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La faille qui s’ouvre entre le Capital et le Travail…

samedi 3 septembre 2016, par Robert Paris

Les hauts revenus montent mais les investissements productifs chutent... Un exemple l’Italie qui n’a rien de particulier d’ailleurs...

Edito

La faille qui s’ouvre entre le Capital et le Travail…

Les statistiques économiques nous apprennent qu’actuellement 52% du produit intérieur brut de la planète est contrôlé par les 500 plus grandes sociétés capitalistes transcontinentales. Ces 500 sociétés contrôlent des richesses supérieures aux avoirs accumulés des 133 pays les plus pauvres, ceux des capitalistes de ces pays y compris.

Il ne s’agit pas seulement pour nous de dénoncer simplement la concentration des richesses entre un petit nombre de mains. Celle-ci n’est pas récente même si elle s’est encore aggravée ces dernières années. Non, ce que nous voudrions souligner, c’est que le Capital est de plus en plus déconnecté de l’exploitation du travail humain et cela est bien plus nouveau et étonnant.

Car les sociétés précédemment citées, et qui possèdent 52% du produit de la planète (ainsi que 100% du pouvoir politique, économique et social), n’emploient que 1,8% de la main d’œuvre mondiale. Vous avez bien lu, moins de 2% !!!!

Les trusts multinationaux sont neuf fois plus nombreux qu’il y a trente ans. Certains sont plus riches et plus puissants que des Etats. On peut dire qu’ils ont fondé de nouvelles sortes d’Etats, avec parfois des armées et des services secrets. Et pourtant la part de la main d’œuvre mondiale qui travaille pour eux décroit sans cesse. Ils suppriment massivement des emplois et ce tout particulièrement depuis l’année 2000. Ils se transforment de plus en plus en établissements financiers qui se refusent à investir dans la sphère productive et se contentent de spéculer. L’inévitable ralentissement (de l’investissement et de l’emploi à partir de 2000

Eh oui, c’est plus qu’étonnant, c’est renversant ! En effet, le fondement de l’accroissement du capital, en système capitaliste, est, et a toujours été depuis que ce système d’exploitation existe, fondé sur la plus-value c’est-à-dire l’accroissement de valeur des produits transformés, obtenue en y agglomérant de la valeur-travail impayée, c’est-à-dire de l’accumulation des produits de l’exploitation de l’homme, du prolétaire. Ceci n’est pas du discours marxiste, c’est la réalité profonde de l’ancienne société, même si certains idéologues tentent de le camoufler.

De nombreux travailleurs estiment que le chômage de masse signifie que le rapport de forces de la classe des travailleurs par rapport au capital est en baisse. Ils ne tiennent pas compte du fait que cela signifie que le capitalisme est en perte de vitesse. De plus en plus de capital n’est plus investi. Voir la courbe n°1. Le taux de marge augmente et le taux d’investissement diminue et la courbe indique très clairement (dans l’exemple de l’Allemagne) que tel est la racine du chômage.

Courbe n°1 sur l’Allemagne - taux d’investissement et part du revenu en % du PIB

Le total des 500 plus grandes fortunes professionnelles de France est passé en un an de 200 à 280 milliards d’euros et pèse désormais 15% du PIB contre 6% il y a dix ans, selon le classement 2007 établi par le magazine Challenges. Au cours de la décennie 1997-2007, le patrimoine professionnel des 500 plus grosse fortunes a triplé et a progressé trois fois plus vite que la richesse nationale, note le magazine. » ( « Le moniteur », 12.07.2007) Par contre, ces plus grandes fortunes correspondent à une part des salariés de plus en plus réduite.

Certains se diront : ce n’est pas étonnant, ce sont des vases communicants, moins ils paient les salariés et plus ils s’enrichissent !

Mais ce n’est pas aussi simple !

Les capitalistes, pris individuellement, sont momentanément plus riches s’ils font fonctionner leur entreprise avec moins de main d’œuvre mais la plus-value globale des capitalistes, qu’ils se répartissent entre eux et notamment entre capitaux investis dans la production et ceux qui ne le sont pas, est produite exclusivement par le travail humain et pas par l’échange et le commerce, pas par la spéculation et par les dettes et prêts. Il n’y a pas de plus-value sans extraction de celle-ci du travail des salariés.

