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Quand l’Europe est révolutionnée

jeudi 22 mai 2014, par Robert Paris

Quand l’Europe est parcourue par une grande vague révolutionnaire (1848-1849)

Extraits de « L’ère du capital » d’Eric Hosbawm :

« Je vous en prie, lisez attentivement les journaux – actuellement, ils en valent la peine… Cette révolution changera la face du monde – et c’est tant mieux, c’est ce qu’il faut ! – Vive la République ! »

Le poète Georg Weerth à sa mère, le 11 mars 1848

Depuis 1848, l’éminent penseur politique français Alexis de Tocqueville intervint à la Chambre des députés pour exprimer des sentiments que partageaient la plupart des Européens : « Nous dormons sur un volcan… Ne voyez-vous pas que la terre commence à trembler. Le vent de la révolte souffle, la tempête est à l’horizon. » A la même époque environ, deux exilés allemands Karl Marx et Friedrich Engels, respectivement âgés de trente et vingt-huit ans, élaboraient les principes de cette révolution prolétarienne contre laquelle Tocqueville mettait en garde ses collègues, dans un programme qu’ils avaient été chargés de rédiger quelques semaines auparavant par la Ligue communiste allemande, et qui fut publié anonymement à Londres vers le 24 février 1848 sous le nom de Manifeste du Parti communiste, « à paraître en langues anglaise, française, allemande, italienne, flamande et danoise. » Quelques semaines plus tard – et plus exactement quelques heures dans le cas du « Manifeste » -, les espoirs et les craintes des prophètes parurent sur le point de se réaliser. Une insurrection renversa la monarchie française et la république fut proclamée ; la révolution européenne avait commencé.

L’histoire du monde compte bon nombre de révolutions plus grandes et, certainement aussi, plus réussies. Cependant, aucune ne prit en un temps si rapide une ampleur aussi vaste : comme un feu de brousse, elle franchit les frontières des provinces, des pays et même des continents. En France, centre et détonateur naturel des révolutions européennes, la République fut proclamée le 24 février. Le 2 mars, la révolution avait gagné l’Allemagne du Sud-Ouest, le 6 la Bavière, le 11 Berlin, le 13 Vienne et presque aussitôt après la Hongrie, le 18 Milan puis l’Italie (où une révolte indépendante s’était d’ores et déjà emparée de la Sicile). A l’époque, le service d’information le plus rapide accessible à tous (celui de la banque Rothschild) ne pouvait transmettre une nouvelle de Paris à Vienne en moins de cinq jours. Or, ici, en l’espace de quelques semaines, tous les gouvernements européens d’une zone qui couvre aujourd’hui tout ou partie des territoires de dix Etats furent renversés, sans parler des répercussions de moindre importance qui se firent sentir dans nombre d’autres pays. De plus, 1848 fut la première révolution virtuellement globale, et son influence directe se retrouve dans l’insurrection qui eut lieu en 1848 dans le Pernambuco. En un sens, ce fut le modèle du type de « révolutions mondiales » dont devaient par la suite rêver les révolutionnaires, et qu’à de rares moments, comme au lendemain des grandes guerres, ils crurent pouvoir reconnaître. En fait, les explosions qui comme ici, s’opérèrent à l’échelle des continents ou du globe, sont tout à fait exceptionnelles. Et 1848 fut la seule qui, en Europe, toucha à la fois les régions « développées » et arriérées. Ce fut en même temps la plus vaste et la plus malchanceuse de ce genre de révolutions. Six mois après qu’elle eut éclaté, on pouvait à coup sûr prédire sa défaite générale ; un an plus tard, tous les régimes qu’elle avait renversés étaient restaurés à l’exception d’un seul, celui de la France, qui, pour sa part, s’efforçait de mettre autant de distance que possible entre lui et l’insurrection à laquelle il devait son existence. (…)

