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Inde : Le procès truqué des travailleurs de l’automobile de Maruti Suzuki se poursuit

mardi 31 décembre 2013, par Robert Paris

Inde : Le procès truqué des travailleurs de l’automobile de Maruti Suzuki se poursuit

Par Kranti Kumara

Cent quarante sept travailleurs de Maruti Suzuki, qui font face à une longue liste de fausses accusations, y compris celle de meurtre, à la suite d’un complot ourdi par le constructeur automobile, le Parti du Congrès du gouvernement de l’Etat d’Haryana et la police, doivent comparaître pour leur prochaine audience au tribunal, le vendredi 20 décembre.

Les travailleurs pris pour cible travaillaient pour Maruti Suzuki India Ltd. (MSI) à son usine de montage de voitures de Manesar, située dans une énorme zone industrielle dans le nord de l’Etat de Haryana et ils étaient à l’avant-garde d’une lutte combative contre un système brutal de travail et d’emploi et l’utilisation de travailleurs contractuels mal payés.

Les travailleurs sont tous accusés du meurtre d’un cadre des ressources humaines de MSI en juillet 2012 au cours d’une altercation provoquée par la direction. Incarcérés depuis août-septembre 2012, ils ont été soumis à une torture brutale par la police, à la demande et en présence de représentants de l’entreprise. (Voir : "Inde : Des travailleurs de Maruti Suzuki emprisonnés sont soumis à la torture")

Douze des travailleurs, comprenant l’ensemble de la direction du MSWU, un syndicat indépendant, formé en opposition au syndicat maison à la botte de la compagnie, ont été spécialement visés par les poursuites en vue de peines exemplaires. Ils ont tous été accusés de meurtre avec préméditation, tandis que les 135 autres ont été accusés de complicité de meurtre. Tous les travailleurs sont également accusés d’autres crimes, y compris la tentative de meurtre, l’émeute, la "réunion irrégulière" et l’intrusion.

A ce jour il y n’a eu aucune enquête indépendante sur la mort du cadre tué en juillet 2012. Au lieu de cela le gouvernement de l’Etat contrôlé par le Parti du Congrès a pris prétexte de l’altercation pour persécuter les travailleurs et tenter de briser le MSWU. En plus de l’arrestation de près de 150 ouvriers sur la base des listes de noms fournies par la direction de MSI, le gouvernement a appuyé le constructeur automobile lorsqu’il a purgé ses effectifs. En septembre 2012, plus de 500 salariés permanents et 2000 contractuels ont été licenciés.

Du fait que l’ensemble des dirigeants du MSWU sont en prison, d’autres ouvriers ont formé un Comité provisoire du MSWU pour soutenir leur lutte.

Les tribunaux ont déjà manifesté leur hostilité absolue aux travailleurs, refusant d’enquêter sur leur torture et leur refusant la liberté sous caution, condamnant ainsi leur famille à la misère.

Le gouvernement du Parti du Congrès de Haryana, la police et les tribunaux sont déterminés à châtier de façon exemplaire ces travailleurs, dont le seul crime était de se battre pour leurs droits, afin d’intimider toute la classe ouvrière. Ceci est fait afin de garantir aux compagnies actives dans la ceinture industrielle de Gurgaon-Manesar, dont beaucoup sont des transnationales étrangères, que le gouvernement et l’Etat feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que les travailleurs se soumettent aux conditions brutales de travail et aux bas salaires, dont les entreprises dépendent pour extraire leurs profits. Ainsi, par exemple, les travailleurs de Manesar MSI sont soumis à une pression sans relâche pour leur faire produire une voiture toutes les 45 secondes.

Les terribles difficultés rencontrées par les travailleurs ont été décrite avec des détails poignants par Mahaveer, un des membres du Comité provisoire de la MSWU, qui a parlé récemment au World Socialist Web Site par téléphone.

Quand nous lui avons demandé de décrire les conditions de vie des travailleurs emprisonnés, il a indiqué que : « La situation actuelle est vraiment mauvaise. Initialement en 2012 quand ils ont été mis en prison, la police a exercé des tortures de troisième degré sur les travailleurs [ndt. : référence à des formes extrêmes de tortures policières destinées à soutirer des aveux], mais il n’y a eu pas eu de torture plus récemment. Toutefois, l’administration torture les travailleurs mentalement en les maintenant en prison et en ne leur permettant pas de sortir, même pour de courtes durées pour des questions familiales importantes, comme par exemple les funérailles d’un proche. Si quelqu’un tombe malade, les soins médicaux appropriés ne sont pas fournis et il est extrêmement rare d’obtenir une mise en liberté conditionnelle, même pour un traitement médical. Il y a quelques mois un travailleur a contracté la tuberculose en prison et a obtenu six mois de mise en liberté conditionnelle pour son traitement. Ces six mois sont bientôt terminés et il sera remis en prison. »

