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Révoltes en Afrique en 1988-1991 : de la Côte d’ivoire à l’Algérie, du Bénin au Mali avec la chute de Moussa Traore et aussi de l’Afrique du sud au Rwanda...
vendredi 18 septembre 2015, par
Ces révoltes ont eu lieu en même temps dans l’essentiel de l’Afrique...
Pendant toutes ces années de 1988 à 1991, l’Afrique est parcourue de mouvements sociaux, de révoltes et de manifestations. La lutte touche Sénégal, Mali, Gabon, Côte d’Ivoire, Niger, Kenya, Bénin, Algérie, etc… Dans certains pays, la mobilisation prend l’aspect d’une révolte générale contre le régime. Dans d’autres, comme le Mali en 1991 où le régime de dictature militaire de Moussa Traore tombe. Des régimes, qui avaient tenu depuis les indépendances, sont pour la première fois menacés par les masses populaires.
..AU BENIN...
Des grèves et des manifestations de fonctionnaires qui ne touchaient plus leurs salaires depuis des mois y éclatèrent en décembre 1989. La contestation paralysa l’administration, les écoles et l’université. Les banques étaient en faillite, les comptes des particuliers bloqués. En 1989, tout au long de l’année, le Bénin est secoué par des luttes populaires diverses des travailleurs du privé, des fonctionnaires, des étudiants. Les salariés dénoncent les salaires impayés et les mauvaises conditions de travail. C’est l’un des pays où le mouvement a un caractère le plus ouvrier. A partir de janvier 1990, les mouvements de contestation se généralisent en Afrique, avec des grèves, des grèves générales, des manifestations de masses, des émeutes et des révoltes. Au Bénin, le 4 janvier 1990, les enseignants sont lancés dans un bras de fer avec le pouvoir et déclarent : « Même si nos salaires sont payés, le travail ne reprendra pas tant que nos revendications ne seront pas satisfaites. » Le pouvoir réagit en lâchant du lest sur le plan politique. Le général-président Kérékou, qui se faisait appeler « camarade Kérékou » abandonne son pseudo « socialisme populaire », le parti unique et ouvre le régime. Sous la pression de la rue et du FMI, Mathieu Kérékou, au pouvoir depuis octobre 1972, décida d’abandonner les références au « marxisme-léninisme » et le régime du parti unique. Il accepta la tenue d’une « conférence nationale des forces vives de la nation » en février 1990 qui réforma la constitution, imposa le multipartisme, la liberté de presse, une amnistie pour les prisonniers politiques et un gouvernement de transition chargé de préparer les élections. Et le 24 mars dernier, ce fut le premier ministre de transition, Nicéphore Soglo, qui remporta les élections présidentielles contre Kérékou qui accepta le verdict des urnes.
...EN GUINEE...
En Guinée, les choses avaient commencé plus tôt, mais l’évolution fut moins spectaculaire. Le général Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, avait annoncé, dès le 2 octobre 1989, la fin du parti unique et la marche vers une démocratie pluraliste. Une multitude d’organisations fleurirent alors qui attendent toujours leur légalisation... En Guinée aussi l’année 1990 a été marquée par une série de grèves et de manifestations qui touchèrent les enseignants en juin (pour des augmentations de salaires), les pré-retraités de la fonction publique en septembre (pour le paiement de leurs indemnités dont ils n’avaient touché que 10 %), les étudiants qui furent en grève pendant un mois en novembre (contre la réduction drastique du nombre de bourses et pour l’application du multipartisme). C’est que la marche vers la démocratie pluraliste se faisait à pas de tortue. Finalement une nouvelle constitution a été élaborée par de hauts fonctionnaires nommés par Lansana Conté. Elle fut adoptée par référendum en décembre dernier. Elle instaure le bipartisme et ne sera appliquée que dans 5 ans !
...AU GABON...
Le 16 janvier, les étudiants de l’université Omar Bongo, au Gabon, entrent en grève et occupent l’université pour protester contre le manque de professeurs et de moyens. Il s’en suit des bagarres avec les forces de l’ordre qui font de nombreux blessés, mais ne parviennent pas à arrêter le mouvement de protestation au Gabon. Loin de se calmer, les étudiants développent la lutte. Le 18 janvier, ils entraînent les collégiens et lycéens, ainsi que les jeunes chômeurs. Ce jour-là, des centaines de manifestations sillonnent les artères de Libreville et s’affrontent avec les forces de l’ordre. Dans les quartiers populaires, comme Mont-Bouet, Akebe, Rio, Kembo, l’agitation se transforme en émeutes : des groupes de jeunes armés de bâtons et de cailloux s’attaquent aux bâtiments publics et pillent les boutiques. Des voitures sont incendiées et servent pour constituer des barrages et barricades. Les manifestants défilent sur le périphérique qui conduit à l’aéroport et ils le bloquent. Le 18, le pouvoir riposte en fermant universités, lycées et collèges. Mais, la 19, l’agitation gagne de l’ampleur. Plus d’une centaine de boutiques sont pillées. Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se généralisent à la plupart des quartiers populaires. Le gouvernement interdit les attroupements, renforce les contrôles d’identité et instaure le couvre-feu à partir de 19 heures. Le mouvement, bien que réprimé, se poursuit au Gabon. Au Gabon, le couvre-feu semblait avoir rétabli le calme, mais c’était une apparence trompeuse : le 12 février, le mouvement prend un caractère social. Depuis cinq ans, les salaires sont bloqués, si bien que la grève d’une catégorie limitée met le feu aux poudres. La grève touche d’abord les fonctionnaires : enseignants du supérieur, médecins, agents du ministère des finances, agents des banques gabonaises et des sociétés de cigarettes arrêtent le travail, rapidement rejoints par les salariés des Postes et Télécommunications, de l’Energie Electrique et de nombreuses sociétés privées. L’électricité est coupée. Les centraux téléphoniques sont bloqués. Le transport aérien est en grève. Le pays est paralysé et coupé du monde. C’est une gifle pour Bongo. Les travailleurs de la Navigation entrent en lutte. Le dictateur Bongo accepte de négocier directement avec les grévistes, puisque les travailleurs en grève refusent d’être représentés par le syndicat unique, agent du pouvoir. Bongo essaie de négocier avec chaque catégorie à part, mais devant la menace de la généralisation de la lutte à toute la classe ouvrière, le dictateur recule. Il déclare qu’il reconnaît le multipartisme, alors qu’il avait toujours déclaré que, lui vivant, on ne verrait jamais cela au Gabon ! Le 23 mars, les travailleurs du pétrole de Port Gentil se mettent en grève contre leurs conditions de travail et réclament des augmentations de salaires. L’agitation s’étend à d’autres catégories de travailleurs, aux lycéens, aux collégiens qui se répandent dans les rues. L’intervention de la police entraîne des émeutes dans la plupart des quartiers populaires. Les manifestants s’en prennent aux bâtiments administratifs et aux boutiques qui sont parfois saccagées et pillées. La police et les forces de l’ordre locales sont débordées. Les autorités de Port Gentil font appel à des renforts militaires de Libreville. Le couvre-feu est instauré à Libreville, puis dans l’ensemble du pays. Face aux émeutes, les paras français et la Légion débarquent à Port Gentil et à Libreville pour réprimer les manifestants, et pas seulement pour « défendre les ressortissants français » comme il le prétend, les forces gabonaises se révélant insuffisantes pour faire face à la révolte. En deux jours, Port Gentil connaît une véritable explosion de mécontentement social qui s’attaque à tout ce qui représente l’oppression : bâtiments publics, intérêts privés des riches, voitures… Au Gabon, Omar Bongo, au pouvoir depuis 1967 annonçait le 19 avril 1990 l’instauration immédiate du multipartisme. Il nommait un premier ministre chargé de la transition et la nouvelle constitution était adoptée le 22 mai. Mais le lendemain un dirigeant de l’opposition, Joseph Rendjembé, était retrouvé mort dans les bras d’une dame, semble-t-il. Mais la suspicion était telle que des émeutes se déclenchèrent dans la capitale puis à Port-Gentil. Elf rapatria son personnel français et arrêta sa production, suivi par Shell. Le gouvernement français envoya des renforts de troupes sous prétexte d’évacuer et protéger les ressortissants français qui n’étaient pourtant pas menacés. Mais finalement la garde présidentielle réussit à reprendre la ville. Bongo menaça de faire appel à d’autres compagnies pour exploiter le pétrole et Elf reprit immédiatement sa production. Des élections législatives pluralistes eurent lieu en trois temps à l’automne 1990 avec une série d’irrégularités qui aboutirent à des invalidations. Le principal parti d’opposition, le plus modéré, ayant décidé de déclarer forfait, l’ex-parti unique remporta 62 sièges sur 120. Bongo lui-même n’entend pas laisser la place avant la fin de son mandat en I992. Il prétend se placer désormais au-dessus des partis et s’est d’ailleurs payé le luxe de financer la campagne électorale des partis d’opposition qui ont alors mis une sourdine à leurs critiques. Ce sont les paras français qui ont sauvé Omar Bongo en 1990 contre un mouvement de protestation populaire.
...EN COTE D’IVOIRE...
En Côte d’Ivoire, où Houphouët Boigny est au pouvoir depuis 30 ans, toute une série de mouvements de protestation contre la décision de diminuer de 10 à 40 % les salaires dans le public comme dans le privé a démarré en mars 1990. Toutes les catégories de salariés entrèrent tour à tour en lutte, rejoignant les étudiants en grève dès février, et les manifestations se succédèrent. En 1988, en Côte d’Ivoire, la contestation débute par des mouvements sociaux divers : médecins, soldats appelés, policiers et dockers. En même temps, on assiste à un mouvement de soldats qui occupent les bâtiments publics. Dans le mois de février 1990 en Côte d’Ivoire, la dictature d’Houphouët Boigny est en butte à une situation de crise d’une ampleur sans précédent depuis l’indépendance. La classe ouvrière est dans le coup. Les syndicalistes qui manifestaient pour l’autorisation de syndicats libres ont été arrêtés. Les travailleurs de l’Energie et des Eaux entrent en grève. Le gouvernement essaie de faire croire que les coupures sont liées à des problèmes techniques. Le gouvernement annule la mesure de baisse des salaires de 15 à 40% qu’il avait prévu d’annoncer. Ce sont les étudiants qui ont commencé à s’affronter directement au pouvoir. La première manifestation est partie de la résidence universitaire de Youpougon. Ils marchent sur l’université, occupent les rues, dressent des barrages. Ils sont rejoints par les lycéens et les collégiens. En expulsant les étudiants de leurs universités, le pouvoir le pousse dans la rue. La jeunesse des quartiers populaires les rejoint et ils