Si la révolution triompha partout au centre de l’Europe, ce ne fut pas le cas à la périphérie. Cette périphérie comprenait des pays trop éloignés, ou historiquement trop isolés, pour être directement ou immédiatement affectés de façon tangible (par exemple la péninsule ibérique, la Suède et la Grèce), trop arriérés pour posséder les couches sociales politiquement explosives de la zone révolutionnaire (par exemple la Russie et l’Empire ottoman), mais aussi les seuls pays déjà industrialisés dont le jeu politique se déroulait déjà selon des règles assez différentes, c’est-à-dire l’Angleterre et la Belgique. Mais la zone révolutionnaire, qui englobait essentiellement la France, la Confédération germanique et l’empire d’Autriche, n’en demeurait pas moins hétérogène, comprenant des régions aussi arriérées et différentes que la Calabre et la Transylvanie, aussi développées que la Rhénanie et la Saxe, aussi cultivées que la Prusse ou illettrées que la Sicile, aussi éloignées l’une de l’autre que Kiel et Palerme, Perpignan et Bucarest. La plupart d’entre elles étaient gouvernées par ce que l’on pourrait appeler des monarques ou des princes absolus, mais la France était d’ores et déjà un royaume constitutionnel et même bourgeois, tandis que l’unique république importante du continent, la Confédération helvétique, avait en fait inauguré l’année révolutionnaire fin 1847 par une brève guerre civile. Centralisés et unifiés ou sans réelle cohésion, grandes puissances indépendantes ou provinces soumises à un gouvernement étranger, comptant des dizaines de millions d’habitants, comme la France, ou quelques milliers seulement, comme les principautés d’opérette de l’Allemagne centrale, les Etats touchés par la révolution étaient en outre de structure, de statut et de taille très divers.

Mais surtout, l’histoire – la structure sociale et économique – et la politique divisaient la zone révolutionnaire en deux parties dont les extrêmes semblaient avoir peu de chose en commun. Leurs structures sociales étaient fondamentalement différentes, hors de la supériorité numérique marquée et presque universelle des campagnards sur les citadins et des petites villes sur les grandes – un fait qu’on oublie facilement en raison de l’importance disproportionnée du rôle joué par la population urbaine, et particulièrement des grandes villes, sur le plan politique….

Du point de vue politique, la zone révolutionnaire était également hétérogène. Hors de France, ce qui était contesté ce n’était pas seulement le contenu politique et social des Etats, mais leur forme même, voire leur existence. Les Allemands s’efforçaient de construire une « Allemagne » - devait-elle être unitaire ou fédérale ? – à partir de nombreuses principautés germaniques de dimensions et de types divers. De même, les Italiens essayaient de transformer en une Italie unifiée ce que le chancelier autrichien Metternich définissait avec mépris mais non sans raison comme une « expression purement géographique »….

Pour les radicaux, la solution était simple : de quelque pays que ce soit, Allemagne, Italie, Hongrie ou autre, ils voulaient faire une république démocratique unitaire centralisée, édifiée, selon les principes éprouvés de la Révolution française, sur la ruine des rois et des princes et sur laquelle flotterait une version quelconque du drapeau tricolore qui, toujours selon l’exemple français, était le modèle type du drapeau national. Les modérés, d’autre part, se trouvaient pris dans un imbroglio de calculs complexes, essentiellement basés sur la crainte de la démocratie, qui, pour eux, signifiait révolution sociale. Là où les masses n’avaient pas encore renversé les princes, ils estimaient malavisé de les encourager à saper l’ordre social ; là où elles l’avaient déjà fait, ils jugeaient souhaitable de les voir évacuer les rues et démolir ces barricades qui étaient devenu le symbole de 1848. Ainsi, la question était pour eux de savoir lesquels des princes, paralysés par la révolution mais toujours en place, pouvaient être amenés à soutenir la bonne cause. Comment au juste une Allemagne ou une Italie fédérales et libérales pouvaient-elles être réalisées, selon quelle formule constitutionnelle et sous quels auspices ? Fallait-il envisager la création d’une Allemagne comprenant à la fois le royaume de Prusse et l’empire d’Autriche (comme le pensaient les modérés « Grands-Allemands ») ou une « petite Allemagne », dont l’Autriche serait exclue, était-elle préférable ? De même les modérés autrichiens, dans un jeu qu’ils pratiquèrent d’ailleurs jusqu’en 1918, c’est-à-dire jusqu’à la fin même de l’empire des Habsbourg, s’amusaient à imaginer des constitutions fédérales et multinationales. Là où avait lieu da guerre ou la révolution, on n’avait guère le temps de s’adonner à ce genre de spéculations constitutionnelles. Mais là où ce n’était pas le cas, comme dans la majeure partie de l’Allemagne, on avait tout loisir de le faire. Et comme la majorité des modérés libéraux de ces régions-là étaient des professeurs et des fonctionnaires – soixante-huit p Our cent des délégués à l’Assemblée de Francfort étaient des fonctionnaires et douze pou cent appartenaient à des professions libérales -, les débats de ce parlement éphémère devinrent bientôt le symbole de la futilité intellectuelle…

