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Une discussion sur le point de vue de la Fraction de Lutte ouvrière au sein du NPA à propos de la crise mondiale du capitalisme initiée en 2007-2008

jeudi 9 mai 2013, par Robert Paris

Une discussion sur le point de vue de la Fraction de Lutte ouvrière au sein du NPA à propos de la crise mondiale du capitalisme initiée en 2007-2008

Cette crise date de plus de cinq ans et pourtant les idées divergent considérablement sur les causes de l’effondrement et sur la signification profonde de cette crise : crise cyclique classique ou non, crise seulement financière ou crise globale, crise de la dette ou crise bien plus fondamentale, crise historique ou simple accès de la conjoncture, pour ne citer que quelques unes des questions qui font toujours débat. Cela a une grande importance pour envisager les suites : récession suivie d’une reprise ou crise profonde dont le capitalisme ne peut pas se relever ?

Il faut rappeler que les crises cycliques du capitalisme, pour graves qu’elles puissent être y compris en termes sociaux et politiques, n’étaient rien d’autre que des respirations indispensables au système, des moyens, violents certes, de supprimer les blocages accumulés.

Pour la revue Convergences Révolutionnaires de la Fraction de Lutte ouvrière militant dans le NPA, il n’y a pas de grande nouveauté à la situation actuelle puisque la finance a toujours existé sous le capitalisme, pas de nouveauté non plus à l’intervention des Etats et pas de limite objective aux capacités des Etats à intervenir dans l’économie donc pas objectivement de crise capitaliste qui puisse jamais être insoluble. Donc aucune crise catastrophique puisque l’Etat n’a qu’à faire payer les travailleurs et comme aucun capitaliste ne pense que les Etats vont se casser la figure… ils ne vont pas se casser la figure.

CR écrit : « Pour faire face à la course aux taux d’exploitation et de profits sur l’arène mondiale, sur fond de folie de leurs combines financières, les industriels et les banquiers ont fait exploser les déficits publics, plus particulièrement ces toutes dernières années, quand il a fallu colmater la crise des subprime, devenue crise bancaire généralisée à l’été 2008. L’insolvabilité des États a grandi à tel point qu’il leur a fallu emprunter à leur tour à la finance à des taux insupportables pour les plus faibles d’entre eux. En cela, les dettes publiques ont bel et bien été les refuges et pompes à fric du capital…. Ce que cristallise aujourd’hui la crise des dettes publiques, c’est le rapport de forces en défaveur des travailleurs. Patronat et banquiers pensent qu’ils peuvent impunément creuser les déficits de l’État, parce que ces derniers sauraient se payer sur les classes populaires. »

C’est à se demander pourquoi les capitalistes ont été assez bêtes, dans toutes les crises précédentes, pour laisser des trusts et des banques chuter, se déclarer en faillite alors qu’il suffit que les Etats interviennent et… ces entreprises ne chutent pas.

Des crises économiques liées aux lois du capitalisme, il ne reste donc rien, selon cette conception, que la politique des gouvernants qui peuvent agir à leur guise pour empêcher toute faillite.

Quant aux causes de la situation, elles sont à chercher dans le Capital de Karl Marx puisque, déjà à cette époque intervenait le capital financier, la spéculation, la dette publique et que cette dernière était déjà là – du moins revue et corrigée par la lecture de nos camarades de CR – pour empêcher les crises !!

On croit rêver ou … avoir fait un cauchemar... qui n’en était pas un.

Le monde capitaliste aurait menti quand, en 2008, il a vu le gouffre qui s’ouvrait devant ses yeux…

En tout cas, la thèse selon laquelle la seule question qui se poserait aux travailleurs serait de ne pas trop payer les frais de la crise, qui se trouve être la position des réformistes au sein du mouvement ouvrier, est exactement la thèse de …. CR !!!