envahissent la capitale. La jeunesse se mobilise massivement, remplit les rues de la capitale Abidjan, conspue le pouvoir et le président Houphouët, détruit les signes extérieurs de richesse et de pouvoir. On n’avait jamais vu ça : c’est une véritable déferlante qui démarre de Koumassi avec un grand nombre de jeunes, très jeunes. Le mouvement de masse de la jeunesse est si important que le pouvoir choisit de faire le mort et de laisser passer la vague. Houphouët est conspué par les jeunes et les milieux populaires aux cris de « Houphouët voleur » et « Houphouët bandit ». Ils crient aussi : « les grotos (les riches) doivent payer ! ». Des émeutes ont lieu également dans les grandes villes, comme Bouaké ou Bongerville. Houphouët Boigny contre-attaque à la télévision : « On m’accuse d’avoir volé le pays. Mais c’est un mensonge. Je suis né dans l’or. Je suis n é dans une cadillac. » Il rajoute qu’en Côte d’Ivoire, on ne peut pas faire payer les riches pour enrichir les pauvres parce qu’ »il n’y a que de faux riches et de faux pauvres. S’il y avait un seul riche en Côte d’Ivoire, je lui aurai demandé d’aider le pays. » En mai-juin 1990, de nombreuses catégories sociales manifestent. Les travailleurs des bus, de Blohorn, de Carena (chantier naval) ou encore de Sonaco (société nationale de conditionnement). Pour la première fois en Côte d’Ivoire, le secteur privé se met en grève. Au mois de mars, le Gabon, la révolte ouvrière explose. Dès le 15 avril Houphouët Boigny revenait sur sa décision de diminuer les salaires et le 30 mars il annonçait l’instauration du multipartisme. Une trentaine de partis émergèrent et 19 furent reconnus officiellement. L’agitation sociale n’en continua pas moins, au point que les soldats et les policiers se mirent aussi à manifester, et que l’année scolaire fut décrétée « année blanche » pour les étudiants. Les travailleurs du secteur public, des banques et des assurances qui, même s’ils sont relativement privilégiés, ont entamé plusieurs mouvements grévistes au cours de ces derniers mois, bien que la police veille à empêcher les syndicalistes de se réunir. La crainte de ces grèves à l’approche de la paie du mois d’avril a d’ailleurs sûrement joué pour beaucoup dans le sursis accordé par les bailleurs de fonds d’Houphouët, sursis qui a permis à celui-ci d’ajourner les réductions de salaires annoncées.
...AU CAMEROUN...
Au Cameroun, une manifestation de 20 000 personnes en faveur du multipartisme eut lieu le 26 mai 1990. La repression fit 6 morts. Mais lors du congrès du parti unique en juin 1990, appelé le « congrès de la liberté et de la démocratie » , Paul Biya demanda à son parti de se préparer à affronter la concurrence et il promit l’élaboration d’une charte des libertés. En juillet il mit sur pied une commission chargée de réviser la constitution. Les lois d’exception ont été abrogées, une amnistie votée en avril 1991 alors que des émeutes avaient lieu dans plusieurs régions du pays. Les prisonniers politiques furent libérés.
...AU NIGER...
Suivant l’exemple des étudiants gabonais et sénégalais, les élèves et étudiants du Niger se mettent aussi en grève. A Niamey, ils protestent également la dégradation de leurs conditions d’études. Le lendemain, ils organisent une marche politique au travers de la ville. Mais, à hauteur du pont Kennedy qu’ils veulent traverser, les forces de l’ordre chargent et tirent dans la foule. Il y a vingt morts et de nombreux blessés parmi les manifestants. Le 12 février, des événements importants se produisent au Niger et au Gabon. Au Niger, devant les violences dont les étudiants ont été victimes, la colère l’emporte sur la peur. Une manifestation de protestation regroupe non seulement des élèves mais de nombreux travailleurs et des habitants des quartiers populaires. Le groupe des travailleurs de l’uranium est particulièrement massif et fait une démonstration de force. La dictature de Saïbou tente de se disculper, prétendant qu’elle n’a pas ordonné de tirer et ferme les établissements scolaires. C’est également en juin 1990 que le général Ali Saïbou, élu en décembre 1989 à la tête de l’État nigérien, a annoncé une révision de la constitution destinée à favoriser l’avènement d’un pluralisme politique. Lui qui aime affirmer : « il n’y a pas plus démocrate que moi » a néanmoins fait tirer sur les manifestants en février dernier, puis en mai sur les Touaregs révoltés, et les morts se comptent déjà par dizaines.
… A MADAGASCAR…
S’il s’est trouvé à Madagascar des centaines de milliers de personnes pour manifester régulièrement, malgré l’état de siège, malgré les risques d’affrontements et les menaces de licenciement pour les fonctionnaires qui font grève, c’est que la population veut un changement qui s’identifie pour elle avec le départ de Ratsiraka. C’est si vrai que, lorsqu’à la fin juillet, les dirigeants de l’opposition ont proposé un compromis qui maintenait en place le dictateur, ils furent accueillis par des huées. Et si les dirigeants de l’opposition peuvent chevaucher ce mouvement, le canaliser, c’est en grande partie parce qu’aucune organisation, aucun parti n’est en mesure de proposer une autre politique ni ne dénonce même les contradictions de tous ces vieux routiers de la politique malgache qui, rappelons-le, ont tous soutenu le régime de Ratsiraka pendant des années, et dont certains viennent tout juste de quitter le navire de peur qu’il ne sombre.
... AU MALI...
