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Qu’est-ce que la cellule vivante ?

vendredi 29 avril 2016, par Robert Paris

Qu’est-ce que la cellule vivante ?

La cellule vivante est l’un des niveaux d’organisation de la vie. Il y a des niveaux inférieurs et d’autres supérieurs. Les réductionnistes ramènent la vie à un seul niveau : celui de la cellule ou celui de l’ADN, celui du gène, celui de l’individu vivant ou celui de l’espèce. Ils considèrent que l’élément de base est le fondement de l’élément de niveau hiérarchique supérieur en omettant que la rétroaction existe.

Le premier adage du réductionnisme consiste en effet à penser que le tout est la simplement la somme des parties et ses propriétés ne sont rien d’autre que la somme des propriétés des parties. Il faut donc décomposer le tout en parties et elles mêmes encore en parties plus petites, atteindre l’élémentaire. C’est au niveau élémentaire que l’on trouvera la clef de l’explication de l’ensemble du fonctionnement.

La cellule vivante ou le gène ne sont pas plus élémentaires que la particule matérielle. Aucune cellule vivante n’existe sans interaction avec d’autres cellules. Si une cellule ne reçoit plus de message de survie des cellules voisines, elle s’autodétruit (apoptose). Matière inerte comme matière vivante ne sont pas constituées d’unités totalement indépendantes, que ce soient des particules, des atomes, ou des cellules, mais sont engagées dans un processus collectif. Elles sont même construites par ce processus qui engagé des quantités d’autres structures. Cette construction ne s’est pas réalisée une fois pour toutes mais se reconstituent sans cesse.

Il faut rappeler que la vie n’est pas une structure à une seule échelle hiérarchique mais à plusieurs niveaux disjoints les uns des autres, sans continuité. Il y a le niveau de l’agitation brownienne des molécules. Il y a le niveau des liens au sein des macromolécules comme protéines, ADN ou ARN. Il y a les cellules vivantes. Il y a les organes et organismes. Il y a l’individu. Il y a les groupes et espèces. Il y a les groupes d’espèces en interaction.

Prenons la cellule vivante. Sa naissance provient de la méiose, c’est-à-dire la destruction de la cellule mère. Son propre avenir est sa destruction pour donner deux cellules filles. Mais elle peut aussi se détruire tout court. Elle peut mourir. Que se passe-t-il alors ? Eh bien, dès qu’une cellule naît, elle émet un message (gènes et protéines) de mort, des messages de suicide appelés apoptose et qui disent : « je veux m’autodétruire en enclenchant un processus d’autodestruction qui est intégré dans mon mécanisme de naissance. » J’ai produit en même temps mon mécanisme de naissance et mon mécanisme de mort ! Si la cellule se maintient, c’est parce que d’autres gènes et protéines inhibent le processus d’autodestruction. Qui va l’emporter ? Cela dépend des messages des cellules voisines. A elles de dire si ce type de cellule est bien à sa place en fonction de leur messages cellulaires. Si une cellule sanguine s’est aventurée là il ne devrait y avoir que des cellules musculaires, elle ne va recevoir les bons messages de survie et elle va basculer dans le sens de l’autodestruction. La structuration du corps ne va pas être réalisée par un plan préétabli qui serait inscrit dans le corps, dans l’ADN ou dans un autre endroit des cellules. C’est simplement un mécanisme d’autodestruction qui pilote aveuglément la destruction des cellules ou leur maintien en vie.

La vie cellulaire est fondée sur deux mécanismes : la méiose ou division cellulaire par laquelle le dédoublement cellulaire nécessite la mort de l’ancienne cellule et l’apoptose par laquelle, à peine née, une cellule reçoit un message génétique d’autosuppression comme l’expose notamment l’immunologue Jean-Claude Ameisen. La survie des êtres vivants elle-même se fonde sur un mécanisme génétique qui bloque les protéines exécutrices de la cellule vivante, prêtes, dès la naissance de la cellule, à en provoquer le suicide (apoptose). Ce processus négatif a un rôle éminemment positif pour l’ensemble du corps, dès la naissance : « L’autre condition nécessaire à la possibilité même d’une évolution, c’est la mort. Non pas la mort venue du dehors comme conséquence de quelque accident. Mais la mort imposée du dedans, comme une nécessité prescrite, dès l’œuf, par le programme génétique même. » rapporte le biologiste François Jacob dans « La logique du vivant ». La mort est inséparable et indispensable à la vie. Le biologiste Henri Atlan le souligne dans « Entre le cristal et la fumée » : « L’organisation des systèmes vivants n’est pas une organisation statique (...) mais un processus de désorganisation permanente suivi de réorganisation. (...) La mort du système fait partie de la vie, on seulement sous la forme d’une potentialité dialectique, mais comme une partie intrinsèque de son fonctionnement et de son évolution ; sans perturbation (...), sans désorganisation, pas de réorganisation adaptatrice au nouveau, sans processus de mort contrôlée, pas de processus de vie. »

