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Les grandes manoeuvres du nucléaire français face à la catastrophe de Fukushima

vendredi 27 mai 2011, par Robert Paris

Alors qu’il est de plus en plus clair que Fukushima, catastrophe pour le peuple japonais et pour toute la planète, remet en cause dramatiquement le choix du nucléaire, EDF s’engage toujours plus dans le nucléaire, Areva filialise ses mines, les trois trusts du nucléaire français, avec CEA, organisent l’étouffement de l’information....

Or ces trusts sont quasi étatiques....

Henri Proglio, le PDG d’EDF, a donné une interview dans Le Monde daté du 25 mai. Il y expose les orientations stratégiques d’EDF d’ici à 2020 et celles-ci semblent inexorablement liées au renforcement de la position d’EDF dans le nucléaire, qui serait dans l’ADN de l’électricien national, dixit le big boss.

Pour faire face à Fukushima, il prétend qu’avec le professionnalisme d’EDF, la catastrophe de Fukushima n’aurait pas eu lieu...

C’est omettre de dire que les trusts français sont engagés dans le nucléaire japonais, y compris à Fukushima...

Proglio est un plaideur infatigable du nucléaire, malgré Fukushima. Il parle de « nucléaire plus sélectif » mais n’aborde pas le problème insoluble des déchets, ni l’acceptabilité sociale du risque pris par la population. Il se moque au passage des Allemands qui tournent le dos à l’électricité atomique pour en sortir d’ici 2021. Il raille leur manque de volonté d’indépendance énergétique, alors que la France n’a pas encore annexé le Niger pour alimenter en combustible ses centrales nucléaires, tandis que les Allemands seront alimentés par le soleil et le vent exploités au niveau national. Cherchez l’erreur de diagnostic !!!

L’Etat, qui détient près de 87% du capital d’Areva, a demandé en février à la société de transformer en filiale ses mines d’uranium en "préalable à l’examen et à la mise en oeuvre des scénarios stratégiques et financiers permettant d’en assurer le développement".

Cette opération pourrait être le prélude à l’ouverture du capital de cette activité minière, qui suscite l’intérêt d’EDF et d’investisseurs étrangers comme le Qatar.

La catastrophe nucléaire de Fukushima ne devrait pas remettre en cause le modèle intégré d’Areva (CEPFi.PA : Cotation), déclare le président du conseil de surveillance du groupe public, Jean-Cyril Spinetta, dans une interview à L’Express publiée mercredi.

Alors qu’il vient d’être réélu à son poste pour cinq ans, Jean-Cyril Spinetta souligne en outre qu’il s’entend "très bien" avec Anne Lauvergeon, la présidente du directoire d’Areva.

Ces déclarations interviennent alors que le président Nicolas Sarkozy doit décider prochainement de reconduire ou non Anne Lauvergeon, dont le deuxième mandat expire fin juin.

"Je ne pense pas que (la crise nucléaire japonaise) conduise à remettre en question le modèle intégré, depuis la mine d’uranium jusqu’au recyclage, en passant par les réacteurs", dit Jean-Cyril Spinetta à l’hebdomadaire.

"De nouveaux marchés doivent être explorés, comme celui du démantèlement, mais il l’aurait de toute façon été, même sans le drame de Fukushima, compte tenu du vieillissement des centrales."

"De façon légitime, beaucoup de questions se sont à nouveau posées sur l’énergie nucléaire. Face à ce défi, il m’aurait paru étrange - cela aurait presque été une forme de désertion - de partir. Là aussi, je pense qu’une certaine continuité n’est peut-être pas inutile. Et je m’entends très bien avec Anne Lauvergeon", déclare aussi Jean-Cyril Spinetta.

Prié de dire si une décision a été prise au sujet d’une reconduction ou d’un remplacement d’Anne Lauvergeon, il répond : "Si elle l’est, je ne la connais pas."

"A la tête d’Areva depuis dix ans, Anne Lauvergeon présente un bilan que chacun peut apprécier (...) La situation financière - 12 milliards de fonds propres, 3 milliards d’endettement - permet à l’entreprise d’affronter un mauvais vent pendant un ou deux ans. Si l’actionnaire me demande mon avis, je le lui donnerai."

Au Japon, toutes les nouvelles sont catastrophiques : pollution en mer, pollution de Tokyo, algues et produits laitiers pollués, trois centrales en fusion...