Au Mali, le climat social est à la révolte dès 1990. La misère a atteint un niveau insupportable. On a vu un directeur d’école démonter le plafond d’une salle de classe pour la revendre afin de nourrir sa famille. La peur du régime, qui emprisonne et torture, a été telle pendant toutes ces années que les opposants osent à peine parler entre eux. Mais la révolte est telle que la peur va tomber. Le régime s’est discrédité par sa corruption et parce qu’il s’est montré incapable de battre les résistances armées des touaregs nomades qu’il méprisait, opprimait et dont il prétendait écraser aisément dans le sang la révolte armée. Les revendications sociales commencent à monter au cours de l’année 1990. Les petits vendeurs bana-bana, opprimés et réprimes, et les petits commerçants ne se laissent plus faire. Les commerçants en ont assez, par exemple, de voir le commerce des fruits et légumes monopolisé par le président et sa femme. Les associations à but politique se multiplient et le régime cherche à leur interdire d’intervenir sur ce terrain. La colère monte dans la jeunesse et dans la classe ouvrière. Les fonctionnaires, notamment les enseignants, ne sont pas payés pendant des mois quand ce n’est pas des années. Il est très significatif de l’ambiance dans la classe ouvrière que, le 1er mai 1990, le syndicat unique lui-même, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali, se prononce pour la première fois en faveur de la démocratisation du pays, dans un discours public. L’Association des Elèves et Etudiants du Mali, après la répression de 1979, se réveille de longues années de silence et de soumission. AEEM et Comité National d’Initiative pour la Démocratie appellent à une manifestation pour le multipartisme le 10 décembre 1990. Plus de dix mille manifestants répondent à l’appel. C’est la plus grande manifestation jamais organisée au Mali sous le régime de Moussa Traoré. La manifestation se déroule pacifiquement dans la capitale Bamako, mais le pouvoir n’entend pas reculer. Les organisateurs et les manifestants non plus. Le 24 janvier 1991, ils appellent à une nouvelle manifestation qui va enclencher le cycle des affrontements se terminant par la chute du dictateur. Les manifestants bloquent la route et saccagent les édifices publics. Les forces de l’ordre ouvrent le feu sur les manifestants faisant de nombreux morts et blessés. Le 25 janvier, des chars sont déployés contre les manifestants et les écoles sont fermées. Le 28 janvier, à la nouvelle de l’arrestation de plusieurs élèves et étudiants, dont le secrétaire général de l’AEEM, Oumar Mariko, le mouvement explose en insurrection de toute la jeunesse, englobant celle des quartiers populaires. Ces derniers, tout particulièrement les jeunes chômeurs, armés de bâtons et de pierres, envahissent les rues de la capitale, brûlent des magasins et des édifices publics, ainsi que des voitures. Les résidences de plusieurs membres du gouvernement et du parti unique, dont celle du directeur général des douanes, beau-frère du président Traoré, sont entièrement saccagées. A partir de ce moment, les émeutes se multiplient tous les jours dans Bamako, où les manifestants érigent des barricades. Cette situation se propage aux villes de province. Les morts de manifestants et le nombre de blessés ne cessent de croître tous les jours. Le 29 janvier, ce sont des centaines de manifestants arrêtés qui ont été torturés, dont une douzaine d’enfants de moins de douze ans. Le général-président a annoncé que l’interdiction aux associations de faire de la politique est levée, mais cela ne diminue pas la pression de la rue. L’AEEM revendique la libération de tous les emprisonnés. Le 31 janvier, le gouvernement laisse entendre qu’il pourrait libérer de nombreux manifestants arrêtés dont Oumar Mariko. Le 2 février, la télévision nationale annonce la libération de 196 élèves sur les 232 officiellement arrêtées. 34 détenus ont été déférés en justice et condamnées lourdement pour trouble à l’ordre public, pillage, incendie, dévastation d’édifices publics, vol et recel. Les Touaregs du nord du Mali s’invitent dans la lutte, en attaquant l’usine de phosphates de Bourem, à une centaine de kilomètres de la ville de Gao, dans la nuit du 21 février 1991, tuant deux militaires.
Le 22 mars 1991, les émeutes reprennent à Bamako. De violentes manifestations parcourent la capitale. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles et tuent. C’est un véritable carnage à la mitraillette et à la grenade offensive. La guerre est déclarée par le pouvoir aux jeunes manifestants qui enflamment le ministère de l’emploi. Le 23 mars, la jeunesse scolarisée est rejointe dans la révolte par les chômeurs et les travailleurs. Les travailleurs de la COMATEX, dont le dictateur-président a dit, avec une expression de profond mépris, qu’ils ne savent même pas qui ils sont, ont arrêté le travail. Les émeutes s’étendent à l’ensemble du pays. Des répressions violentes ont lieu à Sikasso et Diola. Certains policiers se font lyncher. Le centre commercial de Bamako est le siège d’un véritable carnage. Tout ce qui appartient aux responsables du régime est saccagé. Les commerçants sont attaqués eux aussi. Les morts continuent de tomber, mais, cette fois, la foule ne recule plus devant les forces de l’ordre. Les étudiants inventent un moyen d’autodéfense face aux policiers. Ils l’intitulent article 320 : 300 francs CFA pour acheter un litre d’essence et 20 francs CFA pour une boite d’allumette. L’action consiste à jeter de l’essence sur les policiers et à lancer une allumette.
