samedi 28 novembre 2015, par
Un grand nombre de polémiques commencent à s’élever en France sur la manière dont les forces de l’ordre sont censées avoir protégé la population contre les attentats terroristes et ne l’ont pas vraiment fait. Il est évident que Cazeneuve ne dit pas la vérité quand il affirme que les forces spéciales antiterroristes ne savaient pas qu’il allait y avoir un attentat et qui en étaient les exécutants, du moins une partie d’entre eux. Il est faux que les autorités ne savaient pas qu’une salle de spectacle était visée et que le Bataclan l’était. Il est faux que les forces de l’ordre ont permis d’éviter le pire. Elles ne savent pas pourquoi les tueurs se sont dégonflés au stade de France et c’est la chance qui a sauvé les spectateurs et pas les forces de répression. Par contre, au Bataclan, les forces de l’ordre, pourtant des forces spéciales (BRI et RAID), sont restées devant la salle pendant deux heures et demi, sachant que l’on y entendait des coups de feu, laissant tout le temps aux tueurs de tirer un par un sur des centaines de gens !!! Et les autorités ne donnent aucune explication convaincante de ces divers trous dans la sécurité qui ont amené certaines familles à refuser de participer à l’hommage national.
Ce dernier fait partie d’une vaste opération politique pour exploiter les attentats, opération d’unité nationale pour imposer des restrictions des droits collectifs et des libertés au nom de la sécurité, opération nationaliste pour prendre prétexte des attentats afin de développer une politique internationale guerrière, en multipliant les interventions armées contre des pays étrangers, guerres qui étaient déjà menées mais sont développées en servant des attentats comme d’une justification.
C’est au nom de la défense des libertés de la France, attaquée par les terroristes, que le gouvernement porte atteinte aux libertés par l’Etat d’urgence de trois mois, affirmant déjà qu’il meurt d’envie de prolonger cette durée…
En effet, cet « état d’urgence », qui s’oppose aux manifestations et aux actions sociales, permet au gouvernement non seulement d’arrêter quiconque menace la sécurité mais aussi quiconque « est radicalisé », cette radicalité pouvant être aussi bien sociale que politique.
Le MEDEF encourage ses adhérents, les patrons, à dénoncer tout comportement de « radicaliste » des salariés aux forces de police. Le gouvernement prévoit même la mise en place d’un plan national contre la radicalisation sur les lieux de travail. Mais quelle radicalisation s’agit-il réellement de combattre ? C’est la radicalisation sociale !
En pleine crise sociale et politique en France, au plus haut niveau du chômage et des attaques antisociales, lorsque le gouvernement est discrédité et au plus haut niveau d’impopularité, voilà que l’on suspend le droit de manifester, que l’on réduit le droit d’écrire, d’informer, de se rassembler, de faire grève. Pendant qu’on suspend d’un côté la lutte sociale, on ne l’a suspend pas de l’autre : le patronat ne réduit nullement ses attaques contre les salariés du privé ni le gouvernement contre ceux du public !
Alors que le gouvernement avait fait semblant d’accueillir les migrants, il prend prétexte des attentats pour leur interdire d’entrer. Il fait même mieux : il matraque et attaque aux gaz lacrimogènes à Paris une manifestation pacifique de la gauche et de l’extrême gauche pour défendre les migrants ! Il défère plusieurs dizaines de manifestants qui n’ont fait que prendre des coups devant le procureur de la République comme des criminels ou des défenseurs des terroristes qu’ils ne sont en rien !
L’Etat français n’est pas le seul à agir ainsi : plusieurs Etats européens comme la Belgique se servent de l’attentat du Bataclan pour s’en prendre aux libertés sociales et poliques et les centrales syndicales engagées en Belgique dans une série d’actions de grève générale protestent vertement contre l’exploitation antisociale des attentats. Il en va de même y compris en Tunisie !
Nombre de luttes sociales sont ainsi gelées par l’état d’urgence sans qu’on sache pour combien de temps, Cazeneuve ayant rappelé que le gouvernement pouvait parfaitement choisir de prolonger la durée de trois mois de manière indéfinie…
Par exemple, on a vu les syndicats d’Air France supprimer les manifestations et grèves de protestation contre les sanctions à l’encontre des salariés révoltés contre le PDG licencieur et maitre chanteur, les attaques du plan de suppressions d’emplois et les licenciements des personnels arrêtés et leurs procès n’étant bien entendu pas suspendus par les attentats. On a vu les syndicats annuler la nouvelle mobilisation nationale des personnels de l’hôpital public (APHP) contre des plans antisociaux de Hirsch qui, eux, ne sont pas suspendus par l’état d’urgence bien entendu ! Nombre de conflits nationaux comme locaux sont ainsi arrêtés mais les attaques se poursuivent et s’amplifient comme les licenciements massifs de la SNCM.