Cela signifie qu’on ne serait nullement dans une phase de l’Histoire dans laquelle l’alternative serait socialisme ou barbarie car le capitalisme serait certes plus dur avec les travailleurs mais nullement en train d’aller vers un gouffre et d’y entrainer toute la société…

Nous n’aurions donc qu’à discuter des politiques antisociales du patronat et du gouvernement, pas de la manière d’intervenir plus en amont sur la direction et l’orientation de toute la société. Du moins selon ces camarades…

Mais discuter des politiques gouvernementales et patronales, austérité ou aide à la croissance c’est se tromper de débat... C’est une discussion sur les médicaments, pas sur la maladie…

Ce n’est pas l’austérité qui a provoqué l’effondrement de 2007-2008 qui n’est pas une crise de défaut de croissance. Au contraire, c’est au plus haut sommet de la croissance que l’économie mondiale s’est heurtée à un iceberg et, depuis, l’ensemble des Etats du monde pompent les cales et n’ont jamais réussi à colmater le bateau…

Les Etats peuvent-ils investir à pertes sans fin et aller contre les tendances économiques pour sauver des trusts et des banques que les seules lois économiques auraient déjà fait chuter ? Y a-t-il des lois économiques ou la seule loi du pouvoir politique qui pourrait faire ou défaire des trusts et des économies ? N’est-ce pas une conception où le capitalisme est remplacé par le pouvoir d’Etat ?

On ne peut pas faire l’économie… d’une analyse de l’état de l’économie capitaliste globale à la veille de 2007. En bon état, celle-ci ne se serait pas effondré du fait d’une simple bulle spéculative des subprimes.

Il faut également s’assurer dans les analyses qui sont faites que l’on n’inverse pas les causes et les effets. Par exemple, on nous parle de récession mais celle-ci n’était pas du tout présente en 2007. On nous parle aussi de dettes privées mais d’où viennent-elles ? Sont-elles des causes ou des conséquences ? Ne proviennent-elles pas de la manière dont on a soigné un autre problème comme, depuis, les dettes publiques sont nées de la manière de soigner l’économie par les Etats. Ne prend-on pas ainsi aisément pour bouc émissaire le médicament de la période antérieure ?
On cite ainsi comme causes l’austérité, l’appauvrissement qui en est résulté, alors que, là aussi, c’est une conséquence plus qu’une cause…

Lutter contre l’austérité, ce n’est pas lutter contre la cause de la crise du capitalisme mais contre ses effets et c’est en ce sens là que c’est un piège réformiste.

Même la crise bancaire n’a été qu’un effet. Ou encore la chute des innovations technologiques.

C’est encore une fois au plus haut sommet de ses résultats et non dans une phase de chute que le capitalisme a connu sa crise. Ce n’est pas un simple accident financier qui aurait pu, dans une phase de croissance, entraîner une telle chute générale et spectaculaire. Il faut que le capitalisme se soit heurté autrement durement à un mur et que l’accident en question n’ait été qu’un révélateur… Ni les entreprises spéculatives de l’immobilier américain, ni la banque Lehman Brothers ne peuvent à elles seules expliquer la chute dramatique et brutale à laquelle on a assisté et la perte de confiance des capitalistes qui en est résultée.

Il ne peut non plus s’agir simplement de crise cyclique et ce pour plusieurs raisons et notamment le fait que le capitalisme n’a pas accepté de voir les entreprises faillites chuter, sous le prétexte de risques systémiques. Il y a eu assez de crises capitalistes pour qu’on sache que la seule solution à ces crises est la faillite de quelques grands groupes car elle seule peut assainir les affaires. Or, cette fois-ci, aucune groupe capitaliste n’a fait faillite, l’Etat étant intervenu massivement pour l’empêcher. Ceux qui estiment que c’est une crise cyclique classique devraient nous expliquer comment, dans aucune crise capitaliste cyclique précédente, on n’a sauvé massivement banques et trusts, pas même dans la crise de 1929 ni dans les crises de l’après-deuxième guerre mondiale…

Ceux qui nous expliquent qu’il suffirait de desserrer l’étau de l’austérité pour que le capitalisme reparte, devrait nous expliquer pourquoi la crise a commencé sans subir aucune sorte d’austérité, bien au contraire…