Or, si les profits capitalistes continuent d’être distribués, l’accumulation décroit en même temps que les investissements productifs. Voir courbe n°2 :

La rupture entre taux de profit et taux d’accumulation

Dans le monde, les trusts industriels suppriment sans cesse du travail humain. Par exemple, en France, l’industrie a perdu 1,9 million d’emplois entre 1980 et 2007, soit 36 % de ses effectifs. En France, il y a eu 29400 emplois industriels supprimés en 2012, 40000 en 2013 et ainsi de suite... Voir la courbe n° 3 :

Le taux de chômage augmente

Bien entendu, dans chaque pays, ce sont les délocalisations qui sont accusées mais, dans la réalité, les emplois chutent partout dans le monde, y compris en Chine, en Inde, au Brésil et en Afrique du sud ou en Russie… Et aussi les emplois productifs chutent dans tous les pays riches, anciens pays industriels comme nouveaux…

En France, 71 000 emplois détruits en moyenne chaque année, et un total de 36% des effectifs industriels. Eh bien, sur près de deux millions d’emplois détruits en 27 ans, seuls quelques dizaines de milliers peuvent être attribués à des délocalisations.

Bien entendu, les capitalistes prétendent accuser, en plus de la concurrence, les taxes, les impôts, la législation du travail, les syndicats, le niveau des salaires, les tribunaux, et pour finir les travailleurs eux-mêmes. Sauf que, pendant des années, ces causes existant déjà, l’emploi productif ne cessait de croître et l’investissement productif des trusts de même.

Officiellement, le chômage baisse aux USA mais les statistiques ne prennent pas vraiment en compte les 92,6 millions d’Américains qui ne cherchent pas de travail. Si l’on rajoute les 11 millions de chômeurs « reconnus » aux 91,5 millions de déclassés, on obtient la bagatelle de plus de 102 millions d’Américains en âge de travailler sans emploi, près d’un tiers de la population totale des Etats-Unis. Quant à l’emploi productif privé, il a plongé aux USA comme ailleurs…

Le journal bourgeois « Les Echos », peu accusable de critiques anticapitalistes, écrivait en janvier 2016 : « L’incapacité du secteur privé à créer des emplois est problématique… »

L’INSEE, dans un rapport de février 2015, écrivait :
« L’effectif des fonctions de production concrète, notamment la fabrication industrielle et la production agricole, a été divisé par deux en trente ans. Leur part dans la sphère productive est passée de 64 % en 1982 à 37 % en 2011. »

La chute massive et mondiale des emplois de la sphère productive privée a une cause clairement établie et qui n’est nullement l’accroissement de la concurrence mondiale mais le désinvestissement massif des capitaux de la sphère de production vers celle de la spéculation et du tout bancaire. C’est la cause de la chute de la production et des emplois productifs en 2000. C’est également la cause de la chute de 2007-2008 qui est due à l’accroissement fou de l’endettement poussé par ces capitaux spéculatifs qui jouent sur les dettes privées et publiques.

Courbe n°4 : de plus en plus de capital n’est plus investi

Le grand capital n’a pas cessé d’exiger un profit accru pour chaque investissement de ses fonds mais, en même temps, il s’est détourné de ce qui est, en régime capitaliste, la source même de la plus-value : le travail humain productif et salarié.

Pourquoi, crise ou pas crise, le capital ne s’est jamais massivement détourné de l’investissement productif et pourquoi le fait-il aujourd’hui ?

La réponse est dans la masse du capital accumulé qui atteint des sommets. Voir courbe n°5 :

Le résultat est le fait que le grand capital se détourne de l’accumulation productive et se tourne vers le tout bancaire voir ici

La racine réelle de la crise n’est pas cette dette des Etats : c’est la crise de l’investissement productif du capital privé, la base même du capitalisme !

C’est l’investissement privé qui n’a pas repris depuis 2008….

