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Un ministre du Parti québécois défend sa « charte de la laïcité » en falsifiant l’histoire

mercredi 23 avril 2014, par Robert Paris

Un ministre du Parti québécois défend sa « charte de la laïcité » en falsifiant l’histoire

Par Félix Gauthier

Le ministre des affaires internationales du gouvernement péquiste, Jean-François Lisée, a publié plus tôt cette année un commentaire dans le New York Times pour défendre le projet de loi 60, mieux connu sous le nom de la charte des valeurs ou charte de la laïcité. Ce projet de loi représente une mesure anti-démocratique qui a pour but, face à l’intensification des tensions sociales, d’obscurcir les intérêts de classe communs des travailleurs et de les diviser sur une base ethnique. Le gouvernement Marois cherche ainsi à rallier une section de la population derrière un programme nationaliste d’austérité qui correspond aux intérêts du patronat québécois.

Dans une tentative frauduleuse de présenter la charte comme une mesure progressiste, Lisée parle beaucoup dans son article d’égalité entre hommes et femmes et de laïcité face au supposé danger de l’intégrisme religieux. Le fait est que le texte de la charte est formulé de manière à ce que seuls des symboles religieux non-chrétiens soient touchés par l’interdiction pour les employés de l’État d’en porter au travail. Aucun représentant du Parti québécois n’a expliqué comment on protégerait les femmes musulmanes contre l’intégrisme religieux en les privant de travail.

Lisée compare le projet de loi du PQ au principe de la séparation entre l’église et l’état mis en avant par Jefferson et les révolutionnaires américains. Son invocation de la laïcité sert en fait de couverture politique à un programme d’austérité et d’accroissement des inégalités sociales, par la destruction des acquis sociaux gagnés de haute lutte par les travailleurs dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Les révolutions bourgeoises du dix-huitième siècle, quant à elles, étaient dirigées contre les privilèges féodaux et ont mené à une vaste expansion de l’égalité et des droits démocratiques.

Un gouffre sépare les penseurs des lumières du dix-huitième siècle, qui avançaient des idéaux égalitaires et universalistes, de ceux qui entreprennent aujourd’hui une campagne contre les minorités ethniques et religieuses, au Québec et en Europe. Alors que les défenseurs des « valeurs libérales et séculaires » de nos jours sont en croisade pour affirmer « l’identité nationale » au détriment des populations minoritaires, les révolutionnaires bourgeois comme Jefferson luttaient pour l’abolition du privilège aristocratique et pour le remplacement du sujet féodal par le citoyen muni de tous ses droits légaux.

Contrairement à ce que Lisée présente aux lecteurs du Times, les origines de la charte sont bien plus récentes que la révolution tranquille, un programme de réformes lancé par l’élite dirigeante canadienne-française dans les années 60 pour établir en particulier le contrôle de l’état sur les réseaux de l’éducation et de la santé aux dépens de l’église catholique. Loin de s’inscrire dans une continuité laïque et encore moins progressiste, la charte du PQ s’inspire de la campagne de droite initiée par l’ADQ et le Journal de Montréal en 2006-2007 pour présenter les accommodements accordés aux minorités religieuses comme une menace existentielle pour les « valeurs québécoises ».

Exagérant des faits mineurs, généralement résolus entre les parties concernées avant que les médias sensationnalistes s’en emparent, l’ADQ a tenu un discours populiste visant à exploiter le mécontentement populaire envers les anciens partis, surtout le PQ. Ce dernier avait alors choisi de se tenir à l’écart du débat, au désaccord de Pauline Marois. Dès son arrivée à la tête du PQ, Marois a mis de l’avant une série de propositions anti-démocratiques, y compris un projet de citoyenneté québécoise privant de droits politiques les nouveaux arrivants au Québec qui ne démontreraient pas une maîtrise suffisante de la langue française après trois ans.

Les mesures chauvines du PQ sont l’expression au Québec d’un phénomène international. Ce n’est pas un hasard si le projet de loi 60 est présenté durant une période de profonde crise du capitalisme mondial. Le risque d’opposition de masse au programme d’austérité des classes dirigeantes augmente de jour en jour, c’est pourquoi les élites du monde entier ont de plus en plus recours au chauvinisme et à la stratégie de « diviser pour régner ». En Europe, les campagnes gouvernementales contre les roms, les musulmans, et les populations immigrantes, renforcent les partis néofascistes et visent à faire des minorités les boucs-émissaires de la crise du capitalisme.

Malgré sa pose démocratique et égalitaire, Lisée affiche ouvertement son affiliation idéologique avec les chefs de file du mouvement d’austérité en Europe. Citant sur un ton approbateur les leaders du néoconservatisme Européen, le premier ministre de la Grande Bretagne David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel, Lisée annonce que « l’échec du multiculturalisme » en Europe s’applique aussi au Québec.

Dans un discours prononcé en 2011 à la Conférence de Munich sur la Sécurité, David Cameron a décrit le multiculturalisme et la tolérance des différences religieuses comme étant l’une des causes principales de la « montée du terrorisme en Europe », et a proposé qu’on le remplace par un « libéralisme musclé », c’est-à-dire par un état qui ne dit pas « à ses citoyens qu’on les laisse tranquilles tant qu’ils obéissent à la loi », mais qui impose activement ses « valeurs » en opposition à la « tolérance » du passé.

Cette dénonciation de la tolérance prend place à une époque où la classe dirigeante n’est plus en mesure de rallier la population derrière elle par des concessions sociales. Elle fait partie d’appels de droite visant à manipuler l’opinion publique pour imposer d’en haut un supposé « consensus national », basé sur les conceptions les plus réactionnaires, afin de justifier des attaques frontales contre la classe ouvrière et des guerres de conquête à l’étranger. Elle est diamétralement opposée à une critique socialiste du multiculturalisme officiel (pratiqué notamment par la classe dirigeante canadienne) qui vise à masquer les différences de classe en encourageant les politiques identitaires.

Dans son article au New York Times, Lisée ne recule devant rien, y compris la falsification historique, pour donner une apparence progressiste à la charte profondément anti-démocratique du PQ.

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