Ce qui caractérise de capitalisme par rapport aux systèmes précédents et notamment à la société marchande ou à la finance des époques esclavagistes ou féodales, c’est l’accumulation du capital.
Ce qui caractérise le monde actuel, c’est la chute du taux d’accumulation du capital malgré la hausse du taux de profit.
Voici des courbes provenant de divers économistes et de divers pays :

FRANCE

Où en est la crise du capitalisme ?
Le premier point pour y répondre : le capitalisme a-t-il réussi à éviter la faillite ou l’a-t-il seulement caché par des interventions purement artificielles (à contre-rentabilité) des Etats et des banques centrales ? Poser la question, c’est y répondre : sans les dizaines et centaines de milliards de dollars injectés par toutes les institutions publiques du monde aucun truct, aucune banque, aucune bourse, aucune assurance ne survivrait aujourd’hui. Ce n’est pas seulement quelques « canards boiteux » qui allaient suivre la banque Lehman Brothers mais la totalité ! Et il a fallu, du coup, les suaver tous ou faire semblant !
« Too big to die », trop gros pour mourir, est devenu le slogan du monde capitaliste qui a continué à laisser des petites boites, des artisanats et des commerces faire faillite mais aucune grosse dans aucun pays…
L’idée qui a dirigé cette intervention massive des Etats, y compris de la part de pouvoirs politiques très anti-interventionnistes, comme le Républicain Bush, c’est que si on laissait un seul trust ou une seule banque chuter, ce n’est pas quelques secteurs qui allaient faire faillite mais tout le système. On a dressé la liste des « établissements à risque systémique » et on les a aidés sans limite… Tous les Etats capitalistes de la planète, des USA au Japon et de la Russie à la Chine, ont été d’accord sur cette aide massive des fonds publics aux économies privées.
On nous a dit que « cette fois on a tiré les leçons de la crise de 1929 » et on a évité la crise des liquidités…
Seulement, c’était en 2007-2008 et nous sommes en 2015…
Et Etats et banques centrales sont contraints de continuer à balancer des milliers de milliards de dollars sur les marchés, pour continuer à « sauver le système ».
Notre réponse : c’est le système d’accumulation qui est en panne parce que l’investissement productif privé s’est arrêté, les capitalistes estimant que le profit à retirer de cette sphère n’est plus suffisant relativement au profit tiré de la sphère financière, en particulier en exploitant les fonds des institutions centrales et étatiques.
Rappelons nos thèses au début de la crise de 2007 :
1- Il n’y a aucune origine accidentelle à la crise actuelle. Pour les capitalistes, loin d’être une surprise, elle est une catastrophe annoncée. C’est seulement pour le grand public, et particulièrement pour les travailleurs, qu’elle est tout ce qu’il y a de plus étonnant : le système qui domine le monde, sans une puissance capable de le renverser, sans une classe sociale qui semble lui contester ce pouvoir, est en train de s’effondrer et de se détruire lui-même.
2- Ce n’est pas une crise conjoncturelle. Ce n’est pas une crise américaine. Ce n’est pas une crise immobilière. Ce n’est pas une crise financière. Ce n’est pas une crise bancaire. Ce n’est pas une crise pétrolière. Ce n’est pas une crise de confiance. Ce n’est pas une crise inflationniste. Ce n’est pas une crise de l’endettement. Ce n’est pas une crise due à une simple récession. Bien sûr, il y a tout cela à la fois mais cela n’explique pas le fondement de la crise. C’est le système capitaliste tout entier qui est en crise. Le terme « systémique » pour caractériser la crise signifie que c’est le principe même du capitalisme qui est mort.
3- C’est l’accumulation du capital qui ne peut plus fonctionner. Et ce pour une raison simple. Le mécanisme d’accumulation du capital a atteint sa limite.
4- Cela signifie que le capitalisme n’a pas subi une maladie, ni un défaut, ni un comportement défaillant de tels ou tels de ses acteurs. Non, le capitalisme meurt parce qu’il a été au bout de ses possibilités. C’est son succès lui-même qui provoque sa fin. Il n’y a pas moyen d’inventer suffisamment d’investissement vu la quantité de capitaux existant dans le monde. Tous les cadeaux des Etats et des banques centrales au capital ne peuvent qu’être des palliatifs d’une durée de plus en plus limitée.
5- Le capital n’est pas simplement de l’argent. De l’argent, il y en a aujourd’hui et il n’y en a même jamais eu autant sur la planète. Mais c’est de l’argent qui participe à un cycle au cours duquel encore plus de travail va être transformé en argent. L’accumulation du capital est le but même de la société capitaliste. Produire et vendre des marchandises, exploiter les travailleurs, tout cela n’est qu’un moyen. Faire de l’argent, s’enrichir n’est aussi qu’un moyen. Le but même est de transformer cet argent en capital, c’est-à-dire trouver les moyens de l’investir et de lui faire rendre du profit, lequel profit doit lui-même encore être investi.
6- C’est ce mécanisme qui ne fonctionne plus. Il n’est pas grippé. Il n’est pas menacé. Il est mort. Il a été maintenu en survie pendant un temps déjà très long par des mécanismes financiers et eux-mêmes viennent d’atteindre leurs limites. On ne peut pas maintenir le mourant tellement longtemps même en inventant de nouvelles techniques de survie artificielle. Bien entendu, aujourd’hui tout le monde accuse le système financier et ses « folies », mais c’est oublier que ce sont ces prétendues folies, des politiques pratiquées parfaitement consciemment, qui ont permis au système de perdurer au-delà de ses limites.
7- Les guerres locales comme celles d’Irak, celle d’Afghanistan, mais aussi de Yougoslavie et du Timor ont été aussi des moyens de faire durer le système. Mais, là aussi, les limites sont atteintes.
8- Quel moyen aurait le système de se redresser vraiment ? Celui de détruire une très grande partie des richesses et des marchandises accumulées. Il ne lui suffit pas de détruire les richesses fictives de la finance. Il lui faut, pour repartir, détruire une partie de la planète comme il l’a déjà fait, dans des circonstances semblables, lors de deux guerres mondiales.
9- De là découle l’alternative pour les classes ouvrières et les peuples. Entre le Capital et le Travail, il y a maintenant une question de vie ou de mort. Même si la classe ouvrière ne souhaite pas consciemment se préparer au renversement définitif du système et à la fondation d’une société reposant sur la satisfaction des besoins collectifs des peuples de la planète, c’est le capitalisme lui-même qui va la contraindre à choisir.
