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Aussi sûr que un plus un égale deux ? Les mathématiques sont-elles exemptes des paradoxes et contradictions de la physique ?

mercredi 20 avril 2011, par Robert Paris

Diderot dans "Les pensées sur l’interprétation de la nature" :

"Une des vérités qui aient été annoncées de nos jours avec le plus de courage et de force, qu’un bon physicien ne perdra point de vue, et qui aura certainement les suites les plus avantageuses, c’est que la région des mathématiciens est un monde intellectuel, où ce que l’on prend pour des vérités rigoureuses perd absolument cet avantage quand on l’apporte sur notre terre. On en a conclu que c’était à la philosophie expérimentale à rectifier les calculs de la géométrie, et cette conséquence a été avouée, même par les géomètres. Mais à quoi bon corriger le calcul géométrique par l’expérience ? N’est-il pas plus court de s’en tenir au résultat de celle-ci ? d’où l’on voit que les mathématiques, transcendantes surtout, ne conduisent à rien de précis sans l’expérience ; que c’est une espèce de métaphysique générale où les corps sont dépouillés de leurs qualités individuelles ; et qu’il resterait au moins à faire un grand ouvrage qu’on pourrait appeler l’Application de l’expérience à la géométrie, ou Traité de l’aberration des mesures."

Henri Poincaré :

"S’il n’y avait pas de corps solides dans la nature disait-il, il n’y aurait pas de Géométrie".

Einstein et Infeld :

"À l’aide des théories physiques nous cherchons à trouver notre chemin à travers le labyrinthe des faits observés, d’ordonner et de comprendre le monde de nos impressions sensibles. Nous désirons que les faits observés suivent logiquement de notre concept de réalité. Sans la croyance qu’il est possible de saisir la réalité avec nos constructions théoriques, sans la croyance en l’harmonie interne de notre monde, il ne pourrait pas y avoir de science. Cette croyance est et restera toujours le motif fondamental de toute création scientifique. À travers tous nos efforts, dans chaque lutte dramatique entre les conceptions anciennes et les conceptions nouvelles, nous reconnaissons l’éternelle aspiration à comprendre, la croyance toujours ferme en l’harmonie de notre monde, continuellement raffermie par les obstacles qui s’opposent à notre compréhension."

(dans "L’évolution des idées en physique")


A lire aussi quelques articles sur ce thème :

Sur la philosophie des mathématiques et celle des sciences

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Qu’est-ce qui fait que la physique fondamentale contemporaine est purement mathématique et n’est plus conceptuelle ?

Zénon relevait déjà des difficultés de la mathématisation du réel

Des objets mathématiques continus ou discontinus

La continuité, une propriété mathématique ?


Marceau Felden dans "La mathématique et la réalité" (dans "Dictionnaire de l’ignorance") :

"C’est avec le Timée, qui est la première tentative d’interprétation cohérente du monde, que Platon (quatrième siècle avant J.-C.) a implicitement posé la question complexe, et toujours très controversée, des relations pouvant exister entre la réalité et sa représentation mathématique. Sachant que les pythagoriciens avaient montré l’existence d’une relation arithmétique caractéristique pour préserver les qualités harmoniques des instruments à corde (constance des rapports entre les longueurs de cordes), Platon généralise audacieusement en identifiant l’invariance de ce type de loi à l’ « analogia », c’est-à-dire à ce qui ne change pas. C’est ainsi que, selon lui, la mathématique doit conduire au seul savoir possible. Principe cardinal sur lequel repose toujours la totalité de l’édifice scientifique actuel. (…) Le problème posé reste le suivant : qu’est-ce que le réel ? Question philosophique essentielle (…) mais aussi question qui ne peut plus être ignorée de la science contemporaine. (…) Bien que la mathématique constitue un champ unitaire, (…) il est tout autant empreint de mythes et de croyances que le reste du savoir humain. (…) C’est la mécanique classique qui a montré, mais non démontré, l’adéquation de la description mathématique à certains problèmes de physique. D’où la confusion du 19ème siècle qui a prétendu un peu hâtivement généraliser."