Les jours suivants, les manifestations continuent, s’attaquant à la BIRD et à la Banque Mondiale de Bamako. L’hôtel de ville est saccagé. Deux dignitaires proches de l’ancien président ont été lynchés par la foule en colère. Le 29 mars, des villas de dignitaires sont pillées. L’Etat d’urgence a été décrété dans les villes du Mali. Le bilan est de nombreux manifestant morts et de centaines de blessés graves qui ont les membres déchiquetés. Le chef de l’Etat lance un appel au calme et affirme sa « totale disponibilité pour une dialogue et une consultation et pour trouver des solutions durables des différents problèmes ». Les manifestants répondent « C’est terminé. On ira jusqu’au bout. » Il y a déjà un bilan de plusieurs centaines de morts. La grève générale commence, paralysant le pays. Les mères de famille, révoltées que leurs enfants soient tués comme des lapins, s’attaquent à mains nues à la présidence à Coulouba. Le général-président leur barre la route avec des blindés. Mais l’armée ne marche plus et on est à un doigt d’une grave mutinerie. Affirmant agir en coordination avec les organisations démocratiques, les militaires déposent la dictature de Moussa Traoré et prennent le pouvoir le 27 mars 1991.
… AU RWANDA….
Le 8 janvier 1992, des manifestations d’une ampleur inconnue, contre la dictature militaire et la maisère et regroupant Hutus et Tutsis, secouèrent les principales villes du Rwanda, notamment Butare, Gitarama et surtout Kigali, où 50 000 personnes défilèrent pour manifester contre le nouveau Gouvernement. Une nouvelle journée de manifestation est convoquée pour le 15 janvier, mais le pouvoir l’interdit et les manifestants qui passent outre sont arrêtés. Une situation explosive face à une dictature militaire : des manifestations monstres à Kigali : 100.000 le 8 janvier 1990, puis le 15 janvier 1990, puis la révolte générale en 1992 dans la capitale Kigali devant laquelle le régime fait mine d’accepter un compromis avec les dirigeants modérés de l’opposition démocratique (tout en préparant le bain de sang). Le 8 et le 15 janvier 1990, plus de 100 000 manifestants parcourent les rues de la capitale Kigali. “ Au début de l’automne 1990, le Rwanda traversait une crise profonde qui gagnait petit à petit tout le pays ”, écrit M. Gérard Prunier. Les questions brûlantes qui causent cette mobilisation ne sont nullement les questions dites ethniques mais les questions sociales et politiques, la crise, la misère, la corruption du régime et la dictature. C’est la corruption en matière de scolarité qui donne l’étincelle mettant le feu aux poudres. Une enseignante, Agathe Uwilingiyimana, qui sera la première assassinée au démarrage du génocide, dénonce les trafics dans les résultats du baccalauréat qui permettent aux enfants de la classe dirigeante d’être reçus en rayant les premiers de la liste des reçus. Elle subit une violente répression de la part de l’armée, mais la population prend fait et cause pour elle. La mobilisation en sa faveur est impressionnante en va faire d’elle une des leaders de l’opposition démocratique qui vise à la démocratisation du pays, dont le multipartisme. En fait, la révolte populaire avait une base sociale d’autant plus importante que la classe dirigeante était absolument incapable de satisfaire les aspirations populaires, ayant même du mal à imaginer comment elle allait partager un gâteau sans cesse plus restreint entre des équipes concurrentes de la bourgeoisie, du pouvoir, du FPR et de l’opposition. Les recettes du café et du thé, durement touchées par la chute des cours sur les marchés mondiaux, connaissent une baisse inquiétante. Quant aux espoirs suscités par le développement du tourisme, ils auront été fauchés net avec le déclenchement de la guerre. En 1991, le déficit budgétaire, censé ne pas dépasser 2,6 milliards de francs rwandais, a atteint 10,5 milliards. Les dépenses de l’Etat ont monté en flèche : les effectifs de l’armée, guerre oblige, ont quasiment triplé. Dans les deux années qui suivent le mouvement populaire contre le régime va aller sans cesse croissant. Il culmine en 1992 avec des manifestations monstres à Kigali et dans les grandes villes. Dans la capitale, c’est presque la moitié de la population qui descend dans la rue et conspue les militaires. Les leaders démocrates du mouvement sont alors appelés à participer au gouvernement aux côtés des membres du pouvoir liés à l’armée et à l’extrême-droite. Les opposants démocrates « réalistes » acceptent de gouverner avec les assassins qui ont déjà maintes fois démontré leur capacité de nuisance. Dans le mouvement d’opposition à la dictature, il y a à la fois des Hutus et des Tutsis. Mais si le régime militaire a momentanément reculé, remisé le parti unique et appelé certains opposants à la direction du gouvernement, ce n’est que partie remise. Pris entre deux feux, entre FPR à l’extérieur et révolte populaire à l’intérieur, les dirigeants partent à la recherche d’une solution de type fasciste. Pour retrouver une base populaire, les classes dirigeantes se tournent vers les déclassés de la capitale et les pauvres des campagnes et se fondent pour cela sur le préjugé si fréquemment employé en Afrique : l’ethnisme. Des médias qui appellent ouvertement au génocide des Tutsis, comme la « radio des mille collines » affirment que Tutsi est synonyme de