La suraccumulation, c’est la rançon du succès du capitalisme qui a réussi au-delà de ses capacités à absorber les plus-values et à les réinvestir…

La baisse de l’investissement, pendant près de vingt-cinq ans au plan mondial et plus de trente ans dans le cas des pays capitalistes centraux, ne renvoie pas l’image d’un système en expansion, mais plutôt d’un système dont nous, ou certains d’entre nous, aurions dit autrefois qu’il avait « achevé sa mission historique de développer les forces productives », pour n’être qu’un système marqué dans les mots de Lénine par « le parasitisme et la putréfaction ».

La suraccumulation de capacités de production s’accompagne d’une immense accumulation de capital fictif, de droits à valoir sur la valeur et la plus-value et de « produits financiers dérivés ». C’est dans la sphère financière que la crise a commencé. En ce sens elle est celle du régime d’accumulation à dominante financière ou financiarisé mis en place à la fin des années 1980. Elle met fin aussi à la période d’hégémonie mondiale sans partage des États-Unis à partir de la fin des années 1980 et à partir de 1992 en particulier. Tout a été mis en oeuvre, et continuera à l’être, par le gouvernement états-unien pour essayer d’assurer la pérennité tant de l’hégémonie américaine que de la domination de Wall Street, des banques et les fonds de placement financier.

Même confronté à la suraccumulation et à la surproduction, à une situation où la masse de plus-value produite par les entreprises ne peut pas être réalisée, le Capital cherchera à assouvir sa soif illimitée de plus-value. Les obstacles rencontrés ne feront que l’exacerber. Ce que l’on nomme la financiarisation est marquée par la place prise par les grandes banques, les sociétés d’assurance et les fonds de pension dans la configuration interne de la bourgeoisie des pays capitalistes centraux et dans leur poids dans la détermination au jour le jour des politiques économiques. Ainsi que cela nous est rappelé quotidiennement, aujourd’hui les dirigeants des Goldman Sachs et autres Morgan Stanley sont les premiers « représentants, supports conscients du mouvement de valorisation sans limite ». Le capital a toujours été marqué par sa profonde indifférence quant à l’usage social des marchandises produites ou de la finalité des investissements.

Thomas Joseph Dunning cité par Karl Marx dans Le Capital :
« Le capital fuit le tumulte et les conflits. Il est peureux de nature. Cela est très vrai, mais n’est pourtant pas toute la vérité. Le capital a horreur de l’absence de profit ou des très petits profits comme la nature a horreur du vide. Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour cent, et on pourra l’employer partout ; à 20 pour cent, il s’anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre, même s’il encourt la potence. Si le tumulte et les conflits rapportent du profit, il les encouragera l’un et l’autre. La preuve : la contrebande et la traite des esclaves. »

Et quand ce qui profite consiste à détruire l’économie elle même, il est incapable de se retenir et aucune force même les Etats capitalistes ne peuvent pas le retenir...

Mais pensez-vous que les travailleurs puissent supporter durablement d’être retransformés en misérables sans emploi, sans logis, sans nourriture et sans espoir ? Certainement pas et les pouvoirs capitalistes le savent si bien que toutes leurs mesures n’ont fait que retarder cet effondrement social pour préparer des contre révolutions : fascismes, dictatures et terrorismes comme guerres intestines de toutes les sortes, y compris la guerre mondiale.

Quelle est l’issue ? La seule issue, ce sont les prolétaires qui en détiennent la clef, et elle consiste à ses passer des fondements de l’économie capitaliste, historiquement morte, c’est-à-dire de la propriété privée des moyens de production, des matières premières, des entreprises et des capitaux, tous ces éléments dont le vol au prolétariat a donné naissance au capitalisme.

Certes, ce ne sont pas les travailleurs qui auront lancé cette nouvelle société mais ce sont les capitalistes qui auront contraint le prolétariat à cette nouvelle révolution historique, en retirant massivement aux prolétaires leurs emplois et tout ce qui va avec : le logement, la nourriture, les vêtements, l’éducation et la santé.

Eh bien, nous pourrons alors clamer haut et fort : le capitalisme est mort, adieu au capitalisme ! Et commencer à écrire l’histoire d’une société fondée sur la propriété collective des moyens de production et sur le bien-être de tous au lieu de celui d’une infime minorité !

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