Il nous semble nécessaire pour comprendre ce qui se passe de rappeler que le capitalisme ne fonctionne pas pour produire des marchandises et les vendre, contrairement à la société marchande. La solution à ses crises ne peut provenir du niveau des marchés de produits fabriqués que consomme la population, du type des voitures ou des logements… En effet, le mécanisme pilote du capitalisme n’est plus depuis belle lurette dans cette sphère économique là qui est très en dessous des cycles qui dirigent l’économie. Le cycle qui est en tête du fonctionnement est celui du capital producteur de plus-value par la production de marchandises. Même dans une phase de développement exacerbé du capital financier, cette sphère est déterminante car c’est sa chute qui détermine la croissance du capital financier et non primordialement l’inverse, même si des effets rétroactifs non négligeables existent.

En clair, le capital a commencé à se désinvestir de la sphère productive directe de manière massive et c’est ce désinvestissement qui marque la phase nécrophile actuelle du capitalisme, c’est-à-dire la phase où les profits se réalisent en détruisant le capitalisme alors qu’auparavant ils se réalisaient en le développant.

Au plus haut niveau de tous ses indicateurs économiques, le capitalisme a commencé à décliner, les investisseurs estimant plus profitable de se retirer que d’investir davantage dans la production. Ce n’est pas nécessairement faute d’acheteurs. Par exemple, les trusts pharmaceutiques ont baissé massivement leur production alors que les acheteurs continuent d’augmenter leurs dépenses…

Ce qui amène le capital à se retirer ou à s’investir n’est pas le fait que l’on puisse ou pas trouver des acheteurs mais la relative rentabilité des investissements par rapport à d’autres types d’investissements. Ce qui permet de savoir, par exemple, qu’il y a un surinvestissement dans un secteur donné, c’est le fait que la rentabilité relative du capital (profit par unité de capital investi) baisse et devienne ainsi inférieure à d’autres rentabilités d’autres secteurs. Mais cette fois, c’est l’ensemble des investissements productifs de tous les secteurs qui deviennent inférieurs aux investissements des secteurs non productifs, à savoir les secteurs bancaires, spéculatifs et boursiers…. En somme, il est plus rentable de prêter du capital aux marchés financiers, en argent liquide, que de les investir de manière plus durable dans la production. Ce ne serait pas un gros problème si cela n’était pas arrivé à tel point qu’une spirale ascendante ne s’était mise en place du coup dans le domaine spéculatif… Plus les capitaux se sont rués vers la sphère spéculative, plus elle a été amenée à construire des « produits financiers » pour les absorber, plus elle a produit un aspirateur à capitaux. C’est donc à une crise de la suraccumulation dans le domaine de la production que l’on a assisté.

Suraccumulation signifie qu’il y a eu relativement trop d’accumulation. L’accumulation signifie que le capital s’investit et produit plus de capital. Le capitalisme peut distribue plus de capital à des prêteurs mais ce n’est pas dans cette sphère que le capital s’accroit réellement. C’est seulement dans la sphère de transformation des marchandises que l’on peut intégrer la plus-value extraite du travail humain dans la valeur et produire du profit qui sera ensuite distribué dans toutes les sphères de l’économie. En somme, si le capital se retire de la production de manière massive, il se retire aussi de la sphère qui produit un accroissement de capital, de la sphère où est produite l’accumulation. C’est donc bel et bien d’un trop plein de capital qu’il s’agit.
Car c’est au plus haut niveau de la productivité du travail que le grand capital canne. C’est aussi au plus haut niveau des échanges mondiaux. C’est encore au plus haut niveau des capacités technologiques nouvelles. C’est enfin au plus haut niveau de la croissance : la croissance du PIB qui a mis 140 ans met actuellement six ans… Non, c’est ce succès que le capitalisme est incapable d’assumer, c’est-à-dire de considérer comme suffisamment rentable à court terme pour lui car il est beaucoup plus rentable à court terme de spéculer que d’investir. Il y a beaucoup trop de capital, il a beaucoup trop accumulé, pour qu’il y ait assez d’accroissement des investissements productifs rentables pour l’absorber. Du coup, ce capital en trop devient du capital nocif qui crée un pôle attracteur massif pour tous les capitaux en dehors de la sphère productive. Le capitalisme a atteint ses limites.

