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Giordano Bruno, moins célèbre, mais plus révolutionnaire que Galilée, Képler et Copernic

mercredi 9 novembre 2011, par Robert Paris

Giordano Bruno :

"A vous de voir si les observations effectuées et les vérifications approuvées vous permettent de tirer quelque conclusion contre nous ; après quoi vous aurez toute liberté de proférer vos condamnations."

Giordano Bruno (un film de Giuliano Montaldo avec Gian Maria Volonte, Charlotte Rampling et Hans-Christian Blech.).

Giordano Bruno, moins célèbre, mais plus révolutionnaire que Galilée, Képler et Copernic

Bruno a affirmé, comme est maintenant universellement accepté, que la terre tourne et que la rotation journalière apparente des cieux est une illusion provoquée par la rotation de la terre autour du son axe. Bruno ne se contente pas de dire que la Terre tourne sur elle-même, qu’elle n’est pas le centre du monde et qu’elle tourne autour du soleil. Il ne remplace pas le centrisme de la Terre par celui du Soleil. Il supprime l’idée même de centre du monde. Il rend au soleil sa vraie place, une étoile comme les autres et à la terre la sienne : une planète d’une étoile parmi une quantité innombrable d’autres....

Bruno se demande s’il "n’y a pas des astres plus grands que le soleil ? " et affirme, bien avant leur découverte, qu’il doit exister d’autres terres semblables à la nôtre dans l’univers.

Il écrit : « Il y a deux types de
corps dans le cosmos, les soleils et les
terres : les premiers lumineux et en
feu, les seconds cristallins et aqueux.
Les terres sont en rotation autour des
soleils, exactement comme la Terre se
déplace autour du Soleil. Ce ne sont
que la distance et la luminosité des
soleils qui parviennent à rendre invisibles
les autres terres, et il existe en
réalité un univers infini dans lequel il
n’y a pas de sphères de cristal et où les
étoiles sont de même nature que notre
soleil. »

Bruno considère que l’univers est discontinu, depuis les atomes élémentaires jusqu’aux systèmes solaires entourés d’espace d’éther qui ne sont pas rien. Il pense que la matière est formée partout des mêmes éléments.

Un autre passage traite de la relativité des mouvements. Il contredit les partisans d’Aristote qui croient que "si la terre tournait du côté que nous appelons l’orient, les nuages donneraient nécessairement l’impression de courir dans l’air vers l’occident, à cause de la grande vitesse et de l’extrême rapidité de notre globe".

Bruno démontre, en abordant ce que l’on appellera plus tard le référentiel, que le mouvement est toujours relatif au cadre depuis lequel on l’observe. Il prend comme exemple de référentiel un navire sur lequel on jette une pierre :

"On peut voir qu’un homme placé sur la berge et jetant une pierre droit sur le navire, tandis qu’il suit la rivière, manquera d’autant plus son coup que la course sera plus rapide. Mais un homme placé sur le mât du navire, quelle que soit la vitesse de celui-ci, ne manquera pas le but : rien n’empêchera la pierre ou tout autre objet pesant jeté du [haut du mât] d’atteindre en droite ligne le point à la base du mât ou ailleurs dans le ventre et le corps du navire."

Il reproche à Copernic d’étudier plus un monde mathématique que la nature :

Copernic est « plus porté à étudier la mathématique que la nature, il n’a pu aller assez profond ni assez avant pour déraciner entièrement certains inconvénients et vains principes... »

Quelques courageuses et géniales affirmations de Giordano Bruno choquent par leur modernité :

 les étoiles du ciel ne sont pas des lumières, mais des soleils !!!!

 l’Univers est en mouvement.

 les étoiles ne sont pas plus fixes que les planètes !!!!

 l’univers n’a ni centre, ni limite et ne tourne pas autour d’un point, ni de la Terre, ni du Soleil.

 il y a d’autres terres et probablement d’autres êtres vivants et même d’autres hommes dans l’Univers.

 il imagine un espace parsemé d’étoiles dans toutes les direction avec, autour de ces soleils, des planètes.

 il souligne la corrélation des nombres et des figures géométriques.

 dieu n’existe pas et il n’y a pas de saints et pas de prophètes (affirmation d’un prêtre !).

 il combat en même temps le protestantisme et le catholicisme. (quel luxe d’ennemis !)

 aucune lecture n’est impie !

Il proclame :

Le Christ ? Un séducteur.

La virginité de Marie ? Une aberration.

La messe ? Un blasphème.

La bible ? Un tissu de mensonges.

Les théologiens ? Des pédants qui ‘‘froncent le sourcil’’ pour se donner l’air important.

Les philosophes ? Des pédagogues ignorants aveuglés par le culte des idéologies, (…) tous des ‘‘ânes bâtés’’ qui passent leur vie à gâcher tous les arguments qui leur viennent aux lèvres (…) pendant que lui, ‘‘intrépide chevalier errant du Savoir’’, part en guerre contre les fausses certitudes…

Non, les femmes ne sont pas moins intelligentes que les hommes. Non, les gens d’église ne devraient pas jouir de si grands biens mais se contenter d’un peu de bouillon ; non, les Espagnols n’ont pas bien fait de découvrir l’Amérique, car ils ont ‘‘violé la vie d’autrui’’.

Il a été excommunié, combattu, poursuivi, condamné en Italie, en France, en Angleterre et en Allemagne !!!

Giordano Bruno est alors accusé d’hérésie, d’apostasie, d’enseignement contre la religion et de blasphème. Cela marque le début d’un long procès qui va durer 8 ans, et à l’issue duquel Bruno sera brûlé vif.

Le premier chef d’accusation porte sur les positions théologiques jugées hérétiques de l’accusé, à savoir sa pensée anti-dogmatique, son rejet de la transsubstantiation (que le Concile de Trente vient de confirmer), son rejet de la Trinité, son blasphème contre le Christ, son rejet de l’immaculée conception. L’accusation relève rapidement les activités philosophiques et scientifiques : pratique de l’art divinatoire, croyance en la métempsycose, vision cosmologique révisionniste. Bruno se défend bec et ongles, de façon habile, jouant parfois la comédie, feignant un certain repentir sur des points minimes. Grâce à son habileté, les tribunaux vénitiens le blanchissent.

Malheureusement, son passé d’apostat le rattrape et la Curie romaine obtient son extradition en 1593, après que le Pape lui-même soit intervenu auprès du doge (procédure tout à fait exceptionnelle). Il se retrouve alors dans les geôles du Vatican.

10 nouveaux chefs d’accusation sont ajoutés à son procès. Un procès interminable s’ensuit alors, ponctué d’une vingtaine d’interrogatoires dirigés par le Cardinal Robert Bellarmin (qui instruira également le procès de Copernic en 1616) où on lui administrera à plusieurs reprises la torture.

Le Pape Clément VIII voulant en finir rapidement, exhorte Bruno à la soumission et au repentir, mais le philosophe astronome réplique : « Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j’aurais à rétracter ». Devant l’obstination de l’accusé, le Pape ordonne au tribunal de l’inquisition de prononcer son jugement, le 20 Janvier 1600. Condamnation qui est sans appel, puisque Giordano Bruno est condamné au bûcher.

Giordano Bruno a toujours refusé d’abjurer. Il s’était finalement fait à l’idée qu’il serait exécuté. Il sera brûlé sur la place Campo Dei Fiori de Rome le 17 février 1600. On avait écrasé sa bouche par une muselière pour qu’il ne puisse pas une dernière fois montrer qu’il ne cédait pas. Il s’est violemment détourné quand on lui a présenté un crucifix devant le visage avant son exécution !

