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Un exemple de dialectique en arithmétique : les propriétés "émergentes" des nombres premiers

mardi 7 août 2012, par Robert Paris

« D’une » dialectique élémentaire, mécanique ...

Un article précédent (http://www.matierevolution.org/spip...) a rappelé comment c’est à partir de l’ensemble vide, du nombre zéro, par des mécanismes simples que les mathématiciens construisent les entiers positifs.

Dans l’article http://www.matierevolution.org/spip... on a vu qu’à partir de ces entiers positifs, des mathématiciens ont compris qu’en se limitant à la liste des entiers "naturels" 1,2,3, etc, et en s’autorisant à les additionner et à les regrouper de manière simple par couples, on voyait apparaitre les entiers négatifs, le zéro, tous les nombres rationnels, puis les réels. Toutes ces constructions sont basées sur la notion de "quotient par relation d’équivalence". Derrière ce nom technique se cache le simple fait que dès qu’on part de l’ensemble vide en ajoutant rien d’étranger, rien de vraiment nouveau, on obtient l’ensemble de tous les nombres réels. On peut continuer ce type de construction et obtenir les nombres complexes, puis des ensembles moins connus comme les quaternions, les octonions ... puis plus rien. La liste de ces ensembles est N (entiers naturels) , Z (entiers relatifs), Q (nombres rationnels), R (nombres réels), C (nombres complexes), H (quaternions), O (octonions).

Cela montre que cette machine dialectique (dialectique dans le sens suivant : à partir d’un ensemble de nombres et des opérations qui les lient, on construit des relations entre ces nombres, et on considère ces relations elles-mêmes comme de nouveau nombres) très mécanique s’épuise relativement rapidement.

Ces reconstructions assez tardives (fin du XIXè siècle) d’ensemble de nombres que pour la plupart les mathématiciens et physiciens utilisaient depuis des siècles ont le mérite de permettre de distinguer deux types de nouveauté : des nouveautés qui ne sont pas étrangères au système initial, pas vraiment nouvelles : elles découlent "naturellement" des propriétés mécaniques qui définissent le système ; et des nouveautés vraiment nouvelles, émergentes. En ce sens les quaternions et octonions mystérieux que le lecteur non-mathématicien ne connait surement pas, ont moins de mystère que les nombres premiers que ce même lecteur non-mathématicien connait pourtant.

... à une dialectique de l’émergence

Rappelons comment ces nombres premiers "apparaissent" sans qu’on n’ai rien fait pour cela : Pour les nombres entiers on part de zéro, on s’autorise à ajouter 1 et à répéter l’opération. On obtient 1 puis 2 puis 3 etc. Le nombre 4 n’a rien de surprenant, ni 5, ni 6 ni de même le nombre 1 million, même s’il est très très grand. Le fait qu’on compte des moutons pour s’endormir en est une illustration : la répétition crée massivement, mais rien de surprenant.

Par contre certaines propriétés sont des sous-produits inattendus, vraiment nouveau.

De simples additions montrent des propriétés comme 2+2+2=3+3, le résultat commun étant 6. On utilise la notation multiplication (qui correspond à une addition, elle n’a rien de mystérieux, c’est juste une notation commode) qui dans ce cas donne : 3x2=2x3=6. D’autres nombres admettent de telles décompositions : 100=2x50=4x25 etc. Par contre 5 et 7 ne s’écrivent que 1x5, 1x7, ils n’admettent pas de diviseurs à part eux-mêmes et un : on les appelle des nombres premiers. La liste des nombres premiers commence par 2, 3, 5,7, 11,13 etc. Leur liste est infinie (les Grecs l’ont démontré) et irrégulière.

Ces nombres qui ont été construits comme les autres ont donc un lien particulier avec la multiplication, ils sont une surprise.

Le matérialiste mécaniste va tout de suite s ’insurger contre cette dernière formule. Comme Lutte Ouvrière l’écrivait dans une brochure hostile à la théorie du chaos, en légende d’une photo du Canyon de Colorado : certes on ne peut prévoir tout dans la forme du Canyon, mais chaque anfractuosité est le résultat d’un processus déterministe.

L’utilisation des propriétés "émergentes" des nombres premiers est pourtant la base de toutes les méthodes de cryptage sur internet. Le matérialiste mécanique les dit déterministes donc entièrement maitrisables, il fait pourtant confiance à ces propriétés en allant sur internet, leur confie la sécurité de ses paiements sur internet. Il est un partisan de la théorie de l’émergence en pratique, mais honteux dans le domaine de la théorie. Décrivons la base de ces mécanismes utilisés sur le net, aux distributeurs de billets de banque etc.

Les nombres premiers à la base de toute la sécurité internet

On a vu que 5 est un nombre premier.
Quand on divise un nombre par 5 les restes possibles sont 0, 1, 2, 3 et 4.

Prenons n’importe quel nombre et écrivons la liste de ses 5 premiers multiples.
Pour 1 on obtient 1,2,3,4,5. Pour 2 on obtient 2,4,6,8,10. Pour 3 ce sera 3, 6,9,12,15. Ces listes sont régulières.

Mais les restes après division par 5 correspondants à ces listes sont 1,2,3,4,0 puis 2,4,1,3,0 et 3,1,4,2,0.

Ces listes sont incroyables : certes on trouve toujours zéro à la fin, mais pour les quatre autres restes 1,2,3 et 4, ils apparaissent dans un ordre imprévisible. Si au lieu de prendre 5 on prend un très grand nombre premier, on peut fabriquer ainsi des suites de nombres qui ont l’air aléatoire. C’est ce mécanisme déterministe sur lequel repose quasiment tous les générateurs de nombres aléatoires.

Le matérialiste mécaniste criera que tout cela reste très déterministe. Certes. Mais quand on lance un dé, qu’ on utilise sa foi en Jéhovah, en Allah, en Bouddha ... ou sa foi dans le déterminisme intégral, on ne pourra rien prévoir de plus que les autres. Engels plaisantait à propos des matérialistes mécanistes qui voient un résultat déterministe dans le fait qu’un moustique l’ait piqué dans le cou à 5 heures du matin.

Les matérialistes mécanistes reproduisent une forme de religion en mettant en avant ce mot à propos de tout phénomène, en niant la dialectique de la matière, qui apparait dans un des reflets les plus abstraits, les plus immédiats de cette matière dan notre cerveau : les nombres entiers.

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