Marceau Felden dans "La physique et l’énigme du réel" :

"Le paradigme fondamental de la physique classique est le suivant : partant d’un minimum de concepts définis constructivement et supposés correspondre à des éléments de réalité, elle a pour objectif de tenter d’établir une représentation cohérente et compréhensible des phénomènes physique observables à l’échelle humaine. (...) Rappelons que, pour la physique classique, les éléments de réalité et les phénomènes physiques observables qui leur correspondent sont des données primitives intuitives, naturelles et universelles, comme le sont les concepts de base fondant la géométrie d’Euclide. Bien qu’étant implicite, semblai tellement aller de soi qu’il n’a pas été discuté jusqu’à la découverte des géométries non euclidiennes. Mais ses limites sont rapidement apparues dans le microcosme et c’est la physique quantique qui, en posant le problème, a conduit à sa profonde remise en question."

Didier Nordon :

"Immatériels, les objets mathématiques sont pris dans la langue beaucoup plus que
ne le sont les objets des autres sciences. Si on avait montré que l’univers est
euclidien, les géométries non euclidiennes auraient plus perdu de sens aux yeux
du physicien qu’à ceux du mathématicien. C’est que, pour ce dernier, la réalité
matérielle n’est pas le référent ultime unique. La langue en est un aussi. La validité
d’un discours mathématique tient moins à sa fidélité à la réalité matérielle qu’à sa
conformité aux lois du discours (mathématique)."

Le mathématicien et physicien Henri Poincaré :

"Sur la nature du raisonnement mathématique

La possibilité même de la science mathématique semble une contradiction insoluble. Si cette science n’est déductive qu’en apparence, d’où lui vient cette parfaite rigueur que personne ne songe à mettre en doute ? Si, au contraire, toutes les propositions qu’elle énonce peuvent se tirer les unes des autres par les règles de la logique formelle, comment la mathématique ne se réduit-elle pas à une immense tautologie ? Le syllogisme ne peut rien nous apprendre d’essentiellement nouveau et, si tout devait sortir du principe d’identité, tout devrait aussi pouvoir s’y ramener. Admettra-t-on donc que les énoncés de tous ces théorèmes qui remplissent tant de volumes ne soient que des manières détournées de dire que A est A ?"

Henri Poincaré dans "La science et l’hypothèse" :

"Les mathématiciens n’étudient pas des objets, mais des relations entre objets ; il leur est donc indifférent de remplacer ces objets par d’autres, pourvu que les relations ne changent pas. La matière ne leur importe pas, la forme seule les intéresse. (...) Comparons la mécanique avec la géométrie. Les propositions fondamentales de la géométrie, comme par exemple le postulatum d’Euclide, ne sont non plus que des conventions, et il est tout aussi déraisonnable de chercher si elles sont vraies ou fausses que de demander si le système métrique est vrai ou faux. (...) Les expériences qui nous ont conduits à adopter comme plus commodes les conventions fondamentales de la géométrie portent sur des objets qui n’ont rien de commun avec ceux qu’étudie la géométrie (...) je sépare par une barrière la géométrie proprement dite de l’étude des corps solides. (...) En sciences, l’expérience est la source unique de la vérité : elle seule peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner de la certitude. (...) Mais alors si l’expérience est tout, quelle place restera-t-il pour la physique mathématique ? Qu’est-ce que la physique expérimentale a à faire d’un tel auxiliaire qui semble inutile et peut être même dangereux ? Et pourtant la physique mathématique existe ; elle a rendu des services indéniables ; il y a là un fait qu’il est nécessaire d’expliquer. C’est qu’il ne suffit pas d’observer. Il faut se servir de ces observations. Et pour cela, il faut les généraliser. "

Henri Poincaré dans "Science et méthode" :

"Les faits mathématiques dignes d’être étudiés, ce sont ceux qui, par analogie avec d’autres faits, sont susceptibles de nous conduire à la connaissance d’une loi mathématique de la même façon que les faits expérimentaux nous conduisent à la connaissance d’une loi physique. Ce sont ceux qui nous révèlent des parentés insoupçonnées entre d’autres faits, connus depuis longtemps, mais qu’on croyait à tord étrangers les uns aux autres.