Il ne sert à rien de nous dire que le capital financier ait toujours existé, qu’il n’est même pas différent en terme de propriétaire du capital productif, tout cela est certes exact mais cela ne change rien à un fait très important : le capital financier a pris dans les années 1990 une importance qu’il n’avait jamais connu au cours de toute l’histoire du capitalisme, devenant bien plus attractif que l’investissement productif… Cette tendance, loin d’être combattue, a été favorisée par les gouvernants mondiaux car cela permettait momentanément de dépasser les limites des capacités d’investissements en créant des nouveaux investissements improductifs. Les dividendes s’en sont encore accrus, le capital aussi et au début des années 2000 on avait déjà dépassé le niveau de suraccumulation que l’on a ensuite tenté de forcer par des moyens d’accumulation financière exagérée (comme la titrisation des dettes) comme les subprimes ou les LBO… La « crise » de 2007 n’est est pas une car elle n’est pas le début des difficultés mais la fin des possibilités du système. Depuis, on vit uniquement de subterfuges. Sans les masses de milliards de capitaux fournis par les Etats et banques centrales, on ne parlerait déjà plus du capitalisme !

Cela montre aussi que la méthode actuellement choisie par les Etats, introduire dans les marchés financiers des masses de capitaux publics, ne peut pas du tout résoudre la crise, même si elle permet de pallier le retrait des capitaux privés dans les investissements. Cela ne peut ni être une solution ni être durable. Cela signifie que les capitalistes n’utilisent actuellement que des moyens palliatifs et non des soins de la crise, qu’ils n’espèrent donc nullement juguler. Cela signifie qu’ils comptent seulement faire un peu durer la situation, au bord du gouffre, pour faire en sorte que la catastrophe ne se transforme pas en offensive générale des exploités contre les exploiteurs.

En gagnant du temps, les capitalistes et leurs Etats, préparent les réponses politiques possibles pour sauver les classes dirigeantes : développement des fascismes, des dictatures et des guerres allant vers la guerre mondiale. La situation n’est pas celle de sacrifices limités pour les classes populaires en attendant une reprise, mais celle de socialisme ou barbarie. Ce qui se pose aux travailleurs, c’est la question de la révolution sociale et pas seulement de luttes défensives sur le seul terrain économique. Ce qui est nécessaire, c’est l’organisation des masses sur le terrain politique. Ce n’est pas seulement la lutte syndicale. Ce sont les comités de travailleurs.

Textes cités dans « Convergences révolutionnaires », revue de la Fraction de Lutte ouvrière liée au NPA :

Crise de la dette, crise du capitalisme !

En date du 25 septembre 2011

La dette publique, dite aussi « souveraine », c’est-à-dire la dette de l’État dans son ensemble, n’est pas une nouveauté, ni son hypertrophie une anomalie qu’il s’agirait juste de corriger. Elle est intrinsèquement liée au capitalisme, depuis ses origines. Elle est un des plus puissants moyens collectifs, « socialisé » pourrait-on dire, de la classe capitaliste, pour drainer à elle, notamment par le biais de l’impôt, une partie des revenus des couches pauvres et en faire du capital vivant. Elle est un des moyens de la lutte du capital contre le travail.

Marx la décrivait en ces termes, dans Le Capital [1] :

« La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique. […]. La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle gratifie l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée. Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. […] La dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne. » […]

« Les emprunts, qui mettent les gouvernements à même de faire face aux dépenses extraordinaires sans que les contribuables s’en ressentent sur le champ, entraînent à leur suite un surcroît d’impôts [2] ; de l’autre côté, la surcharge d’impôts causée par l’accumulation des dettes successivement contractées contraint les gouvernements, en cas de nouvelles dépenses extraordinaires, d’avoir recours à de nouveaux emprunts », ajoutait Marx. Qui soulignait ainsi « la grande part qui revient à la dette publique et au système de fiscalité correspondant, dans la capitalisation de la richesse et l’expropriation des masses… »