Voyons brièvement ce que ces révolutions possèdent en commun. En premier lieu, toutes triomphèrent et échouèrent rapidement, et, dans la plupart des cas, totalement. En l’espace de quelques mois, tous les gouvernements de la zone révolutionnaire furent renversés ou réduits à l’impuissance. Tous s’effondrèrent ou battirent en retraite pratiquement sans résistance. Cependant, la révolution avait presque partout perdu l’initiative après une période relativement courte : à la fin avril en France, dans le courant de l’été dans le reste de l’Europe – bien que le mouvement conservât une certaine puissance de contre-attaque à Vienne, en Hongrie et en Italie. En France, le premier événement marquant la renaissance conservatrice fut l’élection d’avril, où, malgré une minorité de monarchistes élus, le suffrage universel envoya à Paris une forte majorité de conservateurs, et cela, grâce au vote de la paysannerie, qui n’était pas tant réactionnaire que politiquement inexpérimentée, et que la gauche, tournée exclusivement vers les villes, n’avait pas su gagner. (…)

Le second de ces événements fut l’isolement et la défaite des ouvriers révolutionnaires de Paris, vaincus lors de l’insurrection de juin.

En Europe centrale, le revirement s’opéra lorsque l’armée des Habsbourg, dont la liberté de mouvement se trouva favorisée par la fuite de l’empereur en mai, parvint à se regrouper, à mater l’insurrection radicale de Prague en juin – avec l’appui de la bourgeoisie tchèque et allemande, d’ailleurs – et à reconquérir ainsi la Bohème, noyau économique de l’empire, pour reprendre ensuite le contrôle de l’Italie du nord. Une révolution éphémère et tardive dans les principautés du Danube fut, quant à elle, écrasée grâce à l’intervention des Russes et des Turcs.

Entre l’été et la fin de l’année, les anciens régimes d’Allemagne et d’Autriche avaient retrouvé leurs assises, bien qu’en octobre, la reconquête de Vienne, de plus en plus révolutionnaire, dût se faire par les armes et coûtât la vie à quatre mille personnes. Après cela, le roi de Prusse put rétablir sans difficulté son autorité sur les rebelles berlinois, et, hormis une certaine opposition dans le Sud-ouest, le reste de l’Allemagne rentra rapidement dans le rang, laissant le Parlement allemand – ou plutôt l’assemblée constitutionnelle -, élu aux jours prometteurs du printemps, et autres assemblées à leurs discussions en attendant qu’ils soient dissous. L’hiver, il ne restait plus que deux régions aux mains des révolutionnaires : une partie de la Hongrie et une partie de l’Italie. L’une et l’autre durent reconquises, après une modeste reprise de l’activité révolutionnaire dans le courant du printemps 1849, vers le milieu de cette même année.

La capitulation des Hongrois et des Vénitiens en août 1849 marqua la fin de la révolution. Sauf en France, tous les anciens souverains d’Europe avaient été rétablis – avec, parfois, un pouvoir plus grand qu’avant, comme ce fut le cas dans l’empire des Habsbourg – et les révolutionnaires dispersés en exil. (…)

Toutes ces révolutions eurent une autre chose en commune, qui explique dans une large mesure leur échec. De fait ou par anticipation, elles étaient des révolutions sociales visant à changer la condition de l’ouvrier pauvre. A ce titre, elles effrayaient les libéraux modérés – et même certains politiciens plus radicaux – qu’elles amenèrent sur le devant de la scène au moins autant que les défenseurs des anciens régimes. Futur architecte de l’Italie unifiée, le comte Cavour, du Piémont, avait quelques années plus tôt (en 1846) souligné cette faiblesse : « Si l’ordre social devait être véritablement menacé, si les grands principes sur lesquels il repose se trouvaient soumis à un risque sérieux, bien des opposants parmi les plus déterminés, bien des républicains parmi les plus enthousiastes, seraient alors, nous en sommes convaincus, les premiers à rejoindre les rangs du parti conservateur. »

Aussi est-ce incontestablement les ouvriers pauvres qui firent la révolution. C’est eux qui moururent sur les barricades des villes : à Berlin, sur les trois cents victimes des combats de mars, il n’y eut environ que quinze représentants des classes cultivées et trente maître artisans ; à Milan, que douze étudiants, employés de bureau et propriétaires sur les trois cent cinquante morts de l’insurrection. (…) En Italie méridionale, les paysans se levèrent partout simultanément pour démembrer les grands domaines. Effrayée par une fausse rumeur annonçant une gigantesque insurrection des serfs sous la direction du poète Sandor Pétöfi, la Diète hongroise – essentiellement composée de propriétaires – vota l’abolition immédiate du servage dès le 5 mars ; à peine quelques jours plus tard, le gouvernement impérial, cherchant à couper les révolutionnaires d’une base paysanne, décréta l’abolition instantanée du servage en Galicie et de diverses autres obligations féodales en territoire tchèque. A n’en pas douter, l’ »ordre social » était en danger.