Voici les derniers mots de Giordano Bruno : « Vous éprouvez sans doute plus de crainte à rendre cette sentence que moi à la recevoir. »

Philosophiquement, Bruno est révolutionnaire : « Pour explorer tous les secrets de la nature, il nous faut rechercher dans les choses leurs termes extrêmes, opposés et contradictoires, le maximum et le minimum. » Il développe une dialectique de la matière et de la forme, de l’élémentaire et de l’espace illimité : "Ce qu’il y a de plus grand, ce n’est pas de trouver le pont d’union, c’est de développer à partir de lui aussi son opposé : voilà le véritable secret, le plus profond secret de l’art." Bruno reproche à Aristote d’avoir affirmé "que les contraires ne peuvent actuellement coïncider en un même sujet." Friedrich Hegel reconnaitra en Bruno son maître en dialectique.

"Nous qui prêtons attention non pas aux ombres de l’imagination, mais aux choses mêmes, nous qui considérons un corps aérien, éthéré, spirituel, liquide, un vaste réservoir de mouvement et de repos, immense même et infini — il nous faut au moins l’affirmer, puisque ni les sens ni la raison ne nous en font voir la fin, nous savons avec certitude qu’étant l’effet et le produit d’une cause infinie et d’un principe infini, il doit être infiniment infini quant à sa capacité physique et quant à son mode d’être. Et je suis certain que Nundinio, non plus que ceux qui exercent le magistère de l’entendement, ne pourra jamais établir (fût-ce avec une demi-probabilité) que notre univers corporel ait une limite, et que par conséquent les astres contenus dans son espace soient en nombre fini. Ni que cet univers connaisse un centre et milieu naturellement déterminé."

Le philosophe des sciences Koyré remarque : « L’influence exercée par
Bruno nous paraît avoir été beaucoup
plus grande qu’on ne l’admet habituellement
et qu’il n’y paraît dans les
textes. Ainsi, il nous semble certain
que Galilée le connaissait parfaitement
bien ; s’il n’en parle jamais, ce
n’est pas par ignorance, c’est par prudence. »

Giordano Bruno publie ses idées en 1584, en italien et en latin, dans un ouvrage intitulé : ‘‘De l’infini, de l’univers et des mondes’’ :

« Persévère, cher Filoteo, persévère ; ne te décourage pas et ne recule pas parce qu’avec le secours de multiples machinations et artifices le grand et solennel sénat de la sotte ignorance menace et tente de détruire ta divine entreprise et ton grandiose travail. (…) Et parce que dans la pensée de tout un chacun se trouve une certaine sainteté naturelle, sise dans le haut tribunal de l’intellect qui exerce le jugement du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, il adviendra que des réflexions particulières de chacun naîtront pour ton procès des témoins et des défenseurs très fidèles et intègres. (…) Fais-nous encore connaître ce qu’est vraiment le ciel, ce que sont vraiment les planètes et tous les astres ; comment les mondes infinis sont distincts les uns des autres ; comment un tel effet infini n’est pas impossible mais nécessaire ; comment un tel effet infini convient à la cause infinie ; quelle est la vraie substance, matière, acte et efficience du tout ; comment toutes les choses sensibles et composées sont formées des mêmes principes et éléments. Apporte nous la connaissance de l’univers infini. Déchire les surfaces concaves et convexes qui terminent au dedans et au dehors tant d’éléments et de cieux. Jette le ridicule sur les orbes déférents et les étoiles fixes. Brise et jette à terre, dans le grondement et le tourbillon de tes arguments vigoureux, ce que le peuple aveugle considère comme les murailles adamantines du premier mobile et du dernier convexe. Que soit détruite la position centrale accordée en propre et uniquement à cette Terre. Supprime la vulgaire croyance en la quintessence. Donne-nous la science de l’équivalence de la composition de notre astre et monde avec celle de tous les astres et mondes que nous pouvons voir. Qu’avec ses phases successives et ordonnées, chacun des grands et spacieux mondes infinis nourrisse équitablement d’autres mondes infinis de moindre importance. Annule les moteurs extrinsèques, en même temps que les limites de ces cieux. Ouvre nous la porte par laquelle nous voyons que cet astre ne diffère pas des autres. Montre que la consistance des autres mondes dans l’éther est pareille à celle de celui-ci. Fais clairement entendre que le mouvement de tous provient de l’âme intérieure, afin qu’à la lumière d’une telle contemplation, nous progressions à pas plus sûrs dans la connaissance de la nature. » ( De l’infini, de l’univers et des mondes )

Le 3 février 2000 à l’occasion du 400ième anniversaire de la mort de Giordano Bruno, le cardinal Poupard, président du conseil pontifical pour la culture – organisme qui réhabilita Jan Hus et Galilée – a exprimé les regrets de l’Eglise devant les bûchers de l’Inquisition. Il affirma nettement leur « incompatibilité avec la vérité évangélique ». Il a également annoncé que le Pape Jean-Paul II demanderait pardon le 12 mars en la basilique Saint-Pierre, lors d’une célébration visant à « recréer le dialogue de l’Eglise avec tous les hommes ». Cependant il confirma que Bruno ne serait pas réhabilité : « La condamnation pour hérésie de Bruno, indépendamment du jugement qu’on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivée » déclara le prélat.. Il alla même jusqu’à affirmer que l’église avait tout fait pour ne pas tuer Bruno mais que c’est, au contraire, son attitude à lui, bornée et dogmatique qui a été cause de sa perte !

Giordano Bruno (janvier 1548, Nola — 17 février 1600, Rome), est un philosophe italien.

Sur la base des travaux de Nicolas Copernic et Nicolas de Cues, il montre, de manière philosophique, la pertinence d’un univers infini, peuplé d’une quantité innombrable de mondes identiques au nôtre. Accusé d’hérésie par l’Inquisition, notamment pour ses écrits jugés blasphématoires et son intérêt pour la magie, il est condamné à être brûlé vif au terme de huit années de procès.

Le Banquet des Cendres est le premier des trois grands dialogues métaphysiques de Giordano Bruno, dans lequel il expose, contre les partisans d’Aristote et de Ptolémée et par-delà Copernic, ses conceptions cosmologiques. S’il défend l’hypothèse copernicienne au cours d’un banquet organisé en son honneur par des docteurs anglais le 14 février 1584, jour des Cendres, c’est surtout pour dénoncer la pédanterie et l’obscurantisme desdits docteurs.

Les fureurs héroïques

Bruno naît en janvier 1548 à Nola, bourgade proche de Naples, qui relève de la souveraineté espagnole. Son nom de baptême est Filippo. Sa famille dispose de revenus modestes (son père est « homme d’armes »). L’école la plus proche lui donne une instruction. Imprégné d’humanisme, d’auteurs classiques, d’étude de la langue et de la grammaire latine, il restera toutefois marqué par le pédantisme accompagnant l’enseignement, qui le rebute. Il rejoint l’université de Naples, où il découvre la mnémotechnique, art de la mémoire, qui constituera rapidement une de ses disciplines d’excellence. Il prend aussi des cours particuliers, qui le mettent au cœur des débats philosophiques entre platoniciens et aristotéliciens.

Sa culture, alors essentiellement humaniste, s’enrichit d’un apport théologique déterminant. Le 15 juin 1565, il entre chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiore, d’une part, prestigieux couvent dominicain pour la qualité des titres qu’il attribue, réputés dans toute l’Italie, d’autre part précieux refuge en ces temps de disette et d’épidémie. Il y rencontre Giordano Crispo, maître en métaphysique, dont il adopte le prénom en guise d’hommage. Il est alors un dominicain modèle, vivant selon la devise « verba et exempla » (« par le verbe et par l’exemple ») et ordonné prêtre en 1573.