Parmi les combinaisons que l’on choisira, les plus fécondes seront souvent celles qui sont formées d’éléments empruntés à des domaines très éloignés ; et je ne veux pas dire qu’il suffise pour inventer de rapprocher des objets aussi disparates que possible ; la plupart des combinaisons qu’on formerait ainsi seraient entièrement stériles ; mais quelques-unes d’entre elles, bien rares, sont les plus fécondes de toutes".

"Pour autant que les mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et pour autant qu’elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité. La parfaite clarté sur le sujet n’a pu devenir bien commun que grâce à cette tendance en mathématique qui est l’axiomatique." affirme Einstein.

Et il rajoute : "Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément."

Albert Einstein et Leopold Infeld écrivent dans « L’évolution des idées en physique » : « Les ouvrages de physique sont remplis de formules mathématiques compliquées. Mais c’est la pensée, ce sont les idées qui sont à l’origine de toute théorie physique. »

« Parmi toutes les sciences, les mathématiques jouissent d’un prestige particulier qui tient à une raison unique : leurs propositions ont un caractère de certitude absolue et incontestable, alors que celles de toutes les autres sciences sont discutables jusqu’à un certain point et risquent toujours d’être réfutées par la découverte de faits nouveaux. Le chercheur d’une autre discipline n’aurait pas lieu pour autant d’envier le mathématicien si les propositions de ce dernier ne portaient que sur de purs produits de notre imagination et non sur des objets réels. Il n’est pas étonnant en effet que l’on parvienne à des conclusions logiques concordantes, une fois que l’on s’est mis d’accord sur les propositions fondamentales (axiomes) ainsi que sur les méthodes à suivre pour déduire de ces propositions fondamentales d’autres propositions ; mais le prestiges de mathématiques tient, par ailleurs, au fait que ce sont également elles qui confèrent aux sciences exactes de la nature un certain degré de certitude, que celles-ci ne pourraient atteindre autrement.

Ici surgit une énigme qui, de tout temps, a fortement troublé les chercheurs. Comment est-il possible que les mathématiques, qui sont issues de la pensée humaine indépendamment de toute expérience, s’appliquent si parfaitement aux objets de la réalité ? La raison humaine ne peut-elle donc, sans l’aide de l’expérience, par sa seule activité pensante, découvrir les propriétés des choses réelles ?

Il me semble qu’à cela on ne peut répondre qu’une seule chose : pour autant que les propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et, pour autant qu’elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité. (…) Interprétation ancienne : tout le monde sait ce qu’est une droite et ce qu’est un point. (…) Interprétation nouvelle : la géométrie traite d’objets qui sont désignés au moyen de termes « droite », « point », etc. On ne présuppose pas une quelconque connaissance ou intuition de ces objets, mais seulement la validité d’axiomes (…) Ces axiomes sont des créations libres de l’esprit humain. (…) Ce sont les axiomes qui définissent en premier lieu les objets dont traite la géométrie. (…) Pourquoi Poincaré et d’autres chercheurs rejettent-ils l’équivalence naturelle entre le corps pratiquement rigide de l’expérience et le corps de la géométrie ? Tout simplement parce qu’un examen un peu précis révèle que les corps solides réels de la nature ne sont pas rigides, étant donné que leur comportement géométrique, c’est-à-dire les diverses positions relatives qu’ils peuvent occuper, est fonction de la température, des forces extérieures, etc. » explique Einstein dans « La géométrie et l’expérience ».