pro-FPR et prétendent que si les Hutus ne tuent pas les Tutsis, c’est eux qui seront tués. Et pour lier à eux une partie de la population ils l’obligent à se mouiller à leurs côtés. Tous ceux qui auront tué ne pourront plus ensuite prendre parti pour le FPR qui les accuserait de crime. D’où de premiers massacres, dès 1990, puis en 1993, dans lesquels des Hutus sont poussés à tuer des Tutsis. D’où aussi la formation de milices de pauvres embrigadés et formés à tuer. Cependant, devant l’ampleur de la pression, le Président Juvénal Habyarimana finit par accepter de signer un compromis avec l’opposition réunie. Aux termes de ce compromis, le Gouvernement Nsanzimana serait remplacé par un Gouvernement de coalition. Celui-ci, qui comprendrait des Ministres MRND, serait cependant dirigé par un membre du MDR. (…) Le 7 avril, le Premier Ministre Dismas Nsengiyaremye prêtait serment et le nouveau Gouvernement était mis en place le 16 avril, couronnant ainsi la réussite de la stratégie d’union de l’opposition. (…) L’arrivée au pouvoir du Gouvernement Nsengiyaremye ne signifiait en aucun cas que l’opposition venait de remporter une victoire totale. En effet, si le Général Juvénal Habyarimana, son entourage et son parti étaient, pour la première fois depuis 1973, contraints de partager le pouvoir, ils restaient présents aux affaires. Juvénal Habyarimana restait Président de la République et Chef d’état-major de l’armée. (…) Pour nombre de membres du MRND, l’arrivée au pouvoir de l’opposition et la perspective de négociations, en vue d’un partage du pouvoir, entre l’Etat hutu rwandais et le FPR ne devait susciter qu’un refus absolu. C’est ainsi qu’en mars 1992 apparaît sur la scène politique un nouveau parti, la Coalition pour la défense de la République (CDR). Au contraire des petits partis ci-dessus évoqués, la CDR va jouer un rôle important et largement autonome dans la vie du Rwanda jusqu’à la fin du régime. La CDR se positionne comme un mouvement beaucoup plus intransigeant que le MRND dans son opposition au FPR et à la coalition emmenée par le MDR. Ses dirigeants, M. Jean-Bosco Barayagwiza, son fondateur, M. Jean Barahinyura, son Secrétaire général, M. Martin Bucyana, harcèlent le régime et le MRND, pour leur mollesse envers le FPR et ceux qu’il appelle ses complices (“ ibyitso ”, c’est-à-dire les partis d’opposition). Il est à remarquer que ces personnalités, et de façon générale celles de la frange radicale qu’emmène la CDR, ne sont pas forcément les moins talentueuses, ni les moins brillantes de la vie politique rwandaise. Le journal kinyarwanda “ Kangura ” (“ Réveillez-le ”), dirigé par l’un d’entre eux, M. Hassan Ngeze, est d’une efficacité politique redoutable grâce à des attaques personnelles contre les dirigeants de l’opposition, la corruption voire la criminalité n’étant pas l’apanage des seuls dirigeants du MRND. C’est aussi parmi ces sympathisants que se recrutera plus tard l’essentiel des journalistes de l’extrémiste “ Radio-télévision libre des Milles Collines ” (RTLM). Pour nombre de membres du MRND, l’arrivée au pouvoir de l’opposition et la perspective de négociations, en vue d’un partage du pouvoir, entre l’Etat hutu rwandais et le FPR ne devait susciter qu’un refus absolu. C’est ainsi qu’en mars 1992 apparaît sur la scène politique un nouveau parti, la Coalition pour la défense de la République (CDR). Au contraire des petits partis ci-dessus évoqués, la CDR va jouer un rôle important et largement autonome dans la vie du Rwanda jusqu’à la fin du régime. La CDR se positionne comme un mouvement beaucoup plus intransigeant que le MRND dans son opposition au FPR et à la coalition emmenée par le MDR. Ses dirigeants, M. Jean-Bosco Barayagwiza, son fondateur, M. Jean Barahinyura, son Secrétaire général, M. Martin Bucyana, harcèlent le régime et le MRND, pour leur mollesse envers le FPR et ceux qu’il appelle ses complices (“ ibyitso ”, c’est-à-dire les partis d’opposition). Il est à remarquer que ces personnalités, et de façon générale celles de la frange radicale qu’emmène la CDR, ne sont pas forcément les moins talentueuses, ni les moins brillantes de la vie politique rwandaise. Le journal kinyarwanda “ Kangura ” (“ Réveillez-le ”), dirigé par l’un d’entre eux, M. Hassan Ngeze, est d’une efficacité politique redoutable grâce à des attaques personnelles contre les dirigeants de l’opposition, la corruption voire la criminalité n’étant pas l’apanage des seuls dirigeants du MRND. C’est aussi parmi ces sympathisants que se recrutera plus tard l’essentiel des journalistes de l’extrémiste “ Radio-télévision libre des Milles Collines ” (RTLM). (…) Le mois de mars 1992 voit en effet le début d’une série d’attentats terroristes. Par deux fois, des grenades sont jetées dans la foule, à la gare routière de Kigali, faisant cinq morts la première fois et un mort et 34 blessés la seconde. (…) Le mois de mars 1992 est aussi celui de la reprise des massacres de Tutsis dans les provinces. (…) Dans la région du Bugesera, (…) les massacres durèrent du 4 au 9 mars, et causèrent la mort d’un nombre de personnes évalué à 300 (l’administration rwandaise d’alors en a admis 182). Comme dans le cas des massacres du Mutara (voir ci-dessus), ils furent accomplis par les paysans sous la conduite de leur bourgmestre dans le cadre d’une “ umuganda ”.
... EN AFRIQUE DU SUD...
