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La physique, un domaine du consensus ou de l’affrontement des idées ?

lundi 13 juin 2016, par Robert Paris

Plusieurs sciences de la physique se disputent une même matière à étudier ! La physique, un domaine du consensus ou du débat ? Royaume du fait indiscutable ou de l’idée à contester ? Du conservatisme ou de la pensée révolutionnaire ?

Pourquoi plusieurs sciences de la matière alors qu’il n’y a qu’un seul monde matériel interconnecté, interdépendant ? La première raison est qu’il y a plusieurs niveaux hiérarchiques de la matière qui sont emboités comme des fractales. La deuxième raison est qu’il y a plusieurs démarches de la physique et qu’elles n’ont pas nécessairement réussi à fusionner. La troisième raison est qu’on n’a pas encore mis la main sur une véritable « théorie du tout », même si certains ont parfois cru y être parvenus. La quatrième raison est que des vérités ou approximations à certaines échelles peuvent rendre la science physique beaucoup plus simple à pratiquer tout en n’étant pas applicables à d’autres échelles. Car le petit n’est pas nécessairement une simple réduction de ce qui se passe à grande échelle.

En tout cas le résultat est là : il y a plusieurs physiques avec parfois des divergences considérables entre elles…

Il n’est pas identique d’étudier la matière des hautes et des basses énergies, la matière à grande et à petite vitesse, la matière à grande et à petite échelle (du temps ou des distances), la matière durable ou éphémère, la matière d’un petit nombre de quanta ou d’un grand nombre, etc.

On a eu l’habitude de penser que la science parvenait toujours à un modèle standard, à un consensus, à un accord de la communauté scientifique. Les média nous servent souvent cette rengaine et nombre de scientifiques ont envie d’y croire. La réalité est tout autre : les scientifiques sont sans cesse en train de se remettre mutuellement en question. Des adages fermement reconnus sont à nouveau vérifiés par des expériences et menacés par des théories nouvelles. On est en train de vérifier la constance de la gravitation et on cherche toujours à s’assurer que la vitesse de la lumière est indépassable. La pensée définitive n’est pas du domaine de la physique… Aucun adage des sciences physiques n’est considéré par les scientifiques comme absolument incontestable. Les constantes pourraient ne pas l’être. Les lois pourraient ne pas être toujours respectées ou ne pas l’avoir toujours été. L’électron est reconnu mais son existence matérielle est discutée. La nature du photon est en débat. Le rôle du vide quantique se discute. Les supercordes, un temps admirées, ont été remises en cause. Les physiciens ne sont pas forcément d’accord entre eux sur l’interprétation du big bang, sur le rôle du chaos déterministe en physique, sur le caractère émergent ou pas des lois physiques, sur l’existence réelle du temps et sur sa signification, sur le caractère fractal de l’espace-temps-matière, sur la place du vide quantique dans le fonctionnement de la matière/lumière, sur la réalité des quantons virtuels et des interactions indiquées dans les diagrammes de Feynman, sur la réalité de l’inversion du temps pour l’antimatière, sur la signification de la supraconductivité aux hautes températures, sur l’existence des monopôles magnétiques et sur tellement d’autres sujets qu’on ne saurait non seulement pas les citer tous mais même pas donner un ordre de grandeur du nombre de sujets en débat…

Faut-il pour autant écrire non seulement qu’il y aurait plusieurs sciences de la physique, mais qu’elles ne se contenteraient pas de dialoguer, se contesteraient mutuellement, se combattraient éventuellement ? Bien sûr, on sait que les individus, les scientifiques, se sont combattus. Par exemple, on n’ignore pas la lutte d’Einstein contre certaines conclusions de Bohr et Heisenberg, au point que le grand Einstein lui-même a été isolé par une partie de la « communauté » des physiciens comme ringard ! On se souvient que Boltzman, dont Planck et Einstein se sont directement inspirés, a découvert la dynamique des fluides, le premier exploré la physique statistique, la théorie cinétique des gaz, et donné des bases solides à l’entropie en thermodynamique avant de se suicider suite aux pressions de physiciens hostiles à ses thèses et qui étaient parvenus à les discréditer ! Sa défense de l’atomisme lui a valu ces attaques. Quand on pense qu’aujourd’hui chacun reconnaît l’atomisme sans discussion, sans même se poser de question !!!