« Parmi toutes les sciences, mathématiques jouissent d’un prestige particulier qui tient à une raison unique : leurs propositions ont un caractère de certitude absolue et incontestable, alors que celles de toutes les autres sciences sont discutables jusqu’à un certain point et risquent toujours d’être réfutées par la découverte de faits nouveaux. (…) Les propositions du mathématicien ne portent que sur de purs produits de notre imagination et non sur des objets réels. Il n’est pas étonnant que l’on parvienne à des propositions logiques concordantes, une fois que l’on s’est mis d’accord sur les propositions fondamentales pour déduire de ces propositions fondamentales d’autres propositions. (…) Ici surgit une énigme qui, de tout temps, a fortement troublé les chercheurs. Comment est-il possible que les mathématiques, qui sont issues de la pensée humaine indépendamment de toute expérience, s’appliquent si parfaitement aux objets de la réalité ? La raison humaine peut-elle donc, sans l’aide de l’expérience, par sa seule activité pensante, découvrir des propriétés des choses réelles ? Il me semble qu’à cela on ne peut répondre qu’une seule chose : pour autant que les propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et, pour autant qu’elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité. (…) La géométrie traite d’objets qui sont désignés aux moyens des termes « droite », « point », etc. On ne présuppose pas une quelconque connaissance ou intuition de ces objets, mais seulement la validité d’axiomes qui doivent eux aussi être conçus de manière purement formelle, c’est-à dire comme étant dépourvus de tout contenu procédant de l’intuition ou de l’expérience. Ces axiomes sont des créations libres de l’esprit humain. Toutes les autres propositions géométriques sont des déductions logiques tirées des axiomes. Ce sont les axiomes qui définissent les objets dont traite la géométrie. (…) Les mathématiques comme telles sont impropres à énoncer quoi que ce soit, ni sur les objets de nos représentations intuitives, ni sur les objets de la réalité. (…) Mais il n’en est pas moins sûr, d’autre part, que les mathématiques en général, et la géométrie tout particulièrement, sont nées de notre besoin d’apprendre quelque chose sur le comportement des choses réelles. En témoigne déjà le mot « géométrie », qui signifie mesure de la terre, arpentage. (…) Poincaré a souligné cependant que les corps empiriquement donnés ne sont pas rigides et ne peuvent donc servir à incarner les segments de la géométrie. » écrit Einstein dans « La géométrie et l’expérience » (1921).

Mark Silverman dans « And yet it moves » (Et pourtant il bouge) :

« Pour celui qui n’est pas accoutumé à l’application des mathématiques à la physique, il peut sembler surprenant qu’une analyse bien conduite puisse mener à des résultats ambiguës. L’image populaire (imméritée) de la physique est d’être une science mathématiquement rigoureuse qui impliquerait qu’une fois données les équations du mouvement d’un système, on pourrait toujours en principe (pas forcément facilement) permettre de les résoudre – et, que si les équations étaient correctes, alors leurs solutions permettraient de décrire précisément le système. Et pas deux possibilités pour celui-ci ! Malheureusement, la situation est rarement aussi simple. Les équations qui gouvernent les systèmes physiques – et qui sont généralement des équations différentielles mettant en relation les rythmes temporels et spatiaux de changement de la dynamique quantitative – donnent généralement plus d’une solution, peut-être une infinité de solution, qui se distinguent par le choix des conditions initiales (en spécifiant un état du système à un moment donné) ou des conditions restrictives (en spécifiant un état du système à un endroit donné). »

Ainsi, dans « La déduction relativiste de Meyerson », Einstein réfute l’idée que la relativité ramène la physique à une géométrie de l’espace :

« Il y a une confusion à éviter dans l’interprétation de certaines affirmations de M. Meyerson, et notamment celle-ci : « La relativité ramène la physique à la géométrie ». Il est très exact qu’avec cette théorie la géométrie (métrique), regardée comme distincte des autres disciplines jusqu’alors classées sous le terme « physique », a perdu son existence indépendante. Cela ne suffit cependant point à justifier l’application du nom de « géométrie » à toute science où la forme mathématique joue un rôle. (…) Je suis d’avis que le terme de « géométrie » employé dans cet ordre d’idées est entièrement vide de sens. »

Il y a encore bien des problèmes pour résoudre la question du fonctionnement de la nature et même pour savoir dans quelle direction aller pour s’en approcher. Il est certain que la physique devient de plus en plus mathématique (par exemple la physique quantique) mais cela ne veut pas dire qu’elle soit sur la bonne voie.