10- Les mécanismes politiques et sociaux de domination sont désormais dépassés. On va voir du nouveau. Les « démocraties » occidentales vont montrer toute leur barbarie aux populations qui y sont le moins préparées : celles de leurs propres pays. Les dictatures, les fascismes vont revenir au goût du jour.
11- Il est urgent de préparer l’avant-garde aux situations à venir. Il n’y a rien de plus urgent que de comprendre la crise actuelle et ses conséquences et de les faire comprendre autour de nous. Ce qui est à l’ordre du jour n’est pas seulement de se défendre contre des attaques. C’est de se défendre contre une attaque idéologique de grande ampleur. Les gouvernants vont tâcher de donner leur propre interprétation des événements pour nous convaincre qu’eux seuls peuvent faire revenir l’époque passée. Ils mentent. Elle ne peut pas revenir. Ils vont chercher ainsi à nous empêcher de nous organiser entre nous pour comprendre, discuter et répondre aux situations. La crise de confiance des peuples dans le système est dangereuse si les opprimés, si les peuples se mettent à s’organiser, et déjà à se réunir pour confronter les points de vue, pour donner leurs avis sur la signification de ce qui se passe et sur les moyens d’y faire face.
12- Ce que souhaite la classe dirigeante, c’est que chacun se retrouve face à ses peurs, face aux problèmes matériels touchant sa vie, celle de sa famille, et se demande seulement quel dirigeant bourgeois va pouvoir le sauver. Des sauveurs suprêmes, des Hitler ou des chefs civils ou militaires dictatoriaux prétendant tenir la solution, on va en voir défiler. La première des tromperies qui va se présenter à nous sera celle des réformistes de tous poils qui auront quantité de prétendues solutions pour sauver à la fois le système et la population. Le seul effet de leurs discours sera de démobiliser les opprimés et d’éviter tout risque révolutionnaire aux exploiteurs afin de leur permettre de préparer leurs vraies solutions violentes : dictatures et guerres. D’avance il faut se préparer à n’avoir confiance qu’en nous-mêmes.
13- Au lieu de se protéger, ce qui ne sera pas possible, il faut saisir l’occasion. Le capitalisme est atteint dans ses fondements. Profitons-en pour en finir avec ce système d’exploitation. Nous sommes des millions de fois plus nombreux que les exploiteurs et bien plus forts que le système si nous en sommes conscients. La fin du capitalisme ne sera une catastrophe et un recul massif que si nous nous contentons de nous défendre, catégorie par catégorie, pays par pays, groupe social par groupe social. Cela peut être le prélude d’une avancée historique de l’humanité si nous décidons d’en finir avec l’esclavage salarié.
Il serait erroné de voir dans la crise actuelle une simple crise conjoncturelle. Les éléments dont on dispose à l’heure actuelle poussent plutôt à y voir une crise systémique, c’est-à-dire une véritable limite du système qui le remet fondamentalement en question. Bien sûr, il y a diverses crises au sein de la situation actuelle : une crise immobilière doublée d’une crise spéculative une crise boursière une crise bancaire une récession économique une crise américaine liée aux divers déficits de l’impérialisme US une crise générale de la domination impérialiste etc... Mais tout cela ne s’additionne pas. Il n’y a en fait qu’une seule crise qui a longtemps été retardée par l’impérialisme US essentiellemnt grâce à ce que l’on a appelé la "mondialisation".
Il y a peu de chance que les USA parviennent encore à retarder l’explosion. les trémoussements des chefs d’Etat et des dirigeants financiers de la planète ne font que souligner leur grande inquiétude. L’une des dernières mesures qu’avait pris Bush après quelques faillites retentissantes aux USA, en Grande Bretagne ou en Espagne, c’est d’annoncer une limitation du droit de spéculer sur les sociétés dont les noms suivent. Sous-entendu, ces sociétés sont pleines de trous, vont bientôt faire faillite et le système financier va les attaquer. Ce sont : BNP Paribas, Bank of America, Barclays Citigroup, Crédit Suisse, Daiwa Securities, Deutsche Bank, Allianz, Goldman Sachs, Royal Bank, HSBC Holding, JP Morgan Chase, Lehman Brothers, Merril Lynch, Mizuko Financial Group, Morgan Stanley, UBS, freddie Mac et Fannie Mae. Exit donc à terme de tous ceux-là ! Finalement, il est amené à les nationaliser les uns après les autres ou à les faire racheter les uns par les autres... En attendant que tout s’effondre !
Mais, là encore, ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. Sur le fond, le capitalisme lui-même répond : "no future" (pas d’avenir) Ce ne sont pas les peuples, c’est le système qui n’y croit plus et ne voit plus d’échappatoire.
Laisser exploser le tout va de plus en plus lui paraître la meilleure solution pour parvenir au même résultat : faire payer aux peuples les frais de la crise, assainir en détruisant, pour - beaucoup plus tard et après quelles guerres ? - repartir sur des bases plus saines si tout n’est pas détruit d’ici là ! Pour les travailleurs et les peuples, la situation est neuve : il faut préparer un autre avenir débarrassé du capitalisme.
Pour notre part, nous estimons que nous ne sommes nullement sortis de l’effondrement de 2007, que nous ne sommes pas dans une crise qui serait aujourd’hui purement européenne, et encore moins française, mais toujours dans la situation mondiale issue de la politique de l’impérialisme de 2008 qui consiste en la volonté de toutes les bourgeoisies du monde de bloquer la crise de 2007-2008 à coups de centaines de milliards de dollars de toutes les banques centrales. Cela signifie que nous sommes sortis du capitalisme cyclique qui a dominé le monde depuis longtemps, système fondé sur des épurations périodiques plus ou moins violentes agissant comme un système de respiration (inspiration et expiration) provenant de l’incapacité du système de s’auto-réguler et de se planifier du fait de ses contradictions fondamentales entre le caractère collectif de l’économie et le caractère privé de la propriété des moyens de production, entre la nécessité de produire et de vendre au maximum et la nécessité de ne vendre que des produits permettant de réaliser au moins le taux de profit moyen, la nécessité d’accumuler le plus possible de capital et la nécessité d’offrir à tout capital se constituant des plus-values alors que les investissements rentables ne sont pas illimités.