C’est le vif du sujet aujourd’hui. Pour faire face à la course aux taux d’exploitation et de profits sur l’arène mondiale, sur fond de folie de leurs combines financières, les industriels et les banquiers ont fait exploser les déficits publics, plus particulièrement ces toutes dernières années, quand il a fallu colmater la crise des subprimes, devenue crise bancaire généralisée à l’été 2008. L’insolvabilité des États a grandi à tel point qu’il leur a fallu emprunter à leur tour à la finance à des taux insupportables pour les plus faibles d’entre eux. En cela, les dettes publiques ont bel et bien été les refuges et pompes à fric du capital. Soit dit en passant, ce ne sont pas les pays les plus endettés, USA ou Japon, qui sont les plus déstabilisés, mais ceux que les créanciers tiennent le plus à la gorge et dont ils sont aisément en mesure d’exiger de plus hauts rendements à leurs prêts… mais comme disait Marx, par « l’expropriation des masses ». Par l’augmentation des impôts indirects, les plus injustes, par ces plans d’austérité qui en cachent toujours un autre. Qui rognent toujours davantage les salaires, les retraites, les emplois, la santé ou l’éducation.

On est en plein dans cette « capitalisation » d’un côté, cette « expropriation » de l’autre. Les ravages sont bien pires en Asie, Afrique ou Amérique latine, qu’ils ne le sont encore en Europe ou aux USA. Mais la machine infernale est en marche, que n’arrêteront pas les dénonciations platoniques de l’inégalité sociale ni les promesses homéopathiques de la gauche aux présidentielles de 2012, laquelle s’engage surtout, comme la droite, à la rigueur… envers les classes populaires.

Ce que cristallise aujourd’hui la crise des dettes publiques, c’est le rapport de forces en défaveur des travailleurs. Patronat et banquiers pensent qu’ils peuvent impunément creuser les déficits de l’État, parce que ces derniers sauraient se payer sur les classes populaires.

Jusque-là effectivement, mais pas sans réactions.

De la Grèce à l’Espagne, d’Israël à l’Italie, du monde arabe à la Grande-Bretagne, la tolérance des peuples a montré des limites. Des mobilisations, révoltes voire révolutions de travailleurs et de jeunes ont mis à l’ordre du jour des revendications de « pain et dignité », c’est-à-dire l’aspiration à pouvoir vivre, alliée à celle de pouvoir décider et contrôler l’économie et la société. Elles doivent devenir un programme explicite, mis en avant dans les mobilisations à venir, qui devront s’encourager et converger à la plus vaste échelle possible.

Par-delà leurs rivalités exacerbées, les bourgeoisies et leurs États ont su échafauder les mêmes plans scélérats contre les travailleurs. Ces derniers doivent se défendre en se donnant la perspective commune d’une riposte généralisée, par delà les frontières.

Le 16 septembre 2011

[1] Karl Marx, Le Capital chapitre XXXI du Livre I
[2] Bien entendu, un siècle et demi après Marx, les États ont fait preuve de beaucoup d’imagination dans les moyens techniques de « l’expropriation des masses » et de la « capitalisation de la richesse », bien au-delà de la ponction du contribuable (et tout dépend duquel).

2008-2011 : Comment le ciel de la finance nous tombe sur la tête

Mis en ligne le 25 septembre 2011

Il a suffi qu’une agence de notation, le 6 août dernier, enlève un malheureux « A » sur trois à la cote qu’elle attribue à la dette américaine, pour que les bourses mondiales reprennent leur yoyo, faisant plonger les « capitalisations boursières » des banques impliquées dans les échafaudages de dettes publiques et privées, et « produits dérivés » bâtis sur elles, mais aussi de groupes industriels. Sans qu’aucun capital réel, aucune usine, aucune machine n’ait disparu pour autant. De simples artifices financiers donc, de prime abord, mais qui peuvent, de fil en aiguille, bloquer l’économie de la planète.

Et il a suffi de ce vent de panique, ou de mauvaise humeur du monde de la finance, déclenché début août, pour qu’on annonce aux classes populaires qu’elles allaient devoir payer la note, une fois de plus.