Et cela pour plusieurs raisons :

1°) Les mathématisations de la physique quantique, de la relativité et du chaos déterministe sont divergentes

2°) On a mathématisé la physique à l’aide des "fonctions continues de variable réelle" c’est-à-dire avec eux notions : la continuité et les nombres du continu alors que la réalité semble bel et bien fondamentalement discontinue, que ce soit en ce qui concerne la matière, la lumière, le vide et les interactions.

3°) Les observations et expériences n’emploient que les nombres rationnels alors que ces représentations mathématiques utilisent les nombre réels, infiniment plus nombreux. Les nombres dits réels se prétendent continus, reflétant la prétendue continuité géométrique des points de la droite. Mais on ne peut pas plus définir de point suivant que de nombre suivant pour un point ou un nombre réel donné, pas plus que pour un nombre rationnel. Du coup, la prétention de diviser à l’infini des intervalles de la droite des réels ou de la droite des points n’ont pas de justification théorique.

4°) Le temps est considéré comme un paramètre algébrique à une dimension, différent en cela de l’espace, alors que rien ne permet de le prouver. Il est considéré à la fois comme réversible et irréversible sans que cette contradiction logique soit levée. Elle correspond cependant à une réalité à élucider : le photon qui se divise en particule et antiparticule.

5°) La mathématique n’est pas une voie unique. Il y a de multiples mathématiques et elles ne sont pas plus convergentes que la géométrie d’Euclide et la géométrie de Lobatchevski.

6°) Que l’on étudie l’univers aux différents niveaux (mégascopique - le cosmos -, mésoscopique - à notre échelle - et microscopique - particules et atomes-) on ne parle même pas du même espace-temps ! Les variables ne sont pas les mêmes, y compris lorsqu’elles ont le même nom.

7°) La mathématisation a montré ses limites : des équations différentielles - la différentielle suppose la continuité dans un monde du discontinu, différentielles qui sont non-linéaire - sauf approximations valables dans de rares cas - et ces équations ne sont pas résolubles. Qui plus est, elles manifestent la sensibilité aux conditions initiales découverte par Poincaré pour la loi des trois corps, propriété appelée aujourd’hui chaos déterministe et qui empêche toute prédiction au delà d’un certain temps.

8°) La mathématisation des situations de changement brutal fait défaut : matérialisation et dématérialisation de particules dans le vide, problème de la réduction brutale du paquet d’ondes, changement de phase et rupture de symétrie, transition d’un atome ou d’une particule, le phénomène de la mesure, etc... Tous ces phénomènes sont brutaux, irréversibles, non-linéaires et ne sont pas décrits par les formalismes mathématiques existants.

9°) Les mathématiques de la physique quantique sont des outils de calculs dont la plupart des éléments ne prétendent même pas correspondre à une description réelle. Il ne s’agit pas seulement d’une conception qui s’éloigne du bon sens mais qui éloigne du réel.

10) La méthode axiomatique des mathématiques est-elle adaptée à la description du monde réel ? La question était posée par Ferdinand Gonseth dans "Les mathématiques et la réalité" et elle n’a toujours pas trouvé de réponse positive...

11°) Le paradoxe de Banach-Tarski montre que la division à l’infini, possible en mathématiques et impossible physiquement, mène à des contradictions par rapport à la réalité : une boule peut, par des procédés mathématiques, être divisée en deux boules de même volume.... (voir paradoxe de Banach-Tarski)


Dans l’esprit des scientifiques d’aujourd’hui, la science n’existe que grâce aux mathématiques et n’a pas d’autre réalité. En voici un exemple (point de vue que nous ne partageons nullement car il est complètement idéaliste et confond le réel et les lois que nous avons dictées mais que la réalité n’a pas dicté directement). La nature n’obéit pas à nos lois mathématiques mais aux interactions entre structures réelles.