Dans toute cellule vivante animale ou végétale, on observe les mêmes organites autoreproductibles (noyaux et chromosomes, mitochondries), les mêmes structures cytoplasmiques (réticulum, dictyosomes, ribosomes), les mêmes relations entre tous ces éléments. Ces caractères structuraux similaires témoignent d’une identité de fonctionnement : la constitution et la synthèse des lipoprotéides protoplasmiques et des acides nucléiques, les mécanismes enzymatiques, la respiration, l’information génétique à chaque stade du développement sont fondamentalement les mêmes chez les Animaux et chez les Végétaux ; la biologie générale, la physiologie générale, la génétique sont des sciences communes aux Végétaux et aux Animaux.

La cellule vivante est un autre exemple d’état dynamique. Dès qu’elle nait, un processus nait en même temps selon laquelle la cellule devrait s’autodétruire et décomposant à l’intérieur tous les produits biochimiques qui pourraient être un poison pour les cellules voisines. C’est le mécanisme d’apoptose qui est général et indispensable à tout le vivant. C’est curieux de dire qu’un mécanisme de mort soit indispensable à la vie et pourtant c’est cela la base du caractère dialectique du vivant. Sans cesse, au sein de la cellule vivante, les gènes et les protéines de la mort vont combattre les gènes et les protéines de la vie. Du coup, on ne peut pas se contenter de dire que la cellule c’est la vie car c’est un combat de la vie et de la mort. C’est un équilibre instable qui entraîne le caractère dynamique du vivant. La vie et la mort ne s’opposent pas diamétralement mais dialectiquement.

La multiplication des cellules, elle-même, est un processus dialectique puisqu’une cellule doit mourir pour donner naissance à deux nouvelles cellules (méïose). C’est la multiplication cellulaire qui donne naissance à un nouvel être vivant mais ce dernier n’est pas seulement un amas de millions de cellules. Il y a un saut qualitatif dialectique. Les cellules, à force de se multiplier, échangent, se stimulent, s’éliminent mutuellement, s’organisent en se servant de l’apoptose, se spécialisent. Un être vivant n’est pas une simple somme de cellules. Il forme des tissus, des organes, des systèmes (nerveux, sanguin, respiratoire,…), des organismes spécialisés (cœur, cerveau), des liaisons intérieur/extérieur.

Au début les cellules sont dites totipotentes c’est-à-dire qu’elles ont toutes les possibilités d’évolution puis, en franchissant plusieurs seuils d’évolution irréversibles, la cellule ferme des bibliothèques d’information et se spécialise. Ses successeurs seront eux aussi spécialisés. Le même ADN est donc porteur de multiples possibilités qui ne dépendent pas de lui mais de son environnement.

En effet, les cellules d’un être vivant suivent une évolution vers la spécialisation, passant de totipotentes (pouvant donner aussi bien des cellules sanguines que musculaires ou nerveuses) mais ce mécanisme est relancé par différents moyens : production de nouvelles cellules totipotentes, production d’autres êtres vivants.

Au cours du développement à partir de cellules complètement identiques au départ, il y a formation de lignées cellulaires. Il s’agit là d’une évolution aussi étonnante mais à une autre échelle que celle des espèces. Et on constate que cette évolution est un produit du mécanisme du vivant lui-même. On peut désormais observer ce phénomène au microscope. La différenciation cellulaire des lignées résulte de toutes petites asymétries dans la cascade de signaux, émis et reçus par les cellules initialement identiques, la différenciation étant accentuée par le dialogue entre les cellules et les suicides cellulaires. Ce sont des bifurcations dans les voies de différenciation. C’est de l’aléatoire avec des contraintes : du chaos. Il y a plusieurs types de cellules possibles et la sélection garde ceux qui sont viables. La différenciation, contrairement à ce que l’on croyait auparavant, n’est plus considérée comme fixe. C’est ce que l’on appelle la propriété de totipotence des cellules embryonnaires et c’est là un processus non-linéaire et lié à un ordre global.