Ce qui a caractérisé la situation de 2007, en a fait même une situation historiquement absolument inédite, c’est l’appréciation générale et mondiale de toute la grande bourgeoisie selon laquelle il n’était plus possible de laisser chuter aucun, d’abandonner à la faillite, un seul trust, une seule grande banque ni une seule grande assurance, une seule bourse, un seul gros spéculateur dans aucun pays, dans aucune région au monde. Ce qui supposait que les banques centrales soient prêtes à débourser des sommes colossales sans rechigner afin d’éviter ce type de faillite. Il n’existe aucune crise capitaliste précédente dans laquelle ce type de considération ait prévalu de quelque manière que ce soit. Y compris jusqu’au début des années 2000, de nombreux trusts ou banques ou assurances ont fait faillite et n’ont pas été sauvées. On se souvient par exemple d’Enron, de Vivendi Universal ou de Worlcom comme de la banque Barings. Par contre, dès que l’Etat américain a eu une velléité de laisser chuter la banque Lehman Brothers, il a vu s’ouvrir un abîme comme l’exprimait le dirigeant de la FED et il a affirmé qu’il n’était plus question de prendre le risque qu’un seul capitaliste de grande taille puisse chuter. Le mécanisme régulateur des crises est donc définitivement supprimé de manière artificielle et très coûteuse. Il en résulte l’impossibilité pour les capitalistes privés, les banquiers et les spéculateurs de savoir en qui et en quoi on peut faire confiance. Les actifs pourris sont cachés partout et les banques centrales ont beau les racheter massivement, personne ne peut dire où il y en a encore ni en qui on peut faire confiance. Depuis 2007, cette situation n’est pas résolue ni près de l’être et c’est cela qui détermine l’absence de perspectives du capitalisme. Les prétendues reprises ne font que cacher l’incapacité des capitaux privés de retrouver un dynamisme propre, car l’absence de crise empêche toute épuration des investissements précédents.
Depuis l’éclatement de la crise bancaire en 2007, les banques centrales des pays les plus industrialisés prêtent massivement aux banques à des taux d’intérêt très bas afin d’éviter des faillites, permettant aux grandes banques qui en bénéficient d’économiser des sommes considérables en termes de remboursement des intérêts.
La Fed achète massivement aux banques des États-Unis des produits structurés hypothécaires, la BCE n’achète pas jusqu’ici de produits structurés mais elle accepte que les banques les déposent comme collatéraux, autrement dit comme garantie, des prêts qu’elle leur octroie.
Les gouvernements, quant à eux, apportent leurs garanties et injectent massivement des capitaux afin de recapitaliser les banques.
Les banques systémiques savent qu’en cas de problème, du fait de leur taille et du risque que représenterait la faillite de l’une d’elles (« too big to fail »), elles pourront compter sur le soutien des États qui les renfloueront sans sourciller.
Les gouvernements empruntent sur les marchés financiers en émettant des titres de la dette publique souveraine. Ils confient la vente de ces titres aux grandes banques privées. Les banques bénéficient par ailleurs de baisse d’impôts sur les bénéfices.
Certes, on constate qu’il y a de plus en plus d’argent entre les mains des capitalistes puisque les Etats et les banques centrales les en inondent mais cet argent ne provient pas de l’exploitation de la plus-value tirée du prolétariat. Dès maintenant, et sans attendre une prochaine « crise », il est clair que le mode de fonctionnement ne peut être que provisoire et qu’il n’est pas à proprement parler capitaliste. Tous les Etats et toutes les banques centrales de la planète n’ont pu faire durer le système depuis l’effondrement de 2007-2008 qu’en s’engageant sans cesse plus dans l’économie, en suppléant sans cesse plus à la défaillance des capitalistes privés qui, pour leur part, misent sur les effondrements, les faillites, les titres pourris et les dettes. Il a fallu des sommes colossales pour faire tenir le système Madoff mondial mais cela n’a pas suffi à faire repartir le moins du monde une économie capitaliste viable et, au contraire, cela pousse encore plus les capitalistes privés à continuer à vivre sur les dos des fonds d’état. Ce château de carte finira bien par s’effondrer de lui-même, y compris sans une poussée révolutionnaire des masses. Par contre, les classes dirigeantes savent parfaitement qu’un nouvel effondrement économique, causé par exemple par une perte de confiance dans les fonds d’Etat ou par un effondrement économique d’une grande banque ou d’une monnaie importante, entraînerait inévitablement l’ensemble de l’économie dans le gouffre et les prolétaires du monde vers la révolution sociale. Ils n’attendront donc pas d’en arriver là pour s’attaquer au prolétariat et tenter de leur couper les ailes. Ils préparent déjà les guerres, les guerres civiles et les fascismes. Ils préparent même la guerre mondiale. Les mesures qu’ils prennent n’ont pas un but économique mais un but politique et social. Il s’agit de détruire la classe ouvrière dans ses capacités révolutionnaires potentielles, de la soumettre à l’Etat sauveur, de lui imposer l’idée que ses ennemis sont étrangers, de la pousser vers les idéologies nationalistes, racistes, xénophobes. Or toutes ces tendances préparent un certain type d’avenir qui va bien au-delà d’une récession ou d’un recul du capitalisme et qui prépare une barbarie infra-capitaliste, une société qui ressemblerait plutôt à un monde des féodaux armés, une espèce d’Afghanistan mondial… En tout cas, le capitalisme n’attendra pas la montée de la révolution pour attaquer le prolétariat et les peuples. Dès qu’il se rendra compte que la perfusion mondiale ne suffit plus à faire tenir le château de cartes économique, il lancera son offensive contre le prolétariat et les peuples. Il deviendra alors clair que ce qui remplace le capitalisme est devenu la barbarie. Marx n’a jamais dit que le socialisme devait fatalement remplacer le capitalisme mais seulement que c’est dans des conditions objectives données (celles d’une crise du système) que le prolétariat pouvait se poser le problème de son remplacement.
La vague des révolutions qui commence à frapper le monde n’est pas à séparer de cette crise mondiale capitaliste. Certes, la crise a été plus frappante dans les pays les plus riches et la révolution plus forte dans les pays les plus pauvres mais il est normal que les anneaux les plus faibles de la chaîne capitaliste cèdent les premiers.
Les guerres, les guerres civiles sont le pendant de la crise économique, sociale et politique qui gagne le monde. Jamais les violences de masse n’ont pris une telle extension mondiale. C’est le reflet de l’ampleur de la crise du capitalisme.
Aux USA même, il se produit des choses nouvelles, à la fois des contestations d’une ampleur nouvelle et des attaques nouvelles comme celles des Noirs.
Michel Lasserre écrit ainsi :
La propriété privée du capital
La première chose qu’on peut dire sur le capitalisme, c’est que ce système repose sur la propriété privée du capital. Capitalisme et propriété privée du capital sont deux choses qui vont totalement de paire, l’un ne va pas sans l’autre. Alors, que signifie plus précisément le droit à la propriété privée du capital ?