Voici donc un exemple parfait d’idéalisme pythagoricien moderne :

"Modèles mathématiques et réalité"

"Qu’est ce que la Réalité''? Existe-t-elle seulement? Que signifie le verbeexister’’ de la proposition interrogative précédente ? Que le lecteur allergique aux discussions philosophiques se rassure, nous n’allons pas continuer longtemps dans cette direction. Cependant, pour ne pas nous enliser dans de faux problèmes sémantiques et pour bien apprécier en quel sens nous comprenons ou prétendons comprendre les phénomènes naturels (y en a-t-il qui ne le soient pas ?) il nous faut apporter une réponse pragmatique aux questions précédentes et tenter de définir les mots eux-mêmes que nous utilisons.

Il est impossible de donner une signification quelconque à la phrase suivante : La Réalité est. L’auteur croit cependant en l’existence d’une réalité objective dont la nature est indépendante de l’analyse qui peut en être faite. Malheureusement, il s’avère également impossible de donner un sens raisonnable à l’assertion précédente. La croyance de l’auteur est donc un acte de foi au sens métaphysique du terme. On pourra donc utiliser le mot phénomène'' comme synonyme du motréalité’’, le vocable en question étant lui-même non défini.

La description d’un phénomène, quel qu’il soit, est toujours mathématique, même si le spectateur n’en est pas conscient. Ainsi, déclarer que deux individus font partie de la même lignée (au sens héréditaire du terme) signifie qu’on assimile -peut être inconsciemment- les individus en question aux éléments d’un ensemble sur lequel on a défini une relation d’ordre partiel. De la même façon, la traversée d’un terrain par un ballon de football est un phénomène admettant une description (en fait plusieurs) dont la nature est essentiellement mathématique. Par exemple, on peut considérer la trajectoire d’un point traversant un rectangle en ligne droite. Il existe cependant une description du même phénomène ou le ballon n’est plus un point mais une sphère et ou le terrain n’est plus assimilé à un rectangle mais une figure géométrique plus complexe (coins plus ou moins arrondis, côtés plus ou moins parallèles etc.) On peut d’ailleurs continuer dans ce sens et tenir en compte l’existence de creux et de bosses sur la surface du ballon, de la couleur etc. Les humains n’ont pas besoin de suivre des cours de mathématiques supérieures pour apprécier un match de foot-ball, mais il est important de constater l’aptitude de l’esprit à créer inconsciemment des modèles mathématiques relativement élaborés pour analyser l’expérience quotidienne. Notons enfin qu’un phénomène donné possède d’ordinaire plusieurs descriptions mathématiques (et même une infinité).

La croyance en l’existence d’une réalité objective n’a en fait aucune importance pratique ; seule compte l’ensemble de ses descriptions mathématiques. En effet, lors de l’analyse d’un phénomène (la traversée de la cour par un ballon de football), nous pouvons adopter les deux points de vue suivants. 1) La traversée de la dite cour par le ballon en question est un phénomène réel'' dont nous pouvons donner une quantité de descriptions mathématiques compatibles (il est possible de préciser cette notion de compatibilité des descriptions). 2) La traversée de la dite cour par le ballon en question est en fait définie par un ensemble (infini) de descriptions mathématiques compatibles. Peu importe que nous adoptions l'un ou l'autre de ces deux points de vue, car si un aspect d'un phénomène n'est pas mathématiquement modélisable, cet aspect relève -par définition- de la métaphysique et il n'est pas clair qu'on puisse y attribuer un sens (même si on a envie de croire sans comprendre). Il faut bien noter que l'exercice classique de méditation sur le thème de la chaise (Quelle est cette chaise? Quelle est sa fonction? Quelle est sa nature? Quelle est son histoire? etc.) est complètement modélisable en termes mathématiques... Pour nous, un phénomène est donc défini par l'ensemble de ses descriptions mathématiques. Du point de vue linguistique, on devrait peut-être distinguer en général le phénomène lui-même (concept assez flou) de sa description mathématique - ou plutôt, de ses descriptions mathématiques. On peut alors parler de modélisation du phénomène, mais il faut bien voir que c'est la modélisation elle-même qui rend le phénomène accessible à l'analyse. Le modèle mathématique, qu'il soit choisi consciemment (par un physicien, par exemple) ou inconsciemment (par exemple, par un spectateur du match) apporte avec lui son propre langage, c'est à dire les mots qui permettent à l'observateur de se poser des questions à propos du phénomène qu'il contemple. Chacun de ces mots est censé être susceptible d'une traduction mathématique précise dans un cadre formel -- que l'observateur ne défini pas nécessairement -- faute de quoi, les mots en question sont simplement vides de sens. Il faut bien être conscient du fait que la phrasemais que se passe - t - il vraiment ?’’ posée par le profane repose sur la croyance en une réalité objective, réalité qui, de notre point de vue, échappe à toute analyse scientifique.