Si le gouvernement de Botha prétend qu’il va réformer l’apartheid, si depuis 1986 il affirme vouloir aller doucement vers la suppression du « pass » (le fameux passeport intérieur cause de nombreuses émeutes) et déclare : « Je suis engagé dans un processus de réformes destinées à élargir la démocratie », ce n’est pas seulement pour améliorer son image à l’extérieur mais parce que, depuis l’été 1984, l’insurrection populaire et ouvrière gagne chaque année en ampleur dans tout le pays. En août 1984, quelques jours après les élections, des émeutes éclatent dans la région de Johannesburg, violemment réprimées et faisant 29 mort officiellement. A Sabokeng, une grande cité noire, les forces de l’ordre tentent de détruire les groupes noirs armés. 7000 policiers occupent la ville, fouillent les maisons, et se heurtent à la population noire, faisant officiellement 95 morts. Le maire de Tembissa, une autre grande cité noire, a dû fuir devant la haine de la population qui manifestait et menaçait de s’occuper de lui. En avril 1985, dix conseillers municipaux noirs, accusés de collaboration avec le pouvoir blanc, ont été tués et 174 d’entre eux ont dû démissionner. En juillet 1985, 410 policiers ont été soit tués soit ont vu leur maison brûlée par les jeunes manifestants.
La bourgeoisie (impérialiste et sud africaine), inquiète de la montée ouvrière et populaire, cherche à trouver une issue politique qui intègrerait les nationalistes et les réformistes, en détournant le risque social. Les négociations de la grande bourgeoisie blanche sud africaine avec l’ANC débutent en 1985. Le 18 septembre 1985, une délégation d’hommes d’affaire blancs sud africains se rend en Zambie pour rencontrer la direction de l’ANC. L’un d’entre eux est Oppenheimer, principal actionnaire de la De Beer, premier producteur de diamant qui contrôle les deux tiers de la production mondiale de diamant. Il affirme qu’il va falloir rapidement supprimer l’apartheid. Ces patrons blancs n’ont cure des souffrances de la majorité de la population pauvre d’Afrique du sud, ni des exactions particulières subies par les Noirs mais le danger d’explosion ouvrière incontrôlable, de plus en plus évident pour tous, les pousse à vouloir changer de régime au plus vite. Ils trouvent dans l’ANC (et ses alliés de l’UDF) un partenaire prêt à sacrifier la révolution pour obtenir une part du pouvoir en sauvant la grande bourgeoisie. L’ANC qui affirmait vouloir le socialisme et diriger « une révolution démocratique assurant la libération des opprimés » rassure les possédants d’Afrique du sud. En fait, l’ANC n’avait jamais défendu une perspective de renversement de la bourgeoisie, mais seulement de mise place d’une bourgeoisie noire, comme le dit clairement son programme : « la charte de la liberté ». En 1956, Nelson Mandela la commentait ainsi : « Si la Charte proclame la nécessité de changement démocratique, il ne s’agit en aucune manière d’une prise de position pour un Etat socialiste, mais d’un programme pour l’unification des différentes classes et groupements populaires sur une base démocratique. » Il concluait : « Le démantèlement de ces monopoles (banques et mines d’or) ouvrira un horizon au développement d’une classe bourgeoise prospère non-européenne. Pour la première fois dans l’histoire de ce pays, une bourgeoisie non-européenne aura l’opportunité de posséder en son propre nom et en toute légitimité les mines et les usines. Le commerce et l’entreprise privée connaîtront un boom et fleuriront comme jamais auparavant. » Rien à voir avec l’image socialiste, et même communiste, que les partis communistes ont donné de Nelson Mandela. Lui, n’a jamais cautionné cette image. Même si la mobilisation ouvrière a contraint, par la suite, l’ANC à parler des travailleurs, le docteur Montlana, numéro deux de l’ANC, déclarait : « La solution, c’est que les Noirs travaillent plus dur au sein du système capitaliste. (…) Laissez ceux qui ont l’ambition, l’ambition capitaliste, individuelle et privée, de travailler à la satisfaire et ne leur tournez pas le dos parce qu’ils ne veulent pas devenir des vagabonds avec leur sac sur le dos. (…) Il y a des gens qui attendent d’un régime socialiste qu’il les conduise au pays du lait et du miel. A ces gens-là, je dis : vous êtes des idiots. Trop de nos gens sont simplement fainéants. Trop souvent nous reprochons au système nos propres limites. » En juin 1986, la situation a tellement empiré que le gouvernement Botha est contraint de décréter l’Etat d’urgence. La répression qui s’abat alors est massive et féroce. Des organisations d’opposition jusque là tolérées sont interdites, leurs membres arrêtés, torturés, tués. Cependant, les grèves continuent de se multiplier. L’une des plus grandes est la grève générale de la région du Triangle de Vaal, en novembre 1984, dans laquelle 150.000 travailleurs sont soutenus par 250.000 élèves et étudiants. Les mots d’ordre sont : départ des forces de répression des cités noires, suppression des augmentations de loyers, des tarifs de l’eau et de l’électricité, abolition de taxes pour les habitants, amélioration du système éducatif pour les noirs. Grâce aux pressions conjuguées de l’ANC, du PC, de la bourgeoisie et de l’Etat, les principaux dirigeants syndicaux firent finalement le choix de renoncer à la perspective qu’ils défendaient jusque là : une Afrique du Sud post-apartheid où les travailleurs auraient le contrôle du pouvoir et des richesses de la société, ont accepté progressivement de devenir le prolongement politique de l’ANC dans la classe ouvrière, c’est-à-dire d’être la monnaie d’échange contre laquelle l’ANC est arrivée au pouvoir. C’est sur cette base que se constitua le COSATU, la grande centrale syndicale unifiée. L’unification des forces de la classe ouvrière a servi à cacher un changement complet d’orientation. Pour l’ANC, le PC sud-africain et pour la bourgeoisie comme pour l’impérialisme, les dirigeants nationalistes noirs n’étaient une bouée de sauvetage face à la menace révolutionnaire que s’ils s’avéraient capables de canaliser et de freiner le mouvement révolutionnaire des masses ouvrières d’Afrique du sud. Ils ont dû en faire progressivement la démonstration pendant que l’Afrique du sud faisait à pas comptés quelques gestes de désengagement dans le système de l’apartheid et dans ses interventions militaires contre les pays voisins. Le 22 décembre 1988, l’Afrique du Sud, l’Angola et Cuba signent à New York deux traités qui prévoient, l’un le retrait des soldats cubains d’Angola et l’autre, l’accession de la Namibie à l’indépendance.