Vingt-quatre militants ont été assignés à résidence dans le cadre de l’état d’urgence, dans le but de les empêcher d’aller manifester à Paris lors de la COP21. Dans trois de ces arrêtés, consultés par l’Agence France-Presse, les personnes visées, âgées de 27 à 30 ans, soupçonnées d’appartenir à "la mouvance contestataire radicale", Mais il ne s’agit nullement de mouvance islamiste. Le gouvernement met dans le même sac les militants socialement radicaux et les soutiens des terroristes !!!
Les salariés, les militants sont accusés de tous les crimes appelés « radicalisation ». On a prétendu ainsi que la lutte contre la prétendue « radicalité » justifiait une opération policière d’ampleur contre les personnels cargo d’Air France. On prétend maintenant que les personnels de la RATP sont frappés de « radicalisation ». Et cela justifie enquêtes, fouilles, perquisitions et arrestations !!!
Rappelons que les « fichés S » que les perquisitions prétendent avoir retrouvé parmi les salariés d’Air France et des entreprises de la plate-forme de Roissy, qui viennent d’être perquisitionnés dans le cadre de l’état d’urgence, peuvent aussi bien être islamistes que militants d’extrême gauche ou militants de tous types d’associations de défense des sans papiers, anti-OGM ou anti-nucléaires… Parmi elles cinquante sept personnes viennent de perdre leur emploi suite à cette perquisition sans que l’on sache pourquoi ni ce qui leur est reproché ! Les voilà les beautés de l’état d’urgence et ce n’est qu’un début !!!
Comment se fait-il que ce gouvernement se permette de matraquer et aussi d’arrêter de simples manifestants pacifiques simplement favorables à la défense des migrants ? Parce qu’ils auraient bravé l’interdiction des manifestations prévue par l’état d’urgence ?
Mais, si toutes les manifestations sociales ou politiques sont interdites, que dire de celles de l’hommage national ou des hommages locaux, que dire de la grande manifestation que signifie l’ouverture des grands magasins pour les fêtes ou les marchés de noël qui, eux, sont curieusement ouverts ? Les manifestations de grévistes, d’hospitaliers, d’ouvriers, de militants envirronementaux posent-ils plus de risque que les grands spectacles ou les manifestations commerciales, du point de vue de la sécurité antiterroriste ? Bien sûr que non ! Ce n’est qu’un prétexte. Si on fouillait les voitures sur le plateau de Saclay, ce n’est pas parce que les terroristes allaient s’y rendre plus nombreux mais pour empêcher les manifestations anti-COP21 !
Ce sont les terroristes qui sont visés par cette interdiction de manifester alors qu’on compte reproduire le spectacle du Bataclan ? Non, ce sont les syndicalistes, ce sont les asssociatifs, ce sont les travailleurs, ce sont les personnels de l’hôpital public, ce sont les enseignants, ce sont les alternatifs se mobilisant contre les chefs d’Etat de la COP21 et on en passe des manifestations sociales interdites par le gouvernement au nom de l’état d’urgence.
Il suffit de lire les attendus de cet « état d’urgence » pour comprendre que c’est un véritable état de guerre contre les travailleurs et en faveur des patrons qui n’est que la suite de la politique que menaient déjà précédemment Hollande-Valls-Macron-Cazeneuve et que les attentats ne font que justifier et qu’amplifier.
L’état d’urgence permet de « s’attaquer à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics », « prononcer l’assignation à résidence de toute personne dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics. » Mais il n’y est pas dit que cette entrave ou cette activité ait nécessairement un rapport avec le terrorisme !!! Il « se caractérise par : - la substitution de l’autorité militaire à l’autorité civile dans l’exercice du pouvoir de police ; - l’extension des pouvoirs de police puisque l’autorité militaire a le droit de perquisitionner de jour et de nuit, d’éloigner les repris de justice et les non domiciliés dans les lieux soumis à l’état de siège, d’ordonner la remise des armes et des munitions et d’interdire les publications et les réunions susceptibles d’entretenir le désordre ; - la compétence des tribunaux militaires pour les civils inculpés de crimes et délits contre la sécurité de l’Etat, les institutions ou l’ordre public ».
Interdire des publications et des réunions qui incitent au désordre, cela signifie aussi s’attaquer à tous les droits de manifester des travailleurs, des milieux populaires, de la population, s’attaquer à la démocratie.
« La France a tout à perdre à cette suspension -même temporaire- de l’Etat de droit », souligne le syndicat de la Magistrature, qui rappelle que « lutter contre le terrorisme, c’est d’abord protéger nos libertés et nos institutions démocratiques en refusant de céder à la peur et à la spirale guerrière ».
L’action du gouvernement, soutenu par tous les média, toutes les grandes organisations politiques, syndicales, associatives et religieuses, par toute la classe dirigeante, consiste à l’inverse à développer la spirale guerrière et l’atteinte aux libertés.
Curieusement, les syndicats de salariés sont bien plus accrochés à l’Etat que celui de la magistrature : leurs rentrées d’argent en dépendent ! Et les syndicats français, contrairement à ceux de Belgique ou de Tunisie, n’ont pas protesté contre la limitation de leurs droits.
Ils ont même pris parfois l’initiative d’arrêter tout mouvement social, avant même que quelqu’un le leur demande !!!