Qu’en est-il donc de la distinction entre physique et mathématiques ? Pour nous, dire qu’une figure dessinée sur une feuille de papier est un triangle, c’est faire de la physique'': le triangle est une notion abstraite appartenant au monde des mathématiques, associer cette notion au dessin qu'on a sous les yeux est un travail de physicien. Dans un genre différent, supposons qu'on fabrique deschoses’’ avec un canon à électrons qu’est ce donc qu’un électron ? On peut dire que c’est une petite boule, on peut dire que c’est une fonction (complexe) —une onde !—, on peut dire que c’est une section d’un certain espace fibré vectoriel (un champ de Dirac'') ou que c'est un élément d'un module projectif de type fini sur une algèbre non nécessairement commutative  Toutes ces descriptions sont mathématiques et la première (la boule) est la plus simple du point de vue du bagage mathématique utilisé mais toutes ces descriptions sont égalementvraies’’ et apportent avec elles leur propre langage. Il y a des questions qu’on ne peut poser qu’après avoir choisi une certaine description. C’est ainsi que les mathématiques sont nécessaires à la description de ce que nous appelons les phénomènes naturels (conséquence immédiate : si vous avez des difficultés en physique, c’est que vous n’avez pas proprement assimilé les mathématiques nécessaires !). La physique consiste essentiellement à habiller le phénomène de notre choix avec des mathématiques appropriées et c’est cet habillage qui rend les choses accessibles au discours. C’est là quelque chose qu’il ne faut pas oublier mais il faut avouer qu’il est néanmoins commode de vivre en faisant comme si'' on croyait à l'existence d'une réalité objective! On pourrait aussi passer au cran supérieur et se demander si les mathématiques elles-mêmesexistent’’. Il n’est pas clair que la phrase ait un sens mais il est certain que, de la même façon qu’il est commode de croire en l’existence d’une réalité physique objective, il est également commode de croire en l’existence d’une réalité mathématique qu’il s’agit pour nous de découvrir (comme un explorateur dans la jungle ou comme un physicien expérimentateur). Les chapitres qui suivent présentent des concepts mathématiques. Indépendamment de la beauté ou de l’élégance intrinsèque des concepts en question, nous voulons attirer l’attention du lecteur (même s’il n’est pas physicien) sur le fait que ces concepts jouent un rôle majeur dans l’``habillage’’ contemporain des théories physiques, et que, dans de nombreux cas, ces concepts sont eux-mêmes issus de considérations relevant de la physique théorique."

Messages

  • En réaction à votre article, voici ce que je pense de la physique moderne abstraite reposant sur la mathématisation de ses concepts :

    La physique est devenue une science très mathématisée où des espaces abstraits ayant de nombreuses dimensions sont régis par des lois de symétrie et dont les théories générales sont parfois appréciées plus en fonction de leur beauté formelle que de leur capacité à représenter la réalité qui nous entoure.