Une substance très radioactive a été décelée fin mars dans des cendres venant d’un incinérateur et retrouvées dans des stations d’épuration de Tokyo. Elle provient de la centrale nucléaire détruite de Fukushima, ont rapporté samedi des quotidiens japonais. Les cendres, qui émanent de l’incinération de déchets, contenaient une substance inconnue avec 170’000 becquerels/kg. Une substance émettant de 100’000 à 140’000 Bq/kg a aussi été détectée dans deux autres stations. La plus grande partie a déjà été recyclée comme composant dans des matériaux de construction, tel que du ciment.

Un taux d’iode radioactif 3355 fois supérieur à la norme légale a été mesuré dans l’eau de mer prélevée à 300 mètres au sud de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, a rapporté mercredi l’agence de presse nippone Jiji. Il s’agit du plus haut niveau mesuré depuis le début de la catastrophe le 11 mars. Les fuites radioactives se sont multipliées depuis, l’eau utilisée pour refroidir les réacteurs ayant probablement ruisselé jusqu’à l’océan Pacifique.

Et les trusts français continuent de mentir sur la situation.

Anne (Lauvergeon, PDG d’Areva) n’a toujours rien vu venir et n’entend que les voix des dieux protons : « Bien sûr que je suis inquiète. On est en face d’une catastrophe naturelle très importante au Japon avec un tremblement de terre suivi d’un tsunami gigantesque » mais « ce n’est pas une catastrophe nucléaire », a-t-elle martelé.

En France, le gouvernement surfe sur la vague d’émotion générée par le drame japonais et s’auto-congratule du "trés haut niveau de sécurité " des centrales nucléaires françaises. Communication suicidaire quand on connaît les problèmes que posent la nouvelle génération de centrales EPR dont les opérateurs ne parviennent même pas à achever la construction. On peut en déduire l’ampleur des problèmes quand il faudra les faire fonctionner dans des conditions de sécurité absolues comme l’assure les responsables politiques et technocratiques.

Face à la catastrophe, le patronat français présente un pare-feu de propagande.

Exemple un article du journal patronal Les Echos :

Tant par son caractère dramatiquement effroyable que par son ampleur médiatique, qui a pratiquement occulté la violence d’un des tsunamis les plus destructeurs des derniers siècles, l’accident nucléaire de Fukushima-Daiichi est une catastrophe planétaire. Elle a jeté l’opprobre sur une industrie tout entière et a conduit, dans l’urgence, certains à instaurer des moratoires, d’autres à réclamer le démantèlement pur et simple de l’industrie nucléaire mondiale.

Etrange paradoxe. Quand la plateforme pétrolière Deepwater Horizon a sombré dans le golfe du Mexique, ce sont les pratiques de sécurité de BP et de ses sous-traitants qui ont été pointées du doigt, et non l’industrie pétrolière dans son ensemble. La catastrophe de Fukushima-Daiichi n’est pas représentative de l’industrie nucléaire mondiale, et n’est pas reproductible ailleurs.

Fukushima-Daiichi est le fruit de la conjonction d’un cygne noir naturel - un tsunami très important -et de fautes humaines inexcusables, liées à un contexte spécifique au Japon. Le tsunami a certes surpris par son ampleur. Néanmoins, il n’était pas totalement imprévisible. La seule perception de ce risque aurait dû conduire les concepteurs puis l’opérateur de la centrale à décider la construction d’une digue rehaussée. Cela montre que la composante « systémique » du risque n’a pas été correctement prise en compte par les concepteurs japonais, alors même que l’autorité de sûreté a pointé ce risque à de multiples reprises au cours des dernières années.

Une autre spécificité japonaise est le nombre d’exploitants : en France, les 58 réacteurs sont opérés par un seul exploitant -EDF -autour de procédures de sécurité communes et partagées par l’ensemble des centrales. Un incident sur un réacteur fera l’objet d’une procédure de sécurité sur l’ensemble des autres réacteurs du même type. Le Japon, pour 54 réacteurs, dénombre pas moins de 11 exploitants, disposant chacun de ses propres procédures. Sinon inexistante, la coordination entre les différents opérateurs est très faible et n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Aux Etats-Unis, la création de l’Inpo (Institute of Nuclear Power Operations) suite à l’accident de Three Mile Island a permis d’augmenter de 15 % le taux de disponibilité des centrales américaines en trente ans. Par ailleurs, les récentes annonces de Tepco nous permettent de sérieusement douter de la solidité capitalistique, de la gouvernance et de la pérennité industrielle des opérateurs nucléaires japonais. Ces difficultés structurelles se reflètent dans la disponibilité du parc nucléaire japonais. Depuis 1998, elle a constamment chuté jusqu’à atteindre en 2009 moins de 60 % du potentiel de production, à comparer à une disponibilité supérieure à 75 % en France et 80 % aux Etats-Unis ou en Allemagne.