En effet, la propriété de totipotence, ou la capacité d’une cellule à produire différents types de cellules, doit être activée par les messages des cellules voisines. On a pu isoler la protéine LIF, ou Leukemia Inhibitory Factor, protéine qui maintient les cellules totipotentes et les rend donc capables de se diversifier. Et c’est ce mécanisme qui fait que certaines zones correspondront à des cellules totipotentes et d’autres zones donneront des types de cellules fixes et spécialisées qui ne pourront plus se diversifier. Ce sont des signaux inter-cellulaires qui vont déterminer ces zones. C’est ce qu’on appelle l’induction : un groupe de cellules entraîne un autre groupe de cellules dans une voie de différenciation. Les signaux, émis à partir du premier groupe et permettant au deuxième groupe de se différencier, sont appelés des facteurs diffusibles. C’est une nouvelle démonstration du fait que les cellules se comportent de manière collective et établissent un ordre global fondé sur la coopération et la co-évolution. Les facteurs diffusibles sont des protéines fondamentales des cellules embryonnaires qui ont la capacité, en se fixant sur la membrane cellulaire, de déclencher une chaîne de réactions à l’intérieur de la cellule allant jusqu’à activer ou réprimer tel ou tel gène du développement. Tout le développement de l’embryon est fondé sur ce mécanisme. Différentes cellules contiennent le même ADN mais les gènes sont actionnés par des mécanismes divers impliquant des facteurs diffusibles, ce qui permet de produire diverses cellules ayant des fonctions différentes.

Les cellules non spécialisées (dites totipotentes) suivent une évolution vers la spécialisation. Le fait d’être une cellule musculaire ou nerveuse ou autre ne signifie pas que la cellule fait ce qu’elle veut. Ces évolutions « individuelles », pour se réaliser, dépendent de l’environnement collectif des autres cellules qui envoient ou non des messages de survie à la cellule ainsi spécialisée. Pas plus qu’il n’y a de différence biologique entre un homme vivant quasiment nu dans la forêt d’Emeraude du Brésil et un homme vivant dans une mégalopole capitaliste, il n’y a de différence biochimique entre les gènes de nos différentes cellules. C’est le fonctionnement auquel ils participent qui diffèrent. Lors de ces transformations cellulaires, la cellule se spécialisant au cours de changements brutaux, le capital génétique n’a pas besoin d’être changé. Cela signifie qu’un même ADN produit diverses sortes de cellules. Un même gène est donc efficace pour des cellules diverses. Il l’est également pour de multiples fonctions et même pour de multiples espèces. On a fait l’expérience d’inoculer des gènes d’une espèce à une autre et constaté bien souvent que celles-ci fonctionnaient. La remarque principale est l’influence primordiale d’un environnement collectif qui donne son sens à l’action individuelle. Au sein du vivant comme de l’inerte, pour l’homme et la société humaine, les lois collectives proviennent de l’agitation d’un niveau inférieur (appelée individuel, biochimique, agitation virtuelle du vide quantique, brownien moléculaire ou agitation particulaire), menant à la formation d’un niveau supérieur d’organisation (social, cellule, organe, corps, matériel, …) par un saut qualitatif vers un domaine où émergent des lois nouvelles. A la base des objets immobiles apparemment qui nous entourent il y a une agitation permanente, apparemment au hasard : le mouvement brownien des molécules, les chocs et les vibrations des atomes, les sauts quantiques des particules, les aléas de la lutte des classes, les rebondissements de la concurrence économique, etc.… Toute cette agitation est apparemment aléatoire comme l’agitation d’une rue d’une grande ville. Il en va de même pour la cellule, sans cesse transformée par les messages des autres cellules par les réceptions d’éléments matériels (nutriment, sang, …), électriques et chimiques. Il s’agit de millions de transformations par seconde, dans un considérable désordre apparent. Il serait totalement faux d’imaginer que la découverte de la génétique a transformé cette agitation en un ordre linéaire qui serait dicté mécaniquement par le contenu biochimique de la double hélice. Là encore, il s’agit du désordre des liaisons moléculaires. Un gène ne peut s’activer que s’il est en contact avec une protéine qui désactive l’inhibiteur du gène. Comme l’explique Stephen Jay Gould dans « Un hérisson dans la tempête » : « La découverte par Watson et Crick de la double hélice de l’ADN a été une incontestable révolution, mais la conception linéaire qui en résulte selon laquelle l’ADN produit l’ARN qui produit les protéines dans une relation à sens unique a été détrônée par une nouvelle révolution de la génétique dans laquelle le génome n’est pas un ensemble inerte de perles enfilées à la suite les unes des autres. Le génome est au contraire fluide et mobile. Il ne cesse de se modifier qualitativement et quantitativement et comprend un grand nombre de systèmes hiérarchisés de régulation et de contrôle.