Il devient lecteur en théologie en juillet 1575. S’il semble continuer sa carrière de dominicain modèle (il soutient une thèse sur la pensée de Thomas d’Aquin et de Pierre Lombard), Bruno dissimule en fait une rébellion contre le carcan théologique. Au fil des années, il a su se forger une culture éclectique et peu orthodoxe, sans cesse alimentée par un appétit de lecture et des capacités exceptionnelles de mémorisation. Il est particulièrement adepte des œuvres d’Érasme, humaniste qui affirme sa liberté de pensée par rapport aux autorités ecclésiastiques. Il a le goût de l’hermétisme et de la magie. Enfin, grandit une passion pour la cosmologie, détachée de l’approche théologique.

La rupture qui couvait finit par être consommée. Dès sa première année de noviciat, il avait ôté des images saintes de sa chambre, notamment celles représentant Marie, s’attirant l’accusation de profanation du culte de Marie. Au fil des années, les heurts deviennent plus durs, tout particulièrement au sujet de la Trinité, dogme qu’il repousse. On l’accuse d’avoir lu et étudié des livres interdits. En février 1576, il doit abandonner le froc dominicain et fuir, une instruction ayant été ouverte à son encontre pour le déclarer hérétique.

Illustration d’un des livres de Giordano Bruno sur la mnémotechnique : on y distingue les quatre éléments classiques : la terre, l’air, l’eau et le feu.

Dans un premier temps, Bruno espère rester en Italie. Il survit, de 1576 à 1578, par des leçons de grammaire ou d’astronomie, mais sa condition d’apostat l’amène à changer fréquemment de ville ou de région : Gênes, Noli, Savone, Turin, Venise, Padoue, Brescia, Naples abritent successivement ses doutes et ses recherches. Durant ces deux années, il ne pourra publier qu’un seul ouvrage, dont on ne connaît que le titre : De’ segni de tempi (Des Signes du temps). À Brescia, il guérit un démoniaque.[réf. souhaitée]

Épuisé par sa condition, il finit par s’exiler dans le Comté de Savoie, à Chambéry tout d’abord, puis il va dans la Genève calviniste. Mais son intégration dans la communauté évangélique ne durera qu’un temps : une dispute avec la hiérarchie (il conteste la compétence d’un de ses membres, le professeur de philosophie Antoine de la Faye) lui vaut arrestation et excommunication, le 6 août 1578.

Il repart et rejoint Lyon, puis Toulouse, alors sujette au dogmatisme catholique le plus intègre. Toutefois, il parvient à enseigner deux ans durant, et à obtenir le titre de magister artium (maître ès-arts) et la fonction de « professeur ordinaire » (contractuel). Il alterne la physique et les mathématiques, et publie un ouvrage sur la mnémotechnique : Clavis Magna. Intéressé par l’ouvrage et impressionné par la mémoire colossale de Bruno, Henri III le fait venir à la cour et devient son protecteur, lui offrant, jusqu’en 1583, cinq années de paix et de sécurité.

Il figure parmi les philosophes attitrés de la cour. Henri III lui octroie une chaire de « lecteur extraordinaire et provisionné » au Collège des lecteurs royaux, préfiguration du Collège de France[1]. Son discours s’arrondit, et face aux tensions religieuses, adopte une position tolérante. En 1582, son talent d’écrivain, ironique et lyrique, vivant, imagé, se confirme dans Candelaio (Le Chandelier), comédie satirique sur son temps.

En avril 1583, Bruno se rend en Angleterre, à Londres puis à Oxford, où il reçoit un accueil hostile. Précédées par une réputation brillante mais sulfureuse, ses idées malmènent l’église anglicane ; il essuie de nombreuses critiques. Sûr de lui et de ses idées, plein de mépris pour les idées de ses contradicteurs, Bruno consacre deux années à répliquer ; il apparaît alors comme un philosophe, théologien et scientifique novateur mais impertinent. En 1584 paraissent :

* La Cena de le Ceneri (Le Banquet des cendres).

* De la causa, principio, e Uno (La Cause, le principe et l’un).

* De l’infinito, universo e Mondi (De l’Infini, de l’univers et des mondes).

Dans ces ouvrages il expose sa vision cosmographique audacieuse et révolutionnaire. Il y soutient les thèses coperniciennes du monde, et va au-delà encore en imaginant un univers peuplé d’une infinité de mondes :

« Nous affirmons qu’il existe une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini[2]. »

En 1585, trois nouveaux ouvrages approfondissent et poursuivent ses audaces :

* Spaccio de la Bestia Trionfante (L’Expulsion de la bête triomphante) s’attaque aux attitudes calvinistes et catholiques.

* Cabala del cavallo Pegaseo (La Cabale du cheval Pégase), opuscule satirique, démolit systématiquement la vénérable référence aristotélicienne.

* De gl’ heroici furori (Les Fureurs héroïques) élimine l’idée d’un monde centré, présente un univers où Dieu n’a plus de lieu.

En octobre 1585 il retourne à Paris, où il entreprend une critique serrée d’Aristote, avec Figuratio Aristotelici Physici auditus (Esquisse de la physique aristotélicienne) et Centum et viginti articuli de natura et mundo (120 articles sur la nature et le monde). Mais les positions religieuses se durcissent : Henri III ne peut plus se permettre de défendre un révolutionnaire du savoir. De plus, une dispute avec Mordente, géomètre associé aux ligueurs l’accuse de plagiat en s’attribuant la paternité du compas différentiel. Il s’exile en Allemagne en juin 1586 ; l’université de Marbourg puis celle de Wittenberg l’accueillent. Le voilà dans la communauté luthérienne. Mais, à l’automne 1588, après des heurts avec sa nouvelle hiérarchie, Giordano Bruno apprend son excommunication de l’église luthérienne.

Il reprend la route, toujours en Allemagne ; ses ouvrages témoignent alors de sa volonté d’organiser sa pensée :

* De innumerabilibus, immenso, et infigurabili réexamine sa cosmographie.

* Dans De monade numero et figura, Bruno mène une réflexion sur le rapport entre nombres et les figures géométriques.

* De triplici minimo et mensura, réflexions sur l’infiniment petit (précurseur des études sur l’atome).

* De imaginum, signorum et idearum compositione (De la composition des images, des signes et des idées), introduit un prodigieux système mnémotechnique.

Les circonstances de celui-ci sont relatées dans la copie d’une lettre de Gaspard Schopp au jurisconsulte Allemand Ritterschausen située en annexe du livre Machiavellizatio, d’auteur inconnu, publié à Saragosse en 1621, lettre citée pour la première fois dans la préface de "Commentaires sur Zoroastre", un ouvrage du pasteur Jean-Henri Ursin.

À l’issue d’une dernière expulsion à Francfort, un séjour à Zurich, un retour à Francfort, Bruno accepte en août 1591 l’invitation à Venise d’un jeune patricien, Giovanni Mocenigo. Les deux hommes ne s’entendent pas : Bruno revient probablement motivé par l’envie d’être nommé à la chaire de mathématiques de l’université de Padoue, mais Mocenigo attend de Bruno qu’il lui enseigne la mnémotechnique et l’art d’inventer. Le patricien considère vite qu’il n’en a pas pour son argent, alors que Bruno considère que sa présence est déjà un honneur pour son hôte. Déçu, Bruno veut repartir et froisse Mocenigo, qui commence par le retenir prisonnier puis, ne parvenant pas à se le soumettre, finit par le dénoncer à l’inquisition vénitienne, le 23 mai 1592. Bruno est arrêté, jeté à la prison de San Domenico di Castello.

Au fur et à mesure du procès, qui durera huit années, l’acte d’accusation va évoluer. Le premier acte d’accusation se concentre sur ses positions théologiques hérétiques : sa pensée antidogmatique, le rejet de la transsubstantiation que le concile de Trente vient de confirmer, et de la Trinité, son blasphème contre le Christ, sa négation de la virginité de Marie. Mais ses activités sont déjà relevées : sa pratique de l’art divinatoire, sa croyance en la métempsycose, sa vision cosmologique. Au long du procès, l’acte d’accusation ne cessera de croître.