Ça signifie au moins deux choses, d’abord c’est le droit d’en tirer profit, dans ce système on peut directement gagner de l’argent à partir de son capital, c’est même la règle pour que le système fonctionne bien. Puis, c’est aussi le droit de disposer librement de son capital. On peut placer son argent comme on veut, là où ça rapporte le plus, le déplacer si on trouve plus profitable ailleurs, monter des entreprises, les revendre, etc.
Rappelons que ceci n’était pas le cas dans le système précédent, le système féodal, où le crédit et le droit d’entreprendre étaient très limités. Contrairement à ce que nous disent donc certains idéologues, le capitalisme n’a rien de naturel mais comme tous les autres systèmes économiques, découle de choix politiques.
Très rapidement, il existe 3 grandes théories économiques du capitalisme qui sont :
La théorie libérale, la théorie keynésienne, et la théorie marxienne. Il est préférable ici d’employer le mot marxien plutôt que le mot marxiste parce que ce dernier a été tellement utilisé pour désigner des choses qui parfois avaient très peu à voir avec la pensée de Marx qu’il pourrait prêter à confusion.
Depuis ses origines, le capitalisme entretient un rapport intime avec les crises économiques.
Pour les libéraux, ces crises sont la faute des contraintes imposées par les gouvernements, des taxations, des charges, des législations, etc. et pour éviter les crises, pour permettre le plein emploi, pour que le capitalisme puisse assurer la prospérité générale : il faut libéraliser totalement.
Pour les keynésiens, c’est un excès de libéralisme qui est la cause des crises. Et c’est alors les gouvernements qui doivent "réguler", en fixant quelques cadres au capital, mais surtout en relançant l’économie par des politiques adaptées quand le besoin s’en fait sentir, par le déficit budgétaire et l’endettement public, la relance par l’état, les grands travaux, etc.
Quoi qu’il en soit de leurs différences, pour ces deux théories, le capitalisme est le seul système possible. Il n’y en a pas d’autre !
Pour la théorie marxienne. La propriété privée du capital soumet le système à une logique interne qui devient insoutenable à un moment donné de son évolution. Vous avez bien compris que c’est cette approche qui nous intéresse ici.
La nature du capital
Nous allons d’abord commencer par voir ce qu’est le capital, Le capital est d’une nature très complexe, qui peut prendre diverses formes, on entend parler de capital commercial, capital industriel, financier, il peut prendre la forme de marchandises, d’entreprises, la forme de brevets, de crédit, mais le capital aujourd’hui dominant, celui auquel peuvent se réduire toutes les autres formes de capital, c’est le capital financier. Alors c’est quoi, concrètement ?
Le capital financier est composé d’actifs financiers, qu’on appelle aussi des titres.
Il existe deux sortes de titres, des titres de propriété d’entreprises : ce qu’on appelle des actions, et qui rapportent des dividendes, c’est à dire une partie des profits de l’entreprise.
Mais la majeure partie des actifs sont des titres de créances, c’est tout simplement des reconnaissances de dettes, du crédit, de l’argent qu’on prête, de l’argent qu’on peut aussi placer dans des banques ou des caisses diverses, qui elles mêmes le reprêtent et qui rapporte des intérêts. Ces titres peuvent bien sûr se revendre sur les marchés financiers, tout le monde à entendu parler des subprimes.
Le capital financier, c’est donc de l’argent qui rapporte de l’argent.
A l’époque de Marx, le capital dominant était le capital industriel. L’exemple type marxiste, était le filateur, propriétaire de son entreprise, qui économisait sur ses profits pour acheter une machine à filer supplémentaire pour faire encore plus de profit. Ce type d’entrepreneur n’est plus aujourd’hui la norme, et l’entreprise appartient aujourd’hui à ses actionnaires.
Pour ces entreprises et leurs actionnaires, il n’y a pas d’un côté un capital industriel et de l’autre un capital financier, les actions sont l’équivalent financier du capital industriel.
Maintenant, ce sont les actionnaires qui sont les propriétaires des entreprises, ce sont les actionnaires qui font la loi à son Conseil d’administration et qui la dirigent dans le sens de leur profits. Le plus souvent, celui qu’on appelle le patron, même s’il est grassement payé et intéressé aux profits de l’entreprise, n’est que l’employé des actionnaires, et s’il veut conserver son poste il faut que l’entreprise dégage de bons profits pour verser de bons dividendes.
La loi du profit
On entend souvent dire que le capitalisme est soumis à la loi du profit, alors qu’est-ce que ça veut dire exactement ?
Quand quelqu’un a de l’argent disponible et qu’il veut le placer, c’est à dire acheter des titres, du capital, il n’a pas cinquante motivations mais il en a une seule, c’est pour que ça lui rapporte, pour qu’il en tire du profit. Comprenons bien ici que le profit est l’unique motivation pour acheter du capital, c’est à dire en même temps pour financer l’économie.
Seulement, il y a des risques quand on place son argent, les actions peuvent chuter, les crédits peuvent faire défaut. D’ailleurs, plus les risques de défaut de crédit sont élevés, plus les taux d’intérêts montent, on le voit en ce moment avec les exemples de l’Irlande et de la Grèce. Si l’espoir de profit est insuffisant face aux risques encourus, et bien personne ne veut acheter des titres. Dans ce cas l’économie n’est plus financée et c’est la crise.
Le profit est donc absolument indispensable pour le fonctionnement de ce système. Le capitalisme est effectivement totalement soumis à la loi du profit.
D’ailleurs même les keynésiens savent que des contraintes trop fortes sur les profits entraînent des conséquences négatives qui risquent d’engendrer ou d’aggraver la crise et que, dans ce système, l’utilisation de ce genre de contraintes ne peut être que très limitée.
D’autre part, le capitalisme est un système où les entreprises sont soumises à une très forte concurrence, et cette loi du profit entraîne alors des conséquences très importantes.
Profits et concurrence
La concurrence entre les entreprises a pour premier effet de mettre la pression sur les profits, Pour maintenir, ou encore mieux, pour accroître ses profits, chaque entreprise va essayer de conserver ses parts de marché et même de les accroître. Comment ?
elle va améliorer ses produits pour qu’ils soient plus attirants que ceux de la concurrence,
elle va innover en trouvant de nouveaux produits et de nouvelles manières de produire
elle va aussi essayer de baisser ses coûts de production, pour pouvoir vendre moins cher que la concurrence
Toutes ces pratiques pour la recherche du profit entraînent plusieurs conséquences. La première est très positive, et c’est là un des rares mais important côtés positifs du capitalisme, c’est que la recherche du profit entraîne une dynamique d’innovation et de développement technologique.
