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La peur n’évite pas le danger. Il faut lutter les yeux ouverts !

samedi 13 octobre 2012, par Robert Paris

La peur n’évite pas le danger. Il faut lutter les yeux ouverts !

Après des luttes sans succès comme celle des retraites ou celles des petites entreprises qui licencient comme New Fabbris, Thomson ou Continental, on en arrive à des échecs sans véritable lutte comme à PSA. Beaucoup de travailleurs sont effrayés et la peur semble plus forte que la colère car on ne voit pas de quel côté serait la solution. Même la Grèce, beaucoup plus frappée, connait une plus grande hausse de l’affolement que de la colère. Les gens sont déboussolés parce que lutter nécessite, bien plus que d’être nombreux dans la rue à crier fort, de comprendre contre quoi et pour quoi on lutte.

On a dit aux salariés que la solution viendrait du changement de gouvernement, mais elle ne vient pas. Et elle n’en viendra pas.

On leur a dit qu’elle viendrait de l’action syndicale, mais elle ne vient pas. Et elle ne viendra pas des directions des centrales syndicales si elle ne vient pas des travailleurs eux-mêmes.

On leur a dit que le système allait s’autoréguler avec l’aide des institutions internationales mais c’était encore un mensonge.

Alors c’est faute de perspective que le découragement gagne avec l’affolement.

Lutter dans une entreprise quand toutes les entreprises commencent à licencier massivement ? Accepter quelques sacrifices pour sauver l’emploi ? Mais les entreprises qui ont accepté ces sacrifices ont toutes fini par licencier quand même. PSA est justement une entreprise qui avait fait accepter déjà départs volontaires et sacrifices et on voit le résultat.

Peut-on lutter sans comprendre contre quoi on lutte ? Quelle est cette maladie des licenciements qui gagne comme une épidémie ? Comment expliquer qu’elle atteigne des entreprises qui n’ont aucune crise des ventes et qui font des profits ?

Comment expliquer que tout le système mondial vacille alors qu’il continue à faire des profits ?

Il est évident que les classes dirigeantes ne souhaitent pas que l’on comprenne la signification de la situation actuelle.

Ils ont commencé par nous dire que tout venait des subprimes, mais où sont maintenant les subprimes ? Puis ils nous ont dit qu’il y avait un problème avec les banques, puis qu’il n’y en avait plus. Puis cela a été la Grèce. Il suffisait de « l’aider ». Mais il faut tellement l’aider qu’elle n’en peut plus. Ensuite l’Espagne. Maintenant, ils disent que c’est la faute à l’Europe. Quand ils ne disent pas que l’Europe en est victime. Ils disent alors que c’est la faute de la Chine.

De même pour les difficultés économiques. Ils ont dit qu’il y avait trop de dettes privées, puis un manque d’argent liquide, puis un manque d’aide aux entreprises, puis un manque d’aide aux banques, puis un manque d’aide au développement. Maintenant, ils expliquent que notre travail ne serait pas concurrentiel, qu’il faudrait renégocier les contrats de travail pour « sauver le travail ».

Ils n’ont pas cessé de sauver quelqu’un : sauver le système, sauver les banques, sauver la Grèce, sauver l’Europe. Maintenant, ils disent qu’ils sont en train de sauver l’emploi.

Pour les solutions, il en va de même. Pour une maladie aussi peu définie clairement, il y a beaucoup plus de solutions que de problèmes. Chaque homme politique, chaque média, chaque parti, chaque syndicat a son « plan économique ». Il suffirait de relancer l’activité, le développement, l’investissement.

Mais les capitalistes n’agissent que pour leur profit et ils investissaient parce que c’est profitable d’investir, pas pour nous fournir un travail, pas pour permettre à la société de se développer. S’ils ne le font plus, c’est que la phase actuelle du capitalisme n’estime plus rentable l’investissement productif privé.

Ce n’est pas un problème de compétitivité. Ce n’est pas un problème de concurrence.

Les emplois perdus ici n’ont pas été retrouvés en nombre équivalent ou même légèrement inférieurs dans d’autres points de la planète.

Certains accusent la mondialisation qui nous volerait nos emplois.

Il est vrai que la dernière phase prospère du capitalisme a consisté à s’ouvrir à des pays neufs, à permettre à de nouvelles puissance d’atteindre le stade impérialiste comme la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil. Mais il faut savoir que les emplois productifs ont beaucoup plus été détruits dans les anciennes puissances capitalistes qu’ils n’ont été créés dans les nouvelles. La mondialisation a été aussi synonyme de financiarisation ce qui était une manière de dire que les capitaux étaient infiniment trop nombreux pour trouver des investissements rentables. Pour arriver au point où l’essentiel des investissements mise sur la chute : chute des emprunteurs privés comme les subprimes ou chutes des emprunteurs publics comme c’est le cas actuellement, chute des entreprises, chute des banques, chute des Etats, chute des monnaies en attendant de miser sur la chute des banques centrales. Le capital est devenu nécrophile. Non pas par masochisme mais parce qu’il vise ce qui est rentable, quel que ce soit ce secteur rentable.