Vent mauvais parti des USA…

Faux point de départ de la nouvelle crise, l’endettement des USA n’est pas ce que les financiers, banques et autres Hedge funds craignent le plus : aucun d’eux ne croit à une faillite de l’État américain, même s’il est le plus endetté du monde. D’autant qu’Obama a pris les devants, en marchandant avec les Républicains le relèvement du plafond autorisé de la dette fédérale américaine scellé le 1er août… sur le dos des classes populaires : réduction des dépenses publiques de 2 400 milliards de dollars sur les dix ans à venir (900 milliards déjà programmés, et 1 500 autres encore à négocier entre Républicains et Démocrates), dont la réduction de 4 % de l’assurance santé des retraités et nécessiteux (Medicare). Ingrate agence Standard & Poors qui quatre jours plus tard lui fichait une sale note !

En réalité c’était un signal symbolique et un prétexte bien commode pour les gouvernements. Car depuis le printemps déjà, les dettes publiques, y compris celles des grands États, étaient sur la sellette : les créditeurs, en mal d’autres placements, en voulaient de plus grands rendements, tout en incitant les États à de nouveaux plans d’austérité profitables non seulement aux financiers mais au patronat en général. Exigence entendue cinq sur cinq par les gouvernements. À commencer par le nôtre, de Fillon-Sarkozy.

Le mardi 9 août, la banque centrale américaine rassurait une fois de plus les investisseurs en annonçant qu’elle n’augmenterait pas ses taux directeurs (les taux extrêmement bas des prêts qu’elle concède aux banques). Au mépris du « A » de fiabilité perdu, une nouvelle émission de dette de l’État américain de 32 milliards de dollars s’arrachait le même jour, avec trois fois plus d’offres de prêts que le montant de l’emprunt demandé. On prête aux riches. Et les titres de la dette américaine restent des valeurs sûres, qu’on peut mettre dans ses coffres pour affermir son bilan… et garantir ses autres prêts plus risqués, plus spéculatifs, mais sur lesquels on peut gagner gros.

C’est donc pour l’instant sur les dettes des maillons dits faibles, Grèce, Espagne, voire Italie, qu’on spécule pour les rendre plus juteuses en faisant grimper les taux d’intérêts imposés aux États concernés. Avec pour les spéculateurs, des risques limités. Car l’avantage des dettes publiques sur les dettes privées, celles de l’immobilier par exemple qui ont provoqué le krach précédent de 2008, c’est que les États pensent avoir toujours les moyens de faire payer leurs populations, à moins que celles-ci ne se révoltent. Avec la garantie supplémentaire pour les pays européens les moins riches, que les grands pays de l’Union Européenne (UE) soient plus ou moins contraints de s’en porter garants.

Mais déjà avis de tempête contre les maillons faibles…

La petite Islande était présentée comme un modèle du miracle économique depuis que ses trois principales banques avaient été privatisées en 2003, même si sa dette publique avait commencé à grimper en flèche. Cette île de 330 000 habitants étant trop petite pour leurs ambitions, ces banques privées avaient ouvert des succursales en Grande-Bretagne et en Hollande, s’étaient lancées dans l’achat des produits financiers momentanément les plus rentables, avant d’être ruinées par la crise des subprime. Qu’à cela ne tienne, début octobre 2008 l’État islandais les renationalisait en même temps qu’il recevait une aide du FMI contre l’engagement de rembourser non seulement les dettes de l’État mais celles aussi des trois banques vis-à-vis de leurs clients à l’étranger. Ce qui n’est pas fait, le gouvernent ayant été paralysé par deux votes contre le remboursement de la dette d’une population qui a déjà chèrement payé la faillite, notamment par une dévaluation de 50 % de la monnaie nationale qui a fait bondir les prix. Mais, pour alléger la dette d’État, la principale activité industrielle du pays, la production d’électricité par géothermie, a été privatisée. Vendue en 2010 à un trust canadien. Les huissiers commencent donc à se servir.