Par contre, ce qui coûte très cher aux entreprises, ce sont les salaires, l’achat de la force de travail et la recherche du profit conduit inévitablement à une volonté de réduire la masse salariale.
Si, dans leur recherche du profit, les entreprises focalisent sur la baisse des coûts de production, la réalité montre qu’elles sont par contre totalement indifférentes aux coûts sociaux et écologiques. Elles n’ont pas de scrupules à licencier ou à polluer si ça leur rapporte et les exemples ne manquent pas. Elles n’hésiteront pas à extraire et brûler le pétrole jusqu’à la dernière goutte s’il y a du profit à en tirer, tant pis pour l’effet de serre et ses conséquences catastrophiques pour l’avenir de l’humanité.
L’accumulation du capital
Au-delà de ces premières conséquences de la loi du profit, il en existe une autre bien moins connue, mais bien plus préoccupante pour l’avenir du capitalisme, c’est un mécanisme qu’on appelle : " l’accumulation du capital". Alors qu’est-ce que ça veut dire ?
Je prendrai un exemple très simple à comprendre : Un ménage riche, place 1 million d’euros à 10 %.
Une enquête de 2007 nous informe que la France comptait à cette époque 394 000 millionnaires en dollars, millionnaires en actifs financiers sans compter l’immobilier. Il y a bien sûr moins de millionnaires en Euro, sans doute entre 130 et 150 0000, mais ce n’est pas pour autant insignifiant. Sans oublier que parmi ceux-ci, certains sont plusieurs fois milliardaires. D’autre part, quand on place des sommes importantes, 10 % est un rendement tout à fait possible y compris une fois payés les taxes et impôts. Il y a des fonds spéculatifs qui, même malgré la crise, peuvent rapporter beaucoup plus sans problème.
Sur un an, ce ménage gagne donc 100 000 €. Supposons qu’il a probablement d’autres sources de revenus, qu’il utilise seulement 20 000 € sur ce profit pour sa consommation personnelle, qu’il les dépense. Il peut alors placer les 80 000 € restants, les ajouter à son million d’euros. Son capital a augmenté de 8% et s’élève maintenant à 1 080 000 €, et à ce compte, il atteindra les 2 millions d’€ dans une douzaine d’années. Il aura doublé en 12 ans et dans encore 12 années, il aura encore doublé et s’élèvera à 4 millions d’€.
Seulement, il y a une condition incontournable pour que ces 80 000 € puissent être placés, il faut qu’ils trouvent un débouché, c’est à dire qu’ils puissent être transformés en titres, mais en nouveaux titres, en titres supplémentaires par rapport à l’année précédente. Ce qui veut dire que le mécanisme d’accumulation implique donc la nécessité d’une croissance absolue du capital financier.
Toujours plus de capital implique toujours plus de profits et aboutit à encore plus de capital et ainsi de suite ….
Le mécanisme d’accumulation aboutit donc à un besoin permanent pour le capital de trouver toujours de nouveaux débouchés. Comme ce capital se réduit à des titres de propriété et de créances, il doit toujours y avoir de nouvelles émissions d’actions, ainsi qu’une augmentation continuelle de la masse de créances. Toujours plus d’actions, donc d’entreprises, d’investissement industriel, de production de marchandises, et toujours plus de crédit, c’est à dire toujours plus d’endettement.
A partir de ce mécanisme d’accumulation du capital, on comprend beaucoup mieux pourquoi le capitalisme entretient une liaison passionnée avec les crises.
Capitalisme et crises
La logique interne du système le conduit inexorablement à accumuler du capital, jusqu’à trop. Trop par rapport aux besoins réels de financement de l’économie, et surtout trop par rapport aux possibilités solvables de consommation. Il arrive toujours un moment où il y a trop d’entreprises, trop de production de marchandises, trop de crédit. Il y a suraccumulation de capital
Les profits ne trouvent plus suffisamment de débouchés pour s’accumuler aux capitaux déjà existants. L’accumulation devient de plus en plus difficile.
Les capitaux se font concurrence et les profits chutent. Une partie des capitaux se réfugie dans la spéculation.
Le moteur économique s’étouffe et les faillites et défauts de paiement apparaissent : c’est la crise.
La crise n’est pas éternelle, du moins jusqu’à présent car nous verrons dans quelques instants que la crise actuelle est d’un type particulier. La crise permet une bonne purge, avec des faillites industrielles et bancaires à la clé, ce qui entraîne la destruction d’une partie du capital surabondant. Au bout d’un temps plus ou moins long, l’économie capitaliste repart pour un nouveau cycle d’accumulation, jusqu’à la prochaine crise. Une grosse crise s’accompagne souvent de conflits avec des destructions de bâtiments et d’infrastructures diverses, dont la reconstruction facilitera la relance.
La crise n’est donc pas un accident dans la logique interne du capitalisme, mais apparaît comme un mode normal de régulation de ce système.
Seulement, derrière ces mécanismes apparaît encore une nouvelle question, celle de la limite du capitalisme.
La limite du capitalisme
Le mécanisme d’accumulation conduit donc le capitalisme à une dynamique de croissance permanente, avec un besoin permanent de trouver de nouveaux débouchés. Au fur et à mesure de son développement, il va donc devoir absorber tous les marchés solvables de la planète. C’est ce qu’il a fait, depuis son décollage il y a environ deux siècles, il a petit à petit envahi tous les pays de la planète et tous les secteurs de la production. Aujourd’hui, avec sa mondialisation, c’est cette conquête qui est en train de se finaliser.
Seulement, la mondialisation du capital aboutit inévitablement à une raréfaction des débouchés, il y en a forcément de moins en moins.
Il y a bien sur toujours des niches pour les capitalistes les plus malins ou les plus chanceux. Il existe encore des possibilités de croissance en Chine ou une partie de la population s’enrichit. Mais cet enrichissement repose sur des déséquilibres économiques et financiers, et sur un accroissement des inégalités qui sont tels, qu’aucune certitude ne peut être établie sur les réelles possibilités, futures, de croissance de la Chine.
La croissance actuelle y repose sur les délocalisations de production et les exportations, c’est à dire sur un transfert de croissance à partir des vieux pays capitalistes, transfert qui ne bénéficie pas à la grande masse de la population chinoise qui risque surtout de rester toujours exclue de la consommation.
Avec la mondialisation, on approche donc une véritable limite physique à l’accumulation du capital. C’est l’existence de cette limite qui faisait dire à Marx que le capitalisme était historiquement condamné.