Et les "investissements pourris" sont devenus bien plus rentables que la production. Au point que tous les trusts sont devenus des banques et des établissement essentiellement financiers. La moitié des profits de Renault annoncés en juillet 2012 proviennent de son établissement financier. Peugeot désinvestit pour devenir un investisseur financier.

C’est pourtant simple : quand on constate que la moitié des profits réalisés par Renault l’ont été par la RCI, la banque Renault, alors que le grand public ignore que Renault est devenu une banque, c’est que l’on cache un fait pourtant considérable, la transformation de tous les trusts en banques, en établissements financiers, par leur désinvestissement massif de la production et du commerce.

Tout ce cirque pour cacher que c’est tout le capital privé mondial qui désinvestit du secteur productif, non pas dans un pays, ni dans une série de pays, mais partout dans le monde. Y compris l’Inde, la Russie, l’Afrique du sud, la Corée du sud et maintenant la Chine. Dans cette dernière aussi, le développement n’existe que sur capitaux publics et les capitaux mondiaux sortent massivement de Chine !

Mais le capitalisme, ce système qui a longtemps dominé le monde, était, eh oui était, celui de l’investissement privé. On n’avait pas besoin de solliciter la famille Peugeot pour qu’elle exploite de plus en plus de salariés !!!

Comment en est-on arrivés là. A quelle difficulté, à quelle maladie se heurte le capitalisme ?

Ni à une difficulté, ni à une maladie. Seulement à son propre succès. Le capital a si bien réussi, si bien accumulé qu’il dispose de centaines, de milliers de fois plus d’argent qu’il ne peut en investir dans des secteurs productifs ou commerciaux. Il a trouvé de multiples moyens de produire encore du profit par des techniques financières mais même celles-ci ont atteint leurs limites. Voilà la source des événements de 2007.

Les causes ne peuvent pas être soignées car ce n’est pas une crise classique. Il ne suffira pas que quelques entreprises ferment ou licencient pour faire repartir la machine.

Tous les Etats du monde en y mettant tous les moyens financiers imaginables et même inimaginables n’ont pas fait repartir la machine. Elle fonctionne en roue libre et va à l’abîme.

Cette phase du capitalisme provient d’une limite atteinte par les capacités du système. La quantité de capitaux a beaucoup trop dépassé les capacités d’investissement pour qu’il soit encore rentable pour des capitalistes privés d’investir. Ils vont donc désinvestir et nous licencier massivement. Il faut le savoir car cela détermine la manière de lutter.

Ils s’attaqueront massivement à toutes les populations, à tous les milieux populaires et, comme l’a montré l’exemple de la Grèce, tout sacrifice supporté sera le début d’un autre plan de sacrifices soi-disant pour nous sauver. Ils le feront en fonction de leurs intérêts politiques et sociaux, au rythme de nos réactions, c’est-à-dire en fonction des risques de troubles sociaux que cela peut entraîner. Plus nous les convaincrons que nous sommes socialement dangereux et plus nos emplois seront bien défendus. Plus nous nous écraserons, gagnés par la peur, plus ils nous écraseront.

En faisant croire aux salariés qu’il y a des « solutions industrielles » pour l’entreprise et des « solutions économiques » pour le pays, et des « solutions » encore pour résoudre les problèmes du système, les organisations qui se revendiquent de la classe ouvrière ne font qu’enfermer les travailleurs et leur action dans un piège : celui du navire Titanic du capitalisme en train de couler. Il n’y a aucune solution économique mais une solution de lutte : transformer l’offensive patronale en recul et la peur des salariés en colère. Cela ne nécessite nullement de mentir sur la réalité de la catastrophe qui atteint le capitalisme. Seule la vérité peut nous aider à nous défendre et à passer ensuite de la défensive à l’offensive. Ce n’est pas en minimisant les enjeux qu’on favorisera la défense de nos intérêts. Au contraire, ayons conscience que c’est une attaque générale qui nécessite une riposte d’ensemble, que c’est une crise historique de la domination de la classe capitaliste qui nécessite une riposte de grande ampleur.