Blanchi par les tribunaux vénitiens, Bruno est presque libéré. Mais la Curie romaine semble vouloir lui faire payer son apostasie. Sur intervention personnelle du pape auprès du doge, une procédure tout à fait exceptionnelle, Rome obtient l’extradition et Bruno se retrouve dans les redoutables geôles vaticanes du Saint-Office.
Statue de Giordano Bruno sur le lieu de son supplice à Rome.

En 1593, dix nouveaux chefs d’accusation sont ajoutés. Bruno subit sept années de procès, ponctuées par une vingtaine d’interrogatoires menés par le cardinal Robert Bellarmin, qui instruira aussi le procès du système de Copernic en 1616.

Il lui arrive de concéder un geste de rétractation, mais se reprend toujours : « Je ne recule point devant le trépas et mon cœur ne se soumettra à nul mortel. » Le pape Clément VIII somme une dernière fois Bruno de se soumettre, mais Bruno répond : « Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j’aurais à rétracter. »

Le 20 janvier 1600, Clément VIII ordonne au tribunal de l’Inquisition de prononcer son jugement qui le déclare hérétique et qui, « devant son extrême et résolue défense[3] », le condamne à être remis au bras séculier pour être puni, selon la formule habituelle, « avec autant de clémence qu’il se pourrait et sans répandre de sang » (« ut quam clementissime et citra sanguinis effusionem puniretur »).

À la lecture de sa condamnation au bûcher, Bruno commente : « Vous éprouvez sans doute plus de crainte à rendre cette sentence que moi à la recevoir. ». Le 17 février 1600, il est mis nu, la langue entravée par un mors de bois l’empêchant de parler et de crier[4], sur le Campo Dei Fiori et supplicié sur le bûcher devant la foule des pèlerins venus pour le Jubilé.

Célèbre est la preuve donnée par Giordano Bruno sur la relativité du mouvement. Selon Aristote, la Terre est immobile, la preuve, c’est que, si l’on fait tomber du haut d’un arbre ou d’une tour, une pierre, elle tombe verticalement ; si la Terre tournait, elle se déplacerait pendant le temps de la chute, l’endroit où la pierre tomberait serait décalé dans le sens inverse du mouvement terrestre. Bruno démonte cette fausse preuve de la fixité de la Terre. Si on lance une pierre du haut du mât d’un bateau en mouvement, elle tombera toujours au pied du mât, quel que soit le mouvement du bateau par rapport à la rive. Bateau, mât et pierre forment ensemble ce qu’on appellera plus tard un système mécanique. Il est impossible de déceler le mouvement d’un système mécanique par des expériences réalisées à bord de ce système lui-même. En montrant qu’on ne peut envisager le mouvement d’un corps dans l’absolu, mais seulement de manière relative, en relation avec un système de référence, Bruno ouvre la voie aux travaux de Galilée.

« Toutes choses qui se trouvent sur la Terre se meuvent avec la Terre. La pierre jetée du haut du mât reviendra en bas, de quelque façon que le navire se meuve. » (Le Banquet des cendres).

Dès 1584 (Le Banquet des cendres), Bruno adhère, contre la cosmologie d’Aristote, à la cosmologie de Copernic (1543), à l’héliocentrisme : double mouvement des planètes sur elles-mêmes et autour du Soleil, au centre.

Mais Bruno va plus loin : il veut renoncer à l’idée de centre. « Il n’y a aucun astre au milieu de l’univers, parce que celui-ci s’étend également dans toutes ses directions. » Chaque étoile est un soleil semblable au nôtre, et autour de chacune d’elles tournent d’autres planètes, invisibles à nos yeux, mais qui existent.

« Il est donc d’innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour de ces soleils, à l’instar des sept « terres » [la Terre, la Lune, les cinq planètes alors connues : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne] que nous voyons tourner autour du Soleil qui nous est proche. » (Giordano Bruno, L’Infini, l’Univers et les Mondes, 1584).

Contre Copernic, Bruno « abolit » la sphère des étoiles fixes, puisque dans toutes les directions, à l’infini, le vide immense est parsemé d’étoiles. « Intuition remarquable, dit un commentateur. Pour la première fois dans l’histoire de la pensée humaine, le ciel acquiert une profondeur. Plus exactement, c’est la notion même de ciel qui s’évanouit, pour laisser place à celle d’espace, homogène, c’est-à-dire identique à lui-même, dans toutes les directions[5]. »

Bruno est le premier à postuler, contre la doctrine de l’Église de l’époque, la pluralité de mondes habités dans son ouvrage De l’infinito universo et Mondi. Il postule que les étoiles sont des soleils, plus petits car éloignés et que ceux-ci peuvent abriter d’autres créatures à l’image de Dieu.

« Ainsi donc les autres mondes sont habités comme l’est le nôtre ? demande Burchio. Fracastorio, porte-parole de Bruno répond : Sinon comme l’est le nôtre et sinon plus noblement. Du moins ces mondes n’en sont-ils pas moins habités ni moins nobles. Car il est impossible qu’un être rationnel suffisamment vigilant puisse imaginer que ces mondes innombrables, aussi magnifiques qu’est le nôtre ou encore plus magnifiques, soient dépourvus d’habitants semblables et même supérieurs. » (Giordano Bruno, L’Infini, l’Univers et les Mondes).

Contrairement à Copernic, il n’appuie pas ses dires sur des preuves mathématiques. « Concernant la mesure du mouvement [des corps célestes], la géométrie ment plutôt qu’elle ne mesure » (De immenso). Il se fie au jugement de l’intellect : « C’est à l’intellect qu’il appartient de juger et de rendre compte des choses que le temps et l’espace éloignent de nous. »

Giordano Bruno développe plusieurs idées qui feront fortune, bien qu’elles remontent à l’Antiquité : monade, infini.

En 1591, à Francfort, Giordano Bruno a écrit en latin deux poèmes sur la monade : « Du triple minimum » (« De triplici minimo ») et « De la monade, du nombre et de la figure » (« De monade, numero et figura »). Il appelle minimum ou monade une entité indivisible qui constitue l’élément minimal des choses matérielles et spirituelles. La monade, qui correspond au point des mathématiques et à l’atome de la physique, est cet être primitif, impérissable de nature aussi bien corporelle que spirituelle, qui engendre, par des rapports réciproques, la vie du monde. C’est une individualisation extrinsèque de la divinité ; existence finie, elle est un aspect de l’essence infinie. Dieu, minimum et maximum, est la Monade suprême d’où s’échappent éternellement une infinité de monades inférieures.

« Nous déclarons cet espace infini, étant donné qu’il n’est point de raison, convenance, possibilité, sens ou nature qui lui assigne une limite. » (Giordano Bruno, L’Infini, l’Univers et les Mondes).

Hylozoïste, il pense que tout est vivant, et panpsychiste, il pense que tout est psychique.

« La Terre et les astres (...), comme ils dispensent vie et nourriture aux choses en restituant toute la matière qu’ils empruntent, sont eux-mêmes doués de vie, dans une mesure bien plus grand encore ; et vivants, c’est de manière volontaire, ordonnée et naturelle, suivant un principe intrinsèque, qu’ils se meuvent vers les choses et les espaces qui leur conviennent » (Le Banquet des cendres).

« Toutes les formes de choses naturelles ont des âmes ? Toutes les choses sont donc animées ? demande Dicson. Theophilo, porte-parole de Bruno, répond : Oui, une chose, si petite et si minuscule qu’on voudra, renferme en soi une partie de substance spirituelle ; laquelle, si elle trouve le sujet [support] adapté, devient plante, animal (...) ; parce que l’esprit se trouve dans toutes les choses et qu’il n’est de minime corpuscule qui n’en contienne une certaine portion et qu’il n’en soit animé. » (Cause, Principe et Unité, 1584).