Ainsi, des journées d’action ont été annulées, des grèves et des manifestations aussi, à l’initiative des centrales syndicales !
Tout cela sous prétexte d’unité nationale face à la situation. Cette même unité nationale n’a pas été invoquée pour suspendre les attaques, les menaces, les licenciements. Au contraire, les patrons et le MEDEF ont parfaitement vu que l’action du gouvernement avait un caractère social bien affirmé : celui d’un soutien aux patrons pour s’attaquer aux travailleurs combatifs, taxés de « radicalité » et menacés à ce titre…
La prétendue unité nationale avec les victimes, au-delà d’une cérémonie avec flouflon nationalistes, ne pousse pas le gouvernement à donner de l’argent aux familles qui sont dans les difficultés après avoir perdu un proche ou qui ne peuvent pas se déplacer de leur travail pour les visiter.
L’Etat d’urgence a même été étendu aux départements et territoires d’outre mer ! Pour lutter contre le terrorisme ou contre la révolte sociale ?!!! Il suffit de savoir qu’il vient de servir à étouffer des mouvements sociaux d’ampleur à la Réunion et en Guadeloupe !!!
C’est une véritable atmosphère de guerre que les bourgeoisies de tous les pays essaient d’imposer aux ouvriers. Et nul doute que cet attentat marque une étape dans la mise en place d’une grande offensive idéologique et politique international contre la classe ouvrière en vue de lui imposer une logique militaire, d’unité nationale policière et de préparation à la guerre pour laquelle tous les sacrifices économiques et humains seront exigés des salariés.
Bien évidemment, et nullement par hasard, la montée des violences actuelles vient à point nommé pour justifier le durcissement politique et policier dans les grandes métropoles du monde capitaliste en crise. Même si les dispositifs policiers se sont toujours révélés totalement et curieusement impuissants face aux actes des terroristes, les Etats continuent à tout fonder sur eux et sur l’accroissement de la répression, comptant sur la montée des peurs pour justifier plus de répression.
En réalité, c’est la crise économique et sociale, qui ne s’est jamais arrêtée depuis 2007, continuant à détruire emplois, services publics, fonds publics, aides sociales, tissus social, qui justifie, pour les classes dirigeantes, la nécessité de ce durcissement de la répression étatique et cette réduction de la démocratie. L’Etat peut bien dire qu’il augmente les guerres extérieures et les répressions intérieures pour nous protéger du terrorisme, on voit que celui-ci augmente en proportion de leurs interventions. Plus les puissances occidentales mènent des guerres destructrices dans le monde, plus le terrorisme s’y développe et plus il risque de revenir un peu en boomerang dans les pays occidentaux aussi.
Sous la couverture d’une lutte contre l’EI, l’État français s’arroge les pouvoirs absolus contre quiconque est jugé être une menace pour « la sécurité et l’ordre publics ». Ce concept vague, auquel on peut faire dire ce que l’on veut, est utilisé depuis longtemps contre le droit, enchâssé dans la constitution, de faire grève et de manifester, comme cela a été démontré l’an dernier quand le Parti socialiste a interdit les manifestations contre la guerre menée par l’État israélien dans la bande de Gaza.
Les changements juridiques présentés par le document du PS font en sorte que le simple fait d’exprimer un sentiment d’opposition devient passible d’arrestation. Plutôt que de permettre à la police de détenir des personnes dont le « comportement représente un danger pour la sécurité et l’ordre publics », la loi amendée lui permet de détenir toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Le PS explique que cela permet à la police de cibler « les individus qui sont dans le radar des autorités par leur comportement ou leurs fréquentations, propos ou projets ».
Une déclaration exprimant de la sympathie pour l’organisation d’une grève contre des baisses de salaire ou la fermeture d’une usine, pour une manifestation contre la guerre ou pour de nombreuses autres activités légales serait passible d’une détention ou d’une assignation à résidence.
Une déclaration exprimant de la sympathie pour l’organisation d’une grève contre des baisses de salaire ou la fermeture d’une usine, pour une manifestation contre la guerre ou pour de nombreuses autres activités légales serait passible d’une détention ou d’une assignation à résidence.
La France est en guerre, clame sans cesse Hollande ainsi que ses sous-fifres !
Mais la guerre permet-elle de tuer dans l’œuf le terrorisme ?
N’est-ce pas plutôt les guerres des grandes puissances qui ont produit le terrorisme dans des pays qui n’en avaient pas connu avant leur intervention : Afghanistan, Irak, Libye, Pakistan ou Syrie ?
Les grandes puissances ne font pas la guerre au terrorisme : c’est contre nous qu’elles sont en guerre parce que leur système d’exploitation est entré en crise de manière profonde et définitive, ayant atteint ses limites et qu’ils ne peuvent plus gouverner, y compris dans les pays riches, que par la peur et même la terreur.
Les attentats, ils s’en servent contre nous plus qu’ils ne les craignent. Ils ne les combattent pas : c’est nous, travailleurs et milieux populaires, qu’ils combattent !