Évolution depuis les années 1930
Ce que je viens d’expliquer, cette logique d’accumulation et ses conséquences, la dynamique de croissance qui en découle, le besoin permanent de nouveaux débouchés, ça nous fournit ce qu’on appelle une grille de lecture marxienne de l’économie capitaliste. A partir de cette grille, nous pouvons par exemple expliquer les causes profondes des crises économiques, ou interpréter l’évolution du capitalisme. On va d’ailleurs maintenant examiner une partie de l’histoire du capitalisme à l’aide de cette grille de lecture, on démarrera avec la crise des années 1930.
Pourquoi la crise des années 30 ? Parce qu’elle fut la dernière grande crise et la plus importante qu’a connu le capitalisme jusqu’à présent. Les défauts de paiement, les faillites d’entreprises, d’établissements financiers furent sans précédent, les bourses s’effondrèrent de 90 %. Il y eut donc une destruction massive de capital. Après la guerre, cette absence de capital faisait tellement défaut que la reconstruction s’annonçait difficile dans les pays d’Europe et que les États-unis qui s’étaient bien enrichis pendant la guerre durent prêter de l’argent.
De la fin de la guerre à la fin des années 60, les états se mettent au service du capital. C’est ce qu’on appelle le capitalisme régulé :
on nationalise des banques et des grosses entreprises pour mieux les refinancer, l’état dépense pour la reconstruction,
on évite la concurrence étrangère en mettant des barrières douanières, les capitaux ne peuvent plus s’exporter, ce qui n’est pas du tout un problème pour leurs propriétaires puisqu’il y a du profit à faire sur place.
on achète pour un temps la paix sociale avec le programme du Conseil National de la Résistance.
C’est une très forte période de croissance, avec très peu de chômage. Les profits décollent, le capital s’accumule à nouveau, les fortunes se reconstituent comme avant la guerre et de nouvelles apparaissent. Le capital s’accumule tellement bien que, dès la fin des années soixante, on assiste à une baisse des profits.
Des années 70 à aujourd’hui
Les années 70 voient à nouveau la crise, mais cette fois, c’est celle du capitalisme régulé. Les capitaux se sont tellement accumulés qu’ils n’arrivent plus à s’investir dans leurs propres pays. La stagnation économique et l’inflation s’installent durablement, le chômage commence à grimper malgré les mesures de relance des gouvernements. Le capitalisme régulé a tellement bien fonctionné, tellement bien joué son rôle dans la relance, qu’il a atteint ses propres limites d’efficacité.
Pour sortir de cette impasse, pour que le capital puisse trouver les nouveaux débouchés, nécessaires à son accumulation, les décideurs économiques et financiers n’ont plus d’autre choix, d’autre solution ,que d’ouvrir les frontières aux capitaux et aux entreprises. Les gouvernements, à commencer par ceux de Reagan et de Thatcher, font le choix du libéralisme, avec l’aide des grandes institutions mondiales que sont le FMI, l’OMC, la Banque Mondiale, etc.
Du milieu des années 70 à aujourd’hui, c’est la période de mondialisation du capitalisme.
les délocalisation de production s’enchaînent vers les pays à faible salaires
le décrochage des monnaies avec l’or officialisé en 1975 permet une création massive de monnaie de crédit par le système bancaire.
on assiste à un gonflement inouï du crédit, et donc de l’endettement des ménages, des entreprises et maintenant des états.
le capital financier bénéficie au passage d’une accumulation sans précédent. Les plus riches s’enrichissent comme jamais.
Depuis les années 80, les éclatements de bulles spéculatives et les crises financières se succèdent. Ça a commencé dans les pays d’Amérique latine, le Brésil, l’Argentine, puis l’Asie avec la crise des dragons asiatiques, la Russie, puis encore l’Argentine, la bulle internet, la crise des subprimes, qui n’est toujours pas réglée et s’accompagne d’une crise immobilière. De nos jours c’est l’Irlande, la Grèce, le Portugal et l’Espagne qui seront suivis par bien d’autres car les déséquilibres monétaires et financiers métastasent partout sur la planète.
La crise systémique
Au stade actuel de développement de la crise, début 2011, que ce soit par ses effets sociaux, ou par l’accroissement des déséquilibres économiques, pas un pays n’est totalement épargné. La crise est mondiale.
Aujourd’hui pratiquement tout le monde dépend directement ou indirectement de ce système, y compris ceux qui en sont exclus parce qu’ils ne sont pas solvables et encore moins rentables, et qu’ils ne le seront jamais. Tous les secteurs de l’économie et l’ensemble des populations sont concernés. C’est donc une crise globale.
Jamais l’endettement général n’a atteint de tels niveaux, c’est une crise de suraccumulation de capital financier sans précédent historique,
Cette crise est ce qu’on appelle une crise systémique, c’est à dire qu’elle découle directement de la logique interne du système capitaliste, directement de son fonctionnement normal, de ses propres fondements économiques. C’est aussi une crise qui concerne l’ensemble du système, et c’est une crise sans issue définitive tant que l’on ne touchera pas aux fondements mêmes du système, c’est à dire à la propriété privée du capital.
La réponse capitaliste
Alors, quelles réponses à la crise ? Et bien, il y a deux grandes réponses possibles, la première est la réponse capitaliste.
On considère que le capitalisme peut être sauvé, que le capital peut indéfiniment trouver de nouveaux débouchés pour s’accumuler, que la crise n’est que conjoncturelle et qu’on va s’en sortir comme des précédentes par un judicieux mélange de mesures libérales et keynésiennes. On essaye alors de relancer les moteurs de l’avion, et de réparer les avaries en répondant aux différents effets de la crise par des mesures diverses.
Au niveau des entreprises, on fait le maximum pour essayer de dégager du profit. Les conditions de travail se détériorent, les restructurations et délocalisations s’enchaînent, ainsi que les licenciements.
Les gouvernements de droite comme de gauche, tranchent dans les budgets sociaux, suppriment de plus en plus d’emplois publics, mènent une politique d’austérité sociale tout en aidant les entreprises et les actionnaires.
Les privatisations de services publics sont à l’ordre du jour dans tous les pays. Il faut bien voir que ça fait de très bons débouchés pour perpétuer encore un peu l’accumulation du capital. C’est dans cette seule optique qu’il faut comprendre les privatisations, parce que rien d’autre ne les justifie vraiment.
Les banques centrales et les banques privées créent de plus en plus massivement du crédit, donc de la dette, des montagnes de dettes, avec une instabilité toujours croissante, avec le risque d’une catastrophe financière et monétaire sans précédent à partir d’un certain seuil d’aggravation de la crise.
Les aides aux entreprises et les cadeaux fiscaux aux plus riches ont des conséquences très négatives sur les déficits publics, déficits qui se creusent partout malgré les promesses de les diminuer, malgré les privatisations.