Et ce qu’on peut dire de chaque parcelle du grand Tout, atome, monade, peut se dire de l’univers comme totalité. le monde en son cœur loge l’Âme du monde (Cause, Principe et Unité).

Le monde est infini parce que Dieu est infini. Comment croire que Dieu, être infini, aurait pu se limiter lui-même en créant un monde clos et borné ?

« Il n’y a qu’un ciel, une immense région éthérée où les magnifiques foyers lumineux conservent les distances qui les séparent au profit de la vie perpétuelle et de sa répartition. Ces corps enflammés sont les ambassadeurs de l’excellence de Dieu, les hérauts de sa gloire et de sa majesté. Ainsi sommes-nous conduits à découvrir l’effet infini [le monde] de la cause infinie [Dieu] ; et à professer que ce n’est pas hors de nous qu’il faut chercher la divinité, puisqu’elle est à nos côtés, ou plutôt en notre for intérieur, plus intimement en nous que nous ne sommes en nous-mêmes. » (Giordano Bruno, Le Banquet des cendres).

Dans le De umbris idearum (Sur les Ombres des Idées, 1583), il adopte, comme le fit Lulle, des roues concentriques capables d’engendrer tous les mondes possibles et de restaurer les pouvoirs occultes des images astrologiques et magiques des décans à l’intérieur des signes zodiacaux. La même année, sur le même sujet, il publie : Ars reminiscendi (L’Art de remémorer), Explicatio triginta sigillorum (Explication de trente sceaux), Sigillus sigillorum (Le Sceau des sceaux).

Giordano Bruno a écrit divers livres de magie. En 1589 : De magia mathematica (Sur la Magie mathématique), De magia naturali (Sur la Magie naturelle), Theses de magia (Thèses sur la magie), De rerum principiis et elementis et causis (Sur les principes, éléments et causes des choses), Medicina lullina (Médecine lulienne). Puis : Lampas triginta statuarum, De vinculis in genere (1591).

L’œuvre de Bruno est d’une rare complexité. Elle embrasse des domaines très variés : extraordinairement pionnier (en astronomie, en physique ou en philosophie), Bruno s’intéresse également à l’astrologie (comme plus tard le feront Kepler et Newton), l’occulte et la magie, à laquelle est consacrée De vinculis in genere en 1591. De même, sa vie foisonne de combats et de péripéties.

* En Bruno, Leibniz admire le visionnaire, relevant ses théories sur l’univers et l’infini, mais il lui reproche ses travaux sur l’art de la mémoire et la magie lullienne.

* Diderot l’inscrit dans l’Encyclopédie comme un progressiste face aux despotes.

* On retrouve la pensée de Bruno dans l’œuvre de Goethe, y compris dans Faust. Mais le poète, lui aussi, lui reproche sa passion pour les mathématiques mystiques.

* Dans les Leçons sur l’histoire de la philosophie, Hegel lui consacre une longue analyse, ce qui fera de lui un précurseur du matérialisme.

* Friedrich Schelling écrit un dialogue intitulé Bruno, dans lequel il s’inspire des conceptions du philosophe italien.

La liste des œuvres consacrées à Bruno est immense :

* Des romans (notamment L’Homme incendié de Serge Filippini, qui explique sa vie autour de l’hypothèse de son homosexualité).

* Des films (notamment Giordano Bruno, de Giuliano Montaldo, avec Gian Maria Volonte, Charlotte Rampling, Hans-Christian Blech et Mathieu Carrière).

* Bertolt Brecht l’évoque dans sa pièce La Vie de Galilée.

* De nombreux spectacles théâtraux et musicaux contemporains sont inspirés de son œuvre.

* L’ouvrage général (c’est-à-dire ni religieux ni politique) ayant eu le plus fort tirage en France, Le Tour de la France par deux enfants, était signé du pseudonyme de G. Bruno, en hommage à Giordano Bruno. Mais celle-ci n’a de fait aucun rapport avec G. Bruno...

* L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar évoque un personnage ayant des dispositions d’esprit similaires, et une fin similaire aussi.

* Une chanson du groupe finlandais Omnium Gatherum sur le EP Steal the Face est intitulée « Candles for Giordano Bruno ».

* C’est au XVIIIe siècle que Bruno est considéré comme un panthéiste et un libre penseur. On fait de lui un héritier du matérialisme antique, et un précurseur de Spinoza.

* À l’inverse, il passe aussi pour quelques théologiens allemands, ironie de l’histoire, pour un martyr de la réforme luthérienne.

* À la fin du XIXe siècle la réaction positiviste italienne contre l’Église et la monarchie l’identifie à un radical franc-maçon. L’Italie est alors en pleine réappropriation de ses symboles nationaux, qui permet de fonder la nation italienne une et indivisible autour du Risorgimento. En 1889, les francs-maçons italiens lui érigeront d’ailleurs une statue, œuvre du sculpteur Ettore Ferrari, sur le Campo de’ Fiori, à l’endroit de son supplice[6].

* Un comité international a été créé qui veut réhabiliter sa mémoire. Le siège de ce comité correspond, à Rome, à celui d’une association culturelle philosophique à caractère sectaire très marqué : Nouvelle Acropole[7].

Toutes ces interprétations nous empêchent aujourd’hui de saisir l’engagement originel de Bruno. On remarquera d’ailleurs que le point commun, immédiat, entre toutes ces récupérations est le rejet de l’Église catholique. Le clergé de celle-ci, en retour, ne ménage pas sa mémoire : on en prendra pour preuve la commission spéciale « pour l’étude de la controverse ptoléméo-copernicienne aux XVIe et XVIIe siècles, dans laquelle s’insère le cas Galilée », qui finit par revenir sur la condamnation de Galilée, mais réaffirme sa condamnation de G. Bruno : « La condamnation pour hérésie de Bruno indépendamment du jugement qu’on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivé [car] le copernicisme de Bruno ne prête aucun intérêt aux raisons scientifiques ».

* Serge Filippini, L’Homme incendié, Ed. Phébus, (1990)

Œuvres de Giordano Bruno

* De auditu kabbalistico sive ad omnes scientias (Paris, 1578)

* De umbris idearum (Paris, 1582)

* Cantus Circaeus (1582)

* De compendiosa architectura (1582)

* Candelaio (1582)

* Ars reminiscendi (1583)

* Explicatio triginta sigillorum (1583)

* Sigillus sigillorum (1583)

* La Cena de le Ceneri (Le Banquet des Cendres) (1584)

* De la causa, principio, et Uno (1584)

* De l’infinito universo et Mondi (1584)

* Spaccio de la Bestia Trionfante (L’expulsion de la bête triomphante) (Londres, 1584), allégorie où il combat la superstition, propose une réformation morale T

* Cabala del cavallo Pegaseo- Asino Cillenico(1585)
Bruno combat les pédants, qui ne sont que des ânes, pour louer l’asinité, la qualité d’âne, voie d’accès au savoir

* De gl’ heroici furori (1585) T
 ; les voies pour accéder au Vrai et au Beau, les rapports du savoir et de la poésie

* Figuratio Aristotelici Physici auditus (1585)

* Dialogi duo de Fabricii Mordentis Salernitani (1586)

* Idiota triumphans (1586)

* De somni interpretatione (1586)

* Animadversiones circa lampadem lullianam (1586)

* Lampas triginta statuarum (1586), magie

* Centum et viginti articuli de natura et mundo adversus peripateticos (1586)

* Delampade combinatoria Lulliana (1587)

* De progressu et lampade venatoria logicorum (1587)

* Oratio valedictoria (1588)

* Camoeracensis Acrotismus (1588)

* De specierum scrutinio (1588)

* Articuli centum et sexaginta adversus huius
tempestatismathematicos atque Philosophos (1588) ; sorte de profession de foi

* Oratio consolatoria (1589)

* De vinculis in genere (1591) ; son livre de magie le plus original

* De triplici minimo et mensura (1591)

* De monade, numero et figura (Francfort, 1591)

* De innumerabilibus, immenso, et infigurabili (1591)

* De imaginum, signorum et idearum compositione (1591)

* Summa terminorum metaphisicorum (1595)

* Artificium perorandi (1612)

* Ses œuvres ont été recueillies par Adolf Wagner, Leipzig, 1829-1830, 2 volumes in-8, et par August Friedrich Gfrörer, Stuttgart, 1834-1836.