Le problème de la classe des travailleurs, en train de subir de plein fouet l’attaque des capitalistes et de leurs Etats, c’est de donner un coup d’arrêt à cette attaque en menant une contre-offensive. Cela nécessite que les travailleurs s’organisent de manière indépendante de toutes les organisations qui ont lié leurs perspectives avec celles de la société capitaliste. Même des groupes qui se disent radicaux, communistes, socialistes, syndicalistes ont développé des milliers de conceptions visant en fait à sauver le système, comme si cela était possible. Ils ont affirmé qu’il suffirait soit d’imposer les capitaux, soit de développer des lois dans le cadre de l’Etat bourgeois, soit de réguler l’économie, soit d’interdire tel ou tel fonctionnement économique. Toutes ces perspectives du type New Deal, du type plan de relance, du type accord patronat/syndicats/gouvernement pour refonder les contrats de travail ne font qu’accélérer le cheminement de la société humaine vers le mur qui limite le système capitaliste. Mais ils ne font pas disparaitre ce mur.

Organisations syndicales et partis de la gauche de la gauche prétendent critiquer les attaques anti-sociales en affirmant qu’il n’y aurait pas de crise, que les profits se porteraient bien (comme si, dans le cas inverse, les licenciements et sacrifices deviendraient justifiés !).

Mais, en agissant ainsi, loin de renforcer les luttes, il font perdre toute boussole à celles-ci en ne donnant pas la mesure de la situation et en refusant d’admettre que l’on se retrouve dans une période où la seule manière de se défendre socialement consiste à attaquer le système. Inversement, toute action réformiste est une trahison directe des intérêts de classe des travailleurs.

Le capitalisme est en roue libre. Le moteur, l’investissement productif privé, est en panne complète depuis cinq ans ! Ceux qui affirment que les Etats et institutions financières peuvent durablement y pallier mentent. Les plans de relance successifs, aussi impressionnants soient-ils en termes de déversement de fausse monnaie soient-ils, n’ont rien relancé du tout ! Ils n’ont fait que retarder momentanément l’effondrement.

Et ni le gouvernement de gauche ni les partis de la gauche de la gauche, ni les centrales syndicales ne nous expliquent ce qu’est la cause cette situation du système.

Les uns nient l’existence d’une crise du système, les autres en prennent prétexte pour justifier les sacrifices pour les salariés, prétendant les uns et les autres détenir des « solutions pour relancer » ! Alors qu’il n’y a plus rien à relancer comme l’ont montré cinq années à le tenter à l’échelle mondiale…

On se garde bien de nous dire ce qui empêche les capitaux privés de s’investir dans l’industrie comme ils l’ont fait sans sollicitation pendant de nombreuses années !

Cette question, ni un syndicat, ni un parti politique, ni un homme politique, ni un ministre ne la soulève.

Ce n’est nullement à une désindustrialisation de la France ni à une interruption du moteur économique du pays à laquelle on assiste mais au même mouvement à l’échelle mondiale et qui n’a pas été interrompu depuis cinq ans !

Les aides massives des Etats n’ont en rien relancé la machine qui ne fait que tourner en roue libre.

Il est important de le dire car cela détermine la manière dont les travailleurs peuvent lutter.

Et aussi la manière par laquelle ils peuvent être trompés.

Au bout de la nième journée d’action syndicale, de la n plus unième manifestation syndicale, et de la quantième tromperie politicienne, beaucoup de travailleurs se demandent si nous sommes une force. Et certains s’interrogent : avec quelle arme pouvons-nous lutter si le patron n’a plus besoin de notre travail ? Si tous les patrons ne veulent plus du travail des salariés ?

C’est vrai que tout vise à nous désarmer et pourtant, si le système retient encore ses coups, c’est uniquement parce qu’il craint la classe des travailleurs et qu’il sait que nous pouvons nous passer du capitalisme bien plus que celui-ci n’a pu se passer de nous !

Oui, nous sommes une force si nous sommes une classe en lutte qui a conscience que son sort n’est pas rivé au système. Si nous ne craignons pas de le frapper quand il nous frappe, de le menacer de mort quand il nous jette à la rue, de ne plus respecter ses lois quand elles ne nous respectent plus, alors oui nous restons la plus grande force face à la classe capitaliste.

Le capitalisme n’ira pas plus loin. Par contre, sa chute peut nous mener en enfer ou encore nous amener à défendre clairement et de manière organisée (comités de lutte, conseils de travailleurs, coordinations,…) nos intérêts de classe. Tel est le choix.
Le notre est fait. S’ils s’obstinent, ces cannibales de profiteurs, à dévorer nos emplois, qu’ils sachent que leur capital sera pour nous, travailleurs, le meilleur des repas !

Formons nos comités d’action pour défendre nos emplois, les droits des chômeurs et des retraités, et fédérons-les !

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