Pendant ce temps, le régime brutal de travail à l’intérieur de l’usine de voiture de Manesar se poursuit sans relâche, avec une police présente en grand nombre pour intimider constamment les travailleurs. « La répression contre les travailleurs de l’usine est sévère pour ceux qui travaillent à l’usine », a expliqué Mahaveer. « Il y a une présence policière 24 heures sur 24 dans l’usine. Les travailleurs sont constamment intimidés et on leur dit de ne pas faire entendre leur voix, sinon ils seront mis en prison et renvoyés. Les membres de leur famille ont également été menacés par la police. »

En outre, la direction a essayé de briser la combativité ouvrière en transférant des travailleurs, qu’elle considère comme des « fauteurs de troubles » dans des usines automobiles d’autres États.

Mahaveer a indiqué que « Les travailleurs associés aux luttes précédentes sont déplacés sur divers autres États comme en Himachal, au Pradesh et en Uttar Pradesh, en Orissa ou au Bihar, pour des périodes de six mois afin de les isoler. Pendant ce temps, de nouveaux travailleurs ont été embauchés ».

La chasse aux sorcières à l’encontre des travailleurs de Maruti Suzuki est soutenue par les partis parlementaires staliniens, le CPI(M) (Parti communiste de l’Inde – Marxiste) et le CPI (Parti communiste de l’Inde) et leurs appareils syndicaux. Malgré une forte présence dans la ceinture industrielle de Manesar-Gurgaon, le CITU et l’AITUC, qui sont respectivement les extensions syndicales du CPI(M) et du CPI, n’ont pas levé le petit doigt pour mobiliser les travailleurs, non seulement en appui de leurs collègues aux abois à MSI, mais contre les conditions de travail dignes de l’esclavage qui ont cours dans l’ensemble du secteur.

Mahaveer a critiqué ces appareils syndicaux réactionnaires pour leur soutien totalement inefficace et leur rhétorique vide : « Le CITU et l’AITUC ont d’énormes branches dans l’Haryana, y compris à proximité des villes de Gurgaon et de Kaithal. Mais jusqu’à présent, mis à part de vaines promesses de soutien, ils n’ont pas apporté d’aide, que ce soit par un soutien financier ou une aide humaine. Ils ont soulevé des revendications concernant l’inflation et ainsi de suite, mais n’ont lancé aucune revendication pour les travailleurs persécutés de Maruti Suzuki. Une section locale du CITU à Kaithal a, à un moment, organisé quelques petites manifestations où l’une des demandes était de libérer les travailleurs de Maruti Suzuki, mais c’est tout, aucune aide financière ou humaine n’a été apportée. »

Bien que critique des syndicats staliniens, le MSWU, sous leur influence politique et celle de divers groupes maoïstes et de pseudo-gauche a concentré son énergie sur le fait de lancer des appels en direction du gouvernement du Congrès et des tribunaux, c’est-à-dire des appels aux politiciens capitalistes et aux institutions publiques qui portent la responsabilité des persécutions subies. Cette fausse perspective a conduit les travailleurs de MSI dans une impasse politique malgré le courage et la ténacité dont ils ont fait preuve ainsi que leurs familles.

Cela est apparu le 27 octobre, quand très peu de gens se sont présentés pour participer à une marche vers la maison du ministre de l’Industrie de l’Etat, lancée par le Comité provisoire de la MSWU. Mahaveer a toutefois justifié l’échec de l’action du 27 octobre en l’attribuant aux actions de la police, ce qui indique que le Comité provisoire de la MSWU a encore à tirer des leçons politiques plus larges de la collusion gouvernement-Etat-entreprise et de l’indifférence des partis staliniens et des syndicats, qui ont soutenus l’orientation de la classe dirigeante pour faire de l’Inde un producteur à main-d’œuvre bon marché pour le capitalisme mondial, au détriment de leurs conditions de vie.

« La manifestation du 27 octobre », a dit Mahaveer, « visait à protester contre l’accusation de manifestation avec lathi (le bâton) et de nombreuses autres fausses accusations contre les travailleurs qui ont fait suite à une précédente manifestation. Il s’agissait d’exiger que les cas de fausses accusations soient retirés. Nous avions prévu une grande manifestation de membres de la famille et des amis des travailleurs et également de certains militants syndicaux, mais la police et l’administration locale se sont opposées au mouvement en invoquant la loi répressive section 144, avant la date de la manifestation. De ce fait, nous n’avons pas pu tenir la manifestation comme prévue initialement. »

Interrogé quant à savoir comment ils envisageaient de poursuivre leur lutte, Mahaveer a répondu : « le MSWU a diverses actions prévues, y compris un « padyatra » (une marche de procession) à travers différentes villes et villages de l’Haryana pour sensibiliser les populations et lutter contre l’injustice faite aux travailleurs. Nous avons des rassemblements fréquents et des marches de protestation dans différentes villes du Haryana. Bientôt, nous allons essayer d’avoir aussi des rassemblements dans différentes villes de l’Inde. Nous marcherons sur Delhi pour réclamer la justice du gouvernement central (dirigée par le parti du Congrès).