Les pays de l’ancienne Europe de l’Est, nouvelles terres d’investissements pour les banques et les entreprises occidentales, se trouvaient eux aussi fortement endettés. Les banques prêteuses pouvaient craindre d’y perdre encore des plumes. Et c’est le FMI, en alliance avec l’Union européenne pour certains pays, qui a momentanément pris le relais des prêts, accompagnant toujours son aide des mêmes attaques contre la population : en Hongrie, hausse de la TVA de 5 %, recul à 65 ans de l’âge de la retraite, gel du salaire des fonctionnaires et baisse des retraites ; en Roumanie, baisse des salaires de 25 % et suppression de 100 000 emplois dans la fonction publique, hausse de la TVA de 19 % à 24 % tandis que les impôts sur les sociétés passaient de 25 % en 2000 à 16 % en 2009 ; avec une taxation au plus bas et un salaire minimum à 145 euros, Renault et son usine Dacia vont bien. Les populations de Serbie, Lettonie, Ukraine ont dû aussi subir les huissiers du FMI, avec des exigences semblables, baisses des salaires et retraites, privatisations en échange d’un prêt. Et gare au gouvernement qui ne réussirait pas à tenir le timing du programme demandé : aussitôt menacé de suspension des prêts promis.

C’est bien sûr la Grèce dont la dette, depuis la fin de l’année 2009, fait la Une de l’actualité et le casse-tête des chefs d’États de l’UE. Pas parce qu’il aurait fallu la sauver en soi, pays relativement petit dont l’économie ne représente que 2 % de celle de l’UE, mais parce qu’il fallait sauver les grandes banques françaises et allemandes fortement investies dans sa dette, et parce qu’il fallait protéger la zone euro d’un éventuel éclatement ou d’un coup de panique de la finance face à une déclaration de faillite. Mais si l’UE, avec l’aide du FMI, n’a pas lésiné sur les moyens financiers prétendus « d’aide à la Grèce », elle n’a pas non plus lésiné sur les mesures à imposer à la population grecque, avec plusieurs plans d’austérité successifs suscitant à chaque fois grèves et violentes manifestations de rue. Quant aux financiers prêteurs à la Grèce, ils obtenaient la montée en flèche des taux d’intérêts qu’ils convoitaient, et leur garantie par l’UE, du moins pour un temps. De quoi rendre ces prêts plus attractifs et rentables. Les maillons faibles devaient rapporter gros.
L’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ont été les suivants sur la liste des présumés mauvais payeurs à qui les grandes banques privées n’allaient plus accorder de prêts… sauf montée de leurs taux d’intérêt. L’Irlande, qu’on présentait jusque-là comme un nouveau « tigre », parce que le bas niveau des salaires, des protections sociales et du taux d’imposition des entreprises lui avaient attiré les investisseurs étrangers, a vu son déficit budgétaire et sa dette bondir pour cause de renflouement de ses banques suite à la crise de 2008. L’Espagne n’était pas plus endettée que bien d’autres : 53 % de son PIB en 2009, moins en proportion que la France ou l’Allemagne. Mais pour les États comme dans la vie privée, il n’y a pas de critère absolu de surendettement : c’est votre banquier qui vous décrète en faillite quand il estime ne plus avoir avantage à vous prêter.

C’est la crise de l’immobilier, bloquant le secteur de la construction qui représente 17 % du PIB et 14 % des emplois, qui a plongé le pays dans la récession dès 2008. Le chômage y est brutalement passé de 2 millions de chômeurs en 2007 à 4,6 millions au premier trimestre 2010, soit 20 % de la population active. Les mesures d’austérité du gouvernement socialiste, contre les salaires, les retraites, les allocations chômage, les budgets publics, ainsi que les cadeaux au patronat — assouplissement des règles de licenciements, privatisations —, ont soulevé la colère.
La France n’a pas échappé à la tempête. La crise de 2008 ne s’est pas seulement traduite par un accroissement du déficit public dû au renflouement des banques. Dès l’automne 2008, le patronat, notamment celui de l’automobile, s’est saisi de la crise et des prétendus crédits bancaires manquants pour demander l’aide financière de l’État (3 milliards pour chacun des deux constructeurs), mais aussi pour supprimer des emplois et pratiquer largement le chômage partiel. Et les voilà aujourd’hui qui se saisissent de la dette publique qu’ils ont contribué à creuser, pour annoncer de nouveaux plans de réduction d’effectifs (comme vient de le faire le PDG de PSA), en prévision d’une baisse de la demande que les mesures d’austérité pourraient provoquer.
Nouvelles coupes budgétaires dans les services publics et les services sociaux d’un côté. Nouveau blocage voire baisse des salaires, restructurations et licenciements, de l’autre, sans parler d’une reprise de l’inflation que certains avancent comme une des solutions possibles pour abaisser les dettes souveraines à coup de planche à billets. Voilà ce que la nouvelle crise nous annonce.
Olivier BELIN