    Les origines de la physique-mathématique moderne semblent remonter aux équations électromagnétiques de Maxwell dans la deuxième moitié des années 1800. Le calcul théorique, sur la base de ses équations, d’une onde se propageant à la vitesse de la lumière a amené le triomphe de cette physique-mathématique et le summum de la physique classique (avec son unification des forces de l’électricité et du magnétisme).

    Cela a précédé de quelques dizaines d’années le triomphe des équations abstraites de la relativité d’Einstein. La physique a alors quitté le monde classique des ondes se propageant dans un médium concret pour entrer dans un monde de particules lumineuses se propageant dans un espace mathématique abstrait reliant le temps et l’espace. Les relations de transformation entre l’espace et le temps sont formulées dans un langage mathématique et non pas comme une interaction concrète accessible par nos sens. L’espace-temps mathématique a ébranlé jusque dans ses fondements la physique classique et sa représentation concrète d’ondes dans le médium appelé éther.

    Le coup de grace à la physique classique et à ses représentations concrètes a cependant été donné par la physique quantique et sa délocalisation des particules. Car Einstein tenait aux notions classiques de particules localisées et de champs de forces agissant sur les particules (et à leur unification dans une théorie unitaire des champs). Les tenants de la physique quantique ont quant à eux dématérialisé les particules en montrant qu’en tant que corpuscules, on ne peut calculer simultanément toutes leurs propriétés et qu’on ne peut aussi calculer que leur probabilité de déplacement au lieu de calculer une trajectoire bien définie pour eux. Si Einstein avait rendu abstraite la relation entre l’espace et le temps en physique, Bohr et Heisenberg avaient eux rendu abstraites les particules elles-mêmes.

    La physique, au point de vue de sa théorie, est devenue ainsi très mathématisée et très détachée des représentations de notre monde quotidien. Et elle mystifie à un point tel le commun des mortels que des mystiques s’en réclame pour justifier leurs propres doctrines métaphysiques. Et quoiqu’en disent certains scientifiques offusqués de ce mariage d’idées, il faut convenir que la dématérialisation des ondes et des particules ressemble en apparence à la dématérialisation des âmes humaines. Mais il faut tout de même ajouter que les mystiques n’ont habituellement aucune compréhension de la méthode de vérification expérimentale très exigeante des physiciens et aucune préoccupation pour la très grande précision des résultats obtenus par eux.

    Je n’en pense pas moins que la physique moderne doit être « rematérialisée » et que pour cela il faudra resituer dans un nouveau contexte explicatif les équations de la relativité et les fonctions d’onde quantique.

    Ce texte est tiré de mon blogue quebecmutation

  • Merci beaucoup de ton message. Nos lecteurs auront grand plaisir à faire connaissance avec tes réflexions sur lesquelles nous reviendrons sûrement. Tout à fait dans le sens de ta réflexion, je pense que la solution est dans la connaissance de la réalité matérielle du "vide", c’est-à-dire dans la matérialité éphémère. La matière durable est en effet, comme la lumière, composés d’éphémères (particules virtuelles) ce qui permet le passage de l’un à l’autre des deux domaines autrefois opposés. La mathématisation pure n’est qu’une manière qu’a eu la physique de tenter de répondre aux questions posées notamment en quantique sans pénétrer ce domaine. Les durées très courtes, virtuelles, étaient alors inaccessibles et impensables ce qui n’est peut être plus le cas...

  •  Pourquoi le temps psychologique et le temps physique sont si différent ?
     Pourquoi, dans les lois fondamentales je peux inverser la flèche du temps mais pas dans la réalité ?
     Alors qu’il n’y a aucune différence entre matière et antimatière, nous ne voyons pas d’anti-étoiles, d’anti-galaxie, pourquoi l’anti-matière n’est pas stable ?
     Pourquoi le monde microscopique a t - il des lois si différentes du monde macroscopique que nous pouvons observer dans des cas très particuliers ?
    En mathématiques, continuité ou discontinuité du cardinal des ensembles infinis sont ensembles acceptables. Probablement continuité et discontinuité de l’espace temps sont simultanément acceptable. Discontinuité pour le monde microscopique, continuité pour le macroscopique.

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