Rééditions

* Le Banquet des cendres, Éditions Éclat, 1988.

* Le chandelier, Point Hors Ligne, 1986.

* L’Infini, l’univers et les mondes, traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Levergeois, Berg International, 1987 ; puis 1992 et 2000.

* L’Expulsion de la bête triomphante, traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Levergeois, Éditions Michel de Maule, 1992 ; puis 2000.

* La Cabale du cheval Pégase, traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Levergeois, Éditions Michel de Maule, 1992 ; puis 2000.

* Des Liens, traduit de l’italien, présenté et annoté par Danielle Sonnier et Boris Donné, Éditions ALLIA ; 2001 puis 2010.

* De la Magie, traduit de l’italien, présenté et annoté par Danielle Sonnier et Boris Donné, Éditions ALLIA ; 2000 puis 2002.

Œuvres complètes

Les Œuvres complètes de Giordano Bruno sont, en 2008, en cours d’édition et de traduction à Paris, aux Belles Lettres (édition bilingue) :

* Vol. 1, Le chandelier ; introd. philologique de Giovanni Aquilecchia ; texte édité par Giovanni Aquilecchia ; préf. et notes de Giorgio Bàrberi Squarotti ; traduction par Yves Hersant. Paris : les Belles lettres, 1993 [2e éd. revue et corrigée, 2003] (ISBN 2-251-34443-8).

* Vol. 2, Le souper des cendres ; texte établi par Giovanni Aquilecchia ; notes de Giovanni Aquilecchia ; préface de Adi Ophir ; traduction par Yves Hersant. Paris : les Belles lettres, 1994 [2e éd. revue et corrigée, 2003] (ISBN 2-251-34445-4). (1584). Ou Banquet des cendres. Défense du système de Copernic contre le géocentrisme.

* Vol. 3, De la cause, du principe et de l’un ; texte établi par Giovanni Aquilecchia ; introduction par Michele Ciliberto ; trad. Par Luc Hersant. Paris : les Belles lettres, 1996 (ISBN 2-251-33447-5). (1584). Critique des concepts clés de la physique et de la métaphysique d’Aristote ; interprétation de l’Âme du monde.

* Vol. 4, De l’infini, de l’univers et des mondes ; texte établi par Giovanni Aquilecchia ; notes de Jean Seidengart ; introd. de Miguel Ángel Granada ; trad. de Jean-Pierre Cavaillé. Paris : les Belles lettres, 1995 (ISBN 2-251-34446-2). (1584). Réfutation du traité Du ciel d’Aristote ; examen du concept d’infini.

* Vol. 5, Expulsion de la bête triomphante ; texte établi par Giovanni Aquilecchia ; notes de Maria Pia Ellero ; introd. de Nuccio Ordine ; traduction de Jean Balsamo. Paris : les Belles Lettres, 1999 (ISBN 2-251-34448-3).

* Vol. 6, Cabale du cheval pégaséen ; texte établi par Giovanni Aquilecchia ; préface et notes par Nicola Badaloni ; traduction de Tristan Dagron. Paris : les Belles Lettres, 1994 (ISBN 2-251-34444-6).

* Vol. 7, Des fureurs héroïques ; introduction et notes de Miguel Angel Granada ; traduction de Paul-Henri Michel revue par Yves Hersant. Paris : les Belles Lettres, 1999 (ISBN 2-251-34451-9).

* Vol. 8, Le procès ; texte et trad. par Alain Philippe Segonds. Paris : les Belles Lettres, 2000 (ISBN 2-251-34452-7).

* Vol. 9, Per una bibliografia di Giordano Bruno, 1800-1999, par Maria Cristina Figorilli ; texte revu par Alain-Philippe Segonds. Paris, les Belles Lettres, 2003 (Œuvres complètes de Giordano Bruno ; 9) (ISBN 2-251-34470-5).

* Tristan Dagron, Unité de l’être et dialectique. L’idée de philosophie naturelle chez Giordano Bruno, Paris, Vrin, coll. De Pétrarque à Descartes, 1999, 417 p. (ISBN 2-7116-1413-1) ;

* Jean Rocchi, L’errance et l’hérésie ou le destin de Giordano Bruno, éditeur : F. Bourin/Julliard ;

* Jean Rocchi, Giordano Bruno après le bûcher,éditeur : Complexe ;

* Jean Rocchi, Giordano Bruno l’irréductible : Sa résistance face à l’inquisition, Editeur : Éditions Syllepse, 2004, (ISBN 2-84797-048-7) ;

* A. Debs, J. Bruni vita et placita, Paris, 1844 ;

* Christian Bartholmèss, J. Bruno, 1847 ;

* Alain Philippe Segonds, « Le retour en Italie de Giordano Bruno « philosophe » », in : Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 48-3 (2001), p. 269-280 ;

* Ordine (Nuccio), Le seuil de l’ombre : littérature, philosophie et peinture chez Giordano Bruno ; traduction par Luc Hersant. Paris, les Belles Lettres, 2003. (L’âne d’or ; 15). 380p. (ISBN 2-251-42022-3) ;

* Ordine (Nuccio), Giordano Bruno, Ronsard et la religion ; trad. Luc Hersant. Paris, Albin Michel, 2004. (Bibliothèque de l’évolution de l’humanité ; 46). 420p. (ISBN 2-226-14241-X) ;

* Ordine (Nuccio), Le mystère de l’âne. Essai sur Giordano Bruno ; traduction par F. Liffran et P. Bardoux. 2e éd. Paris, les Belles Lettres, 2005. (L’âne d’or ; 3). 270 p. (ISBN 2-251-42029-0)

* Guido del Giudice, WWW. Giordano Bruno, Marotta e Cafiero Editori, Napoli 2001 (ISBN 88-88234-01-2) ;

* Guido del Giudice, La coincidenza degli opposti. Giordano Bruno tra Oriente e Occidente, Di Renzo Editore, Roma 2005 (ISBN 88-8323-110-4) (seconda edizione accresciuta con il saggio Bruno, Rabelais e Apollonio di Tiana, Di Renzo Editore, Roma 2006 (ISBN 888323148 1)) ;

* Guido del Giudice, Due Orazioni. Oratio Valedictoria e Oratio Consolatoria, Di Renzo Editore, Roma 2007 (ISBN 88-8323-174-0) ;

* Guido del Giudice, La disputa di Cambrai. Camoeracensis acrotismus, Di Renzo Editore, Roma 2008 (ISBN 88-8323-199-6) ;
* Frances Yates, Giordano Bruno et la Tradition Hermétique ; 558 p.DERVY 1996 (ISBN 2-85076-839-1) ;

* Bertrand Levergeois, Giordano Bruno, Paris, Fayard, (1995), (réédition 2000) ;

* Ernst Bloch, La philosophie de la Renaissance, Payot poche, 1994, (ISBN 2-228-88837-0) ;

* Salza, Luca, Métamorphose de la Physis. Giordano Bruno : infinité des mondes, vicissitudes des choses, sagesse héroïque, La Citta del Sole-Vrin. 536 p., 16 × 21 cm. (ISBN 88-8292-303-7) ;

* Arkan Simaan, Cette sentence vous fait plus peur qu’à moi-même : Giordano Bruno (Les Cahiers rationalistes, février 2000) ;

* Arkan Simaan, Giordano Bruno : de l’errance au bûcher, article dans Science et pseudo-sciences, n° 288, octobre 2009.