Le 12 août 1988, Nelson Mandela, chef historique du Congrès national africain (ANC), emprisonné depuis 1963, est hospitalisé au Cap après avoir contracté la tuberculose. En fait, il s’agit du résultat d’une négociation au sommet entre les dirigeants de la grande bourgeoisie sud-africaine et les dirigeants de l’ANC qui suit une autre négociation au sommet entre la haute bureaucratie russe et l’impérialisme US. La fin de l’apartheid accompagne la fin de la politique des blocs et la réintégration de la haute bureaucratie russe au sein de la bourgeoisie mondiale. Les gestes se multiplient et les pas de chaque partie se succèdent. Le 23 novembre 1988, le président Botha décide de gracier les " six de Sharpeville ", tous les recours judiciaires ayant été épuisés après le sursis à exécution obtenu le 17 mars. Le 15 mars 1989, Pieter Botha reprend ses fonctions à la tête de l’Etat après la congestion cérébrale dont il a été victime le 18 janvier. Le Parti national, au pouvoir depuis 1948, a souhaité, le 13, que Frederik De Kerk, qui dirige le parti depuis la démission, le 2 février, de Pieter Botha, devienne président de la République " dans l’intérêt du pays ". Le 5 juillet 1989, le président Pieter Botha reçoit, dans sa résidence du Cap, Nelson Mandela, chef historique de l’ANC emprisonné depuis 1963, qui se prononce pour " une évolution pacifique de la situation ". Le 25 août 1989, Frederik De Klerk, nouveau président sud africain, confirme ses intentions réformistes : supprimer l’apartheid de façon négociée. Le 2 mai 1990, le gouvernement et l’ANC tiennent leur première série de discussions directes au Cap : ils s’engagent à " lutter contre la violence et l’intimidation, d’où qu’elles viennent ". Le 15 octobre 1989, huit dirigeants nationalistes, dont Walter Sisulu, compagnon de Nelson Mandela, sont libérés après vingt cinq ans passés en prison. Les sept membres de l’ANC libérés participent, le 29, au premier rassemblement autorisé par le régime depuis 1960, qui réunit soixante mille personnes dans le stade de Soweto. Le 2 février 1990, le président sud africain Frederik De Klerk annonce devant le Parlement la légalisation des mouvements nationalistes noirs, dont le Congrès national africain (ANC), interdit depuis 1960, la libération des prisonniers politiques qui n’ont pas commis de violences, la fin de la censure et la suspension des exécutions capitales. Le 11 février 1990, Nelson Mandela est libéré après vingt sept ans de captivité. Le 13 février 1990, parlant devant plus de cent mille personnes au stade de Soweto, à Johannesburg, Nelson Mandela multiplie les appels " au calme et à la discipline ". Le16 février 1990, le comité exécutif de l’ANC, réuni depuis le 14 à Lusaka (Zambie) en l’absence de Nelson Mandela, accepte de rencontrer Frederik De Klerk. Le 4 mars 1990, Lennox Sebe, " président à vie " du bantoustan du Ciskei, est renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par le général Josh Gqozo. Le nouveau pouvoir réclame la réintégration du Ciskei au sein de l’Afrique du Sud. Le 2 mai 1990, le gouvernement et l’ANC tiennent leur première série de discussions directes au Cap : ils s’engagent à " lutter contre la violence et l’intimidation, d’où qu’elles viennent ". Le 7 juin 1990, l’état d’urgence, instauré le 12 juin 1986, est levé, sauf dans la province du Natal, où se poursuivent des affrontements entre factions rivales dans les cités noires. Le 19, la loi abolissant, à partir du 15 octobre, la ségrégation raciale dans les lieux publics est votée par les députés. Le 6 août 1990, le gouvernement et l’ANC tiennent, à Pretoria, leur deuxième série de pourparlers préalables à des négociations sur une nouvelle Constitution. Dans l’accord signé après quinze heures de discussions, l’ANC annonce qu’elle suspend la lutte armée, tandis que le gouvernement s’engage à libérer tous les prisonniers politiques et à autoriser le retour des exilés avant la fin de l’année.
Avec une réponse fasciste notamment en Mauritanie
La réponse est aussi la dictature militaire répressive au Soudan
Encore la Côte d’Ivoire en 1990
Rappelons qu’à cette époque le monde est lui aussi touché par ces révoltes : Yougoslavie, Chine, Venezuela, Irak, Philippines, Birmanie, et bien sûr les pays de l’Est, pour ne citer que les principales révoltes populaires...
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