L’endettement public s’amplifie. Au Japon il atteint même le double du PIB. Au États-unis, l’endettement public et privé atteint trois fois et demi le PIB.
Et malgré tout ça, la crise est toujours là ! Les quelques signes d’amélioration possible ne sont jamais durables. Le chômage grimpe, les conséquences sociales s’aggravent, la pauvreté se répand. Chacun voit bien que ces mesures ne font rien d’autre que repousser l’échéance, tout en aggravant les déséquilibres et les contradictions, sans jamais rien régler sur le fond du problème. Le système s’enfonce dans une infernale fuite en avant, à plein gaz dans l’impasse du capitalisme mondialisé. Dit autrement : on va dans le mur !
On entend parler à droite comme à gauche de réguler le capitalisme, de réguler les banques, la finance. Comme si la crise n’était pas le résultat du fonctionnement normal du capitalisme, mais le résultat de simples excès que l’on pourrait corriger à l’aide de quelques mesure s appropriées.
Nous ne sommes plus du tout dans le contexte de redémarrage économique d’après 1945, et il faut bien comprendre que maintenant fixer des contraintes supplémentaires au profit ne peut pas suffire pour sortir le capitalisme de sa crise, mais au contraire risquerait de l’y enfoncer encore plus rapidement. La régulation du capitalisme est donc essentiellement une illusion destinée à rassurer ceux qui ne connaissent pas encore la vrai nature de ce système.
Bien sûr, même la crise de sa mondialisation ne suffira pas pour tuer le capitalisme et il pourra toujours rebondir. Seulement, il ne pourra vraiment le faire qu’après une bonne purge, une purge à la hauteur de la suraccumulation de capital financier la plus énorme que l’on n’ait jamais connue. Avec, à la clé, une récession économique et sociale sans précédent et des risques de conflits majeurs, le tout aggravé par une crise écologique à laquelle le capitalisme est dans l’incapacité d’apporter des réponses.
D’autre part, les perspectives de débouchés futurs ne sont plus du tout comparables à celles d’après 1945, et une fois passés le chaos et la période de reconstruction, le capitalisme retoucherait rapidement les limites actuelles.
La mondialisation est aujourd’hui effective et il n’y a pas d’autre monde à conquérir pour le capital.
La réponse socialiste
La deuxième réponse à la crise est la réponse socialiste, alors attention, il faut ici entendre le socialisme dans son sens originel, pas dans son sens socio démocrate. Le socialisme n’est pas conçu comme un mode de gestion du capitalisme comme l’entendent aujourd’hui le parti socialiste et ses alliés de gauche, mais comme un système socio-économique à part entière, qui repose sur d’autres fondements que ceux du capitalisme, et qui n’est pas non plus obligatoirement un système étatique comme dans les expériences du 20e siècle.
La logique du capitalisme découle directement de la propriété privée du capital. C’est à dire du privilège de l’argent et c’est ce privilège qu’il faut abolir dans l’intérêt général. Dépasser le capitalisme, ça veut dire dépasser la propriété privée du capital, et ça passe par des réformes majeures et incontournables.
Aujourd’hui, le système monétaire et financier est régi par la seule loi du profit, les banques privées créent la monnaie et prêtent l’argent dans la seule optique de dégager du profit pour leurs actionnaires. Dépasser le capitalisme, ça passe inévitablement par un système bancaire public, qui créera la monnaie et qui attribuera les crédits sur d’autres critères que le profit immédiat de quelques privilégiés.
Aujourd’hui, la principale contrainte des entreprises, celle qui engendre la course au profit, les délocalisations, les licenciements, c’est la contrainte des actionnaires, la contrainte de la propriété privée. Il faut donc libérer l’entreprise de ses actionnaires ! Dépasser le capitalisme, ça passe donc par un nouveau statut de l’entreprise, qui ne doit plus avoir le statut de propriété privée, mais celui d’une association de travailleurs, qui la gèrent eux-mêmes. Et qui sera financée par du crédit public. Ce qu’on appelle aussi l’autogestion socialiste.
C’est sur ces deux profondes réformes que reposera la base économique d’un nouveau modèle socialiste. C’est sur ces nouveaux fondements que nous pourrons enfin construire un autre monde. C’est aujourd’hui la seule réponse cohérente possible pour sortir du capitalisme et de la crise du 21eme siècle.
Alors comment faire aujourd’hui, pour pouvoir mettre en oeuvre cette indispensable révolution économique et sociale ? Bien ça, c’est une question qui va au delà de cet exposé, une question dont les réponses sont bien sûr d’ordre politique.
Disons simplement, pour conclure, qu’il ne faut rien attendre des institutions politique mises en place par le système capitaliste, à son propre service. Une transformation sociale majeure passe toujours par la mobilisation des forces sociales.
Une mobilisation non pas seulement sur de simples actions de résistance aux conséquences du capitalisme mondialisé, ni sur des revendications restant dans le cadre du rapport salarial capitaliste, mais une mobilisation sur la base d’un projet global, réellement alternatif, un projet anticapitaliste pour un socialisme du 21e siècle.
Mobilisation et projet qu’il y a maintenant urgence à construire…
Michel Lasserre
L’annonce la semaine dernière par la Banque centrale européenne (BCE) qu’elle allait accélérer ses achats d’actifs en vertu de son programme d’assouplissement quantitatif a fourni un nouvel aperçu révélateur de l’état des marchés financiers mondiaux. Cela met en évidence leur volatilité et l’absence de plan d’ensemble des autorités financières, soi-disant en charge, qui se précipitent d’un point chaud à l’autre, cherchant à empêcher l’éruption d’une nouvelle crise.
La décision d’accélérer les achats en mai et juin est venue en réponse à une baisse majeure des obligations allemandes à 10 ans, les Bunds. Leur rendement, qui change dans une relation inverse au prix, a bondi de près de zéro à plus de 0,55 pour cent en quelques jours.
Annonçant la décision lundi dernier, Benoit Cœuré, membre du directoire de la BCE, a dit que ce n’était pas le retournement des cours des Bunds ou d’autres obligations souveraines qui inquiétait, mais la rapidité avec laquelle il s’est produit car c’était un autre signe de « volatilité extrême » et de « liquidité réduite ». En d’autres termes, la BCE craint que si la vente prenait de l’ampleur, ceci pourrait être le début d’une crise majeure et donc qu’il était nécessaire d’intervenir.
La réaction des marchés financiers à la promesse de financement accru de la BCE indique la montée du parasitisme qui est devenu le trait principal des marchés financiers et d’une façon plus générale, de l’économie mondiale.