* Lécu Régis, L’idée de perfection chez Giordano Bruno (L’Harmattan, janvier 2004), 418 p., (ISBN 2-7475-5752-9) ;

* Francesca Yvonne Caroutch, Giordano Bruno, l’homme de feu, Paris, Pygmalion, (2003) .

* Hersant (Yves), Giordano Bruno, Pétrarque et le pétrarquisme , in Humanistica, an International Journal of Early Modern Studies,1-2, 2006, 95-103 ;

* Hersant (Yves), La morale de la farce. Sur le Chandelier de Giordano Bruno, in Pensée morale et genres littéraires, Paris, P.U.F., 2009, 19-30 ;

* Hersant (Yves), Giordano Bruno et la métamorphose"", in Métamorphose(s), Rennes, P.U.R, 2009, 165-174 ;

Il aurait inspiré à William Shakespeare deux personnages :

* Berowne, l’intellectuel qui ne dort, ni ne mange, ni ne cherche la compagnie des femmes, dans Love’s Labor’s Lost

* Prospero, le magicien qui règne en maître grâce à sa connaissance encyclopédique, dans la pièce The Tempest[réf. souhaitée]

* Giordano Bruno Le site officiel des disciples du philosophe Nolain.
* Œuvres sur Gallica
* Réhabiliter Giordano Bruno, texte de Jacques Attali initialement publié dans Le monde du 17 février 2000
* Œuvres de Giordano Bruno : textes avec concordances et liste de fréquence

* Harald Höffding, Histoire de la philosophie moderne (trad. fr. P. Bordier 1906) - ch.13. Giordano Bruno

1. ↑ Article de Jacques Attali, Réhabiliter Giordano Bruno, Le Monde du 17 Février 2000 [archive]
2. ↑ Giordano Bruno, L’Infini, l’univers et les mondes (1584), trad. B. Levergeois, Berg International, 1987, p. 86.
3. ↑ Archives secrètes du Vatican, Résumé du procès contre Giordano Bruno,Rome 1597 [archive]
4. ↑ Jean Rocchi, in émission radiophonique 2000 ans d’histoire - Giordano Bruno, France Inter le 2/03/2007, cité par le site du GDR Exobiologie du CNRS ; podcast [archive]
5. ↑ Giordano Bruno, un visionnaire du XVI° siècle, BT2, PEMF, 06 Mouans-Sartroux, 1999, p. 26.
6. ↑ Luca Salza, Écrire le cosmos nouveau, in revue Europe n° 937, Giordano Bruno - Galilée, mai 2007 [archive]
7. ↑ Extrait du livre Les sectes état d’urgence, par le centre Roger Ikor Editions Albin Michel, (ISBN 2-226-07711-1)) : « En 1989, l’ANAF a créé un Comité International de Réhabilitation de Giordano Bruno (CIRB) et lancé une souscription en vue d’ériger une statue à sa gloire dans différentes villes. La campagne du CIRB avait pour buts de : défendre la liberté de conscience et la liberté d’information scientifique ; lancer un plan de réhabilitation de Giordano Bruno, martyr de la Renaissance et préfiguration des martyrs de l’an 2000 ».

la suite

lire aussi

"Il n’est pas de réalité qui ne soit accompagnée d’un esprit et d’une intelligence."

"Toutes les âmes font partie de l’âme de l’Univers, et tous les êtres à la fin sont un."

"Un nombre infini de soleils existent ; un nombre infini de terres tournent autour de ces soleils comme les sept planètes tournent autour de notre soleil. Des êtres vivants habitent ces mondes."

L’atome ou minimum de Giordano Bruno

« Le minimum est la substance des choses, dans la mesure évidemment où il désigne plus qu’une quantité, il est en effet le principe quantitatif des dimensions corporelles. Il est, dis-je, élément matériel, efficient, final et total, point dans la ligne et le plan, atome à titre individuel pour les corps qui sont des parties premières, atome à titre partiel pour ceux qui sont des touts dans le tout ainsi que pour les entiers. De même en parole ou en esprit et dans n’importe quel mode, la monade est rationnellement dans le nombre et essentiellement dans toute chose…. La ligne n’est rien d’autre que le point mouvant, la surface rien d’autre que la ligne mouvante et en conséquence le point mobile est la substance de toute chose, et le point demeurant est le tout.

Pour que les esprits soient mieux disposés à recevoir la vérité, il faut commencer par démolir les fondements de la fausseté.

A ceux qui admettent que le continu est divisible à l’infini

On répand qu’en divisant quelque chose naturellement et artificiellement il n’en résulte jamais des parties qui ne puissent pas à leur tour être partagées ; comme si ainsi il convenait par la force de progresser dans la réalité sous-jacente de parties en d’autres parties perceptibles ; raisonnant de cette façon des millièmes de partie sont obtenues (de la longueur) d’un doigt, d’un millième de même on peut chercher à obtenir un autre millième, et d’un de ces millièmes un centième et d’un de ces centièmes un dixième, et d’un de ces dixièmes un millième, et procédant ainsi sans fin aucun état ne serait jamais définitif ; et si on ne cessait pas de compter en ajoutant une multitude à une autre multitude et en divisant de soustraire une grandeur à une autre grandeur, ce serait ainsi descendre en coupant le continu et monter en multipliant le discontinu. Et une seule et même raison serait génératrice de l’opposition de cet ordre-ci à cet ordre-là et de la diversité de genre de ces parties-ci et de ces parties-là.

Désormais il nous faut établir qu’une matière finie de n’importe quelle quantité proposée, est composée de parties non infinies, de telle manière qu’en ajoutant une grandeur, ainsi qu’une pluralité de nombre fini, on pourrait parcourir l’infini. Et par contre, pour ajouter et soustraire des parties d’une grandeur finie un minimum, et pour soustraire un nombre d’un nombre fini une monade doit nécessairement se présenter.

La durée dans le sens absolu est infinie (je ne distingue pas l’éternité ou le temps de ce monde) ; d’où, qu’ils fussent toujours ou qu’ils ne fussent pas ; qu’ils soient permanents ou ne soient pas, les événements futurs sont indissolubles, comme demeurant en un seul, la durée est éternelle à part de ce qui est antérieur, avant ce et après ce que d’un temps quelconque on conçoive comme le présent, antérieur sûrement et au-delà du doute par rapport à ce dont cet instant ou temps où j’écris est la limite. Ainsi, dire que j’écrirai aujourd’hui était vrai à partir de cet instant pour l’immense durée antérieure et dire que j’eusse écrit était faux ; de même que j’eusse écrit sera vrai depuis ce moment pour la non moins immense durée, et que j’écrirai un jour sera faux. Par conséquent en tout point de durée le point de toute durée est à la fois un début sans fin et une fin sans début. Toute durée est par conséquent l’instant présent infini à la fois commencement et fin.

Semblable à sa manière est la réflexion à propos de tout point de l’espace et de la grandeur de la masse universelle, si, comme il a été prouvé dans le livre "De infinito", elle est immense ; lorsque la terre n’est pas plus au milieu que la lune ; le soleil, le pôle et toute chose. Dans la contemplation de quoi ne pouvaient avancer ceux à qui il n’était pas donné de percevoir leur propre mouvement autour du centre.

