonda l’Internationale, terrible et vaste plan, dont la réalisation amènerait une dictature des travailleurs et conduirait le monde à la « liquidation sociale ». Marx était juif, comme son compagnon socialiste Lassalle. Aussi avait-il à un haut degré toutes les particularités distinctives de sa race. Il aimait le luxe, le faste et le bien-être matériel, tout en fulminant avec indignation contre le capital et la bourgeoisie. Toujours comme Lassalle, époux d’une Allemande d’origine princière, Marx parvint à épouser une jeune fille noble et riche, sœur du comte de Westphalen, le ministre ultraconservateur prussien de la réaction de 1850. Alors le juif put satisfaire ses goûts. Il s’entoura de tout le luxe que lui permit la fortune de sa femme. On possédait un bel hôtel à Londres ; on louait en hiver des villas sur la Riviera ; au printemps, on allait jouir du climat délicieux de l’île de Wight ; on s’installait à Ventnor, l’ancienne résidence de l’impératrice d’Autriche ; puis en été on cherchait la fraîcheur dans un chalet d’Interlaken ou de Brunnen. Tout en menant cette large existence, Marx ne cessait de faire ses plus larges efforts pour révolutionner les travailleurs en les excitant à demander la liquidation sociale. Il se garda bien de donner l’exemple de cette liquidation. Sa générosité pour les travailleurs était toute platonique. Le juif Marx a puisé ses principales idées dans les fameuses doctrines de Luther. « Faites ce que vous voudrez, mentez, parjurez-vous, volez, tuez les riches et les princes, croyez seulement que vous avez bien fait. » Ces infâmes paroles, le fondateur de l’Internationale se les était appropriées ; il les avait arrangées selon les besoins du siècle. Les travailleurs trouvent que l’équité exige la liquidation et que chacun est roi en vertu des principes de la souveraineté nationale. »

    De nos jours encore, on trouve des calomnies grossières de même acabit contre Marx. Sous la plume de ses détracteurs, on peut lire que Marx a engrossé la bonne, a profité de tout le monde, à exploité ses filles, acculant deux d’entre elles au suicide. Cependant, à la lecture du rapport de la police prussienne sur l’exil de Marx à Londres, peu suspect de sympathie politique, on découvre la vérité. Dans ce rapport, il est écrit :
    .

    « Le chef de ce parti (les communistes) est Karl Marx ; les autres dirigeants les plus proches sont Friedrich Engels, qui vit à Manchester et Freiligrath et Wolff « Lupus » à Londres, Heine à Paris, Weydemeyer et cluss aux États-Unis ; Burgers et Daniels sont à Cologne (Köln) et Weerth, à Hambourg. Mais l’esprit actif et créatif, l’âme véritable du parti est Marx ; Je tiens donc à vous parler de sa personnalité… il porte la barbe ; ses yeux sont grands, fougueux et pénétrant, il a quelque chose de sinistre, de démoniaque. Cependant, il montre, à première vue, le regard d’un homme de génie et d’énergie. Sa supériorité intellectuelle exerce une influence irrésistible sur ceux qui l’entourent. Sa femme, la soeur du ministre prussien de Westphalen, est une femme cultivée et agréable, qui, pour l’amour de son mari, s’est adapté à une vie de gitane et maintenant se sent parfaitement bien dans leur environnement, dans cette misère. Il a deux filles et un garçon, tous très mignon et les mêmes yeux intelligents du père… En tant qu’époux et père Marx, malgré son caractère agité et violent, est le plus tendre et le plus doux des hommes qui soit du monde. Marx vit dans un des pires quartiers de Londres et par conséquent l’un des moins onéreux. Son domicile est constitué de deux pièces, celle face à la rue et le Hall et l’autre qui est à l’arrière et sert de chambre pour dormir. Dans toute la maison il n’y a pas un seule meuble propre et en bon état. Tout est en ruine, ébréché, usé, revêtu d’une couche de poussière de l’épaisseur d’un doigt ; partout règne le plus grand désordre. Au milieu de la pièce trône une relique, une grande table, recouverte d’une couche de cire qui n’a jamais été poncée. Ici s’entassent manuscrits, livres et journaux de Marx, jouets pour enfants, pièces pour l’usage des femme, tasses de thé aux bords fissurés, sales, des cuillères, des couteaux, des fourchettes, des chandeliers, des encriers,, des pipes de porcelaine hollandaise, de la cendre de tabac : tout entassé, empilé sur cette unique table. Quand on entre dans la maison de Marx, le charbon et la fumée de tabac est tellement dense que dans un premier temps vous devez aller à tâtons comme dans une caverne ; puis progressivement la vue s’habitue à la fumée et commence à apercevoir quelque chose, comme dans un brouillard. Tout est sale et couverte de poussière, s’asseoir est vraiment une entreprise dangereuse. Ici, une chaise qui tient seulement trois jambes, au-delà les enfants jouent sur une autre chaise, En train de cuisiner par hasard ensemble. Naturellement toute la collation est offerte au visiteur, mais les enfants traînent au milieu des déchets de cuisine, et vous sentez que vous risquez de détruire vos pantalons en les posant sur la dite chaise. Mais tout cela ne cause pas à Marx et à son épouse la moindre gêne. L’hôte est le plus sympathique du monde ; Pipe, tabac et tout ce qui peut être trouvée dans la maison est offert avec la plus grande cordialité. Une conversation intelligente et agréable permet de surmonter les lacunes domestiques, rendre tolérable ce qui dans un premier contact était juste désagréable. Puis, enfin au bout du compte vous trouvez l’atmosphère intéressante et originale. »
    .
    De toute évidence, du vivant de Marx, la bourgeoisie a tout fait pour l’empêcher d’agir en le diabolisant, en le persécutant de son arsenal policier.

    Après sa mort, elle a tout fait pour dénaturer son combat pour la destruction du capitalisme et l’avènement du communisme.

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