Les opérateurs japonais n’ont pas la même perception du risque. Tepco, par le passé, a déjà été lourdement pénalisé. En 2003, à la suite de falsification de rapports d’inspection, les 17 réacteurs de Tepco ont été fermés par la Nisa. En 2007, suite à un séisme supérieur aux hypothèses de dimensionnement, les 7 réacteurs de la centrale de Kashiwasaki, opérée également par Tepco, ont été arrêtés. Seuls les deux réacteurs les plus modernes de cette centrale ont pu redémarrer par la suite.

Au moment de la catastrophe, loin de solliciter l’aide de l’ensemble des acteurs (gouvernement japonais, armée américaine, opérateurs étrangers) susceptibles d’aider au règlement de la situation, Tepco a retardé au maximum le recours à l’aide internationale, dans le vain espoir, semble-t-il, d’exploiter à nouveau la centrale. L’on peut raisonnablement penser que ce comportement a conduit à une aggravation de la catastrophe.

Pour l’ensemble de ces raisons, il est faux de dire que suite à la catastrophe de Fukushima-Daiichi la seule solution aujourd’hui est la sortie du nucléaire. Au lieu de remettre en cause l’industrie nucléaire dans son ensemble, nous devrions essayer de dresser les grands enseignements de cette catastrophe. Quels sont-ils ?

L’énergie nucléaire ne supporte aucune concession d’aucune sorte sur la double composante concernant la sûreté et la sécurité de fonctionnement. Cela doit s’appuyer sur une autorité de sûreté nucléaire très forte, sur le modèle français ou américain, ainsi que sur un nombre limité d’opérateurs nucléaires pérennes et transparents. Il convient par ailleurs de s’appuyer sur l’ingénierie pour appréhender au mieux les risques extrêmes, notamment la composante systémique des risques. Cette stratégie se fonde sur une valorisation du capital humain. La France dispose par exemple d’une filière d’élite qui a permis de former les meilleurs spécialistes mondiaux, dans tous les domaines de l’industrie nucléaire : conception, ingénierie et exploitation des centrales, gestion du cycle combustible.

Concernant l’Europe, le mix énergétique peut sans doute être rééquilibré, notamment au profit du gaz naturel et des énergies renouvelables, afin de mieux prendre en compte les objectifs de l’Union européenne en matière de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité des coûts et de sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Enfin, de nombreux progrès peuvent être faits dans la réduction de la demande énergétique européenne, afin de faire baisser la consommation d’énergie : l’isolation des bâtiments, responsables de plus de 40 % de la consommation énergétique française, doit être mise en avant partout en Europe, comme elle l’a été dans le cadre du Grenelle de l’environnement, tout comme doivent l’être les avancées technologiques autour des « smart grid ».

L’énergie nucléaire reste une énergie d’exception. Elle doit être traitée comme telle. A ce prix, c’est l’une des énergies propres les plus intéressantes de demain.

Dominique Louis est président du directoire d’Assystem France.

Greenpeace a de son côté dénoncé la "réponse constamment inadaptée" du Japon à la catastrophe.

Dans une volte-face embarrassante, Tokyo Electric Power (Tepco) a modifié l’un des éléments clés de l’enquête menée par les pouvoirs publics sur les premières mesures prises à la centrale, dont les résultats ont été communiqués samedi.

La compagnie indique désormais qu’une enceinte de stockage a laissé échapper 57 tonnes d’eau contaminée dans une tranchée et promet de surveiller la radioactivité des nappes phréatiques.

Début avril, 10.000 tonnes d’eau radioactive avaient déjà été déversées dans l’océan, ce qui a suscité une vive réaction des autorités chinoises et coréennes.

Greenpeace a dévoilé jeudi les résultats des analyses effectuées sur des échantillons marins en provenance de la côte de Fukushima.

"Le taux de radioactivité constaté dans les algues, pourtant prélevées en dehors des eaux territoriales japonaises (à plus de 22 km des côtes), est 50 fois supérieur à la limite autorisée", dit l’organisation écologiste dans un communiqué.

"Ces résultats montrent que la contamination se propage sur de longues distances et que la radioactivité ne diminue pas par dilution ou dispersion comme le prétendent les autorités", ajoute-t-elle.

"Le gouvernement a fait une grave erreur en supposant que l’absence de données signifiait qu’il n’y avait pas de problème. Le Japon doit maintenant prendre ses responsabilités et mettre en place un programme de surveillance global et continu de l’environnement marin et rendre l’information accessible à tous", indique encore Greenpeace.

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