Et aussi que certains pensent que la physique ce sont des expériences indiscutables et des théories reconnues sans discussion…

Max Planck, pourtant physicien reconnu à son époque et l’un des fondateurs des quanta, a eu le sentiment que les idées neuves étaient trop révolutionnaires pour l’institution de la science et tellement combattues de manière dure qu’il écrivait :

« Une vérité nouvelle en science n’arrive jamais à triompher en convaincant les adversaires et en les amenant à voir la lumière, mais plutôt parce que finalement ces adversaires meurent et qu’une nouvelle génération grandit, à qui cette vérité est familière. »

« Ainsi donc, la physique considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. (...) Nous pourrions voir certaines idées aujourd’hui vieillies et tombées dans l’oubli, retrouver une importance nouvelle. Pour cette raison, il serait souhaitable que les idées et les intuitions de nos grands philosophes fussent étudiées avec attention. Le temps où la philosophie et les sciences positives se considéraient comme étrangères l’une à l’autre et se regardaient mutuellement avec méfiance doivent être considérés comme révolus. »

Il écrivait aussi :

« C’est une des plus pénibles expériences de ma vie scientifique tout entière, que j’aie bien rarement – et en fait, je pourrais dire que je n’aie jamais – réussi à obtenir l’assentiment universel pour un résultat nouveau, dont je pouvais démontrer la vérité par une décisive, encore que simplement théorique, démonstration. [ …] Tous mes excellents arguments tombaient dans des oreilles sourdes. »

Albert Einstein, qui avait participé au même combat, avait le même point de vue : « Il est plus difficile de casser une croyance que de briser un atome. »

Le physicien Léon Lederman écrivait dans « Si l’Univers est la réponse, quelle est la question ? » : « La science ne concerne pas le statu quo mais la révolution. »

Certes, les idées neuves en physique sont révolutionnaires. Certes, on a eu bien du mal à encaisser la relativité ou la physique quantique. Mais tout cela a fini par fusionner, non ? On dispose maintenant du « modèle standard » de la physique et il est sans cesse vérifié par de nouvelles expériences, non ?

Eh bien ce n’est pas aussi simple. La fusion des différents niveaux des sciences de la matière est plus apparente que réelle. Mettez en présence un physicien des particules et un physicien des solides (ou des matériaux), ou encore avec un astrophysicien et vous verrez.

Bien sûr, un des miracles de la physique est que celle à toute petite échelle serve aussi à très grande échelle. Les mircoparticules interviennent en astrophysique comme les neutrons dans l’étoile à neutrons ou les plasmas dans les étoiles. Mais cela ne signifie pas que les deux physiques convergent en tous points. Demandez seulement à l’astrophysique et à la microphysique quel est l’énergie du vide et vous trouvez juste… un petit écart d’un facteur de dix puissance 120 c’est-à-dire un nombre si grand qu’on ne peut l’imaginer ! Et personne n’est pour le moment capable d’expliquer cette divergence énorme…

Mais la divergence des différentes physiques ne se résume pas à celle-là. On constate encore des divergences entre physique et physico-chimie, ou physico-biochimie, entre physique statistique et non statistique, entre relativité et quantique….

On n’a encore jamais réussi, en effet, à faire fusionner physique quantique et physique relativiste. Et c’est pourtant de l’avis unanime totalement indispensable car il ne s’agit nullement de deux domaines séparés d’existence de la matière ou intervenant à des échelles qui ne se contactent pas. Bien au contraire, la matière est le plus souvent à la fois quantique et relativiste ! Mais pas la science physique !

Quand on pense que certains scientifiques estimaient au XXe siècle qu’on atteindrait rapidement la fin de la physique !!! Ce n’est plus le cas au XXIe !!!