La principale et fondamentale erreur en tout, autant en physique qu’en mathématique, est la résolution du continu à l’infini. La preuve nous est en effet donnée que la résolution soit de la nature soit du vrai art qui ne survient pas hors de la nature, qui consiste à descendre à partir d’une grandeur finie et d’un nombre vers l’atome, soit par la vraie nature soit par un concept additionnel, n’est pas réalisée de quelque manière par les chose, ni observée dans la nature à certaines particularités des phénomènes. Le minimum est donc présent partout et toujours ; le maximum par contre nulle part et jamais. Maximum et minimum peuvent cependant s’unir dans une même raison puisque nous savons que le maximum est aussi partout dans la mesure où, selon ce qui a été dit, il est établi que le maximum est dans le minimum et le minimum dans le maximum, de la même manière que la monade est dans la multiplicité et la multiplicité dans la monade. C’est pourquoi l’immense n’est rien que le centre partout ; l’éternité n’est rien que l’instant présent, qui est le un et le permanent des choses éternelles, l’un et l’autre étant impliqué dans une succession et quelque réciprocité des immuables ; immense est le corps atome, immense est le plan point. Immense est l’espace réceptacle du point et de l’atome. D’autres choses en effet sont saisies là où l’atome est saisi, et non pas l’atome où sont les autres ; ainsi justement l’indivisible est dit être partout, et parce que l’espace est infini, le centre est dit omniprésent, l’atome est dit être tout. Je comprends par ailleurs l’atome comme distinct par rapport au genre….
Il est amplement établi que dans un tout fini, l’infini n’est présent ni en acte ni en puissance, quand la raison à laquelle les Péripatéticiens et philosophes de ce genre soumettent l’infini, ne le reconnaît pas. Ils ne distinguent en effet pas entre le terminus qui n’est pas une partie et le minimum qui est la première partie. En ce qui concerne le minimum, il importe qu’ils se soumettent à la raison. Premièrement la résolution de la nature, ne peut ni en en acte ni en puissance continuer indéfiniment à diviser le fini continu, mais elle s’arrête précisément dans ce qui n’est jamais divisible en plus exigu et en quoi il n’est pas de partie en puissance. Une potentialité active de division de la nature n’est pas crédible non plus, pas plus qu’une potentialité passive de divisibilité de la nature ou de la matière, et inversement. S’effondre aussi la résolution par l’imagination ou les mathématiques en reconnaissant que la nature ne répond pas à la progression indéfinie de celle-là ni que quelque usage artificiel ne puisse s’ensuivre. C’est pourquoi même les mathématiciens supposant l’infini, par une compréhension plus circonspecte opteront toujours pour ce qui est conçu comme indéfini ou de quantité quelconque, jamais cependant pour ce à propos de quoi il n’est aucune pratique et qui serait conçu de manière arbitraire. Or maintenant ils disent qu’inséparable, la grandeur n’est pas composée de minimums. De ce sens en effet s’ensuit que celle-ci n’est pas faite de parties, ou effectivement de parties quoique pas de premières ; ce qui présuppose des composants de la nature tels que ce ne soit pas pour celle-ci quelque chose de premier, dont se dégageraient les grandeurs, comme par artifice, que nous ne pouvons nullement imaginer si ce n’est par quelque partie première supposée qui mesurerait. Il convient que ce qui dans une œuvre est accepté comme première partie, puisse dans une autre œuvre être comprise comme dernière. De rien cependant le moins multiplierait œuvres après œuvres ; jamais sans quelque première partie établie et dans cette œuvre, il ne produira des minima. Comme l’opération artificielle est indéfinie, le minimum est aussi indéfini. Aussi parce que l’opération n’est pas infinie elle n’est pas l’œuvre d’une subordination infinie, par laquelle le plus petit serait perpétuellement soumis à un plus petit. Dans la nature il n’en est pas de même, car elle est déterminée à un maximum et minimum dans toutes les espèces finies…

Un corps ne peut toucher un corps ou un plan ni par lui-même ni par une de ses parties. »

Très quantique avant l’heure, donc très révolutionnaire, Bruno reproche aux mathématiques de tout fonder sur la divisibilité à l’infini et sur la continuité !!!

pages d’histoire du 16eme siècle : Giordano Bruno, le chevalier errant du Savoir

Jean Rocchi : "l’irréductible Giordano Bruno face à l’inquisition"

Présentation des oeuvres de Giordano Bruno, éditées par Les Belles Lettres

Bruno, un philosophe de l’infinité de la nature

Messages

  • Giordano Bruno, dans « De la cause, du principe et de l’un » :

    « La potentialité et l’acte ne sont pas, en lui (l’univers), absolument une seule et même chose puisqu’aucune de ses parties n’est tout ce qu’elle peut être. »

    Et aussi :

    « Prenons n’importe quelle chose de l’univers : comme elle a en soi ce qui est tout entier partout, elle comprend selon son mode propre toute l’âme du monde. »

    Ensuite :

    « On doit dire que la matière contient les formes et les inclut, plutôt que de penser qu’elle ne est vide et les exclut. »

    Et encore :

    « Chacune des choses possède tout l’être, mais non tous les modes de l’être. »

  • Antonio Labriola :

    « Il est certain que Bruno fut supérieur à tous les esprits de son siècle pour le caractère génial de sa spéculation, et dans le domaine du pathos héroïque de la vérité, personne ne l’a dépassé. Il brisa définitivement les chaînes de la scolastique, il rompit toute forme de tradition, et il fut le premier et le seul à tirer les conséquences spéculatives de la nouvelle intuition copernicienne. Ecrivant toujours sous l’impulsion d’une âme pétrie par une faim ardente de vérité, dont les contours et les rapports n’étaient même pas toujours très clairs pour lui, et se rappelant ses vastes lectures, c’est dans les formes les plus variées qu’il nous a laissé des pensées et des divinations auxquelles les historiens inexpérimentés peuvent donner des significations étranges, mais qui apparaissent merveilleuses aux yeux du critique le plus fin. Adversaire hardi de la vieille physique, et destructeur du ciel de Dante, il a déjà un vif sentiment de la nouvelle expérience à laquelle la nature devrait se soumettre pour nous révéler ses propres lois… »

  • Jean-Marc Lévy-Leblond :

    « Voici quatre cents ans, le 17 février 1600, s’allumait au cour de Rome, sur le Campo dei Fiori, le bûcher où périssait l’un des plus libres esprits de son temps – et peut-être de tous les temps. Liberté de pensée et de mouvement chez Bruno sans doute vont de pair : vit-on jamais philosophe plus mobile ? Bruno développe dans ses livres une conception du monde résolument matérialiste et unitaire, qui lui vaudra d’être trois fois excommunié, par les catholiques, les calvinistes et les luthériens successivement, mais qui lui gagnera plus tard l’admiration de Schelling (qui en fait l’interlocuteur principal de l’une de ses œuvres de jeunesse, intitulée justement Bruno) et l’intérêt de Hegel. C’est sans doute moins l’hétérodoxie de ses opinions que la mobilité de ses idées qui furent insupportables aux institutions religieuses. Plus relativiste que sceptique, Bruno écrit en 1588, anticipant de près de deux siècles sur la tolérance des Lumières, que sa propre religion « est celle de la coexistence pacifique des religions, fondée sur la règle unique de l’entente mutuelle et de la liberté de discussion réciproque ». Bruno méprise les doctes ; il récuse aussi bien l’opinion commune, mais fait confiance à la raison « de tout un chacun ». Aussi s’identifiera-t-il souvent à l’âne, que son ignorance, sa patience et son obstination constituent en allégorie emblématique du chercheur de vérité. Son refus de l’autorité, son courage – intellectuel et physique -, son audace inventive, en feront une référence pour tous les esprits indépendants et novateurs. On ne cesse de découvrir à son œuvre des échos inattendus : en notre siècle, il inspirera James Joyce comme Bertolt Brecht, et jusqu’au mouvement Fluxus. Ayant opté pour le copernicianisme, Bruno le dépassera d’emblée. Ce n’est pas la théorie purement astronomique de l’héliocentrisme qui le passionne, mais la nouvelle vision du monde qu’engage le décentrement de la Terre – non pas la cosmographie, mais la cosmologie. Il sera l’ardent propagandiste d’un univers infini, de la pluralité des mondes, et du vitalisme cosmique… »

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