Malgré l’inquiétude que l’économie américaine ne connaîtrait pas de reprise au deuxième trimestre – après un taux de croissance de seulement 0,2 pour cent au premier trimestre, chiffre qui pourrait bien être révisé à la baisse – que la stagnation continue en Europe et que les signes d’un ralentissement important en Chine sont de plus en plus nets, les marchés financiers se sont réjouis. L’indice clé de Wall Street, le S & P 500, a connu deux pics record la semaine dernière, l’indice des valeurs industrielles Dow a connu lui aussi un jour record.
La hausse des marchés boursiers n’est pas un signe de bonne santé mais plutôt d’une maladie de plus en plus incurable de l’ordre économique mondial. C’est devenu clair vendredi dernier lorsque les marchés ont chuté en réaction à l’allusion de Janet Yellen, de la banque centrale américaine, que celle-ci envisageait peut-être un léger virage vers un régime plus normal de taux d’intérêt plus tard dans l’année. Il est presque certain que les marchés répondront positivement à toutes données économiques mauvaises parce que de telles nouvelles garantiront qu’on ne fermera pas le robinet d’argent gratuit.
Le caractère mondial de ce parasitisme effréné s’est montré dans les données publiées la semaine dernière sur l’état des marchés financiers chinois. Les courtiers chinois ont levé 14 milliards de dollars de capital cette année, plus que les trois dernières années réunies et ils en ont investi la moitié dans le marché boursier.
Cet argent est utilisé pour des opérations de prêt avec appel de marge où les prêts sont garantis contre les actions achetées. Malgré de nouveaux signes de ralentissement de la croissance chinoise – la production des usines, selon le dernière indice des directeurs d’achat, s’est contracté pour le troisième mois d’affilée et est à son plus bas niveau depuis un an – l’indice composite de Shanghai est déjà en hausse de 44 pour cent cette année. Il est alimenté par la conviction qu’à mesure que l’économie chinoise empirera, les autorités financières vont baisser les taux d’intérêt et prendre d’autres mesures pour accroître l’offre de crédit.
La maladie cependant, se trouve au cœur même de l’économie mondiale et du système financier. Selon un article publié dans le New York Times la semaine dernière, le secteur financier enregistre des profits qui, proportionnellement à l’économie, sont aussi élevés qu’ils l’étaient au début des années 2000, tandis que les fusions et les acquisitions, organisées par les institutions financières de Wall Street, dépassent le niveau atteint avant la crise financière mondiale de 2008.
L’augmentation de l’activité financière va de pair avec une criminalité accrue. Un autre article du New York Times publié au début du mois faisait remarquer que dans un récent sondage, un tiers des personnes qui gagnait plus de €500.000 par an ont dit qu’elles avaient, soit été témoins soit avaient eu connaissance directe de méfaits. Près d’un sur cinq a estimé que « les professionnels des services financiers doivent parfois se livrer à une activité contraire à l’éthique ou illégale pour réussir dans l’environnement actuel ». Compte tenu de la tendance à ne pas avouer la pratique d’activités criminelles, même dans un sondage, ces deux chiffres sont susceptibles d’être encore plus élevés.
La montée du parasitisme financier laisse présager l’éruption d’une nouvelle crise financière mondiale. Cependant, comme l’indique clairement l’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) la semaine dernière, la situation est sensiblement différente d’il y a sept ans.
Avant 2008, les banques centrales n’étaient pas directement impliquées dans les opérations quotidiennes des marchés financiers. Elles se tenaient à l’écart, agissant en tant que gardiens de la stabilité du système financier et établissant le cadre de ses opérations. Aujourd’hui, elles sont des participants actifs dans le marché et leurs activités deviennent une source d’instabilité comme le démontre le cas de la BCE.
Suite à la décision de la BCE de commencer les achats de dette souveraine en mars au rythme de €60 milliards par mois au moins jusqu’en septembre 2016, le rendement sur les obligations souveraines a plongé à zéro et en dessous car on croyait que leur prix continuerait de monter en raison des achats de la Banque centrale. Mais lorsque le prix des obligations a chuté, la BCE a dû intervenir soudainement de peur que le château de cartes qu’elle avait créé ne s’effondre.
Il est impossible de prédire ce qui sera la cause immédiate d’une nouvelle crise. Très probablement, ce sera quelque chose qui n’aura pas été prévu par les autorités financières. Dans la période menant au 15 septembre 2008, il y eut des avertissements quant au danger croissant venant de la croissance du marché américain des prêts hypothécaires sub-prime. Mais le président de la Banque centrale américaine, Ben Bernanke, affirmait que cela n’aurait pas d’effet plus large en raison de la petitesse de ce marché par rapport au système financier dans son ensemble.
Quelle que soit l’étincelle initiale, les conditions objectives d’une nouvelle crise sont contenues dans les opérations mêmes du système financier. Les profits financiers ne peuvent pas continuer à augmenter indéfiniment dans des conditions de stagnation et de récession de l’économie réelle, parce que, en dernière analyse, les actifs financiers représentent une créance sur la richesse réelle. Le prix des actifs peut continuer d’augmenter — même pendant une période considérable – tant que l’argent continue d’être déversé sur les marchés, mais quand la bulle éclate, ils s’avèrent être « toxiques ».
Si le cours des événements financiers ne peut être prédit de façon exacte, la réponse des élites dirigeantes elle, est déjà définie. Pendant les sept dernières années, leur politique a conduit à l’accumulation de vastes fortunes pour les spéculateurs et les criminels aux sommets de la société, tandis que les conditions pour la masse des travailleurs ont empiré.
Maintenant, ils ont l’intention de développer cette attaque. Leur détermination fut affichée lors de la conférence annuelle de la BCE à Sintra au Portugal pendant le week-end. Le président de la BCE Mario Draghi y a appelé à des « réformes structurelles » pour réaliser le « potentiel inexploité » pour une production plus élevée.
L’affirmation de croissance plus élevée n’est que de la poudre aux yeux comme la précisé les l’économiste londonien Paul De Grauwe dans un commentaire. Il a dit que quand la Banque centrale appelait à « des réformes structurelles » cela signifiait en réalité que le système de protection étatique devait être supprimé. La banque, a-t-il dit, « se positionnait en dehors du processus démocratique ».
L’imposition de la dictature financière n’est pas une question hypothétique – elle a déjà été mise en œuvre en Grèce, menant à l’appauvrissement de millions de personnes. Dans des conditions où elles n’ont pas de solution à l’aggravation de la crise, les élites financières et leurs représentants exigent qu’elle soit étendue.