C’est quoi, une crise ?

Mis en ligne le 2 décembre 2008

La crise n’est pas seulement une maladie du capitalisme, c’est aussi son mode de régulation. Aiguillonnées par la concurrence, les entreprises capitalistes produisent de façon aveugle et, globalement, cela se fait sans tenir compte du marché solvable. La crise résulte des tensions, inévitables, entre ce qui est produit et ce que peut absorber ce marché. Quand elle éclate, elle se traduit par une dévalorisation massive du capital, sous toutes ses formes. Depuis deux mois, 25 000 milliards de dollars se sont évanouis dans la dépréciation boursière ! Mais, à cette phase de dépréciation du capital financier succèdera (en fait, cela a déjà commencé) une dépréciation de ce que les économistes appellent le capital fixe : les machines, les bâtiments des entreprises qui ferment perdent pratiquement toute valeur.

Ainsi, la crise, en mettant en faillite des entreprises et des banques et en éliminant les plus fragiles, détruit un grand nombre de capitaux « en excès ». Une purge qui rétablit la profitabilité du système, au prix de millions de chômeurs et d’immenses capacités productives laissées en friche. Ce gigantesque gâchis matériel et humain est le seul mode de régulation du système capitaliste.

De la même façon, dans le cours régulier du capitalisme, le chômage est ce que les économistes osent appeler cyniquement « une variable d’ajustement » (cette « armée industrielle de réserve » dont parlait Marx dans Le Capital ).

Mais ces « petites » crises d’ajustement peuvent parfois se transformer en une longue et profonde crise du système semblable à celle de 1929.

À chaque époque le capitalisme fonctionne de façon particulière, adopte un certain régime d’accumulation du capital, qui lui permet une relative croissance. Quand les ressorts de cette croissance sont cassés ou essoufflés, il peut s’ouvrir une longue phase pendant laquelle le capitalisme, à coups de purges, se cherche un nouvel équilibre (tout aussi chaotique), de nouveaux ressorts.

Peut-être est-ce le cas aujourd’hui. Dans les années 1990 et 2000 la croissance dans les pays développés dépendait pour beaucoup d’un endettement massif, adossé aux États-Unis à la « bulle » des prix de l’immobilier, endettement qui permettait d’aggraver l’exploitation des classes populaires, en particulier par une baisse générale des salaires, tout en les faisant consommer, et cela tirait d’ailleurs au passage la croissance des pays émergents par le jeu des importations massives de leurs biens industriels à bas prix. Pour prolonger cette croissance, les gouvernements n’ont pas hésité à encourager cet endettement. Ainsi en 2001, suite au « krach internet » (l’effondrement du prix des actions technologiques), l’administration Bush baissa massivement les impôts et augmenta le budget de l’armée (3 % du PIB fut utilisé pour cette « relance » !) et la réserve fédérale américaine baissa brutalement les taux d’intérêts pour faciliter les emprunts. La bulle immobilière relaya la bulle internet… Et maintenant ? Les autorités et les capitalistes de tout poil inventeront-ils de nouvelles bulles, relanceront-ils l’endettement pour continuer de fonctionner comme avant, après la purge actuelle sur les marchés financiers et la mise en faillite de millions de particuliers américains surendettés ?

Bernard RUDELLI

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