Les notions de matière noire et d’énergie noire, imposées par l’observation des mouvements des galaxies et des étoiles issue de l’astrophysique et selon lesquelles nous ne connaissons ni l’essentiel de la matière ni l’essentiel de l’énergie de l’univers, ont durablement remis en cause l’idée qu’on connaissait tout de la matière.

Les expériences aux hautes énergie, si elles semblent confirmer l’existence du (ou des) boson de Higgs prévu par le « modèle standard » (un peu de consensus dans un royaume d’incertitude !), ont aussi tendance à indiquer l’existence de particules aux hautes énergies, et qui ne seraient, elles, pas du tout prévues par les modèles !

On serait bien en peine de lister les divergences entre physiciens, des théoriciens aux expérimentateurs, des adeptes du tout continu aux adeptes du tout discontinu ou d’un mixage, des adeptes des supercordes (il en reste !) à leurs adversaires, des adeptes de la matière noire et de l’énergie noire à leurs adversaire (ça existe aussi !), des adeptes des chaos et des autres, des adeptes de l’émergence et des autres, des adeptes du chaos déterministe et des autres, des adeptes du vide fondateur et des autres, des adeptes de la variation des constantes et des autres, des adeptes du big bang et des autres (là aussi, il y en reste !), des adeptes du dépassement de la vitesse de la lumière et des autres (les plus nombreux !), des adeptes des univers parallèles et des autres, des adeptes du monde à plus de trois dimensions (plus de quatre avec le temps), des adeptes de l’inexistence du temps et de leurs adversaires, des adeptes de la relativité générale et des autres, des adeptes du réchauffement anthropique et de leurs adversaires, des adeptes du principe anthropique (qui réintroduit à la prédestination dans la physique !!!) et de leurs adversaires (encore heureux qu’il y en a !), des adeptes du nucléaire (plein malheureusement !) et de ceux qui en dénoncent les risques non maitrisés (on les soutient !), des adeptes d’une physique inférieure au niveau particulaire et de leurs adversaires, des adeptes d’une description du « ce qui se passe quand » au niveau microscopique et de leurs adversaires, des adeptes de l’école de Copenhague (ils existent encore !) et de leurs adversaires, des adeptes du passage physique de l’inerte au vivant et leurs adversaires, etc… C’est une vraie liste à la Prévert.

Aucune thèse acceptée par consensus n’existe sur l’origine de la gravitation, sur celle du temps, sur

Les divergences sur les liens avec la philosophie ne sont pas moins nombreux depuis ceux qui contestent tout lien dans les deux sens jusqu’à ceux qui contestent seulement le matérialisme, la dialectique, la causalité, la discontinuité, la non-linéarité du monde… Divergences bien entendu avec tous les partisans des religions et de leur poids en sciences, des mystiques, et même de la mystique du nombre qui a cours souvent chez les physiciens mathématiciens.

Le meilleur moyen trouvé dans ce domaine a consisté à interrompre les discussions à caractère philosophique. Mais peut-on vraiment les empêcher. A-t-on fini de discuter la place de la vie issue de la matière ? A-t-on fini de discuter la place de la conscience dans un univers matériel ? A-t-on fini de discuter la place des mathématiques en sciences et en particulier en physique ? Est-on sûr, par exemple, d’en avir fini avec les débats lancés par Einstein, avec le chat de Schrödinger, avec l’interprétation des fentes de Young ou avec celle des photons jumeaux ? On espère que notre site est une vaste démonstration du contraire ! Et pas la seule…

La physique, un débat philosophique permanent

Un débat sur la physique et les expériences EPR

Le débat sur la version de la physique quantique développé par l’école de Copenhague

Le débat philosophique de la physique

Le débat philosophique de la physique quantique

Les questions posées par l’astrophysique

Comment la physique se prépare à une nouvelle révolution conceptuelle fondamentale

Pourquoi la science a toujours besoin de penseurs révolutionnaires et pourquoi l’institution scientifique les écarte, les décourage ou les étouffe

Pourquoi l’idéologie de la méfiance aveugle dans la science remplace l’idéologie de la confiance aveugle dans les progrès et l’objectivité de la science

Lee Smolin et la physique contemporaine

Quelle épistémologie de la physique contemporaine ?

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