Les modifications historiques du vivant sont des ruptures sans continuité possible, qu’il s’agisse de l’apparition de la bactérie, de l’apparition de la cellule eucaryote, de l’apparition des êtres pluricellulaires, de l’apparition de la respiration à oxygène, de l’apparition de la sexualité, de l’apparition des vertèbres, du cerveau et de bien d’autres transformations fondamentales de la structure de l’individu.

Une nouvelle émergence va surgir lorsque les cellules eucaryotes vont à leur tour découvrir l’intérêt de s’associer entre elles pour former une nouvelle société de cellules, comme l’avaient fait les bactéries après 2 milliards d’années de tâtonnement pour aboutir à la cellule eucaryote.

Comme précédemment, il fallait que se forment des cellules spécialisées complémentaires pour qu’au lieu d’aller vivre sa vie chacune pour soi, ces cellules vivent en communauté et collaborent pour former une autre forme de vie dont la complexité se situe à un niveau encore supérieur. Pour réussir cet exploit, il fallait des cellules très sophistiquées, eucaryotes certes, mais aussi totipotentes, c’est-à-dire avec un si large champ de potentialités qu’elles puissent chacune se développer différemment selon l’environnement qui lui serait proposé à l’intérieur du nouvel organisme ! Il fallait aussi que se développent des facteurs de cohésion, d’organisation, de synchronisation, de communication tous indispensables pour que soit viable cette forme de vie des milliards de fois plus complexe que la précédente. Ces facteurs vont devenir prépondérants car la reproduction, la survie ne se fait plus au niveau de la cellule mais de l’organisme multicellulaire tout entier. Toutes les cellules ont le même matériel génétique, mais l’organisme se reproduit globalement grâce à ses gamètes. La sélection va jouer sur l’organisme résultant de l’association de cellules, pas sur les cellules elles-mêmes. C’est donc ces propriétés émergentes qui vont maintenant faire la différence et qui seront l’objet de la diversité sélective. Les cellules eucaryotes sont maintenant performantes, adaptables, totipotentes pour certaines. Ce qui va compter, c’est leur organisation, leur synchronisation, la performance de leur association pour s’adapter aux situations nouvelles et pour se multiplier.

L’embryologie est un nouveau domaine de découverte pour la discontinuité du vivant : celle du développement d’un individu. Dans le cas de l’homme nous en connaissons les étapes qui sont des ruptures et sont multiples. De la nidation de l’oeuf fécondé à l’adolescence de l’individu, on assiste à de multiples étapes fondamentales qui sont des discontinuités indispensables à la fabrication d’un individu. La formation du cerveau en nécessite à elle seule un très grand nombre, à commencer par la fermeture du tube neural, le lancement de fabrication des premiers neurones puis al différenciation de le moelle épinière et du cerveau, puis l’apparition du cortex, la myellinisation de la moelle épinière et du cerveau, etc, etc.

Aucune de ces étapes ne s’est déroulée "en continu". Chacune est un saut, une nouvelle organisation, avec d’ailleurs des risques de succès ou d’échec... On entre dès lors dans une nouvelle étape appelée par Piaget les discontinuités du développement psychologique de l’individu.

La structure de la cellule vivante

Les organites cellulaires

Le fonctionnement des cellules vivantes

Le chemin vers le fonctionnement cellulaire

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