Comme le WSWS l’a expliqué à plusieurs reprises, la seule voie pour aller de l’avant pour les travailleurs de Maruti Suzuki est de fonder leur lutte sur des grève et la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière en Inde et à l’étranger. La lutte contre le procès truqué et la défense des travailleurs abusivement licencié doit être liée au développement d’une contre-offensive de la classe ouvrière contre les conditions de travail, l’accélération des cadences de production et les conditions de travail de misère à travers toute l’Inde, qui soit animée par la reconnaissance du fait que les droits de la classe ouvrière ne peuvent être garantis qu’au travers d’un combat politique pour le pouvoir ouvrier et contre le système capitaliste dans son ensemble.

Messages

  • La colère populaire se développe dans la ceinture industrielle de Manesar-Gurgaon, à la périphérie de Delhi, capitale de l’Inde, après qu’un tribunal a infligé des peines d’emprisonnement à 13 travailleurs qui ont été accusés à tort de meurtre après une confrontation de la direction avec les travailleurs de juillet 2012 à l’usine de montage la plus importante du pays.

    Juste quelques heures après la lecture des sentences dans au tribunal du district de Gurgaon District, 30 000 travailleurs des usines Maruti Suzuki et des usines fournisseurs de Manesar et autour de Manesar ont mené une grève d’une heure, malgré les menaces de la direction d’une réduction de salaire de huit jours. L’action a arrêté la production à l’usine de montage de Maruti Suzuki à Manesar, scène de la confrontation de juillet 2012, et aussi à une deuxième usine de montage à Gurgaon, Maruti Suzuki Powertrain, à Suzuki Moto Inde et à deux sociétés de pièces automobiles.

    Les six syndicats locaux qui ont appelé la grève de samedi ont annoncé un rassemblement de protestation le 23 mars à Manesar, au mépris d’une interdiction de tous les rassemblements de 5 personnes ou plus que les autorités ont imposée à Gurgaon jusqu’au 25 mars, précisément parce qu’ils craignent l’opposition de masse des travailleurs au coup monté des travailleurs Maruti Suzuki.

    Le Syndicat des travailleurs de Maruti Suzuki (MSWU), formé par les ouvriers de l’usine de Manesar dans une rébellion contre un syndicat de marionnettes de la compagnie, rapporte également qu’il prépare une journée nationale de protestation le 4 avril.

    Le président du MSWU, Ram Meher, et les onze autres membres exécutifs du syndicat figurent parmi les 13 condamnés à la prison à perpétuité.

    L’avocat Rajendra Pathak, avocat de la défense pour certains des travailleurs faussement accusés a dénoncé les peines, disant à un journaliste du World Socialist Web Site : « Le pouvoir judiciaire est composé des gens qui ont l’esprit des capitalistes. Les riches ont tous les moyens dans cette société capitaliste, les juges aussi. »

    Pathak a déclaré que les travailleurs vont faire appel de leurs sentences et condamnation à la Haute Cour. « Il n’y a aucune preuve dans le dossier pour justifier les accusations de meurtre contre les 13 travailleurs condamnés », a déclaré Pathak. « Mais puisque la lutte est contre la société capitaliste, je ne peux pas dire avec certitude quel sera le résultat d’un tel cas. Il pourrait être prolongé pendant des années [...] et les 13 seront obligés de rester en détention jusqu’au jugement final. »

    Exprimant l’opposition croissante des travailleurs, un ouvrier d’une usine fournisseur de Maruti Suzuki a déclaré au Hindustan Times : « Aujourd’hui, c’est Maruti, demain c’est nous qui pourrions être en prison. Nous voulons que nos camarades soient libérés, mais Maruti a déjà unifié plus de travailleurs que n’importe quel syndicat n’aurait pu le faire. »

    Outre Ram Meher, les autres qui font face à des peines de prison à perpétuité sont Sandeep Dhillon, Ram Bilas, Sarabjeet Singh, Pawan Kumar, Sohan Kumar, Ajmer Singh, Suresh Kumar, Amarjeet, Dhanraj Bambi, Pradeep Gujjar, Yogesh et Jiyalal.

    Les travailleurs sont victimes d’un coup monté impitoyable perpétré par la Suzuki Corporation, la police et les autorités judiciaires, avec la pleine complicité des principaux partis politiques de l’Inde - le Parti du Congrès et le parti suprématiste hindou le Bharatiya Janata Party (BJP).

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