Mais le danger n’était pas le même partout. (…)

Les classes moyennes européennes des années 1840 croyaient voir dans la pluie et la fumée du Lancashire la silhouette de leurs futurs problèmes sociaux, elles croyaient deviner l’avenir derrière les barricades de Paris, qui avait inauguré et exporté tant de révolutions. Et la révolution de Février ne fut pas seulement faite par le « prolétariat », mais comme une révolution sociale consciente. Son objectif n’était pas n’importe quelle république, mais une « république démocratique et sociale ». Ses chefs étaient des socialistes et des communistes. Son gouvernement provisoire compta même un authentique ouvrier, un mécanicien connu sous le nom d’Albert. Et pendant quelques jours, on ne sut pas si son drapeau serait le drapeau tricolore ou l’étendard rouge des révoltes sociales. (…) Au moment où Paris dressa ses barricades, tous les libéraux modérés (et comme le nota Cavour, bon nombre de radicaux) devinrent des conservateurs en puissance. (…)

1848 échoua parce qu’en fait la confrontation décisive n’opposa pas les anciens régimes aux « forces unies du progrès », mais les défenseurs de l’ « ordre » aux partisans de la « révolution sociale ». Le combat décisif ne fut pas celui qui se déroula à Paris en février, mais celui qui s’y livra en juin, et où les ouvriers, pris dans une insurrection isolée, furent défaits et massacrés. On se battit et l’on mourut ferme. Les combats de rue firent environ mille cinq cents victimes, dont les deux tiers du côté du gouvernement. Phénomène révélateur de la haine des riches à l’égard des pauvres, quelque trois mille personnes furent tuées après la défaite, tandis que douze mille autres étaient arrêtées et, pour la plupart, déportées dans des camps de travail algériens.

Ainsi la révolution conserva-t-elle son élan là seulement où les radicaux étaient assez forts et assez étroitement liés au mouvement populaire pour entraîner les modérés ou se passer d’eux. Ce devait être essentiellement le cas dans les pays où la question primordiale était la libération nationale, qui exigeait la mobilisation permanente des masses. Et c’est pourquoi c’est en Italie et surtout en Hongrie que la révolution dura le plus longtemps. (…)

A l’intérieur de la zone correspondant grossièrement au territoire de la Hongrie actuelle, la révolution conserva l’appui massif du peuple (magyar) pour des raisons d’ordre à la fois social et national. Les paysans estimaient qu’ils avaient obtenu la liberté non pas de l’empereur, mais de la Diète révolutionnaire hongroise. Ce fut la seule région d’Europe où la défaite de la révolution fut suivie d’une sorte de guérilla rurale, que le célèbre bandit Sandor Rosza entretint pendant plusieurs années. Lorsque la révolution éclata, la Diète, que composaient une chambre haute de Magyars modérés ou prêts à transiger et une chambre basse dominée par des hommes de loi et des propriétaires terriens radicaux, n’eut plus qu’à passer des protestations à l’action. Elle le fit sans tarder, sous la conduite de Louis Kossuth, avocat, journaliste et orateur, qui allait devenir la figure révolutionnaire internationalement la mieux connue de 1848. (…) Seule parmi les révolutions de 1848, celle de Hongrie n’échoua pas, ni ne parut devoir échouer, en raison de sa faiblesse et de ses conflits intérieurs, mais devant une puissance militaire d’une supériorité écrasante. (…)

Les révolutions avaient été précipitées par la dernière, et peut-être la plus grave, des crises économiques de l’ancien genre, c’est-à-dire propres à un monde soumis aux hasards des récoltes et des saisons. Le monde nouveau du « cycle économique », que seuls les socialistes reconnaissaient alors comme le rythme et le mode de fonctionnement propres à l’économie capitaliste, avait son type particulier de difficultés et de fluctuations économiques. (…) 1850 fut le point de départ d’un grand boom. Jamais, par exemple, les exportations anglaises n’augmentèrent aussi rapidement que durant les années 1850-1857. Ainsi, la fabrication du coton, qui, depuis plus d’un demi-siècle, occupait en Angleterre la tête des exportations, augmenta-t-elle son taux de croissance réelle par rapport aux décades précédentes. (…) Quant au nombre d’ouvriers employés dans cette industrie, il augmenta du double dans les années 1850. (…) En Belgique, l’exportation du fer fit plus que doubler entre 1851 et 1857. (…) Ce boom allait avoir des conséquences politiques de grande portée. Aux gouvernements ébranlés par la révolution, il donna le temps de se retourner, tandis qu’au contraire il ruinait les espoirs des révolutionnaires.

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